le mot de Routhier Sommes-nous dirigés par un gang de "bums"? par Benoît Routhier À constater la cascade de scandales qui déferlent aux États-Unis et un peu au Canada, chez les dirigeants de grandes entreprises, on est en droit de se demander si nous ne sommes pas dirigés par un gang de "bums"! Autant du côté des grandes compagnies que du côté des gouvernements. Vrai, la plupart de ces scandales financiers proviennent des États-Unis. Mais il ne faut pas croire que le Canada et le Québec sont à l'abri. À l'abri autant des scandales que de la tolérance des gouvernements. Il ne se passe presque pas un jour sans qu'un nouveau scandale n'éclate. ENRON, ARTHUR ANDERSEN, WORLDCOM, TYCO, XÉROX, ADELPHA, BRISTOL-MYERS. Chez ENRON, des pratiques comptables douteuses ont contribué à gonfler le chiffre d'affaires du courtier américain et à dissimuler une dette d'environ 22 milliards $. Le géant des télécommunications WORLDCOM a fait l'objet de la plus grosse fraude comptable de l'histoire des États-Unis. Certaines de ces dépenses courantes ont été classées comme dépenses d'investissement pour une somme de quelque 3,8 milliards $ sur une période de cinq trimestres! La firme d'experts-comptables ARTHUR ANDERSEN avait la responsabilité de la vérification de la régularité des comptes d'ENRON. Elle a été reconnue coupable d'entrave à la justice pour avoir détruit 1,7 tonne de documents relatifs à ENRON. XÉROX a gonflé ses résultats avant impôt de 1,4 milliard $ sur une période de quatre ans, de 1997 à 2001. L'ancien président directeur général de TYCO a été inculpé pour fraude fiscale et falsification de preuve. Il aurait aussi fraudé le fisc pour plus d'un million $ via la manipulation compable de TYCO. L'un des derniers scandales en lice à la mi-juillet concernait la compagnie pharmaceutique BRISTOL-MYERS SQUIBB soupçonnée d'avoir gonflé ses revenus de l'an dernier de plus d'un milliard $! Un autre groupe pharmaceutique américain, Merck, a comptabilité 12,4 milliards $ de chiffre d'affaires de 1999 à 2001 que sa filiale pharmacie n'a jamais enregistrés, affirmait récemment le Wall Street Journal, qui citait un document remis à la commission américaine des opérations de Bourses. Par ailleurs, plusieurs groupes du secteur de l'énergie font l'objet d'une enquête des autorités fédérales et locales pour avoir manipulé les tarifs de l'électricité en Californie. Même le président et le vice-président des États-Unis, George W. Bush et Dick Cheney, sont touchés par cette pluie de scandales. Le président a obtenu des prêts à faible taux d'intérêt de la compagnie pétrolière dont il était un directeur. Le vice-président, selon Judicial Watch, un organisme d'intérêt public, a gonflé les chiffres d'affaires figurant dans des documents d'information officiels, ce qui a eu pour conséquence, évidemment, de faire monter l'action de façon artificielle. Il aurait commis cet acte avec d'autres administrateurs de la compagnie parapétrolière Halliburton. Même le patron de la nouvelle superbrigade financière créée par le président Bush pour traquer les patrons malhonnêtes est dans le collimateur. Il s'agit du secrétaire adjoint à la Justice Larry Thompson qui a été administrateur d'une société de cartes de crédit impliquée dans des fraudes. Ces fraudes ont été commises du temps où M. Thompton était membre du conseil d'administration de l'entreprise, Providian Financial. Il n'y a pas à dire, ça va bien! Au Canada on a vu des dirigeants d'entreprises quitter le bateau financier qu'ils dirigeaient avec des primes de plusieurs millions $ alors qu'ils avaient conduit leur entreprise à des pertes financières qui ont résulté, entre autres, en des mises à pied par milliers. Tous ces scandales font perdre des sommes énormes aux petits investisseurs qui ont fait confiance à leur conseiller financier qui ne pouvait, lui non plus, être au courant de toutes ces magouilles de ces bums qui dirigeaient les plus grandes entreprises du monde. Chez ENRON, le régime de pensions des employés ne vaut plus rien. Chez WorldCom, 17 000 personnes ont perdu leur emploi. "Pas important, moi le grand boss, je suis multimillionnaire et n'ai rien à craindre d'une justice dont je peux m'échapper rien qu'en invoquant le Cinquième amendement!" CRISE GRAVE DU CAPITALISME Le monde du capitalisme est en grave crise. Le monde entier est touché par elle. Les gens n'ont plus confiance aux grandes entreprises financières. On ne peut plus faire confiance aux firmes comptables. Les dirigeants de ces entreprises partent "avec la poche", avec notre fric. On savait le capitalisme sauvage, mais on apprend qu'il est aussi sans morale. Mais les cowboys de l'industrie boursière et financière sont en train de faire couler le bateau. À force de se conduire comme des "bums" sans conscience, ils feront s'écrouler tout le système capitalisme. Si c'est arrivé au communisme, le capitalisme n'en est pas exempt. LA PRISON! Il est donc urgent que les gouvernements prennent des mesures très sévères pour corriger la situation. Les États-Unis font passer de cinq à 10 ans le nombre d'années en prison pour les tricheurs. Ils ont mis sur pied une commission sur les fraudes. C'est un début, mais un peu timide. Et peut-on avoir confiance dans les solutions créées par des gens qui ont pigé dans l'assiette au beurre quand ils étaient à table? Au Canada, le gouvernement ne fait rien. Le premier ministre est probablement trop occupé à se défendre contre le député Paul Martin qui veut lui succéder. Il ne fallait pas s'attendre à une autre attitude de la part d'un premier ministre qui n'a pas hésité à ne pas respecter les règles dans l'attribution de contrats de commandites pour contrer le séparatisme québécois et qui a aidé un de ses amis à profiter de prêts généreux de la Banque de développement du Canada pour son auberge. Pourtant, tous les Canadiens sont inquiets et des milliers sont en train de perdre une bonne partie de leurs économies parce que les "bums" de l'industrie ont détruit la confiance nécessaire dans un tel secteur économique. Il faut dire que les actionnaires toujours assoiffés de plus de profits ont jusqu'à un certain point poussé les dirigeants des entreprises à commettre ces crimes. La concurrence est telle en ce domaine comme dans d'autres que vient un temps où tous les moyens sont bons pour assurer sa survie. C'est condamnable, inadmissible, criminel. Il serait donc temps de décider, comme l'écrivait Maurice Jannard, de La Presse, le 10 juillet, que le conseil d'administration d'une entreprise doit être entièrement indépendant de la direction de celle-ci. Il serait temps d'établir que la firme qui fait la vérification des livres comptables d'une entreprise ne doit pas recevoir de contrats de consultation dans d'autres secteurs de la compagnie. Il serait temps de statuer que les analystes financiers qui couvrent une entreprise ne possèdent pas d'actions de cette compagnie. Les délits d'initiés seraient moins nombreux. Messieurs qui êtes à la tête de grandes entreprises n'avez-vous jamais entendu parler de "code d'éthique"? Messieurs des gouvernements, au Canada et au Québec en particulier, savez-vous ce que c'est la "responsabilité d'assurer le bien public"? Quelle différence y a-t-il entre un groupe criminel qui blanchit de l'argent et des dirigeants d'entreprises qui fraudent leurs clients pour grossir leurs profits, opération qui parfois finit mal et met l'entreprise en danger, fait perdre des sommes colossales aux actionnaires ordinaires et met à pied des milliers d'employés? Vite la prison! |
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