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Le marché de l’eau : pourquoi Sabia a choisi Suez ?

Nous vous l’avons expliqué dans un article antérieur : l’industrie de l’eau dans le monde est justement perçue comme un milieu oligopolistique, avec ses deux géants que sont Veolia (Vivendi) et Suez. Autant dans le marché de la distribution, que dans les marchés de l’assainissement ou du traitement. Alors pourquoi le grand patron de la Caisse de dépôt et placement du Québec Michael Sabia a choisi Suez ? La question se pose, alors que vient d’être annoncé le rachat, par ce duo, de GE Water pour quelque 4,5 milliards $CAN (3,2 milliards d’euros)…

Le CDPQ, organisme d’État bas de laine des Québécois, allongera ainsi plus de 700 millions $US (environ 944 M $CAN) pour une participation de 30%. Mais il choisit aussi de s’associer au numéro 2 de l’industrie mondiale du secteur.

Pour bien mesurer de qui et quoi l’on parle, prenons un petit recul. Disons 5 ans! Il y a cinq ans, le chiffre d’affaires de Veolia Environnement fut le double de celui de Suez.

Veolia Environnement 
Chiffre d’affaires 2012 : 29,4 milliards d’euros
(eau, déchets, énergie : 310 000 collaborateurs en excluant Transdev)

Suez Environnement
Chiffre d’affaires 2012 : 15,1 milliards d’euros
(eau et déchets : 80 410 collaborateurs)

Veolia détient 38%
du marché de la distribution d’eau potable en France,
contre 20% pour Suez

À la même époque, Veolia détient d’ailleurs environ 38% du marché de la distribution d’eau potable en France, contre 20% pour Suez Environnement. Si SAUR (Société d’aménagement urbain et rural) – fondée en 1933 pour ensuite devenir une filiale du groupe Bouygues – est avec 10% du marché le numéro 3 du domaine : chiffre d’affaires de 2,4 milliards d’euros en 2000, c’est manifestement Veolia (ex-Vivendi et Générale des Eaux) qui occupe historiquement la tête, et Suez le second rand.

Or, pas trop longtemps plus tard, précisément le 20 février 2014, la Bourse de Paris vécu un moment historique, alors que la capitalisation boursière de Suez dépassa celle de Veolia (7,1 milliards, contre 6,9 milliards d’euros), ce bien que le premier dégageait deux fois moins de chiffre d’affaires que son concurrent leader historique.

« Si Veolia est toujours miné par une lutte intestine au sein de son conseil d’administration, mais aussi par la négociation de son plan de départs dans sa division d’eau en France, Suez se dit aujourd’hui correctement configuré pour profiter du retour progressif de la croissance en Europe, qui reste son premier marché avec 71% de son chiffre d’affaires, dont 36% rien qu’en France », expliquaient alors les analystes.

Un secteur en profond changement

Les dernières années ont par ailleurs imposé aux deux grands leaders de profonds changements de leurs modèles traditionnels. La concurrence, autant que la tendance à la reprise par le secteur public de la gestion de la ressource, imposent des bouleversements. Et les deux opérateurs historiques n’ont pas d’autre choix que de « réinventer » leurs métiers. Ce qui passe, selon les analystes encore, par « la création de nouveaux modèles de codécision, de prestations de conseils, etc., mais aussi par la conquête de la clientèle industrielle ».

Et l’avantage semble ici du côté de Suez.

Veolia, qui a longtemps opté dans son développement pour une stratégie offensive à base de grosses acquisitions, se trouve contrainte au « recentrage stratégique » pour éponger sa dette et assurer la rentabilité. Une stratégie préalablement adoptée par Suez Environnement, depuis une bonne dizaine d’années.

À l’aise depuis longtemps dans son fauteuil, son dg Jean-Louis Chaussade avait choisi de privilégier les acquisitions ciblées (sauf lors du rachat en 2010 de l’espagnol Agbar) avec pour recette de préserver la rentabilité et ne pas être présent à tout prix sur l’ensemble des marchés, mais de cibler les plus prometteurs.

Suez Environnement s’honore donc d’avoir mis en place un modèle équilibré entre ses activités eau et déchets, mais aussi entre la France, l’Europe et le marché mondial).

Selon les experts, « les prestataires de services à l’environnement qui réussiront à être les plus agiles pourraient être les gagnants de demain ». Par exemple – encore SAUR – si ce numéro trois français de la gestion de l’eau parvenait à trouver une solution à son endettement qui frisait le 2 milliards d’euros, pour un chiffre d’affaire de 1,7 milliard d’euros en 2012, elle pouvait avoir une carte à jouer dans cette reconfiguration du secteur de l’eau.

Le Groupe Veolia, possédant notamment la Générale des Eaux, avait mis la main en 1999 sur le premier fournisseur américain de services d’eau, U.S. Filter, payé alors 6,2 milliards $US.

En 2017, Suez (70%) et la CDPQ (30%) débourseront pour GE Water une somme beaucoup moins imposante, soit 3,2 milliards d’euros. Cette filiale du géant General Electric spécialisée dans la gestion et aussi le traitement de l’eau compte plus de 7 500 employés. Présente dans 130 pays, GE Water se spécialise dans la fourniture d’équipements, de produits chimiques et de services pour le traitement des eaux usées. Mais GE Water est aussi un leader mondial de la gestion et du traitement de l’eau industrielle.

Le marché l’eau industrielle

Le marché mondial de l’eau industrielle est estimé à 95 milliards d’euros. Globalement, les consommateurs industriels sont responsables d’environ 20% de la consommation mondiale d’eau.

