Archives de catégorie : Économie

POUR EN FINIR AVEC LA CRISE DE 2008

Avec l’année 2018 qui arrive prochainement à son terme, c’est toute une décennie qui aura vu le mythe de la « défaillance du marché » avoir la vie dure à propos du diagnostic de la méga-crise qui a débuté en 2008 et qui malmène encore l’économie mondiale, dix ans plus tard. Certes, l’affaire était très complexe. Mais que faut-il finalement en retenir… qui est le vrai coupable?

L’auteur Philippe Simonnot nous le rappelle (Nouvelles leçons d’économie contemporaine, Ed. Gallimard, 2017) : même le grand Alan Greenspan s’est trompé dans le diagnostic de ce que trop d’économistes classent comme une « crise de marchés ». Selon cette thèse, on aurait fait l’erreur de déréguler les marchés. Et d’urgence, en les réglementant à nouveau par l’intervention salvatrice de l’État, on a pu mettre un terme à l’« exubérance irrationnelle des marchés ».

Non, la crise de 2008 ne fut pas causée par une dérégulation outrancière. Elle fut plutôt et contrairement le résultat « d’une défaillance massive du système de régulation financière, de sa conception à sa mise en œuvre. » Et ce diagnostic, il fut établi dès 2008, par Jean Tirole, le Nobel d’économie de 2014.

L’origine de cette crise est donc dans la régulation – pas ailleurs – dans son mauvais usage. Tirole confirmant d’ailleurs son analyse, en publiant Économie du bien commun, en 2016.

Il faudra donc dire, pour l’histoire, que pour le « cowboy en cravate » de Wall Street, il n’y avait rien d’irrationnel à maximiser le profit immédiat en vendant à plein des subprimes. La loi le permettait, la régulation était ainsi faite! Le vrai coupable était ailleurs, systémique, et bien en amont!

Fameux subprimes, qui soulignons-le bien, ne sont pas un produit du marché : c’est d’une loi votée sous Jimmy Carter en 1977 – ensuite renforcée sous Bill Clinton en 1997 – que résulte cette création de la finance, devenue dangereuse aberration dans son exagération d’usages. Ladite législation visait l’interdiction aux banques de discriminer les gens les plus défavorisés dans leurs activités de prêts. Donc, elle imposait aux banques des États-Unis de faciliter l’attribution de prêts aux ménages pauvres. Elle obligeait même les banques à publier un suivi détaillé de leurs opérations financières, en mettant en évidence les différentes composantes communautaires de leur clientèle. L’autorité réglementaire – le Système de la réserve fédérale – avait pour mandat de vérifier que les banques répondaient convenablement aux besoins de ces communautés…

Dans la même logique, l’implosion des deux créatures étatiques intervenant dans le marché des prêts immobiliers aux USA (Fannie Mae et Freddie Mac) fut aussi un facteur déterminant de la crise. Les deux agences de crédit hypothécaire disposaient d’une ligne de crédit forte d’une garantie par l’État qui leur donnait la possibilité d’emprunter sur le marché à des taux d’intérêt plus faibles qu’une banque ordinaire. En vérité, elles assuraient ainsi le maintien d’une offre de crédit à des conditions plus favorables que si le marché s’était régulé seul.

Un troisième facteur déterminant de la crise peut aussi être relevé en ce que l’existence même de la Banque centrale, posée comme prêteur de dernier ressort du système, permit aux organismes financiers sous son « contrôle » de prendre des risques qu’ils ne devraient pas prendre.

Simonnot n’arrête d’ailleurs pas là sa critique du rôle des banques centrales dans les économies modernes. Car dans un monde qui voit dorénavant les banques centrales totalement libres et indépendantes face au pouvoir politique, à titre d’institution ayant pleinement obtenue son indépendance et qui la rend « juridiquement et politiquement totalement irresponsable », il y a risque de dérive pénible.

Et c’est ici que Philippe Simonnot lâche son jugement impitoyable :

« Les autorités politiques n’ont certes pas eu tort de renoncer à leur pouvoir monétaire, tant il est vrai que l’histoire a montré à maints occasions le mauvais usage qu’elles font de cette prérogative de « battre monnaie ». Cependant, au lieu de le confier à des instances comme les banques centrales, totalement hors contrôle et régies par des conceptions inadaptées, ils auraient dû adopter le système de l’étalon-or, le seul à pouvoir réguler le système avec efficacité et stabilité. »

Lui qui, conséquemment, plaide ensuite pour une « monnaie libre » : « (…) c’est-à-dire non soumise aux intérêts politiques et non pas gérée par des institutions mais en référence à l’étalon-or. » Parce que dans ce cadre « aucun pays ne peut déployer son nationalisme monétaire puisque personne ne peut dévaluer l’or pour son propre bénéfice ».

