le mot de Routhier Guy Bertrand, girouette ou Québécois ? par Benoît Routhier Le célèbre avocat de Sillery, Me Guy Bertrand, nous a habitués à ses prises de position radicales et contradictoires. D'abord indépendantiste pur et dur dans les années 1970 et 1980, pour qui le reste du Canada n'avait qu'une volonté, celle de réduire le Québec à une province comme une autre. Dans ces années, Me Bertrand croyait que le gouvernement fédéral ne cessait de duper le Québec et les Québécois. Le gouvernement du Québec était donc le seul à pouvoir prendre les intérêts des Québécois. Dans les méandres de sa vie politique, il a tenté en vain de se faire élire député péquiste dans le comté de Louis-Hébert. Il a fait une aussi vaine tentative de devenir le chef du Parti québécois. Il a semé l'idée, qui a germée et éclose elle, d'un parti souverainiste au fédéral. Le Bloc québécois est là, mais Me Bertrand est resté à Sillery. Ses relations avec les dirigeants du Parti québécois se sont à la longue détériorées à cause, entre autres, de son style trop flamboyant, bruyant et dérangeant. Ses prises de position radicales nuisaient au parti. Il a donc été mis sur une voie d'évitement. On peut voir dans sa conversion au fédéralisme pur et dur un geste de dépit. Il y a probablement de cela. Mais pas seulement de cela. Me Bertrand s'est engagé à fond de train dans l'illustration et la défense d'un fédéralisme pur et dur comme il l'avait fait avec l'idée de l'indépendance pure et dure. Il est allé tellement loin dans sa foi nouvelle que, pour lui, pouvait-on penser à le voir évoluer, les Québécois étaient tout simplement des empêcheurs de tourner en rond, des chiâleux qui voulaient tout avoir et ne rien donner, qui se plaignaient de tout pour rien. On l'a donc vu partir en croisade d'un bout à l'autre du Québec et du Canada, vantant les mérites du fédéralisme canadien, lequel était le meilleur fédéralisme au monde, tolérant et juste. Il est allé jusqu'à la Cour Suprême pour défendre le fédéralisme contre les Québécois partisans de la souveraineté. Et voilà que, tel le Survenant, après sa lutte auprès des élus des municipalités anglophones de la région de Montréal contre le projet de fusion «Une île, une ville», il refait surface pour annoncer sa nouvelle religion: un Québec souverain dans un Canada uni. Ça ressemble drôlement à la blague du comique Yvon Deschamps : «Un Québec indépendant dans un Canada uni». Si on prend les bonds et rebonds politiques et constitutionnels de Me Bertrand au premier niveau, on dira de lui qu'il est un vire-capot, un gars qui cherche à faire parler de lui à tout prix, etc. MAIS IL FAUT ALLER PLUS LOIN Je crois que Guy Bertrand est un bon représentant de la majorité des Québécois : l'indécision nous gruge depuis des générations. Et nous voulons le meilleur des deux mondes. Nous sommes toujours ballotés entre le désir de nous faire un pays bien à nous, avec un plein contrôle sur nos politiques et notre économie et l'attachement à ce grand Canada que nous connaissons de toute façon très mal pour ne pas dire que nous ne connaissons pas du tout. Combien de Québécois, depuis les années 1960 et même 1950 n'ont-ils pas navigué de l'indépendantisme au fédéralisme, de la souveraineté au statut particulier, des États associés au fédéralisme renouvelé? Le résultat des États généraux du Canada français à la fin des années 1960 réflétait bien cette ambiguïté qui nous habite. À toutes les questions demandant si les délégués étaient en faveur du rapatriement de tel ou tel pouvoir du gouvernement fédéral au gouvernement provincial, la réponse était oui. La dernière question leur demandait s'ils étaient en faveur de l'indépendance du Québec. Réponse? Un « non » majoritaire! Pourtant répondre « oui » aux autres questions, ce qu'ils avaient fait, signifiait que le Québec devait devenir indépendant… Finalement, Guy Bertrand est comme le Québécois moyen. Qu'il soit libéral, péquiste, adéquiste. Mais Me Bertrand flaire peut-être aussi la possibilité d'investir l'Action démocratique du Québec, parti dirigé par le jeune Mario Dumont. Il aurait une tribune qui lui accorderait de la visibilité et où il pourrait enfourcher sa nouvelle Rossinante aimée du Québécois moyen. Ou, plus périlleux mais pas complètement impensable, songe-t-il à réintégrer un Parti québécois devenu partisan d'une vraie Confédération? Après tout le premier ministre Bernard Landry n'a-t-il pas évoqué cette possibilité d'une vraie Confédération, comme l'avait fait avant lui l'ex-premier ministre libéral du Québec, M. Robert Bourassa? (À bien y penser, s'il songe à cette dernière solution, Me Bertrand rêve peut-être en couleur…) Mais, je donne le bénéfice du doute à Guy Bertrand. Je crois qu'il est sincère, qu'il se comporte comme une majorité de Québécois, sauf que lui il le fait en public. Et, là, il faut reconnaître que ça prend tout un courage pour affronter l'opinion publique ainsi. Surtout que, depuis des années, on le fait passer pour un farfelu, un vire-capot, un showman, etc. J'oserais ajouter que, jusqu'à un certain point, il incarne la même vision du Québec que plusieurs politiciens du Québec depuis 30 ans. Mais son caractère bouillant, porté aux excès, l'ont fait balloter d'un extrême à l'autre. JEAN CHAREST LE « TORDU » ? Juste quelques lignes pour dénoncer vertement l'attitude du chef de l'opposition à l'Assemblée nationale du Québec, M. Jean Charest, dans le dossier des fusions. Qu'il s'engage, et son parti avec lui, à appuyer les gens qui désirent la défusion de leur municipalité, je veux bien. Au plus fort du débat sur les fusions, M. Charest a promis d'appuyer les municipalités qui désiraient se défusionner s'il était élu premier ministre du Québec. Mais au fur et à mesure que la fusion devenait réalité, on l'a vu nuancer ses propos. Ce fut d'abord un engagement à consulter la population par la tenue de registre. Si le nombre de signatures l'autorisait, il tiendrait des référendums. Jusque là, je n'ai pas de problème. Le problème est né récemment quand il a affirmé que les municipalités qui demanderaient la défusion auraient à en payer les coûts! Quel beau pas de côté! Le célèbre danseur Fred Astaire n'aurait pas fait mieux. C'était la façon la plus élégante de dire à ces municipalités: « arrangez-vous avec vos troubles! » Faire payer aux municipalités le coût de la défusion équivaut à dire qu'elles ne se défusionneront pas car elles n'en auront pas les moyens. S'il avait voulu être honnête, M. Charest aurait dû prendre toute la responsabilité des coûts des défusions, c'est-à-dire les faire payer par le gouvernement. Le gouvernement a défrayé le coût des fusions forcées, à lui, si le premier ministre décide d'aider les partisans des défusions, de payer le coût des défusions. À la décharge de M. Charest, il n'est pas le premier politicien à agir ainsi. Mais ce n'est pas une excuse. |
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