« GE Water a bâti une activité de premier plan avec des revenus récurrents et une clientèle de qualité et diversifiée. Cet investissement s’inscrit dans la vision à long terme de la Caisse et dans sa stratégie de développement d’actifs stables, ancrés dans l’économie réelle, aux côtés d’opérateurs de classe mondiale tels que Suez. »

— Michael Sabia, président de la Caisse de dépôt et placement du Québec

La CDPQ a aussi indiqué qu’elle souhaitait « accroître son exposition au secteur de l’eau puisque, à long terme, elle anticipe que la demande d’équipements, de produits chimiques et de services pour le traitement des eaux devrait demeurer forte ».

Cette transaction « (…) accélère la mise en oeuvre de la stratégie de Suez en renforçant sa position sur le marché très prometteur et en forte croissance de l’eau industrielle », a spécifiquement commenté le grand patron, Jean-Louis Chaussade.

Suez estime de plus que cette acquisition lui permettra de réaliser « d’importantes synergies au chapitre de ses dépenses et de ses revenus sur cinq ans ». En 2016, avec plus de 82 000 employés, Suez a généré un chiffre d’affaires de 15,3 milliards d’euros (21,8 milliards $CAN) en plus d’afficher un résultat net de 420 millions d’euros. Elle affirme alimenter à l’heure actuelle quelque 92 millions de personnes en eau potable.

Début 2017, l’actif net de la CDPQ s’élevait à 270,7 milliards $CAN. Un nouveau partenaire-bailleur que Suez saura certainement bien apprécier.

Pour GE Water, la clôture de la transaction doit encore obtenir l’aval des autorités à Washington, ainsi que de l’Union européenne. Prévue à l’été, sa confirmation impliquera que les activités seront regroupées au sein d’une nouvelle unité d’affaires au sein de Suez.

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CAE ne se trompe pas : la croissance des dépenses militaires est « une tendance lourde »

Spécialiste mondiale des simulateurs de vol et de la formation, la société montréalaise CAE s’attend à ce que les dépenses militaires dans le monde entier poursuivent leur croissance. « Nous sommes dans une situation unique que nous n’avons pas vue depuis la guerre froide », a lancé son président et chef de la direction, Marc Parent, début 2017, autour du dévoilement des résultats du troisième trimestre de cette société qui est cotée à la Bourse de Toronto; période au cours de laquelle elle a par ailleurs dépassé les attentes. COMMERCE MONDE a voulu valider le tout, en demandant l’avis d’un spécialiste, cette fois de la géopolitique. Donc : analyse, avec Dominique Gautier, associé principal au bureau de Montréal de la firme-conseil internationale Roland Berger.

« Conséquence de l’instabilité croissante et de l’obsession sécuritaire des nations, une reprise à la hausse des dépenses militaires à l’échelle mondiale semble inévitable. Selon le taux de croissance appréhendé des budgets des grandes puissances militaires, les dépenses à l’horizon 2025 devraient friser les 2 000 milliards US$ », analyse globalement Dominique Gautier.

Il faut savoir que selon le dernier rapport annuel Military Balance de l’International Institute for Strategic Studies, les dépenses militaires mondiales se sont élevées à 1 500 milliards $US en 2016. Les États-Unis demeurant – sans trop de surprise – en tête avec des dépenses de 600 G$, suivis par la Chine à 145 G$, la Russie à 58,9 G$, l’Arabie Saoudite à 56,9 G$ et le Royaume-Uni à 52,5 G$.

Juste à titre comparatif, le budget du Canada en matière de défense est de l’ordre de 15 milliards $.

« Si ces chiffres peuvent donner le vertige, il n’en reste pas moins que, depuis le début des années 1990, ces dépenses n’ont cessé de décroître : elles sont passées de 3,4 à 2,3% du PIB mondial. La nouvelle stratégie Light Footprint de l’administration Obama a en effet permis de réduire significativement la voilure après les coûteuses guerres en Irak et en Afghanistan. Ce recul historique doit cependant être contrasté. Les États-Unis et l’UE ont effectivement réduit leurs dépenses de 1 à 2% environ, mais certaines régions du monde ont légèrement accru les leurs, notamment le monde arabe et l’Asie du Sud-Est », poursuit-il.

Mais c’est le contexte immédiat qui ramène le sujet des dépenses militaires dans le débat. Les promesses du nouveau président en poste à la Maison-Blanche augurent des changements de tons et de gestes.

« Le gouvernement Trump a fait du rapport de force le levier clé de sa politique étrangère et annoncé le renforcement de l’armée américaine, même si de nombreuses voix appellent à accroître l’efficacité du Pentagone. Le nouveau président a récemment laissé entendre qu’il désirait hausser le budget de la Défense de 54 milliards $US, grâce notamment à des compressions massives dans plusieurs agences fédérales », confirme effectivement M. Gautier.

Mais il faut aussi aller plus loin dans le tour de la question. Notamment avec le portrait européen de la chose et l’avenir de l’OTAN particulièrement.

« En Europe, le réarmement s’avère sans doute incontournable. Les Européens ont, en effet, diminué dramatiquement leurs capacités d’intervention depuis 15 ans au sein de l’OTAN et n’ont désormais d’autres choix que de se substituer au retrait programmé du bouclier de l’Oncle Sam », précise Dominique Gautier.

Mais paradoxalement, « le Brexit fournit l’occasion de réétudier une coopération militaire européenne dont les Britanniques ne voulaient pas », poursuit-il d’emblée.

L’Europe et la Chine

Le budget militaire de l’UE à 27 est comparable à celui de la Chine; et la France, l’Allemagne et l’Italie y pèsent pour les deux tiers. Si les pays européens membres de l’OTAN respectaient leurs engagements de dépenser 2% de leur PIB respectif au titre du financement de leur sécurité, ils y ajouteraient environ 57 milliards $, soit l’équivalent du budget militaire de l’Arabie Saoudite.

