sommaire XIXe congrès de l'Association internationale des
technopoles par Daniel Allard Technopole: parc industriel offrant des facilités de recherche, de production et d'accès à du capital de risque, nécessairement attaché à une université, source de transferts technologiques et incubateur de nouvelles entreprises... rien de sorcier! Il n'y en a pourtant pas dans chaque ville et village de la planète. Le décompte en donne très officiellement 518 en 2002. Les parcs scientifiques et technologiques, ou technopoles, reconnus ne sont donc pas plus de 518 à travers le monde, soit pas plus de 2 ou 3 par pays en moyenne. Une moyenne cependant très éloignée de la réalité. Bien loin d'être universel, ce concept de parc élitiste! Moins d'une dizaine de pays en comptent officiellement plus de 10 sur leur territoire. Et ensembles, les vingt premiers de la liste en totalisent 458 sur 518 (un imposant 88%). Les 60 autres technopoles s'éparpillent dans environ 170 pays. Et bizarrement, ce ne sont pas toutes les plus grandes puissances économiques qui font le haut de la liste. Si les 186 technopoles des USA montrent que leur présence est synonyme de force économique, les exemples de l'Allemagne, du Japon ou de la Russie montreraient aussi que leur faible nombre n'empêche pas d'être une force économique non plus. La liste montre au premier coup d'œil que cet outil de développement économique ne serait pas incontournable, puisque des pays comme l'Allemagne et le Japon semblent passer par-dessus sans en souffrir. Selon le Tableau 1, les technopoles ne seraient donc pas une panacée pour une économie nationale? Attention, ces chiffres occultent un fait important: « L'Allemagne et le Japon ont aussi beaucoup de parcs scientifiques, mais ils ont leurs associations nationales et leurs manières propres de fonctionner. Les chiffres sont donc trompeurs. Pour la Russie, c'est qu'ils n'ont pas encore eu le temps de changer les choses depuis la fin du système communiste », explique Roger Poulin, directeur associé au Parc technologique du Québec métropolitain (PTQM). La recette du maillage Université-Industrie est donc incontournable, qu'importe les nuances nationales. Et à l'échelle d'une ville, la présence d'une technopole a belle et bien un effet indiscutable. Tableau 1 NOMBRE DE PARC SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE, DANS LE MONDE, PAR PAYS, EN 2002
C'est d'ailleurs le thème que rejoignaient les conférenciers du XIXe congrès annuel de l'International Association of Science Parks (IASP), ou en français l'Association internationale des technopoles: « Pour un nouvel agenda: Impacts d'affaires, sociaux et urbains ». Des conférenciers très prestigieux, dont Al Gore, qui ne sont pas venus à Québec pour rien. Même la ville hôtesse de ce rendez-vous de près de 500 spécialistes de la gestion des parcs scientifiques à travers le monde a de quoi inspirer ses actions du futur. Avec son PTQM concentrant plus de 80 centres de recherche et entreprises hermétiquement ceinturé par quatre autoroutes, les belles forêts du site témoignent aussi de son cloisonnement face à la ville. Une faiblesse à corriger.