Selon Philippe Simonnot « il y a urgence à adopter l’étalon-or », car « la guerre monétaire » ne peut que s’intensifier. Les plus grandes monnaies du monde étant effectivement aux mains de pouvoirs politiques, avec pour principal résultat que le protectionnisme monétaire prend la place du protectionnisme commercial.

« Nous sommes arrivés au stade ultime des contradictions du système », ajoute-t-il. La monnaie n’étant plus reliée à aucune réalité économique, « on fait n’importe quoi », tonne encore ce professeur d’économie.

Simonnot terminant son plaidoyer par les mots d’un allié particulièrement convaincant : « Ce n’est pas l’étalon-or qui a échoué. Ce sont les politiques publiques (…) dans un régime d’étalon-or, nous ne nous serions jamais retrouvés dans la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui », dixit une déclaration d’Alan Greenspan au magazine Gold Investor en février 2017.

Bref, la proposition est bien sur la table : la complète sortie de crise de 2008 passerait peut-être par un retour de l’étalon-or.

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Lire notre autre article : Le meilleur concurrent du Bitcoin : un nouvel étalon-or ?

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31e Entretiens Jacques Cartier : l’entrepreneuriat féminin en débat

Tenu chaque année alternativement en Auvergne-Rhône-Alpes et à Montréal, l’événement est devenu un rassemblement incontournable de la Francophonie. En 2018, c’était au tour de Lyon de se faire ville hôtesse, du 12 au 14 novembre, pour la 31édition des Entretiens Jacques Cartier, rendez-vous annuel des acteurs académiques, scientifiques, culturels, économiques et institutionnels du Québec et de la France qui se rassemblent pour renforcer l’écosystème franco-québécois autour d’un programme de conférences, événements et rencontres de réseautage.

Pour cette 31édition, plus de 3 000 acteurs et décideurs, dont plus de 200 Canadiens, ont échangé autour des huit grands thèmes d’un programme enrichi de la participation de 440 conférenciers qui animaient quelque 35 événements de la programmation :

• Santé/sciences de la vie

• Énergie et développement durable

• Mobilité/territoires et villes intelligentes

• Enjeux sociaux et économiques

• Finances et affaires juridiques

• Numérique et technologies

• Entrepreneuriat

• Culture, art et performance

LES 48 H DE L’ENTREPRENEURIAT

Grande nouveauté de l’édition 2018, le Centre Jacques Cartier aura dédié deux jours complets de la programmation aux questions liées à l’entrepreneuriat : «Les 48 heures de l’entrepreneuriat France-Québec». Initiative qui n’est pas étrangère à la récente entrée en application du nouveau traité commercial de libre-échange entre le Canada et l’Europe (AECG) dans un contexte économique de plus en plus mondialisé.

Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, qui participe aux Entretiens Jacques Cartier depuis plus de 15 ans, est d’ailleurs intervenu sur l’intérêt de ces rencontres : « L’internationalisation et l’exploration de nouveaux marchés constituent une étape incontournable pour les entreprises qui souhaitent accélérer leur croissance. La Chambre et ses experts Acclr en commerce international sont ainsi heureux d’accompagner une délégation d’entreprises dans le cadre de la mission en Auvergne-Rhône-Alpes et de les appuyer dans le renforcement de leurs liens commerciaux avec l’Europe. Les Entretiens Jacques Cartier représentent l’occasion d’établir une relation durable avec de futurs partenaires et de tirer profit de la récente entrée en vigueur provisoire de l’Accord économique et commercial global ».

BAROMÈTRE EJC : REGARDS CROISÉS SUR L’ENTREPRENEURIAT

Pour la deuxième année consécutive, un baromètre a ainsi été proposé à 50 participants triés sur le volet et représentant des institutions et organismes du Québec et de la France. Les répondants ont donc pu partager et comparer leurs visions de l’entrepreneuriat.

« Nous sommes heureux de présenter la deuxième édition de notre baromètre de l’entrepreneuriat Lyon-Montréal. C’est un outil utile et disponible pour toutes les organisations intéressées (universités, chambres de commerces…) proposant des axes de réflexion et des tendances qui nourrissent les activités des Entretiens Jacques Cartier, et notamment notre forum des Entrepreneurs France-Québec », a expliqué Frédéric Bove, d-g du Centre Jacques Cartier.

Pour la deuxième année consécutive,
le Centre Jacques Cartier, organisateurs des Entretiens Jacques Cartier : le rendez-vous francophone France x Québec x Canada, publie son
baromètre de l’entrepreneuriat France x Québec, en collaboration avec l’agence presse Villemarie.

