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Le chaud et le froid de la 4e Révolution industrielle version Banque du Canada

Depuis disons 1850 et les débuts de la 1er révolution (avènement de la machine à vapeur), la deuxième (électricité, chaîne de montage) et la troisième (électronique, robotique), nous voilà rendu en 2017 de plein pied dans la 4e Révolution industrielle, celle qui combine plusieurs facteurs comme l’internet des objets et le big data. Ce pour une énième transformation structurelle de nos économies! Si la Banque du Canada se concentre à n’évoquer que « les effets secondaires de l’automatisation », elle souffle bel et bien le froid, tout en reconnaissant les biens faits de cette 4e Révolution industrielle. Le progrès technologique n’avance jamais sans déranger.

« Même si l’économie canadienne pourrait bientôt commencer à récolter les bénéfices économiques attribuables au progrès technologique, elle devrait aussi se préparer à de douloureux effets secondaires comme des pertes d’emplois et de plus grandes inégalités de revenus », vient donc de prévenir Carolyn A. Wilkins, première sous-gouverneure de la Banque du Canada.

Dans le texte d’un discours qu’elle a livré devant les membres de la Chambre de commerce de Toronto le 18 avril, Carolyn Wilkins estime aussi que les innovations comme l’automatisation et l’intelligence artificielle « devraient revigorer » la productivité des économies avancées comme celle du Canada.

Bref, c’est le chaud et le froid, voire un gros froid !

50%
de tous les emplois
d’ici 20 ans

Parce que plusieurs experts prédisent certains effets secondaires indésirables à ces avancées, et dans certains pays industrialisés notamment des répercussions importantes sur près de 50% de tous les emplois d’ici 20 ans. Oui, la moitié DE TOUS LES EMPLOIS.

Toujours selon la haute représentante de la banque centrale canadienne, les décideurs doivent donc aussi se préparer à mettre en oeuvre certaines mesures pour s’assurer contre les autres effets secondaires tels que l’amplification de l’inégalité des revenus. Évidemment, les travailleurs dont les compétences sont complémentaires aux nouvelles technologies pourraient s’en sortir beaucoup mieux que ceux dont les tâches seront transférées à des machines, mais Carolyn Wilkins estime qu’il faudra se concentrer sur l’éducation et la formation axée sur les compétences pour aider les travailleurs à s’ajuster à ce qui pourrait être « une difficile transition ».

Peut-être pour se faire rassurante devant son parquet de citadins de la ville reine canadienne, elle a rappelé que le Canada a déjà traversé de telles périodes de changement par le passé en évoquant la transformation du secteur de l’agriculture. Les innovations agricoles ont alors fait baisser les prix des aliments. Ceci avait permis aux consommateurs de disposer de plus d’argent pour se procurer d’autres biens. La demande grimpa dans d’autres industries et de nouveaux emplois furent créés.

Mais la période de changement dont on parle ici porte le grand R de Révolution; à laquelle il faut semble-t-il ajouter en même temps le double sens de la vitesse.

Le gratin de l’économie mondiale ne s’est-il pas fait dire, en janvier, à Davos, selon un rapport diffusé alors par le World Economic Forum, que si la 4e Révolution industrielle – là définie comme celle de la numérisation et de l’impression 3D – entraînera « 5 millions de pertes d’emplois en cinq ans » dans les principales économies mondiales… dans cinq ans, nous serons probablement aussi bien entrés dans la 5e Révolution industrielle (voir notre article) !

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Pour écouter le discours de Carolyn A. Wilkins, « Automatisation, productivité et politique monétaire » : http://www.banqueducanada.ca/multimedia/chambre-commerce-toronto-discours-diffusions-18-avril-2017/

Vision : parlons donc déjà de la 5e révolution industrielle

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Enfin un Accord de libre-échange… canadien

« Enfin un Accord de libre-échange… canadien », diront plusieurs. On n’est jamais si bien servi que par soi-même! Un dicton que le Canada pourra enfin s’approprier complètement avec la conclusion d’un nouvel accord de libre-échange permettant d’éliminer les barrières – oui il en existe encore ! – au commerce intérieur, dans ce si grand pays d’un océan à l’autre. L’opération devrait permettre d’ajouter « des milliards de dollars » à l’économie canadienne.

