Ce texte d’opinion est signé par F. Pierre Gingras, retraité d’Hydro-Québec, ex chef Estimateur, Aménagements Hydroélectriques. |
Les Québécois semblent tellement habitués aux multiples avantages de l’électricité qu’ils prennent comme allant de soi qu’ils ne semblent plus pouvoir les apprécier.
Lors de l’émission télédiffusé à Télé-Québec « Il y a du monde à messe » du vendredi 14 juillet 2017, il était pathétique de voir certains invités faire la leçon à Monsieur François Legault* sur le développement économique du Québec, du moins en ce qui concerne spécifiquement la filière hydroélectrique, filière que l’on devrait bannir, selon eux, au profit de la filière éolienne. Il semble qu’il s’agisse ici de la « pensée politiquement correct du moment ».
Pourtant, quelques aspects mériteraient d’être connus depuis longtemps; à savoir :
À grande échelle, l’éolien serait un désastre pour l’environnement
La population n’a jamais été dument informée de la performance comparative des filières au point qu’il faudrait, par exemple, ériger à Laval au-delà de 1 700 éoliennes de 450 pieds de hauteur pour remplacer MW par MW la centrale de Carillon ou encore en « planter » quelques 6 000 autres dans la partie sud de Montréal, pour remplacer la seule centrale de Beauharnois. Que trouvez de vert dans un tel désastre?
De plus, cette énergie éolienne, plus abondante en été qu’en hiver, ne serait même pas disponible au bon moment pour les besoins des Québécois. En fait, il faudrait encore plus d’éoliennes, peut-être le double, pour répondre aux besoins hivernaux et ce, à plusieurs fois le coût.
Note : une éolienne de 450 pieds de hauteur produit 1 MW pendant 20 à 25 % du temps environ. Il existe désormais des éoliennes plus puissantes encore … mais plus grosses.
Vouloir remplacer l’hydroélectricité par de l’énergie éolienne équivaut à vouloir atteler des souris à la place des chevaux. Heureusement, le Québec n’en n’est pas encore rendu là.
Si les citoyens avaient été informés proprement des enjeux de chacune des filières, le gouvernement n’aurait certainement pas osé engager Hydro-Québec dans une dépense annuelle de l’ordre d’un milliard de $ d’achat en énergie éolienne. Prétendre que ces achats d’énergie éolienne sont requis pour le développement régional c’est d’essayer de nous faire accroire que les leaders des régions auraient choisi les éoliennes plutôt que ce montant annuel d’un milliard! Peut-on en douter?
Les lobbyistes insistent pour poursuivre encore davantage cette façon actuellement « politiquement correcte » de mettre le Québec dans le trou!
En quoi l’hydroélectricité serait-elle plus verte ?
Combien de Québécois sont conscients que chaque nouveau MWh qu’Hydro-Québec met en service lors de la réalisation d’un projet évite à jamais la consommation annuelle de quelques 2 500 tonnes de carburant, soit de plus de 18 200 barils, et élimine également l’émission annuelle de quelques 10 000 tonnes de gaz à effets de serre dont 7 500 T de CO2, même quand cette énergie est exportée.
Ce fait se comprend aisément puisqu’un MW correspond sensiblement à la puissance d’une locomotive opérant à forte puissance. Il faut savoir, par exemple, que la seule centrale de La Grande-2, à plusieurs centaines de pieds sous terre, en silence et sans pollution aucune, génère autant d’énergie que tout le parc de plus de 4 300 locomotives qui sillonnent l’ensemble du Canada. Une telle réalité, enfin connue, devrait concilier assez bien l’hydroélectricité avec nos valeurs en environnement.
Mais pourquoi
Hydro-Québec ne nous informe-t-elle pas de ces aspects dans ses publicités?
Hydroélectricité : un jour bouée de sauvetage de l’économie du Québec ?
Peu de Québécois réalisent que pour remplacer l’énergie de ses barrages par du pétrole, soit quelques 42 000 MW disponibles 60 % du temps, le Québec devrait importer quotidiennement quelques 1 250 000 à 1 300 000 barils de pétrole additionnels, soit cinq fois plus qu’actuellement et ce, pour simplement conserver son mode de vie actuel.