L’effort militaire chinois ne devrait pas ralentir. La Chine a vu ses dépenses militaires augmenter de 15% par an de 2008 à 2015, et de 7% entre 2015 et 2016. Ses capacités de recherche se sont significativement accrues, notamment avec la mise au point de l’avion de combat J-20, de missiles courte portée (PL 10) et d’un missile air-air unique d’une portée de 300 km. Les autorités chinoises vont désormais pousser leurs forces armées à s’engager sur les théâtres de conflit pour les mettre à l’épreuve du feu.

(Source : analyse de la société-conseil Roland Berger)

RAREMENT DE RÉPIT AVEC LE MOYEN-ORIENT

Au surplus, la croissance des dépenses militaires redevient d’autant « une tendance lourde » du fait que rien ne semble véritablement donner du répit sur la scène régionale du Moyen-Orient, site des plus grands dangers des dernières décennies. Et surtout site de guerres ouvertes (Guerre du Golf 1 et 2) et actuel bourbier en Irak et en Syrie. Sans devoir oublier en plus la question hyper sensible du nucléaire militaire avec l’Iran et la donne palestinienne.

« Enfin, la géopolitique du Moyen-Orient reste très incertaine en raison de nombreux conflits frontaliers, ethniques et religieux. Cette région du monde dépense chaque année plus de 150 milliards $ ; les pays les plus dépensiers sont l’Arabie saoudite, Israël, la Turquie, l’Irak et les Émirats arabes unis », d’analyser encore Dominique Gautier, pour finir son petit tour du monde en arme.

Alors la conclusion n’est pas très surprenante :

« Toutes les industries devraient profiter de cette manne, et en particulier les industries aéronautique, aérospatiale et navale de défense. Selon nos prévisions, les dépenses dans le secteur de l’aéronautique et de l’aérospatiale militaire devraient progresser de 180 milliards $ en 2016 à 275 milliards $ en 2025, principalement dans l’analyse de données et les drones (+70%), la cyber sécurité (+50%), les solutions sécurisées (+45%), le renseignement (+35%) et l’aérospatiale (+25%).

L’industrie canadienne dispose de quelques fleurons dans l’aéronautique (Bombardier et CAE en particulier) qui pourraient tirer profit directement ou indirectement de cette tendance lourde, à condition de collaborer efficacement avec d’autres secteurs et notamment celui de l’intelligence artificielle qui figure en première ligne, notamment au Québec. »

Dominique Gautier, associé principal au bureau de Montréal de la firme-conseil internationale Roland Berger.

« Aux pouvoirs publics de fournir le coup de pouce décisif, en favorisant les passerelles entre les différentes grappes industrielles concernées », rappellera et conseillera-t-il en fin d’analyse, montrant bien que l’industrie militaire reste toujours sur le radar des gouvernements de ce bas monde.

 

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Indépendance du Fleuve St-Laurent : un projet rentable de 5 milliards $

La Voie Maritime du St-Laurent est une œuvre inachevée, et compléter le travail permettrait notamment de rendre indépendante la gestion des niveaux des eaux d’avec les débits et les périodes de crue. Une option que les changements climatiques annoncés transformeront probablement en nécessité…

Bien peu de gens en Amérique savent de nos jours qu’un projet au niveau de Sarnia – d’ailleurs « hautement recommandé » par le US Corps of Engineers – lors des études d’origine de la Voie Maritime du St-Laurent, au début des années 1950, devait être compris dans l’ensemble des ouvrages prévus. En se reportant à l’époque, on peut présumer que l’étape Sarnia fut finalement reportée à cause de l’abondance et de la faible valeur de l’eau potable en ce temps-là.

Mais le reste du XXe siècle aura vu le niveau des eaux des lacs Michigan et Huron se retrouver souvent à 60 centimètres sous sa normale historique. Quand le changement climatique nous tient… Les experts en changements climatiques anticipent d’ailleurs une réduction de 20 à 30% des apports hydriques au niveau des Grands Lacs dans le prochain siècle.

Voie Maritime du St-Laurent (Wikipédia)

Plus directement au Québec, l’exploitation de la Voie Maritime est déjà souvent critique, de même que l’approvisionnement en eau potable des populations. Des aspects auxquels on doit ajouter la préoccupation de l’état de 18 000 kilomètres de rives et de quelque 1 200 kilomètres carrés de milieux humides.

Géo-morphologiquement, l’ensemble du bassin du Saint-Laurent constitue une cascade de 8 réservoirs. Et la moitié amont de ceux-ci est déjà contrôlée par des ouvrages. Jusqu’à maintenant, la gestion des niveaux des eaux dans les différentes parties du bassin s’est faite par les seuls ouvrages de Sault Ste-Marie, Welland-Niagara, Cornwall et Beauharnois.

Actuellement,
la cascade de 8
sous-bassins, lacs ou réservoirs,
couvre depuis l’amont le Lac Supérieur,
géré par les ouvrages de Sault Ste-Marie,
et l’ensemble
des lacs Michigan et Huron,
en situation critique
d’assèchement;
plus à l’aval,
les lacs Érié, Ontario, Saint-François
sont contrôlés par des ouvrages
à Welland–Niagara,
Cornwall
et Beauharnois-Valleyfield.

L’ingénieur émérite F Pierre Gingras, jugeant ce contrôle partiel de plus en plus insuffisant, pense que: « Ajouter les 4 derniers ouvrages requis pour gérer indépendamment les niveaux des débits s’avérerait être la solution pour parer à ces impacts des changements climatiques anticipés ».

Ce retraité d’Hydro-Québec, toujours membre de l’Académie Canadienne du Génie et de l’Association des Ingénieurs Séniors du Canada est même en mesure de complètement documenter cette option.