Cet accord pancanadien s’appliquera à tous les secteurs, sauf lorsque des exclusions particulières sont indiquées.

Bien que les hauts responsables aient eu de la difficulté à mettre un montant précis sur les bénéfices économiques potentiels que représente cet accord, le ministre du Développement économique de l’Ontario, Brad Duguid, qui présidait les négociations, a affirmé que l’entente devrait permettre d’ajouter 25 milliards $ par année à l’économie canadienne.

« C’est un accord qui a été mis au point par les provinces et les territoires. Le fédéral s’est joint à ce mouvement-là pour le finaliser (…) C’est une très bonne nouvelle. Ça va ajouter à notre activité économique. Ça fait des occasions pour nos entreprises, par exemple l’accès aux marchés publics de l’Ontario va être grandement facilité par cet accord-là », a pour sa part commenté le premier ministre du Québec, Philippe Couillard.

L’accord n’inclut cependant pas une entente visant à harmoniser les normes sur l’alcool à travers le pays. Mais un groupe de travail doit livrer ses conclusions à ce sujet d’ici juillet 2018.

L’entente met également la table pour de nouvelles négociations visant à établir une procédure pour aider les provinces et territoires à réglementer le commerce de la marijuana récréative.

EXCELLENT POUR LE QUÉBEC

Le Québec, qui exporte 80% de ce qu’il produit, le fait beaucoup au sein même du Canada.

« Il ne faut jamais oublier que l’on exporte plus au Nouveau-Brunswick qu’on exporte en France, qu’on exporte plus en Colombie-Britannique qu’on exporte en Chine », a souligné le même jour, devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, la ministre de l’Économie du Québec, Dominique Anglade.

L’accord placera les entreprises canadiennes sur un pied d’égalité avec les sociétés étrangères lorsque viendra le temps de soumissionner pour des contrats gouvernementaux à travers le pays.

Il comporte aussi plusieurs éléments demandé depuis des années, comme une approche par liste négative, des clauses sur la mobilité de la main-d’oeuvre et un mécanisme de règlement des différends.

« Bien sûr, certains irritants vont demeurer, mais on peut affirmer que l’ALEC crée vraiment un cadre novateur qui permettra de résoudre plusieurs problèmes liés à la réglementation et qui faisaient obstacle au commerce entre les provinces », analyse la vice-présidente principale de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, Martine Hébert.

Source de l’image: www.aqmat.org/nouvel-accord-de-libre-echange-canadien-encourager-commerce/

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Scientifique en chef : le Québec devient un exemple pour la Francophonie

Le concept de scientifique en chef nous vient de la culture anglo-saxonne de l’administration publique. Pourtant au Canada, le Québec est le seul gouvernement qui, bien que récemment, s’est doté d’un tel personnage. Même Ottawa n’a pas de « scientifique en chef ». Il n’est donc pas surprenant d’apprendre que Rémi Quirion fait des curieux au sein de la Francophonie.

« C’est le deuxième atelier du genre que nous organisons. Je suis allé en Afrique du Sud en premier avec l’INGSA. Là, ce sera pour les pays de la Francophonie avec l’atelier de Dakar », nous expliquait le scientifique en chef du Québec, encore premier du titre, Rémi Quirion, à quelques jours de son départ pour le Sénégal, alors qu’il donnait une conférence devant les membres du Cercle québécois des affaires internationales, à Québec, le 1er mars 2017.

En Israël, il y a même un scientifique en chef au sein de chacun des huit ministères du pays, et chacun avec un rôle décisionnel. L’Union européenne avait tenté l’expérience il y a quelques années, en se nommant une scientifique en chef, « mais elle fut stoppée après une affaire concernant les OGM », nous raconte encore Rémi Quirion, de plus en plus au fait de son rôle et qui sent aussi qu’il y a de la demande pour faire un réseau francophone en la matière.

Il est donc reparti pour l’Afrique pleinement motivé!

À Québec, le mandat du scientifique en chef – en poste depuis 2011 – est multiple, mais il tourne essentiellement autour de ceci :

  • Rôle conseil auprès du ministre (ayant débuté sous Clément Gignac, il en est actuellement a son 4e ministre, avec Dominique Anglade);
  • Chapeauter, administrer et présider les trois Fonds de recherche du Québec;
  • Développer la recherche intersectorielle;
  • Promouvoir et faciliter les collaborations internationales en recherche du Québec.

