Archives par mot-clé : États-Unis

Washington et Ottawa stoppent l’octroi de concessions pour le pétrole arctique et en Nouvelle-Angleterre

Le président Barack Obama termine donc son règne en léguant un solide test à la promesse du président désigné Donald Trump « d’ouvrir les vannes » des réserves énergétiques inutilisées des États-Unis. Mardi le 20 décembre 2016, tout juste un mois avant l’arrivée en poste dudit nouveau président, une annonce commune effectuée par les États-Unis et le Canada d’interdire l’octroi de toutes nouvelles concessions pétrolières et gazières extra-côtières dans l’Arctique désigne non seulement la majeure partie des eaux américaines de l’océan Arctique, mais en plus certaines portions de l’Atlantique comme étant inaccessibles jusqu’à nouvel ordre aux futures demandes de concessions d’hydrocarbures. Pour Washington, outre l’Arctique, la mesure touche aussi les eaux au large de l’Alaska en mer des Tchouktches, une bonne partie de la mer de Beaufort et les eaux territoriales dans l’Atlantique, de la Nouvelle-Angleterre jusqu’à la baie de Chesapeake.

À Ottawa, le premier ministre canadien, Justin Trudeau, l’a annoncée comme un moratoire qui sera révisé dans cinq ans, mais Barack Obama a pour sa part annoncé une interdiction permanente de l’exploration pétrolière ou gazière dans l’Arctique.

Il n’y a actuellement pas de plans de forage ni d’activités en ce sens dans cet extrême nord, en raison surtout des coûts exorbitants. Mais l’an dernier, la Pétrolière impériale avait fait demande pour que la date d’échéance de son permis de forage au large de la mer de Beaufort dans les Territoires du Nord-Ouest soit repoussée, renouvelant incidemment son autorisation de forer pour la période de 2020 à 2028. La société évoquait alors « un manque de temps pour mener à terme le travail technique nécessaire et compléter les processus ».

Avec la mesure qui vient d’être annoncée, les analystes pensent maintenant que le gouvernement fédéral canadien laissera vraisemblablement expirer le permis de la Pétrolière impériale.

L’Arctique contiendrait 13% des réserves mondiales de pétrole.

Autrement, en territoire canadien, les derniers forages menés au large des Territoires du Nord-Ouest remontent à 2006, par la société Devon Canada.

La province de Terre-Neuve-et-Labrador s’était par ailleurs engagée, en 2004, conjointement avec Statoil, à dépenser 3,9 millions $ pour de l’exploration pétrolière dans l’Arctique.

Une autre histoire dans la mer de Beaufort

Il faut voir l’impact de la décision Canada-USA à long terme. Car il y a des hydrocarbures sous l’Arctique. La société Devon y a trouvé un gisement d’environ 200 millions de barils de pétrole. Mais ce réservoir ne constituait pas une affaire encore rentable pour la commercialisation. Et d’autres compagnies ont fait également des découvertes en Arctique dans les années 1970 et 1980, elles aussi non retenues pour cause de rentabilité.

On estime que les prix du baril de pétrole devraient s’élever au-dessus de 150 $US pour assurer ici une rentabilité.

Mais en attendant l’industrie s’active toujours grâce aux acquis, car seulement dans la mer de Beaufort 15 permis sont présentement en vigueur, couvrant plus de 27 000 km2 du territoire marin. De plus, des levés sismiques sont prévus dès l’été 2017 dans la baie de Baffin. Mais l’affaire a été portée devant la Cour suprême par les Premières Nations qui s’opposent à de tels travaux d’exploration.

Accord sur la pêche également

En plus de ces mesures, les deux gouvernements ont annoncé « leur engagement à conclure un accord juridiquement contraignant » afin de prévenir les pêches commerciales non réglementées dans les hautes mers de l’Arctique. Cela jusqu’à ce qu’une organisation régionale de gestion des pêches « soit en place pour assurer une gestion efficace ».

(Source de la Une: E&Y et US Department of Energy)

*****

Vous aimez cet article! Faites une DONATION à la rédaction du cyberjournal par un clic au bas de la colonne de droite de cette page... MERCI !