À un coût très instable mais qui a déjà même atteint jusqu’à 146 $US par baril sur le marché international, et en ajoutant tous les frais de transport, de raffinage et autres, cette situation aurait alors imposée une ponction quotidienne de quelques 180 à 200 millions $US sur l’économie du Québec. Cette situation aurait été impossible à supporter; l’économie du Québec ne s’en serait jamais relevée. Même aujourd’hui, avec un prix de 50$ par baril, il nous faudrait renoncer notamment et en grande partie à notre système de santé sans ticket modérateur, à nos universités gratuites à 88% et à notre cinéma déficitaire à plus de 80%.
De plus, il faut savoir qu’avec l’ajout de la taxe carbone, dans moins de dix années, l’énergie propre du Québec pourrait bien avoir pratiquement doublé sa valeur sur le marché de l’exportation.
Hydroélectricité : bouée de sauvetage de l’environnement du Québec ?
À cette ponction financière, la consommation additionnelle quotidienne de 1,2 à 1,3 millions de barils de pétrole ajouterait l’émission annuelle d’environ 250 millions de tonnes de gaz à effets de serre, soit environ cinq fois les émissions actuelles du Québec, soit trois fois plus que les émissions l’industrie des sables bitumineux.
À Montréal, où on fait tout un plat avec les émissions de quelques milliers de poêles à bois, que penserait-on de la qualité de l’air advenant que l’on doive un jour retourner vers le chauffage au bois et/ou au mazout? En tenant compte des grands froids d’hiver, la pollution y serait comparable à celle des grands centres de la Chine.
L’Hydroélectricité modifie mais ne détruit nullement l’environnement
Les aménagements hydroélectriques deviennent souvent les sites de plein air les plus fréquentés. Citons l’exemple des réservoirs Gouin, Manicouagan, Baskatong, Taureau, Kipawa et Carillon. Carillon, situé aux portes mêmes de Montréal, est reconnu comme le meilleur site de pêche à la barbotte.
Même l’importante région touristiques des Laurentides s’est surtout développée autour des petits réservoirs aménagés au début du vingtième siècle dont le lac Masson (Esterel), le lac Théodore (St-Adolphe), le lac des Sables (Ste-Agathe), le lac Archambault (St-Donat), les lacs Manitou, Cornu, Brulé et combien d’autres.
Contrôle des effets des changements climatiques autres sautes d’humeur de Dame Nature
À Sarnia, un barrage de trois pieds de hauteur suffirait pour emmagasiner, sur les immenses lacs Michigan et Ontario, un volume d’eau des crues de quelques 180 kilomètres cubes, suffisant tant pour contrôler les crues que pour combler les périodes de basses eaux, tant pour garantir l’exploitation de la Voie maritime du St-Laurent que de sauvegarder plus de 18 000 kilomètres de rives et suffisant pour s’autofinancer en deux années avec l’augmentation de la production d’énergie des centrales de Niagara, de Cornwall et de Beauharnois.
Si les barrages requis à Sarnia et à l’entrée de la Rivière des Prairies (lire notre autre article), discutés depuis les années quarante, avaient été en place, les dommages engendrés par la crue centenaire de cette année auraient été peu importants. Ces dommages du seul printemps 2017 sont d’ailleurs d’un coût semblable à celui des deux barrages cités plus haut.
Hydroélectricité : une énergie durable et renouvelable
D’autre part, en fin 2011, il est déplorable qu’Hydro-Québec n’ait pas été assez perspicace pour souligner le centième anniversaire d’exploitation de l’importante centrale de Shawinigan-2, d’une puissance de 179 MW, centrale d’ailleurs qui semble en condition d’opérer encore pour un autre siècle. C’était exemple par excellence à souligner d’une énergie durable et renouvelable! Par contre, la durée de vie utile d’une dispendieuse éolienne est d’environ deux décennies.
En conclusion
Ces informations, portées à la connaissance de la population, pourraient possiblement changer bien des perceptions. Avec tous les débats, livres blancs et autres politiques présentés au cours des dernières décennies, pourquoi ces faits sont-ils toujours gardés à l’arrière – plan?
Et dire que certains artistes et autres intellos de salon prétendent faire la leçon à Monsieur Legault qui aurait un penchant pour l’hydroélectricité. Avec une telle compétence, espérons qu’ils n’en viendront pas jusqu’à se présenter.
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*François Legault est député à l’Assemblée nationale du Québec et chef du 2e partie de l’Opposition officielle.
(Source de l’image: HydroQuebec.com.)
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