Car les technopoles doivent continuer de s'adapter et dans l'avenir elles devront contenir plus que des centres de recherche et des entreprises. On devra aussi y trouver de la formation, une vie culturelle, etc. La vocation de parc de recherche voué à la technologie, l'innovation, la connaissance et au transfert de tous ces aspects sur le marché demeure. Mais on parle de nouvelles expressions comme les «Learning Cities» et la «Idea City» (idéopole). « Pourquoi Lycos est déménagée de Pittsburgh à Boston? Pour la valeur ajoutée en outils marketing, en vie sociale et culturelle », donne en exemple Richard Florida. La principale leçon à retirer de l'ensemble des conférences, c'est qu'un parc désincarné n'a pas d'avenir. Ces lieux ont aussi besoin d'une âme. Parce que les entreprises cherchent de plus en plus à s'installer là où les « hight skills peoples » se concentrent. Certain ont donc fait le souhait que l'IASP devienne, d'ici 5-10 ans, l'International Association of SMART Parks ! Vision humoristique du futur ou affirmation visionnaire? Sur le terrain, le voeu prend déjà forme. Et de l'avis de plusieurs, c'est actuellement Stockholm qui serait le meilleur exemple de rapprochement d'un parc avec la ville et sa population. LA « TECHNOPOLISATION » : UNE PANACÉE? « Les retombés économiques d'un parc scientifique sur la ville sont indéniables », soutient sans hésitation l'expert Georges Benko. Ils sont d'ailleurs pour la plupart des créations urbaines, des initiatives locales avec pour but d'attirer des entreprises. De plus, cette façon de faire favorise la minimisation des coûts de transaction avec la présence de beaucoup d'entreprises sur un même site. Mais la question de l'heure est maintenant: à l'époque de l'Internet, la proximité est-elle encore nécessaire? « Peut-être pas nécessaire, mais toujours souhaitable, car la créativité scientifique demeure stimulée par les faces à faces en chairs et en os », croit aussi Benko. Selon le même chercheur, leur existence serait même un avantage pour les pays développés, car une technopole n'est pas transférable. Un tel parc est tout simplement hors marché, fruit d'une longue histoire locale, et il n'est également pas menacé par les bas salaires en Chine, par exemple. Il devient incidemment une spécificité territoriale et peut très bien positionner une ville sur la scène internationale. « IBM et HP ont choisi Grenoble pour établir leur centre de recherche européen malgré les coûts élevés, car la présence dans cette ville était importante. Le fabricant de balayeuse Hoover, lui, a facilement quitté Dijon pour l'Écosse, car tout en restant dans le marché européen, il profitait d'une diminution des coûts de 30% », raconte encore le professeur Benko. Les années 80 furent celles de l'offre d'infrastructures. Les années 90, celles de l'offre de services. Que réserve l'avenir pour les parcs technopoles? « Ils pourraient être de meilleurs lieux de synergie entre les éléments créés par eux avec pour clé: la gouvernance », pense le professeur montréalais Benoît Lévesque. Exemple de cette bonne gouvernance, le cas de la Technopole Angus, à Montréal. Georges Benko observe de son côté une spécialisation avec une concentration des activités vers les grandes métropoles, ces villes où l'on trouve tout, et aussi un réseautage en conséquence. La naissance d'une « économie de mosaïque », image-t-il. Dans le concret, cela donne des petits réseaux spécialisés comme le E+. Actuellement à titre de projet-pilote, le E+ crée et maintient un marché virtuel pour les innovations environnementales au profit des PME. Financé par la Commission européenne pour la période 2002-2004, c'est une représentante du parc finlandais, madame Annukka Parkkinen (annukka.parkkinen@neopoli.fi), qui coordonne le réseau de départ du E+, promis à un élargissement avec le temps. Les cinq parcs instigateurs du E+ sont:
La Cité solaire de Gelsenkirchen, juste au Nord de Düsseldorf, en Allemagne, était aussi très inspirante. Née à partir de la présence d'une industrie du verre, l'ancienne « Cité des 1 000 feux » est maintenant vendue comme la « Cité des 1 000 soleils ». Beaucoup y a été accompli, mais la conclusion est comme un avertissement: « self-sustained cluster development not yet achieved ». Le TAGUSPARK, au Portugal, propose plutôt son côté « parc virtuel », complément moderne au classique parc foncier (www.newventuretools.net). « La réalité virtuelle va être un des plus grands marchés de demain », a justement lancé le représentant du Brésil, en terminant la présentation des parcs de son pays lors d'un autre atelier. « La réalité virtuelle Mais c'est probablement l'avertissement donné par Richard Florida qui aura cependant le plus imprégné la mémoire de l'auditoire. Pour survivre, propose le professeur de Carnegie Mellon University, n'oubliez jamais la règle des trois T: Technologie, Talent, Tolérance. DES EXEMPLES POUR QUÉBEC Talent et tolérance... des qualités qui se conjuguent d'ailleurs très bien avec la capacité d'une ville à stimuler la créativité au sein de sa population. Une variable qu'un chercheur américain a trouvée assez significative pour en faire le sujet d'un véritable index comparatif. Selon l'Index de créativité (www.creativeclass.org) établi par le même Richard Florida, parmi les 32 régions métropolitaines comparables à Québec (500 000/un million d'habitants) du recensement 2000 aux USA, les 10 villes en tête sont:
Alors que dans les villes de plus d'un million d'habitants, les vedettes sont dans l'ordre:
Autant de villes, dont plusieurs ne sont pas des noms très connus sur la scène internationale, qui sont donc des exemples inspirants pour toutes les villes qui aspirent à offrir de meilleures technopoles. LA STRATÉGIE DU « CO-BRANDING » Si je dis ROLEX, la ville de Genève devrait vous venir en tête. Les autorités de Stockholm veulent développer le même réflexe avec l'expression TIME (Telecom, Information, Media, Entertainment). On appelle ça le « co-branding ». C'est le fait d'arriver à attacher une notoriété commerciale avec une ville. « Québec: Cité de l'optique », par exemple. Peut-être dans la même logique, en Italie, dans la ville de Turin, sensiblement de la même grosseur avec un million d'habitants que le Québec métropolitain, on n'hésite d'ailleurs pas à jouer la carte de la multiplication des parcs sur la base d'une spécialisation thématique. Turin compte six différents parcs scientifiques, dont un seulement pour l'environnement. Il faut également garder en tête qu'aussi attrayante soit-elle, la formule des parcs technologiques n'est jamais sans risques. Le journaliste Yvon Larose, dans son article sur le même sujet dans le journal universitaire Au fil des événements du 5 septembre 2002, cite le professeur Yvon Gasse, de l'Université Laval, qui rappelle en se référant à une enquête récente de l'Organisation de coopération et de développement économiques que : «La moitié des parcs technologiques aux États-Unis ont fermé depuis 15 ou 20 ans. Pourquoi? On a vu trop grand, on a été incapable d'attirer les entreprises, les infrastructures étaient trop coûteuses, les municipalités se sont retirées, etc. (...) Ce n'est pas tout le monde qui est d'accord avec le fait de voir une université négocier pour l'obtention de brevets ou de licences.»
Panacée ou pas, la stratégie des technopoles demeure à la carte des outils de développement régional. Ceux qui font le choix explicite de bâtir une technopole pour se développer ont donc bien des devoirs à faire, s'ils reprennent les principales conclusions des conférenciers vedettes du dernier congrès de l'IASP, que plus de 450 congressistes ont écoutés. Trois journées intenses auxquelles les leaders régionaux comme Jean-Paul L'Allier, Jean Garon, Claude Larose auraient peut-être dûes se consacrer complètement, ont regretté dans les discussions de corridors certains participants de la région de Québec. Pour sa part bien présent pendant trois jours, Michel L. Fréchette, le directeur général par intérim de la Technopole maritime du Québec, toujours en démarrage à Rimouski, avait de gros bémols à faire entendre. Son expérience avec une ville en région de 40 000 habitants, à l'opposé des grandes métropoles, ne rejoignait pas tout ce qu'il aura entendu à Québec. Preuve, incidemment, qu'une technopole reste bien le fruit du terroir qui la fait naître! PROCHAIN RENDEZ-VOUS À LISBONNE Le prochain congrès de l'IASP, le XXe de son histoire, se déroulera du 1er au 4 juin 2003, à Lisbonne, la capitale du Portugal. Il aura pour thème : « Des habitats d'excellence: Gérer et faire valoir l'inovation ». Un rendez-vous pas trop éloigné du siège social de l'IASP, qui est d'ailleurs judicieusement situé dans une technopole andalouse: le Parque Tecnologico de Andalucia, à Malaga, en Espagne. L'organisme est présentement sous la présidence du Dr. Klaus Plate. Quant à lui, c'est à New Orleans, du 30 octobre au 1er novembre 2002, que l'AURP tiendra sa 17e conférence annuelle. Son rendez-vous suivant sera au Canada, à Vancouver, du 10 au 12 septembre 2003. |
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