La course au champion de l’économie numérique

Récemment, c’était au tour de la France et de l’Allemagne d’annoncer qu’ils créaient ensemble un fonds d’1 milliard d’euros afin de bâtir un champion de l’économie numérique européen. Ce fonds franco-allemand vise sans cachette à soutenir le développement de l’économie numérique à l’échelle européenne « pour réduire l’écart avec les États-Unis ».

Selon une étude de McKinsey : Sur une échelle de 0 à 100 rendant compte de la numérisation de l’économie, les États-Unis sont à 18, tandis que l’Union européenne et la France n’atteignent que 12.

Mais l’Europe n’est pas seule dans cette course et cette récente initiative parait même très timide lorsque le regard se porte vers l’Asie. Cette réponse de financement paraît carrément « dérisoire » selon la critique. Il est vrai que face au fonds de 100 milliards $US lancé, lui aussi, récemment, par le Japonais SoftBank, on se demande si on joue dans la même ligue…

SoftBank a d’ailleurs créé ce fonds avec l’Arabie Saoudite ; le groupe japonais y apportera 25 milliards $, contre 45 G pour le fonds souverain saoudien. Oui, le même Saudi Arabia’s Public Investment Fund qui a investi 3,5 milliards $US dans Uber encore en 2016. Ici, les deux fonds se sont donnés cinq ans pour investir dans la techno et la structure a stratégiquement choisi la ville leader de Londres pour son implantation.

Politiquement parlant, Paris et Berlin unissent donc leurs forces pour stimuler le développement des start-up technologiques d’Europe. Et une Conférence numérique franco-allemande existe déjà, ayant réuni leur ministre à deux reprises depuis octobre 2015.

On sait donc aussi que la France et l’Allemagne souhaitent notamment renforcer leur coopération dans:

  • la nanoélectronique,
  • l’intelligence artificielle,
  • le nuagique,
  • et la cybersécurité.

À Paris en 2015, lors de la 1er édition de la Conférence numérique franco-allemande, le ministre français de l’Économie avait également annoncé la création d’une Académie franco-allemande pour l’industrie du futur, portée par l’Institut Mines-Télécom et l’Université technique de Munich.

Paris pourrait détrôner Londres

Sous une autre perspective du même secteur économique, les nouvelles d’Europe sont déjà positives. Au troisième trimestre 2016, la France a doublé l’Allemagne, avec 857 millions $ de financement au niveau des entreprises, contre 462 M$. Paris se hisse ainsi tout proche du leader européen : Londres.

De Paris, de Londres ou encore d’Amérique… De où sortira le prochain grand champion de l’économie numérique ? La course est belle et bien grande ouverte.

————————–

(Source de l’image: lemonde.fr)

*****

Vous aimez cet article! Faites une DONATION à la rédaction du cyberjournal par un clic au bas de la colonne de droite de cette page... MERCI !

 

La CMI règle l’enjeu du niveau d’eau dans le fleuve St-Laurent

Les commissaires, canadien et états-unien, de la Commission mixte internationale (CMI) ont signé, ce 8 décembre 2016, le règlement de la régularisation des niveaux d’eau et des débits dans le lac Ontario et le fleuve St-Laurent. L’ordonnance mise à jour, avec son Plan 2014, remplacent un système qui avait été mis au point dans les années 1950.

L’approbation par la CMI du Plan 2014 opérationnalise précisément un nouveau plan de régularisation pour déterminer les débits au barrage Moses-Saunders, situé sur le fleuve Saint-Laurent entre Cornwall, en Ontario, et Massena dans l’État de New York.

« Les commissaires sont persuadés que le Plan 2014 apportera des améliorations dans l’ensemble du système, en tenant compte de la santé des écosystèmes et de la navigation de plaisance, de même que des collectivités riveraines, de la navigation commerciale et de la production d’hydroélectricité », a affirmé par voie de communiqué Gordon Walker, le président de la Section canadienne de la CMI.