Et devant l’effet d’assèchement pouvant atteindre, selon les experts, en un siècle une proportion de 20 à 30% des apports au niveau de la région des Grands Lacs (Environnement Canada évalue cette réduction des apports à 24%), il propose même un échéancier et ses évaluations de coûts pour les 4 derniers ouvrages requis: de Sarnia à… Portneuf. Oui, Portneuf ! Donc jusqu’à tout proche de la ville de Québec.

À ses yeux, il devient « évident que les quantités d’eau occasionnellement relâchées (…) dans le seul but de maintenir le niveau des eaux sont de moins en moins disponibles (…) Enfin, il est déjà devenu discutable que simultanément on laisse se gaspiller les importants volumes d’eau des crues à cause de l’absence d’ouvrages de contrôle ».

Solution :
rendre désormais indépendante
la gestion des niveaux d’eau
de celle des débits.

Une solution de quelque 5 milliards $ nécessitant de compléter la série d’ouvrages permettant de gérer les débits et les niveaux de la totalité des huit plans d’eau du bassin du St-Laurent, soit une alternative jamais réellement envisagée, ou du moins proposée, jusqu’à maintenant.

PROJET DE GESTION DES EAUX DU FLEUVE ST-LAURENT

En disposant d’un ouvrage de contrôle des eaux pour chacun des huit plans d’eau du bassin versant du fleuve Saint-Laurent, on s’assurerait de pouvoir rencontrer les objectifs suivants :

  1. Retenir et mettre à profit les eaux de crues.
  2. Assurer la disponibilité d’eau potable pour une population de 200 millions de personnes.
  3. Sauvegarder l’environnement de 18 000 kilomètres de rives.
  4. Sauvegarder plus de 1 200 kilomètres carrés de précieux milieux humides, notamment dans la Baie Georgienne et au Lac St-Pierre.
  5. Assurer la pérennité de la Voie Maritime.
  6. Ouvrir le Port de Montréal à des navires de grande capacité, possiblement de 75 à 100 000 tonnes de capacité.
  7. Maintenir les niveaux optimum d’exploitation des centrales hydroélectriques et en accentuer la productivité aux périodes de fortes demandes et ce, en y ajoutant une réserve d’eau de 40 kilomètres cubes sur les lacs Michigan et Huron pour une production d’énergie additionnelle de quelques 11.3 TWh/an.
  8. Créer trois liens inter-rives stratégiques, sur ces nouveaux ouvrages.
  9. Autofinancer le projet avec la production d’énergie additionnelle, puis engendrer des revenus stables et importants, une fois le niveau des lacs Michigan et Huron corrigés.

La réalisation d’ouvrages de contrôle est proposée pour gérer d’abord les niveaux des eaux et les débits des importants lacs Michigan et Huron. Plus à l’aval, au Québec, il faudrait également gérer les eaux aux Rapides de Lachine afin de préserver le niveau du lac Saint-Louis, puis au droit de Terre des Hommes pour l’environnement du Bassin La Prairie. Enfin, des ouvrages sont aussi requis au droit de Sorel et à celui de Portneuf, afin de sauvegarder l’environnement de toute cette portion de 250 kilomètres du Fleuve Saint-Laurent située entre les villes de Montréal et de Québec.

PRODUCTION D’ÉNERGIE

L’ouvrage de Sarnia rendrait possible la mise en réserve des eaux des crues du printemps et de l’automne de la rivière St-Clair, face à Sarnia. À cet endroit, avec un débit moyen de 4 800 m3/s l’apport d’eau annuel est de quelques 160 km3 d’eau, dont une proportion de 40 à 50% ou 80 km3 s’écoulent lors des crues. Mettre 50% des apports des crues en réserve représente un volume d’eau de l’ordre de 40 à 45 km3, ce qui correspond à un marnage de 35 cm sur l’ensemble des lacs Michigan et Huron, volume d’eau actuellement perdu.

Cette nouvelle réserve utile permettrait d’augmenter le turbinage dans les périodes de forte demande en énergie, une fois rétabli le niveau des lacs Michigan et Huron en quelques années. La quantité d’énergie qui serait ainsi mise en réserve est de l’ordre de 11.3 TWh/an, soit l’équivalent de la production de deux nouvelles centrales nucléaires de 15 milliards de dollars chacune en seuls coûts de construction.

Enfin, ce même volume d’eau actuellement perdu pourrait déjà répondre aux besoins d’une population de 130 millions de personnes. La valeur de cette énergie, soit de 8 ¢/KWh au Québec et pouvant atteindre jusqu’à 18 ¢/KWh ou plus en Ontario, est déjà de l’ordre de 2,4 milliards de dollars, compte tenu de ce bloc annuel additionnel d’énergie de 11.3 TWH.

(Source : Étude de P Gingras, 2016)

OUVRAGES REQUIS

L’étude conceptuelle de tous les sites (Sarnia, Rapides de Lachine, Sorel et Portneuf) laisse entrevoir qu’il est techniquement et économiquement faisable de réaliser ces ouvrages de contrôle en dépit de l’envergure du fleuve Saint-Laurent. On optimisera davantage encore en phase projet certains aspects tels le passage des glaces et l’accommodement de la faune pour laquelle les multiples mesures nécessaires et les argents sont déjà prévues dans le rapport qu’a réalisé M. Gingras.

De Montréal à Québec, la bathymétrie du fleuve Saint-Laurent – tout de même d’une largeur de 2,5 à 3 km aux sites des ouvrages – ici présente cependant l’immense avantage d’un lit d’à peine quelques mètres de profondeur (à l’exception d’un canal profond d’une douzaine de mètres et large de 500 à 700 mètres dragué pour la Voie Maritime). Les ouvrages proposés visent à sauvegarder les niveaux d’eau historiques et, par conséquent, les retenues proposées sont d’une hauteur de l’ordre de un à trois mètres, hauteur à laquelle s’ajoute la revanche des ouvrages, pour une hauteur totale hors de l’eau de l’ordre de 3 à 6 mètres.