« J’ai 229 centres, réseaux, groupes, institutions de regroupements de chercheurs, que nous appuyons financièrement pour 192 millions $ annuellement (…) Le Québec, c’est un dixième de 1% de la population mondiale, mais c’est 1% des publications scientifiques dans le monde », rappelle-t-il fièrement.

Le Québec est donc un joueur reconnu sur la scène internationale et ses nombreuses relations institutionnelles le prouvent bien.

Il est membre votant au sein du réseau européen ERA-NET.

Plus récemment, lors de la mission du premier-ministre à Cuba, le Québec est devenu partenaire avec le Centro de Neurociencias, qui implique aussi la Chine, en imagerie cérébrale.

Le Québec est actif avec l’UNESCO en océanographie.

Et il est partenaire au sein de l’International Network for Government Science Advice (INGSA) avec d’ailleurs un autre acteur canadien, soit le Centre de recherches pour le développement international (CRDI).

INGSA provides
a forum for policy makers, practitioners, academies,
and academics to share experience,
build capacity and develop theoretical and practical approaches
to the use of scientific evidence in informing policy
at all levels of government.

Le secrétariat de l’INGSA est actuellement installé au Bureau du Chief Science Advisor du premier ministre de la Nouvelle Zélande.

Oui pour plus de « diplomatie scientifique »

« Le Québec pourrait être capitaine de l’équipe pour la recherche mondiale, notamment, sur l’Arctique, en Artificial Intelligence (AI), sur la radicalisation », lance son scientifique en chef.

Le 23 février, il était aussi à Québec comme co-organisateur de Connexion 2017, une journée complète qui aura réuni une centaine de personnes souhaitant s’attaquer au défi des barrières entre le monde des affaires et le monde de la recherche.

« Je suis le cheerleader de la recherche. Mais on a des cultures à changer. Je rêve de pouvoir lancer des programmes intersectoriels, mais je n’ai pas les ressources pour le faire actuellement », y avait expliqué Rémi Quirion lors de sa prise de parole.

Il attend donc avec impatience la future SQRI : la Stratégie québécoise pour la recherche et l’innovation, annoncée pour mai 2017, par le Gouvernement du Québec.

Et d’íci là, il poursuit sa cause. Car aux yeux de Rémi Quirion, la « diplomatie scientifique » est certainement un outil à promouvoir en relations internationales. Et s’il voyageait plus alors qu’il était lui-même un chercheur de renommé internationale, il ne doute pas un instant de ce que la science peut encore faire pour bâtir un monde meilleur.

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www.scientifique-en-chef.gouv.qc.ca/en/le-scientifique-en-chef/

International Network for Government Science Advice (INGSA) www.ingsa.org

Photo Credit: Fonds de recherche du Québec

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Le marché de l’eau : pourquoi Sabia a choisi Suez ?

Nous vous l’avons expliqué dans un article antérieur : l’industrie de l’eau dans le monde est justement perçue comme un milieu oligopolistique, avec ses deux géants que sont Veolia (Vivendi) et Suez. Autant dans le marché de la distribution, que dans les marchés de l’assainissement ou du traitement. Alors pourquoi le grand patron de la Caisse de dépôt et placement du Québec Michael Sabia a choisi Suez ? La question se pose, alors que vient d’être annoncé le rachat, par ce duo, de GE Water pour quelque 4,5 milliards $CAN (3,2 milliards d’euros)…

Le CDPQ, organisme d’État bas de laine des Québécois, allongera ainsi plus de 700 millions $US (environ 944 M $CAN) pour une participation de 30%. Mais il choisit aussi de s’associer au numéro 2 de l’industrie mondiale du secteur.

Pour bien mesurer de qui et quoi l’on parle, prenons un petit recul. Disons 5 ans! Il y a cinq ans, le chiffre d’affaires de Veolia Environnement fut le double de celui de Suez.