« Le Plan 2014 est un plan moderne de gestion des niveaux et débits qui restaurera la santé et la diversité des zones humides côtières, procurera un meilleur rendement dans des conditions climatiques changeantes et continuera d’assurer une protection contre les niveaux d’eau extrêmement élevés et bas », a soutenu la présidente de la Section américaine, Lana Pollack.

Essentiellement, le Plan 2014 continuera de protéger les propriétaires riverains et conservera, inchangées, les conditions environnementales et les protections des côtes sur le cours inférieur du fleuve Saint-Laurent, en aval du barrage Moses-Saunders.

Il permettra aussi d’améliorer la santé des écosystèmes et la diversité sur les rives du lac Ontario et du cours supérieur du fleuve Saint-Laurent et d’apporter des avantages économiques nets.

Par exemples:

  • En permettant de rapprocher davantage les niveaux du lac Ontario et du Saint-Laurent de leurs « valeurs naturelles », le plan créera les conditions nécessaires pour restaurer 26 000 hectares de zones humides côtières et améliorer l’habitat du poisson et des espèces sauvages.
  • Le plan permettra aussi d’allonger souvent la saison de la navigation de plaisance…
  • (…) de maintenir de meilleurs niveaux pour la navigation dans l’ensemble du système…
  • (…) et d’augmenter la production hydroélectrique.

Navigation commerciale

Dans l’ensemble, l’application du Plan 2014 maintiendra les mêmes avantages économiques pour la navigation commerciale. La fréquence des bas niveaux au port de Montréal restera la même. Les rares années où les niveaux sont bas – il y en a eu deux dans le siècle dernier –, certains navires traversant le lac Ontario auraient à réduire leur charge.

Toutefois, les années normales, la navigation profitera d’une petite augmentation des profondeurs disponibles qui permettra à certains navires de transporter des charges plus lourdes plus fréquemment.

Hydroélectricité

En matière énergétique, les fluctuations plus naturelles permises par le Plan 2014 feront augmenter légèrement la production d’hydroélectricité aux centrales d’Ontario Power Generation, de la New York Power Authority et d’Hydro-Québec. L’augmentation représenterait environ 0,02 % de la valeur de l’hydroélectricité produite à ces centrales, cependant plus à l’avantage des premières que d’HQ.

Seize années d’études scientifiques

Le Plan 2014 est le résultat de plus de 16 années d’études scientifiques, d’engagement du public et d’examen gouvernemental. La CMI a continué à optimiser des solutions élaborées au cours de l’étude et a tenu des réunions publiques en 2012 et des audiences publiques en 2013 avant de proposer le Plan 2014 aux deux gouvernements fédéraux.

Conséquemment, la CMI donnera prochainement des instructions à son Conseil pour s’assurer que les débits pour l’aspect hydroélectrique soient établis conformément audit Plan, à compter de janvier 2017.

La Commission mixte internationale, créée en vertu du Traité des eaux limitrophes de 1909, aide les États-Unis et le Canada à prévenir et à résoudre les différends relatifs à l’utilisation des eaux qu’ils partagent.

———————————————-

Pour en savoir plus sur la CMI : www.ijc.org

Plan 2014 Fiche de renseignements

*****

Vous aimez cet article! Faites une DONATION à la rédaction du cyberjournal par un clic au bas de la colonne de droite de cette page... MERCI !

Oui, Trump peut « tout déchirer » : Aléna, climat, nucléaire iranien…

Pour Louis Bélanger, directeur des HEI et professeur au Département de science politique de l’Université Laval, il ne fait aucun doute qu’en matière d’accords internationaux, le président Trump « pourra tout déchirer ».