PROJET SARNIA

Une fois sous contrôle, les lacs Huron et Michigan qui totalisent une superficie de 114 000 kilomètres carrés permettraient facilement de gérer la totalité des volumes d’eaux des crues. L’abaissement actuel croissant des lacs Michigan et Huron, de 60 cm, et anticipé à long terme par les experts en changements climatiques de possiblement jusqu’à 1,5 m, constitue une catastrophe écologique, communautaire et économique qui s’étend de Chicago à la Baie Georgienne !

Or, une retenue de 30 cm suffirait pour gérer efficacement une réserve d’eau de 40 km3, soit l’équivalent d’un énorme débit régulier de 1 250 m3/s.

Le projet présente plusieurs caractéristiques particulières, à savoir que :

  1. Les structures reposent sur une épaisseur de 20 à 30 mètres d’argile dure.
  2. La hauteur de chute de moins d’un mètre permet l’érection de structures légères.
  3. L’ouvrage n’a pas à être parfaitement étanche.

La construction d’un évacuateur de 6 000 MCS de capacité impose une structure de 1,7 kilomètre de longueur, équipée de vannes gonflables. L’écluse comprend deux passages de 25 m par 250 m de longueur, ainsi que deux murs d’amarrage de 500 mètres en amont et en aval. Elle est implantée du côté ouest du canal de navigation.

Il pourrait être possible de faire l’étude d’avant-projet en 2018, la conception finale et l’étude environnementale en 2019 et 2020, dans le but d’obtenir l’approbation finale du projet d’ici la fin de l’année 2021. Le projet serait mis en service en avril 2025, après trois années de construction.

Le coût du projet est évalué à 590 M$ à la fin de l’année 2025, incluant une réserve exceptionnelle pour contingences de 30%.

PROJET RAPIDES DE LACHINE

Une réduction des débits anticipée de l’ordre de 20 à 30 % aurait possiblement pour effet d’assécher le Lac Saint-Louis de l’ordre de 1,5 mètre; ce qui serait désastreux puisque sa profondeur moyenne est de l’ordre de 2 à 5 mètres. Pour sauvegarder le niveau naturel du Lac Saint-Louis à son élévation normale de 21,18 mètres et en protéger les rives de Beauharnois jusqu’à Dorval et Kanawake, la construction d’un seuil déversant est proposée à environ 2 km à l’aval du pont Mercier, là où la dénivellation de deux mètres est suffisante pour déverser le débit normal du fleuve. Un pont permanent est requis pour construire et desservir les ouvrages, ledit pont pourrait ensuite être ouvert au public et être complété vers la Rive Sud, soulageant d’autant le pont Mercier.

Un important canal de fuite sera nécessaire pour l’opération de l’évacuateur. Long de 5 kilomètres et large de 125 mètres, son volume d’excavation de 9,5 millions de mètres cubes permettra de rehausser et d’aménager la rive de la digue de la Voie Maritime. Cette rive de 25 kilomètres de longueur pourrait ensuite recevoir un développement urbain pour plusieurs centaines de milliers de personnes tout au long du fleuve, de Kanawake jusqu’au pont Victoria.

En débutant les études en 2018, le projet pourrait être autorisé à la fin de l’année 2021. L’évacuateur et son canal serait complété en trois années, à la fin de l’année 2024. Le seuil serait alors construit en deux années, pour décembre 2026.

L’estimation des coûts de ce projet s’élève à 861 M$ à la fin des travaux prévue en 2026, incluant 94 M$ à titre de réserve pour imprévus, soit 20 % et un montant de 419 M$ est dépensé en chantier.

LE PROJET DU BASSIN DE
LA PRAIRIE

Un seuil déversant et des évacuateurs pourraient théoriquement être réalisés face à Habitat-67 pour sauvegarder le niveau du bassin de La Prairie. La dénivelée n’y serait plus que de l’ordre de un mètre. D’autres alternatives se doivent également d’être étudiées, dont un rehaussement de ce bassin La Prairie  à l’élévation 12,6 mètres, niveau de la Voie Maritime, afin de pouvoir ouvrir la digue de la Voie Maritime et à donner accès aux communautés fluviales de la rive sud de Montréal.

Pour l’instant, les ouvrages du bassin La Prairie ne sont pas inclus dans l’ensemble, puisqu’ils ne semblent ni justifiables, ni indispensables, aux objectifs du projet. D’ailleurs, aucune des rives du bassin La Prairie n’est dans son état naturel.

(Source : Étude de P Gingras, 2016)

PROJET SOREL-BERTHIER

Les mêmes critères de conception appliqués pour l’ouvrage de Portneuf s’appliquent pour ce barrage de 2,4 kilomètres de longueur intégrant une seconde écluse de mêmes dimensions. Les structures de béton sont implantées sur les haut fonds afin de réduire les batardeaux au strict minimum, alors que les déblais sont immédiatement réutilisés pour la construction des barrages. Le niveau du bief amont serait fixé approximativement au niveau des crues extrêmes, soit à l’élévation 9 mètres, élévation ajustable aux besoins saisonniers de l’environnement. Encore une fois, on évite ainsi tout ennoiement des rives. Une écluse de 350 m par 40 m de largeur et de 14 m de profondeur est incorporée au centre des ouvrages.

Une route de crête de quatre voies y relie l’Autoroute 30, située à 500 mètres à l’est, à l’Autoroute 40, située à 3 kilomètres du côté ouest, faisant de Sorel un nouveau nœud routier important.

Les deux  traversiers actuellement en service ne seraient plus requis.

