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ÉDITORIAL

« OUI », le Québec doit garder ses villes fortes !
Signer les registres : « NON », mais merci !

Pendant cinq jours, du 16 au 20 mai 2004, les citoyens de toutes les villes à travers le Québec qui furent fusionnées en 2002 ont la possibilité d’aller signer des registres pouvant conduire à la tenue d’un référendum sur le territoire des anciennes municipalités. Dans un tel cas, les dits référendums seraient tous tenus le dimanche 20 juin 2004, à travers tout le Québec. Le prochain mois sera donc crucial, surtout pour l’avenir de la nouvelle Ville de Montréal et de la nouvelle Ville de Québec, telles qu’elles se développent depuis leur naissance le 1er janvier 2002, et incidemment pour l’avenir de tout le Québec. Car le Québec en entier a besoin de garder ses villes fortes pour affronter l’avenir, l’avenir d’ici et l’avenir du monde entier ! Mais ce Québec de 7,4 millions d’habitants se devait de se les donner avec le consentement de sa population. Nous vivons dans les années 2000 !

Pour que les « fusions forcées » deviennent des « fusions acceptées », il faut donc d’abord dire merci au premier ministre Jean Charest et son équipe, pour son courage politique, qui a maintenu le cap et mis la démocratie au dessus de tout. Le processus aura encouragé une réelle réflexion, un processus d’adhésion et de participation. La démocratie fonctionne au Québec. Signer les registres : pour nous c’est non ! Et nous vous dirons ici pourquoi. Mais merci de les offrir. De savoir que la démocratie d’un Québec moderne et hautement instruit m’accorde la possibilité et le droit de m’exprimer me réconforte, et pour cette fois, me suffit.

Car mon choix pour l’avenir ne me demande pas de me déplacer pour signer ces registres sur l’avenir des villes. Telles qu’elles sont actuellement, les nouvelles grandes villes du Québec n’en imposent même pas face à des rivales ! Quand Montréal International engage une entreprise comme E&B Data pour lui bâtir des indicateurs de performance, les 15 autres villes avec qui Montréal se retrouve en comparaison sont toutes plus imposantes qu’elle (exception faite d’Ottawa-Gatineau). Comment peut-on espérer améliorer son « bien être citoyen » en regardant en arrière ?

Voulant ouvrir davantage le Canada sur le monde, le premier ministre Paul Martin a même involontairement donné un noble argument de plus en faveur du maintien de villes fortes à travers le Québec en parlant de l’avenir de la politique étrangère du pays devant plus de 700 personnes, à Montréal, le 10 mai dernier : « Corps Canada, c’est mettre à la disposition des pays dans le besoin les talents et les valeurs de Canadiens qui veulent aider ces pays à bâtir leurs institutions et solidifier leurs fibres nationales (…) Dans cet esprit, Corps Canada contribuera à créer des synergies entre les multiples organismes, publics et privés, qui oeuvrent dans le domaine du développement. Il rassemblera des Canadiens de tous âges qui sont prêts à contribuer au développement institutionnel. On compte, bien entendu sur la coopération du secteur privé et de la société civile en plus des institutions fédérales et on compte aussi sur la coopération des provinces et des villes ». Et des villes, a-t-il bien précisé !

Pensait-il aux capacités d’une petite ville reconstituée telle Sillery ? Quelle ressource cette ville consacrerait à permettre à ses jeunes citoyens de partir découvrir le monde et, surtout, décider de construire un monde meilleur ? Dans une ville de Sillery reconstituée, il ne serait même pas rationnel d’imaginer seulement l’existence d’un fonctionnaire municipal dédié à l’organisation de stages pour les jeunes dans les villes jumelées avec Sillery. Et de toute manière, connaissez-vous des jeunes qui rêvent d’un stage international de quatre mois à Sillery en France ?

LA « MINISTRE » DE SILLERY

À Québec, la présidente du caucus des députés libéraux de la région de la capitale, la député Margaret Delisle, fait la une des quotidiens de la ville du vendredi 14 mai, parce qu’elle invite les gens de l’ancienne ville où elle fut d’ailleurs Madame le maire dans une vie politique antérieure, à signer les registres. Celle que plusieurs analystes ont fait « ministrable » au sein du cabinet de Jean Charest, mais qui attend un tour qui tarde à venir, se préparerait-elle un avenir à sa mesure ?

Ne nions pas l’évidence, la large majorité des « défusionnistes » ont un âge qui rime avec nostalgie et accordons leur qu’il est compréhensible de préférer terminer sa vie dans la ville où on avait choisi de la construire à l’origine. La jeunesse du Québec a une toute autre perspective et c’est surtout à elle qu’il faut penser avant de faire son choix avant d’aller signer les fameux registres.

Les villes actuelles, plus fortes, sont pour eux garantes d’un avenir meilleur. Comment le dire mieux que Fanny Tremblay-Racicot (courrier du lecteur, Le Soleil, 14 mai 2004):

« (…) Aussi, les jeunes bénéficieront des avantages relié aux effets de l’accroissement du rayonnement international. Les jumelages intermunicipaux ainsi que la représentation accrue de la Ville de Québec auront comme répercussion immédiate un apport supplémentaire de capitaux étrangers, l’apparition d’emplois dans de nouveaux secteurs et un accroissement de la tenue d’événements internationaux. (…) Si l’on adopte une vision idéale, on pourrait imaginer la mise en œuvre d’un réel programme d’accueil et d’intégration des immigrants. Québec pourrait ainsi devenir un modèle d’ouverture et de rétention. Une vraie capitale internationale, paisible. Merci à tous ceux qui nous permettront de conserver notre ville. Ne signez pas les registres. »
 

Daniel Allard
Éditeur et rédacteur en chef

Fait à Québec le 15 mai 2004
 

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