Veolia Environnement 
Chiffre d’affaires 2012 : 29,4 milliards d’euros
(eau, déchets, énergie : 310 000 collaborateurs en excluant Transdev)

Suez Environnement
Chiffre d’affaires 2012 : 15,1 milliards d’euros
(eau et déchets : 80 410 collaborateurs)

Veolia détient 38%
du marché de la distribution d’eau potable en France,
contre 20% pour Suez

À la même époque, Veolia détient d’ailleurs environ 38% du marché de la distribution d’eau potable en France, contre 20% pour Suez Environnement. Si SAUR (Société d’aménagement urbain et rural) – fondée en 1933 pour ensuite devenir une filiale du groupe Bouygues – est avec 10% du marché le numéro 3 du domaine : chiffre d’affaires de 2,4 milliards d’euros en 2000, c’est manifestement Veolia (ex-Vivendi et Générale des Eaux) qui occupe historiquement la tête, et Suez le second rand.

Or, pas trop longtemps plus tard, précisément le 20 février 2014, la Bourse de Paris vécu un moment historique, alors que la capitalisation boursière de Suez dépassa celle de Veolia (7,1 milliards, contre 6,9 milliards d’euros), ce bien que le premier dégageait deux fois moins de chiffre d’affaires que son concurrent leader historique.

« Si Veolia est toujours miné par une lutte intestine au sein de son conseil d’administration, mais aussi par la négociation de son plan de départs dans sa division d’eau en France, Suez se dit aujourd’hui correctement configuré pour profiter du retour progressif de la croissance en Europe, qui reste son premier marché avec 71% de son chiffre d’affaires, dont 36% rien qu’en France », expliquaient alors les analystes.

Un secteur en profond changement

Les dernières années ont par ailleurs imposé aux deux grands leaders de profonds changements de leurs modèles traditionnels. La concurrence, autant que la tendance à la reprise par le secteur public de la gestion de la ressource, imposent des bouleversements. Et les deux opérateurs historiques n’ont pas d’autre choix que de « réinventer » leurs métiers. Ce qui passe, selon les analystes encore, par « la création de nouveaux modèles de codécision, de prestations de conseils, etc., mais aussi par la conquête de la clientèle industrielle ».

Et l’avantage semble ici du côté de Suez.

Veolia, qui a longtemps opté dans son développement pour une stratégie offensive à base de grosses acquisitions, se trouve contrainte au « recentrage stratégique » pour éponger sa dette et assurer la rentabilité. Une stratégie préalablement adoptée par Suez Environnement, depuis une bonne dizaine d’années.

À l’aise depuis longtemps dans son fauteuil, son dg Jean-Louis Chaussade avait choisi de privilégier les acquisitions ciblées (sauf lors du rachat en 2010 de l’espagnol Agbar) avec pour recette de préserver la rentabilité et ne pas être présent à tout prix sur l’ensemble des marchés, mais de cibler les plus prometteurs.

Suez Environnement s’honore donc d’avoir mis en place un modèle équilibré entre ses activités eau et déchets, mais aussi entre la France, l’Europe et le marché mondial).

Selon les experts, « les prestataires de services à l’environnement qui réussiront à être les plus agiles pourraient être les gagnants de demain ». Par exemple – encore SAUR – si ce numéro trois français de la gestion de l’eau parvenait à trouver une solution à son endettement qui frisait le 2 milliards d’euros, pour un chiffre d’affaire de 1,7 milliard d’euros en 2012, elle pouvait avoir une carte à jouer dans cette reconfiguration du secteur de l’eau.

Le Groupe Veolia, possédant notamment la Générale des Eaux, avait mis la main en 1999 sur le premier fournisseur américain de services d’eau, U.S. Filter, payé alors 6,2 milliards $US.

En 2017, Suez (70%) et la CDPQ (30%) débourseront pour GE Water une somme beaucoup moins imposante, soit 3,2 milliards d’euros. Cette filiale du géant General Electric spécialisée dans la gestion et aussi le traitement de l’eau compte plus de 7 500 employés. Présente dans 130 pays, GE Water se spécialise dans la fourniture d’équipements, de produits chimiques et de services pour le traitement des eaux usées. Mais GE Water est aussi un leader mondial de la gestion et du traitement de l’eau industrielle.

Le marché l’eau industrielle

Le marché mondial de l’eau industrielle est estimé à 95 milliards d’euros. Globalement, les consommateurs industriels sont responsables d’environ 20% de la consommation mondiale d’eau.