La planification du projet présume que les études débutent en janvier 2018 et que le projet est autorisé pour la fin de l’année 2022. Ainsi, l’évacuateur nord est complété pour le printemps 2026, ce qui permet de dériver une partie suffisante des eaux afin de réaliser l’évacuateur sud (Sorel). Le coût est évalué à 1 103 M$ pour une mise en service en 2028, ou à 759 M$ de 2016 en coût actualisés à 2018, lorsque l’on ignore les effets de l’inflation et les coûts de financement du projet pendant sa construction. Ce coût de 759 M$ comprend une réserve pour imprévus de 20% et des dépenses en chantier de 535 M$.

PROJET PORTNEUF–DESCHAMBAULT

Dernier ouvrage de l’escalier d’aménagement du bassin du Saint-Laurent, l’ouvrage de Portneuf serait implanté à environ 1,5 kilomètre à l’amont du village de ce nom, avec une retenue correspondant au niveau maximum de la marée, donc, sans ennoiement des rives. Avec cet ouvrage, on assure la sauvegarde des milieux humides du Lac Saint-Pierre, les plus importants de toute la vallée du Saint-Laurent. Ce projet empêcherait éventuellement le risque de pénétration du fleuve Saint-Laurent par les eaux salées causée par le rehaussement des mers.

De 3,2 kilomètres de longueur, il comprend deux évacuateurs pour un ensemble de 30 passes, pour une capacité de déversement de 27 000 m3/s. Une écluse de 350 m par 40 m et de 14 m de profondeur est incorporée aux ouvrages en rive gauche. Le volume total de béton de ce projet est de 400 000 mètres cubes. Une route de crête peut facilement être ajoutée pour joindre les deux rives. L’excédent des déblais disponibles permettrait facilement d’ajouter un kilomètre de quai à proximité immédiate de l’aluminerie de Deschambault.

En débutant les premières études dans les premiers mois de l’année 2018, le projet devrait pouvoir recevoir les autorisations finales en fin de l’année 2022. Ainsi, l’évacuateur nord pourrait être construit en 39 mois, pour l’automne 2025, l’évacuateur sud et l’écluse pourraient être complétés pour la fin de l’année 2027, 24 mois plus tard alors que le barrage principal serait terminé à l’automne 2028. Coût du projet : 1 269 M$, incluant un coût de financement de 335 M$ (6.3 %), une réserve pour inflation de 151 M$ (1.9 %) et une réserve pour imprévus de 20 %. Les dépenses en chantier s’élèvent à 544 M$.

 *  *  *

Au final : « On cesserait de ‘’gaspiller’’ régulièrement les faibles volumes d’eau en réserve dans les lacs Ontario et Supérieur dans le seul but d’assurer momentanément un niveau d’eau à l’aval et ce, tout en tirant désormais profit chacune des gouttes disponibles », globalise aussi l’ingénieur qui en a vu bien d’autres.

Aussi, l’effet de drainage et d’érosion du fond du fleuve découlant en partie de l’excavation de la Voie Maritime seraient presque éliminés, par ce nouveau contrôle des niveaux et des débits. Ce qui entraînerait d’importantes économies d’entretien de la Voie Maritime, alors moins exposée à l’érosion de courants devenus alors plus lents.

L’étude entreprise par F Pierre Gingras met par ailleurs en évidence « la qualité de la conception originale de la Voie Maritime du Saint-Laurent », puisqu’il s’avère relativement facile, 60 ans plus tard, d’en compléter les ouvrages pour répondre à la fois « aux exigences les plus récentes concernant la protection et la mise en valeur de l’environnement, à l’exploitation optimale de la ressource eau et à ces nouvelles opportunités de développer la navigation ».

Enfin, avec une telle gestion indépendante des niveaux et des débits, les besoins futurs en eau des populations de tout le bassin du Saint-Laurent pourraient être satisfaits à même ce bassin. Et à condition d’utiliser efficacement chaque goutte d’eau, surtout en ce qui concerne les volumes d’eau des crues, « on disposerait de plus d’eau que nécessaire pour compenser les effets d’assèchement des changements climatiques », assure l’auteur, qui voit aussi son projet rentable et durable, indépendamment des effets des changements climatiques.

« Comparé aux retombées environnementales et économiques du projet, un investissement de cinq milliards de dollars, récupérable d’ailleurs en quelques années avec la seule production additionnelle d’énergie électrique, incite à ce que la réalisation de ce projet de contrôle efficace des eaux de l’ensemble du bassin versant du fleuve Saint-Laurent soit recommandée pour étude de faisabilité. »

« Retenir et mettre à profit les eaux de crues; assurer à jamais la disponibilité d’eau potable pour une population qui pourrait atteindre 200 millions de personnes en comptant le Midwest américain; sauvegarder 18 000 kilomètres de rives et plus de 1 200 kilomètres carrés de milieux humides et créer simultanément au moins trois liens inter-rives stratégiques, sont déjà des objectifs de grande envergure. »

Propulser le Port de Montréal, ajouter une importante production d’énergie électrique aux centrales existantes, etc… La rentabilité de ce projet d’un coût total de l’ordre de 5 milliards $ semble, aux yeux de l’instigateur, suffisamment évidente pour procéder à des études plus approfondies de la part des gouvernements.

M Gingras a œuvré à Hydro-Québec de 1966 à 1997, à titre 
de chef  planification et estimation des grands ouvrages 
hydroélectriques, dont la réalisation des complexes Manicouagan-Outardes et Baie-James et les réfections majeures des ouvrages. Il a participé aux études de quelques 200 sites. À sa retraite, il s’implique dans des études, recherches  et projets, notamment avec l’institut Économique de Montréal, l’Académie Canadienne du Génie et l’Association des Ingénieurs Séniors du Canada. M. Gingras a réalisé des études conceptuelles notamment sur la Gestion des eaux du Saint-Laurent face aux Changements Climatiques, sur le projet de Réseau de Transport pan Canadien à 735 kV et sur les aménagements des Fleuves MacKenzie, Rupert et Grande Baleine.