« Si l’élection de Donald Trump a eu une vertu, c’est celle d’avoir dissipé bien des malentendus sur la valeur des engagements internationaux des États. Durant la campagne électorale, on aimait entendre les paroles rassurantes de ceux qui nous expliquaient que le candidat républicain, s’il devait contre toute attente l’emporter, ne pourrait en faire à sa guise. Qu’il serait contraint de respecter les obligations internationales contractées par ses prédécesseurs. Qu’il ne pourrait, de toute manière, se défaire de ces obligations sans obtenir, après de complexes manoeuvres législatives, le consentement du Congrès. »

« Trump élu, il faut bien se rendre à l’évidence. Le droit des traités est ainsi fait qu’un État ne peut, sauf en de très rares situations, être lié par des obligations auxquelles il ne consent pas. Si un État réévalue ses politiques et choisit de ne plus consentir à des engagements déjà contractés, il doit pouvoir s’en libérer rapidement. Ainsi, si un Donald Trump président décide de réaliser son programme électoral, il pourra, en parfaite conformité tant avec le droit international qu’avec le droit américain, soustraire par simple note diplomatique les États-Unis de l’ALENA, de l’Accord sur le nucléaire iranien ou de l’Accord de Paris sur les changements climatiques. »

Accords internationaux : difficiles à négocier, aisés à déconstruire

N’en déplaise aux idéalistes, les accords internationaux sont longs et difficiles à négocier, mais aisés à déconstruire. Dans l’article qu’il signait dans le quotidien québécois Le Devoir du 22 novembre, Louis Bélanger développe largement son argumentation par l’analyse de plusieurs exemples et pas les moins pertinents, notamment dans une perspective canadienne.

Commençons avec l’ALENA. Saviez-vous que cet accord liant les trois amigos (Canada-Mexique-USA) n’est pas considéré comme un traité en droit américain ? Comme les autres accords de libre-échange, il s’agit d’un congressional-executive agreement, dont la ratification exigea non pas un vote à la majorité des deux tiers du Sénat – comme c’est le cas pour les traités -, mais strictement l’assentiment des deux chambres du Congrès. Un détail qui a de l’importance, car ce mode de ratification n’étant pas prévu par la constitution des États-Unis, l’autorité qu’a le président de désengager son pays d’un tel accord « ne peut être moindre que celle qui s’applique à la sortie d’un traité ».

« Certains ont prétendu que si le président peut sans entrave mettre fin à la participation américaine à l’ALENA, il devrait tout de même obtenir du Congrès l’abrogation de la loi américaine de mise en oeuvre de l’entente pour que les États-Unis cessent effectivement d’en appliquer les dispositions. Rien n’est moins sûr. L’administration américaine considérera plutôt que la loi de mise en oeuvre est tout simplement devenue caduque le jour où prendra effet le retrait de l’ALENA, c’est-à-dire six mois après la notification américaine », explique-t-il aussi.

Incidemment, puisque l’Accord sur le nucléaire iranien est considéré par le gouvernement fédéral des États-Unis d’Amérique comme un simple plan d’action politique non juridiquement contraignant, le nouveau président Trump pourra y mettre fin sans aucun délai, ni aucune consultation contraignante.

Le cas de l’Accord de Paris sur le climat est plus complexe.

Paris a été ratifié par l’exécutif américain sans intervention du Congrès. Son statut est donc ambigu. C’est un mélange des genres et « il n’y a aucun doute sur le pouvoir du président de procéder unilatéralement à une dénonciation dans pareil cas ».

« L’Accord de Paris prévoit un délai de quatre ans entre la date de dénonciation par une partie et son retrait, ce qui a permis d’espérer que le président Trump ne puisse se désengager véritablement au cours de son premier mandat. Cependant, les États-Unis peuvent surmonter cet obstacle en décidant de se retirer de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 1992, dont l’Accord de Paris est une émanation, et qui ne requiert, elle, qu’un délai d’un an entre dénonciation et retrait », analyse-t-il encore.

La Constitution des États-Unis d’Amérique reste silencieuse sur la manière dont le président doit procéder pour mettre un terme à un engagement international. La logique voudrait qu’il soit donc soumis aux mêmes règles qui se sont appliquées pour sa ratification. Mais la réalité des choses en aura décidé autrement…

En 2001, lorsque le président Bush a unilatéralement mis fin au Traité sur les missiles antibalistiques, pourtant soumis au Sénat pour ratification en 1972, la justice du pays a finalement statué « qu’en l’absence de règles constitutionnelles claires le président doit pouvoir exercer en toute liberté ses prérogatives en matière de politique étrangère ». C’est à lui, en fin de compte, de décider s’il doit demander l’accord ou non du Congrès.

