billet L'économie culturelle, de nouveaux enjeux par Claude Dubois, Conseiller associé au Groupe Réjean Dancause et
associées inc. Depuis une quinzaine d'années, la région de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches s'est engagée sur l'autoroute du développement culturel avec l'objectif de faire de la région un pôle majeur en matière de création et de production. En 2002, peut-on dire mission accomplie? Est-ce que les résultats sont à la hauteur des attentes? Est-ce le temps de renouveler les stratégies de développement? Quels sont les nouveaux enjeux, quels sont les nouveaux défis? DES RÉSULTATS Sur le plan de l'impact économique, il apparaît évident que des progrès significatifs ont été faits. Les études réalisées par l'Institut de la statistique du Québec publiée en 1996 et en 2001 révèlent une augmentation de 400 millions $ au chapitre des dépenses attribuables à l'activité culturelle. Les activités du secteur qui représentent près de 4% du produit intérieur brut des régions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches, génèrent plus d'emplois que le secteur des produits en bois, seize milles emplois (16 000) par rapport à dix milles six cent (10 600), génèrent une masse salariale de plus de 500 millions $ et un retour sur investissement de 21 cents par dollar au seul chapitre des dépenses d'opération pour les divers paliers de gouvernements. Si on considère les dépenses des clientèles touristiques reliées à la culture, c'est 27 cents par dollar investi. Progression des principaux indicateurs
Au chapitre des réalisations, cette période a été caractérisée par la consolidation des organisations et le développement d'infrastructures qui ont grandement contribué à amener une plus grande stabilité des organisations. La rénovation de salles de spectacles, de musées, de centres d'interprétation; l'implantation de lieux de formation, de créations, de productions, d'ateliers d'artistes et de centres administratifs ont permis de développer des infrastructures modernes et performantes pour l'ensemble des disciplines artistiques. Même si à ce chapitre il y a encore des besoins à combler, et ce, notamment au chapitre des infrastructures de tournage et de production cinématographique, du théâtre enfance-jeunesse, ainsi qu'au niveau des infrastructures de diffusion pour les organismes du secteur de la formation et de la pratique amateur, on peut en conclure que les principaux objectifs ont été atteints. Au plan de la consolidation des entreprises, la tendance va dans le même sens. Les pratiques de gestion se sont grandement améliorées et notamment en matière de planification. Plusieurs organismes se sont dotés de plan de développement à long terme leur permettant d'exploiter au mieux leur potentiel de croissance. Mais à ce niveau aussi, il y a encore du chemin à faire car, il ne faut pas se le cacher, un bon nombre d'organismes présentent une situation financière équilibrée, en grande partie, grâce à l'appui des différents programmes de stabilisations. Sur le plan des événements, la région jouit d'une excellente réputation auprès des clientèles touristiques attirant deux (2) fois plus de visiteurs que les événements montréalais. Il n'est donc pas surprenant que les retombées soient si importantes à ce chapitre. Avec un tel portrait, on est vite tenté de croire que l'économie culturelle de la région est en bonne santé et engagée sur la voie de la croissance et du développement durable, et que les nouveaux défis sont moins grands de ceux d'il y a quinze ans. Or, pendant que nous étions engagés dans le renouvellement de nos infrastructures et la consolidation des organisations, de nouveaux enjeux ont fait leur apparition. DES NOUVEAUX ENJEUX, DE NOUVEAUX DÉFIS Le débat sur la mondialisation et la diversité culturelle, la remise en question du modèle québécois, la révision des politiques culturelles des nouvelles villes issues des récents regroupements municipaux, la pression de la population sur les pouvoirs publics pour un État moins interventionniste, la faiblesse de nos réseaux de mise en marché et de diffusion sur les marchés extérieurs, le niveau de rémunération ainsi que l'exode des travailleurs culturels qui se poursuit... invitent à la réflexion. Des enjeux politiques La remise en question du modèle québécois qui semble devenir un enjeu pour la prochaine élection posera-t-elle, une fois de plus, la question de l'intervention dans le secteur culturel? Les révisions des politiques culturelles des nouvelles villes issues des récents regroupements municipaux seront-elles une occasion de se retirer de certains programmes? Même si les études réalisées démontrent que les sommes versées en subventions par les gouvernements s'avèrent des investissements rentables ayant un impact considérable pour le développement des autres secteurs d'activité économique, il faudra en convaincre la population en général et les participants aux débats qui s'annoncent. Dans ce contexte de remise en question des acquis, il devient de plus en plus important de faire une large diffusion des impacts de l'activité culturelle dans la région. Malgré les emplois créés, la masse salariale générée et les retombées directes et indirectes dans l'ensemble de l'économie régionale, les valeurs intrinsèques de l'activité culturelle sur le développement d'une collectivité et son poids économique doivent encore êtres démontrés auprès de plusieurs instances décisionnelles. Des enjeux sociaux Même si les statistiques démontrent une progression importante de l'activité économique et que les résultats des stratégies de développement ont porté les fruits escomptés, il subsiste plusieurs lacunes et notamment au chapitre des revenus des travailleurs