 

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Renégocier l’ALÉNA : Faut-il ramener le projet «Eau du Nord» ?

Non il ne s’agit pas de l’idée de Robert Bourassa avec son « Énergie du Nord » de 1985 proposant d’utiliser des eaux de la Baie-James pour répondre aux besoins en eau des populations du sud. Mais c’est en référence et par respect pour la mémoire dudit ex-premier ministre Bourassa que le projet de l’ingénieur F. Pierre Gingras porte ce nom : « Eau du Nord » et ce de son aveu même.

Donc pas question d’aménager un gigantesque barrage fermant la Baie-James d’une énorme digue pour y détourner son eau douce. Son concept est beaucoup plus économique et facile à réaliser, car plutôt que de laisser s’écouler vers la Baie-James les eaux pour les pomper ensuite jusqu’au niveau du col de Val-d’Or, on propose de les dériver immédiatement à partir de la partie supérieure de la cascade, directement dans le secteur de Matagami. Plus de 85% de l’effort de pompage s’en trouvant ainsi déjà éliminé.

Et pas plus besoin de centrales nucléaires pour l’énergie de pompage nécessaire, car les eaux seraient graduellement turbinées dans les 300 mètres de chutes de la Rivière des Outaouais déjà pourvue de plusieurs centrales hydroélectriques qu’il ne faudrait que suréquiper, pour en plus générer en même temps un important excédent d’énergie. « Ce qui suffit déjà à rentabiliser le complexe », selon l’ingénieur Gingras. Dans l’ouvrage qu’il a publié en 2010, il parlait de 14 térawatts/heure (TWh) annuellement. À fins de comparaison, l’ensemble des quatre barrages des projets du complexe de la Romaine, sur la Côte-Nord, représentent une production annuelle moyenne de 8 TWh.

Cette énergie suffirait en grande partie pour rentabiliser le projet, avant même de négocier la vente d’eau potable. En fait, son projet se justifie rien que pour l’aspect production énergétique, en oubliant même l’aspect du déplacement d’eau pour fournir le sud.

CONTOURNER L’EXPORTATION

En déplaçant cette eau, le Québec ne l’exporte pas chez l’oncle Sam ! Mais toute l’eau qui s’écoulerait ainsi dans le St-Laurent est de l’eau en moins que les Grands Lacs devraient lui fournir pour maintenir son niveau dans le port de Montréal ou le Lac St-Pierre. Donc autant d’eau que des accords ultérieurs pourraient laisser être utilisée sur place, en amont, pour les besoins du Midwest, par exemple.

La nature du territoire entier du Québec rejette en mer un débit moyen de 40 000 MCS (mètre cube seconde) ; le projet « Eau du Nord » veut en détourner 800 MCS, soit approximativement 2%. On peut l’imager aussi en pensant à environ 25 kilomètres cubes d’eau annuellement. Mais ici, on ne parle pas d’une captation en continu des eaux ; on veut stocker en réservoirs (les lacs du territoire) strictement les crues du printemps et de l’automne. Ainsi, on régularise aussi les extrêmes.

SE PRÉMUNIR CONTRE L’AVENIR

Tout le système St-Laurent-Grands Lacs est déjà en déficit historique d’eau. Pourtant, il s’agit de quantités d’eaux douces actuellement faramineuses. Si on estime que les eaux douces renouvelables du Québec – qui comporterait 10% des rivières de la planète – totalisent un débit moyen de 40 000 MCS, même au rythme de consommation généreux de 100 gallons/habitat/jour son territoire pourrait fournir 7,5 milliards d’être humains. Bref, l’Humanité entière !

Mais si les changements climatiques nous prédisent une élévation du niveau de l’océan mondial, c’est l’inverse qui menace les eaux intérieures du continent nord-américain. Avec les changements climatiques, les apports en eau de la région des Grands Lacs s’amenuiseront de 24%, selon Environnement Canada.

Faire passer une partie de l’eau du Nord par le St-Laurent, plutôt que par la Baie-James, avant qu’elle ne se jette dans les océans salés – de l’Arctique ou de l’Atlantique Nord – est donc un moyen de se prémunir contre des épreuves annoncées.

F. Pierre Gingras travaille sur son projet depuis 2004 et il n’a pas eu beaucoup de difficultés à convaincre, en 2008, l’Institut économique de Montréal pour l’appuyer. Spécialiste en génie industriel, il a œuvré pendant 31 ans dans la construction d’ouvrages hydroélectriques à Hydro-Québec, dont 17 à titre de responsable de l’unité de planification et d’estimation des grands projets.

 

Territoire dont il est question avec ce projet.

La proposition «Eau du Nord» reste-t-elle toujours bonne en l’état ?

« Ce projet demeure encore et toujours intéressant sur les plans environnement, financier et énergétique et ce, notamment pour les raisons suivantes :

  • Il permettrait, pour un coût très économique, de remplacer tous les vieux ouvrages du bassin de la Rivière des Outaouais, lesquels ne répondent plus, pour plusieurs, aux exigences actuelles (certains ouvrages peuvent déverser plus d’eau que les ouvrages situés à l’aval peuvent en déverser à leur tour) ;

  • Il constitue le projet le plus économique pour ajouter une production de plus de 3 000 MW dont l’Ontario aurait bien besoin et ce, à proximité des grands centres ;

  • Avec le démembrement du défunt projet du Complexe Nottaway-Broadback-Rupert, il n’est plus possible de stocker l’eau de la Rivière Nottaway dans la vallée de la Rivière Broadback maintenant protégée. Alors, tous ces importants volumes d’eau, spécialement en ce qui concerne les eaux des crues, seront perdus ;

  • Le bassin du St-Laurent aura besoin de plus d’eau… pour permettre aux populations des Grands Lacs de satisfaire leurs besoins. »

    F. Pierre Gingras

Pense-t-il que le Plan Nord du gouvernement du Québec (avec la Société du Plan Nord) en tient compte?