Au final, un président Trump convaincu que son pays gagnera à s’affranchir de ses engagements internationaux « pourra sans effort, à coup de simples notes diplomatiques, déconstruire l’ordre international que ses prédécesseurs ont minutieusement contribué à ériger », constate le professeur Louis Bélanger.

Comme il s’agit encore et toujours de la souveraineté des États qui est alors en jeu, les accords internationaux sont généralement durs longs à négocier. Et il reste facile pour un État de s’en retirer rapidement et ce en toute légalité. Évidemment, cela ne se produit pas trop souvent, car les États craignent toujours les coûts associés à de telles défections. À court terme, un partenaire lésé par le retrait peut réagir et imposer toutes sortes de représailles. Alors qu’à plus long terme, la signature d’un État qui renie trop facilement ses engagements risque évidemment de perdre de sa valeur. Et il lui en coûtera plus cher à l’avenir pour convaincre les autres de la crédibilité de ses engagements sur la scène internationale.

Donald Trump sera un véritable out sider en arrivant à Washington. Il ne doit rien à personne et a déjà démontré qu’il était d’une stature capable d’assumer ses choix.

————————————————

www.ledevoir.com/international/etats-unis/485254/trump-pourra-tout-dechirer

www.hei.ulaval.ca/accords-internationaux-le-president-trump-pourra-tout-dechirer-analyse-louis-belanger

 

*****


Vous aimez cet article! 

Faites une DONATION à notre rédaction par un clic au bas de la colonne de droite de cette page... MERCI!

Laos : future « batterie électrique » de l’Indochine

Autrefois l’un des derniers grands fleuves sans infrastructure hydro-électrique, le Mékong pourrait bien devenir l’un des fleuves les plus endigués en Asie, alors que d’ici 2030 quelque 70 barrages devraient devenir opérationnels tout au long des presque 5 000 kilomètres de son cour. Si la Chine compte bien continuer d’y prélever sa très large part, c’est le petit Laos qui affiche la vision de devenir la « batterie de l’Asie du Sud-Est ». Mission possible… si le Mékong tient le coup !

Outre la portion en Chine, 11 projets hydroélectriques sont connus pour le Mékong : 2 chantiers de barrages actuellement en construction, plus 7 en projet, au Laos seulement, et deux projets du côté de la Thaïlande.

La Commission du Mékong estime ainsi que le Laos pourrait voir 70% de ses recettes d’exportation (2,6 milliards US$ annuellement) générées par les barrages traditionnels, lorsqu’ils seront tous opérationnels. En clair, c’est le Laos qui a l’ambition de devenir la « batterie électrique » de cette partie de l’Asie. Le pays a d’ailleurs déjà des engagements pour fournir des kilowatts à ses voisins.

Le Mékong est un fleuve stratégique. Il est en comparaison plus important que le fleuve St-Laurent dans la hiérarchie des grands fleuves du monde. Naissant dans les hauteurs des plateaux de l’Himalaya, il irrigue d’abord la province du Yunnan en Chine, puis le Laos, la Birmanie, la Thaïlande, le Cambodge et le Vietnam, qui profite de sont imposant delta. Le Mékong fait vivre plus de 70 millions de personnes sur ses rives. Les Thaïlandais l’appellent « mère de tous les fleuves », alors que pour les Chinois c’est le Lancang Jiang, « le fleuve turbulent ».

Mais la multiplication des barrages hydroélectriques arrive alors que le Vietnam souffre de la pire sécheresse depuis près d’un siècle et que le Cambodge fait face à une pénurie d’eau qui pourrait compromettre plus de 1 million de personnes. Et la Chine, elle aussi, table énergétiquement sur « les fleuves de l’ouest » : selon son dernier Plan quinquennal, en 2020, elle planifie que 63% de son hydroélectricité proviendra du Mékong, du Salouen et du Brahmapoutre ou de leurs affluents, qui ont tous leurs sources en terres chinoises.