« GE Water a bâti une activité de premier plan avec des revenus récurrents et une clientèle de qualité et diversifiée. Cet investissement s’inscrit dans la vision à long terme de la Caisse et dans sa stratégie de développement d’actifs stables, ancrés dans l’économie réelle, aux côtés d’opérateurs de classe mondiale tels que Suez. »

— Michael Sabia, président de la Caisse de dépôt et placement du Québec

La CDPQ a aussi indiqué qu’elle souhaitait « accroître son exposition au secteur de l’eau puisque, à long terme, elle anticipe que la demande d’équipements, de produits chimiques et de services pour le traitement des eaux devrait demeurer forte ».

Cette transaction « (…) accélère la mise en oeuvre de la stratégie de Suez en renforçant sa position sur le marché très prometteur et en forte croissance de l’eau industrielle », a spécifiquement commenté le grand patron, Jean-Louis Chaussade.

Suez estime de plus que cette acquisition lui permettra de réaliser « d’importantes synergies au chapitre de ses dépenses et de ses revenus sur cinq ans ». En 2016, avec plus de 82 000 employés, Suez a généré un chiffre d’affaires de 15,3 milliards d’euros (21,8 milliards $CAN) en plus d’afficher un résultat net de 420 millions d’euros. Elle affirme alimenter à l’heure actuelle quelque 92 millions de personnes en eau potable.

Début 2017, l’actif net de la CDPQ s’élevait à 270,7 milliards $CAN. Un nouveau partenaire-bailleur que Suez saura certainement bien apprécier.

Pour GE Water, la clôture de la transaction doit encore obtenir l’aval des autorités à Washington, ainsi que de l’Union européenne. Prévue à l’été, sa confirmation impliquera que les activités seront regroupées au sein d’une nouvelle unité d’affaires au sein de Suez.

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CAE ne se trompe pas : la croissance des dépenses militaires est « une tendance lourde »

Spécialiste mondiale des simulateurs de vol et de la formation, la société montréalaise CAE s’attend à ce que les dépenses militaires dans le monde entier poursuivent leur croissance. « Nous sommes dans une situation unique que nous n’avons pas vue depuis la guerre froide », a lancé son président et chef de la direction, Marc Parent, début 2017, autour du dévoilement des résultats du troisième trimestre de cette société qui est cotée à la Bourse de Toronto; période au cours de laquelle elle a par ailleurs dépassé les attentes. COMMERCE MONDE a voulu valider le tout, en demandant l’avis d’un spécialiste, cette fois de la géopolitique. Donc : analyse, avec Dominique Gautier, associé principal au bureau de Montréal de la firme-conseil internationale Roland Berger.

« Conséquence de l’instabilité croissante et de l’obsession sécuritaire des nations, une reprise à la hausse des dépenses militaires à l’échelle mondiale semble inévitable. Selon le taux de croissance appréhendé des budgets des grandes puissances militaires, les dépenses à l’horizon 2025 devraient friser les 2 000 milliards US$ », analyse globalement Dominique Gautier.

Il faut savoir que selon le dernier rapport annuel Military Balance de l’International Institute for Strategic Studies, les dépenses militaires mondiales se sont élevées à 1 500 milliards $US en 2016. Les États-Unis demeurant – sans trop de surprise – en tête avec des dépenses de 600 G$, suivis par la Chine à 145 G$, la Russie à 58,9 G$, l’Arabie Saoudite à 56,9 G$ et le Royaume-Uni à 52,5 G$.

Juste à titre comparatif, le budget du Canada en matière de défense est de l’ordre de 15 milliards $.

« Si ces chiffres peuvent donner le vertige, il n’en reste pas moins que, depuis le début des années 1990, ces dépenses n’ont cessé de décroître : elles sont passées de 3,4 à 2,3% du PIB mondial. La nouvelle stratégie Light Footprint de l’administration Obama a en effet permis de réduire significativement la voilure après les coûteuses guerres en Irak et en Afghanistan. Ce recul historique doit cependant être contrasté. Les États-Unis et l’UE ont effectivement réduit leurs dépenses de 1 à 2% environ, mais certaines régions du monde ont légèrement accru les leurs, notamment le monde arabe et l’Asie du Sud-Est », poursuit-il.

Mais c’est le contexte immédiat qui ramène le sujet des dépenses militaires dans le débat. Les promesses du nouveau président en poste à la Maison-Blanche augurent des changements de tons et de gestes.