du milieu, de l'exode des talents vers la métropole et de la reconnaissance par l'ensemble de la communauté de la valeur de l'économie culturelle dans la région. Même si le nombre d'emplois et le niveau de compétence se sont considérablement appréciés au cours de ces quinze (15) dernières années, l'exode vers la métropole se poursuit toujours. Ce phénomène, que bien des gens considèrent comme naturel, peut en partie être freiné par l'amélioration des conditions de travail des travailleurs culturels, une meilleure promotion des compétences au niveau de la région et par la reconnaissance des expertises développées. Il est certain, et ç'est une réalité dont nous sommes conscients depuis longtemps, que le développement du créneau de la production télévisuelle et cinématographique permettrait d'améliorer substantiellement l'employabilité et le niveau de revenu. Par contre, ce n'est pas la seule piste à exploiter. En s'attaquant au développement de nos réseaux de distribution et de diffusions, c'est l'expertise en matière de gestion, de mise en marché et de promotion que nous contribuerions à développer et retenir en plus des artistes et des artisans. Des enjeux économiques Les entreprises culturelles, toutes disciplines confondues, sont-elles outillées pour soutenir la croissance? Est-ce qu'on a accès à des ressources compétentes pour faire face à la concurrence dans le contexte de la mondialisation? C'est un fait que la fermeture d'une entreprise de dix (10) personnes travaillant à petits salaires ça paraît moins que la fermeture de GM. La performance économique du secteur de la culture et des communications est encore un secret trop bien gardé qui ne sert actuellement qu'à supporter les demandes d'aides financières des organismes. Peu d'intervenants se servent de cette performance pour inciter les financiers, (banquiers, promoteurs, intervenants dans le développement économique...) à investir dans le développement culturel. Les besoins formulés par les organismes au chapitre de la formation, des programmes d'appui à la commercialisation et à l'exportation, les demandes de plus en plus fréquentes pour la réalisation d'étude de marché, d'étude de faisabilité et de viabilité et la réalisation de plan marketing traduisent bien la faiblesse des réseaux de distribution ou de diffusion. En fait, on s'est donné une capacité de création et de production accrue, mais le coffre à outils n'est pas complet. On s'est donné une capacité de création Que ce soit dans le domaine de l'édition, en art visuel, en métiers d'art ou en art d'interprétation, la région exploite peu son plein potentiel de vente et d'exportation. Or, c'est bien de pouvoir créer dans de bonnes conditions. Mais à quoi sert-il de créer si nos produits ne se vendent pas ou peu? Les marchés existent, le défi pour maintenir cette croissance se situe maintenant au niveau de la diversification des sources de revenus et du développement de réseaux de diffusions et de distributions à la fois au niveau national et au niveau international. Le débat sur la mondialisation et la diversité culturelle pose la question des stratégies de mise en marché des produits culturels dans un contexte ou les réseaux de distributions et de diffusions sont de plus en plus concentrés et uniformisés. La vraie question n'est pas de savoir si on participe à la mondialisation, comme le disait Jacques Rigaud lors d'un récent débat sur la mondialisation, mais davantage de définir le comment. Est-ce que la solution est de développer nos propres réseaux à la mesure de nos attentes en privilégiant une approche basée sur les partenariats directs avec des structures comparables dans d'autres régions du globe? Il est souvent tentant d'adopter des modèles, des recettes ou de confier notre sort aux experts et investisseurs extérieurs croyant que ceux-ci ne serviront pas leurs intérêts en premier. Dans le dossier des plateaux de tournage, par exemple, y-a-t-il un partenaire montréalais intéressé à avoir un compétiteur dans sa cour… au moment où des centaines de millions $ sont investis dans les plateaux montréalais? En misant la créativité qui caractérise les ressources de la région et en évitant le piège du modèle unique de mondialisation, voire même de « métropolisation », nous sommes sûrement capables de développer des infrastructures et des réseaux de distribution et de diffusion qui correspondent à la réalité régionale. En exploitant notre potentiel de vente et d'exportation, nous contribuerions également à développer et retenir dans la région non seulement des artistes, des artisans et des créateurs, mais aussi des entreprises et des individus associés au développement de l'économie culturelle. CONCLUSION Ce ne sont que quelques pistes de réflexions résultant d'observations générales ayant pour source principale les attentes de notre clientèle à l'égard de nos services et ma vision du chemin parcouru depuis près de vingt ans dans le milieu. Une analyse plus spécifique de chaque segment de l'activité culturelle permettrait sans doute de dresser un portrait plus précis des enjeux et défis qui attendent les gestionnaires culturels pour la prochaine décennie. Les réflexions amorcées à plusieurs niveaux seront sans doute une bonne occasion de faire le bilan complet et de fixer des objectifs adaptés aux réalités spécifiques de chacun des secteurs d'activité. Toutefois sur un plan plus général, je retiens que la performance économique du secteur de la culture et des communications est encore un secret trop bien gardé et que peu d'intervenants se servent de cette performance pour inciter de nouveaux partenaires à investir dans le développement culturel.
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