Et le gouvernement de Pékin a tous les moyens de ses ambitions. La partie chinoise du Mékong, c’est environ 20% du long fleuve. Elle compte déjà 6 barrages actifs (le plus vieux date de 1995 et le plus récent de 2012), mais 4 autres barrages y sont actuellement en construction et encore 4 autres à l’étape de projet.

Le Mékong tiendra-t-il le coup ?

Grand fleuve transfrontalier, le Mékong n’a pas jusqu’à maintenant pleinement profité de la valeur ajoutée de la coopération en matière de gestion de son potentiel.

Il faut savoir que la Commission du Mékong (Mekong River Commission – MRC), créée en 1995, n’y a pas tellement bonne réputation. On peut même penser que la récente initiative de Pékin vise carrément à la remplacer.

The MRC is an intergovernmental organisation for regional dialogue and cooperation in the Lower Mekong River Basin, established in 1995 based on the Mekong Agreement among Cambodia, Lao PDR, Thailand and Viet Nam. The Organisation serves as a regional platform for water diplomacy as well as a knowledge hub of water resources management for the sustainable development of the region.

The MRC invited China and Myanmar as “dialogue partners” in 1996 and since then has been cooperating with the two partners in technical aspects of water resource management. (www.mrcmekong.org)

La Chine a en effet créé, en novembre 2015, la Lancang-Mekong Cooperation (LMC) Initiative, pour tendre la main aux pays voisins.

The Mekong River Commission (MRC) has welcomed the First Lancang-Mekong Cooperation (LMC) Leaders’ Meeting as an important new initiative for regional cooperation. Leaders of China, Myanmar, Lao PDR, Thailand, Cambodia and Viet Nam – the MRC’s four member countries and its official dialogue partners – met last week in Sanya, a city of China’s Hainan Island, for the first time to discuss regional cooperation for sustainable development of the basin along the Mekong River, which is called in China the Lancang River. From Vientiane, 31 March 2016. (www.mrcmekong.org)

La LMC est un programme ambitieux qui couvre plusieurs domaines stratégiques d’expansion: la connectivité, la capacité de production, la coopération économique transfrontalière, les ressources en eau, l’agriculture, la lutte contre la pauvreté.

mekong-lancang-mekong-summit-from-news-cn1

Les 6 leaders des rives du fleuve
se sont réunis à Sanya, dans le sud de la Chine, le 23 mars 2016.

Photo: www.news.cn

Mais Pékin n’a pas le monopole dans la région. On note également la « Lower Mekong Initiative » qui est promue par les États-Unis, ainsi que le programme Coopération Japon-Mékong. La France, elle aussi, a encore une bien active présence économique dans la région: « EDF fait beaucoup d’argent au Laos avec son projet (…) Et elle rêve d’en faire plus », a par ailleurs expliqué Éric Mottet, professeur à l’UQAM, lors de sa présentation sur la politique hydroélectrique du Laos, pendant un colloque du Conseil québécois d’études géopolitiques tenu à l’Université Laval, le 31 octobre 2016, à Québec.

De Québec, on se demande immédiatement si la société d’État Hydro-Québec, qui a déjà eu une très active division à l’international, ne devrait pas rouvrir l’œil et s’impliquer en Asie… Mais avant toute chose, il faut surtout s’assurer que le Mékong puisse livrer.

« Le Vietnam avait proposé un moratoire de 10 ans sur les projets, pour privilégier les études avant tout, car ON NE CONNAÎT PAS LE MÉKONG (impacts halieutiques, sédimentaires…) ; mais le Laos a dit non et fait ses barrages », d’encore préciser le professeur Éric Mottet.

———————-

Photo à la Une ADB : Développement hydroélectrique de Nam Theun, au Laos.

Conseil québécois d’études géopolitiques (CQÉG)

*****


Vous aimez cet article! 

Faites une DONATION à notre rédaction par un clic au bas de la colonne de droite de cette page... MERCI!