« Le gouvernement Trump a fait du rapport de force le levier clé de sa politique étrangère et annoncé le renforcement de l’armée américaine, même si de nombreuses voix appellent à accroître l’efficacité du Pentagone. Le nouveau président a récemment laissé entendre qu’il désirait hausser le budget de la Défense de 54 milliards $US, grâce notamment à des compressions massives dans plusieurs agences fédérales », confirme effectivement M. Gautier.

Mais il faut aussi aller plus loin dans le tour de la question. Notamment avec le portrait européen de la chose et l’avenir de l’OTAN particulièrement.

« En Europe, le réarmement s’avère sans doute incontournable. Les Européens ont, en effet, diminué dramatiquement leurs capacités d’intervention depuis 15 ans au sein de l’OTAN et n’ont désormais d’autres choix que de se substituer au retrait programmé du bouclier de l’Oncle Sam », précise Dominique Gautier.

Mais paradoxalement, « le Brexit fournit l’occasion de réétudier une coopération militaire européenne dont les Britanniques ne voulaient pas », poursuit-il d’emblée.

L’Europe et la Chine

Le budget militaire de l’UE à 27 est comparable à celui de la Chine; et la France, l’Allemagne et l’Italie y pèsent pour les deux tiers. Si les pays européens membres de l’OTAN respectaient leurs engagements de dépenser 2% de leur PIB respectif au titre du financement de leur sécurité, ils y ajouteraient environ 57 milliards $, soit l’équivalent du budget militaire de l’Arabie Saoudite.

L’effort militaire chinois ne devrait pas ralentir. La Chine a vu ses dépenses militaires augmenter de 15% par an de 2008 à 2015, et de 7% entre 2015 et 2016. Ses capacités de recherche se sont significativement accrues, notamment avec la mise au point de l’avion de combat J-20, de missiles courte portée (PL 10) et d’un missile air-air unique d’une portée de 300 km. Les autorités chinoises vont désormais pousser leurs forces armées à s’engager sur les théâtres de conflit pour les mettre à l’épreuve du feu.

(Source : analyse de la société-conseil Roland Berger)

RAREMENT DE RÉPIT AVEC LE MOYEN-ORIENT

Au surplus, la croissance des dépenses militaires redevient d’autant « une tendance lourde » du fait que rien ne semble véritablement donner du répit sur la scène régionale du Moyen-Orient, site des plus grands dangers des dernières décennies. Et surtout site de guerres ouvertes (Guerre du Golf 1 et 2) et actuel bourbier en Irak et en Syrie. Sans devoir oublier en plus la question hyper sensible du nucléaire militaire avec l’Iran et la donne palestinienne.

« Enfin, la géopolitique du Moyen-Orient reste très incertaine en raison de nombreux conflits frontaliers, ethniques et religieux. Cette région du monde dépense chaque année plus de 150 milliards $ ; les pays les plus dépensiers sont l’Arabie saoudite, Israël, la Turquie, l’Irak et les Émirats arabes unis », d’analyser encore Dominique Gautier, pour finir son petit tour du monde en arme.

Alors la conclusion n’est pas très surprenante :

« Toutes les industries devraient profiter de cette manne, et en particulier les industries aéronautique, aérospatiale et navale de défense. Selon nos prévisions, les dépenses dans le secteur de l’aéronautique et de l’aérospatiale militaire devraient progresser de 180 milliards $ en 2016 à 275 milliards $ en 2025, principalement dans l’analyse de données et les drones (+70%), la cyber sécurité (+50%), les solutions sécurisées (+45%), le renseignement (+35%) et l’aérospatiale (+25%).

L’industrie canadienne dispose de quelques fleurons dans l’aéronautique (Bombardier et CAE en particulier) qui pourraient tirer profit directement ou indirectement de cette tendance lourde, à condition de collaborer efficacement avec d’autres secteurs et notamment celui de l’intelligence artificielle qui figure en première ligne, notamment au Québec. »

Dominique Gautier, associé principal au bureau de Montréal de la firme-conseil internationale Roland Berger.

« Aux pouvoirs publics de fournir le coup de pouce décisif, en favorisant les passerelles entre les différentes grappes industrielles concernées », rappellera et conseillera-t-il en fin d’analyse, montrant bien que l’industrie militaire reste toujours sur le radar des gouvernements de ce bas monde.

 

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