« Je suis convaincu que non. Le Gouvernement (du Québec) se base entièrement sur les prévisions et projets étudiés par Hydro-Québec, ce qui est normal d’ailleurs. On notera que jamais Hydro-Québec n’a proposé un projet spécifique dans ce Plan Nord, ce qui est normal pour des considérations politiques. Hydro-Québec n’a cité à ce jour que des budgets », de nous répondre encore l’ingénieur F. Pierre Gingras.

En cette année 2017 qui sera probablement celle qui verra aussi les trois partenaires de l’ALÉNA rouvrir une négociation sur le libre-échange en Amérique du Nord, la question de l’eau et des options possibles de sa meilleure gestion risque fortement de se retrouver sur la table des négociateurs.

Alors voici une question que se pose : Faut-il y ramener le projet « Eau du Nord » ?

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L’eau du Nord – Un projet réaliste, durable et rentable pour exploiter l’or bleu québécois, IEDM, LES NOTES ÉCONOMIQUES (hors série), Juillet 2009 : www.iedm.org/files/juillet09_fr.pdf

plannord.gouv.qc.ca

 

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Combien vaut le Labrador ?

La province orientale canadienne de Terre-Neuve et Labrador semble dans une impasse. Les belles heures du pétrole super rentable semblent du passé et son projet hydroélectrique de Muskrat Falls, sur le rivière Bas-Churchill, n’en finit plus de ne pas finir. Son coût projeté initial de près de 7 milliards $ est maintenant de l’ordre des 14-15 milliards. Le fiasco économique passe de plus en plus à la crise politique, dans une province à la faible démographie.

Dans un récent
sondage,
45% de la population
dit non
à Muskrat Falls !

« Il n’est plus exclus qu’il soit carrément abandonné », selon un article récent du Globe and Mail. Lancé en pleine période florissante, en 2007, par le premier ministre Danny Williams, ce projet de 824 MW devait pourtant affranchir la province des centrales thermiques polluantes. Le gouvernement fédéral canadien, sous le premier ministre Harper, s’était d’ailleurs permis de garantir les emprunts de 6,3 G$, accordée en 2013 et requis à l’origine pour financer le projet dans le but d’en faire diminuer le taux de financement ; et 2,9 milliards de garantie de prêts se sont ajoutés depuis. Au grand déplaisir du Québec, notamment.

Actuellement, ce même Québec ne voit par ailleurs aucun avantage à acheter l’énergie du projet Muskrat Falls, essentiellement parce que les lignes de transport opèrent présentement au maximum de leur capacité et que l’excédent de Muskrat Falls ne pourrait jamais suffire à rentabiliser la construction d’une nouvelle ligne.

Et parce qu’on n’est justement pas parvenu à une entente avec Hydro-Québec sur le transport de l’électricité à travers le Québec, l’opérateur Nalcor a prévu deux liens sous marins, un reliant le Labrador à Terre-Neuve, l’autre allant jusqu’à la Nouvelle-Écosse pour éventuellement rejoindre le marché américain. La Nouvelle-Écosse s’étant engagée à investir à hauteur de 20 % des coûts de Muskratt Falls en échange de 20 % de l’énergie qui sera produite, c’est donc un câble sous-marin dans le détroit de Cabot qui doit acheminer sous la mer l’électricité aux consommateurs néo-écossais.

ET SI QUÉBEC…

Mais l’intervention du Québec pourrait résoudre la complexité de cette situation si on envisageait une nouvelle ligne de 1 200 km (3 à 4 milliards $) rentabilisable à condition de réaliser simultanément le projet encore plus grand de Gull Island, d’une capacité de 1 711 MW.

Rendu ici, c’est l’histoire qui nous rattrape, pour épaissir encore l’impasse, car on doit se rappeler que le Labrador fut détaché du Québec – et donc du Canada aussi ! – par le Conseil privé de Londres, en 1927, pour être rattaché à Terre-Neuve, alors encore colonie britannique. Et plusieurs rivières, autant de la Côte-Nord québécoise que du côté Labrador, ne seront probablement jamais développées à cause de cette « frontière » toujours disputée entre Terre-Neuve et le Québec, devenues provinces d’un même pays depuis 1949. Un délimité qui divise le territoire selon la logique des bassins de drainage.

S’ajoute ensuite l’affaire Churchill Falls. Par contrat dûment négocié dans les années 1960, Hydro-Québec, qui a finalement payé toute la facture, reçoit en retour jusqu’en 2041 toute l’électricité produite par la centrale, en payant Terre-Neuve un quart de cent le kW. Oui : 0,25 cent ! La puissance installée de Churchill Falls, mise en service en 1971, atteint 5 300 mW et vaut environ le huitième de l’approvisionnement en électricité du Québec. Terre-Neuve aimerait bien se voir déjà en 2041, ou tout renégocier. Mais « un contrat, c’est un contrat », dixit la Cour suprême du Canada.

Impasse ! Impasse ? Peut-être pas, en innovant un brin…

La proposition a été faite que Québec fasse don d’une production d’énergie de 1 000 MW à Terre-Neuve en échange du Labrador !

Arguant que l’on corrigerait ainsi « à l’avantage de toutes les parties l’erreur catastrophique du Conseil privé de Sa Majesté ».

De plus, une telle entente permettrait d’envisager de débloquer la réalisation d’une dizaine de projets importants potentiels en offrant parallèlement aux Premières Nations un avenir plus positif que le statu quo.

Alors combien vaut le Labrador ?

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Source de la carte: wikipedia.org

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