Objectifs : connaître les besoins des entrepreneurs pour adapter les initiatives d’accompagnement à l’entrepreneuriat, comprendre les attentes des entrepreneurs Français, Québécois et Canadiens et favoriser les échanges d’affaires entre les deux territoires.

Fruit dudit baromètre, on peut sans trop de surprise d’abord noter qu’à l’unanimité chez les répondants français et québécois, « posséder un bon réseau est une condition essentielle à la réussite d’un entrepreneur ». Une unanimité qui n’est cependant plus de mise dès la deuxième caractéristique essentielle au succès d’une entreprise : qui est la créativité et l’innovation, à 66% chez les répondants du Québec, mais qu’à 50% chez les répondants de France.

De plus, le climat entourant le choix de l’aventure entrepreneuriale semble diviser les avis des deux côtés de l’Atlantique, puisque 40% de répondants français, contre seulement 6% des répondants québécois, révèlent un manque important de soutien de la part de l’entourage et des proches lorsque vient le moment de se lancer en affaires.

À la question « laquelle de ces affirmations vous semble la plus juste concernant la place des femmes dans l’entrepreneuriat? », 44% des répondants français, mais seulement 29% des répondants québécois, affirment que « les femmes n’ont pas encore la place qu’elles méritent dans le champ entrepreneurial ».

Cette divergence de point de vue entre la France et le Québec, qui demeure depuis 2017, démonte donc encore que les répondants français considèrent que la femme ne possède pas la place méritée dans le monde de l’entrepreneuriat. Solution : autant pour les répondants français que québécois, l’outil le plus pertinent et utile pour favoriser l’entrepreneuriat féminin serait « d’éveiller le désir d’apprendre en intégrant un volet de sensibilisation sur le rôle des femmes en entreprise dans les programmes scolaires ».

MONTRÉAL EN FORCE

La Chambre de commerce du Montréal métropolitain était par ailleurs satisfaite du succès de sa mission commerciale à Lyon qui s’est déroulée du 12 au 14 novembre 2018 dans le cadre des 31e Entretiens Jacques Cartier. Cette mission a réuni 25 participants québécois, qui ont bénéficié d’une formation de haut niveau et de rencontres ciblées avec des acteurs clés de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

« Lyon se distingue en Europe pour l’importance des investissements étrangers qui y affluent et son environnement d’affaires des plus avantageux. Chaque année, depuis 30 ans, la Chambre participe aux Entretiens Jacques Cartier pour établir une relation durable avec les principaux acteurs de la région afin d’accélérer la croissance des entreprises participantes. La présence aux Entretiens d’organisations phares de la métropole telles que Montréal international, Tourisme Montréal et le Conseil des arts de Montréal témoigne de l’importance de l’événement et de l’intérêt mutuel qui existe entre Montréal et Lyon », a aussi déclaré Michel Leblanc, pdg de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

« Les discussions de cette année ont permis d’aborder des thèmes très actuels du milieu des affaires, comme les industries créatives et l’entrepreneuriat féminin. La culture et les industries créatives sont des éléments centraux de l’identité de la métropole. Elles constituent d’importants leviers de développement économique et de rayonnement, chez nous comme à l’international. Par ailleurs, la métropole se démarque par la progression constante de femmes entrepreneures ou de femmes ayant l’intention de lancer une entreprise. Les Entretiens de cette année ont fourni l’occasion à une quinzaine de femmes entrepreneures du Québec et de la France d’illustrer avec éloquence les défis de la croissance et leur vision du leadership », d’ajouter Michel Leblanc.

Les entreprises québécoises suivantes ont participé à la mission commerciale :

· 4elements

· Benedetta Covanti

· Cas Public

· Conseil des arts de Montréal

· Elektra

· Ensemble Paramirabo

· Entremise

· Festival BD de Montréal

· Génome Québec

· Hauben inc.

· Jeune Chambre de commerce de Montréal

· Le Moulin à Musique

· Les Boréades de Montréal

· Orange Noyée

· Pédales à paroles

· Quatuor Bozzini

· Sommelier Nordiq

· Zone Franche

La délégation montréalaise a notamment pu visiter le laboratoire de création Subsistances, ainsi que l’usine lyonnaise d’Alstom.

À PROPOS DU CENTRE JACQUES CARTIER

Créé en 1984, le Centre Jacques Cartier (CJC) est un acteur majeur de la coopération entre le Québec, le Canada, Auvergne-Rhône-Alpes, la France et de leurs métropoles : Montréal, Lyon, Saint-Étienne et Clermont-Ferrand.

Avec plus de soixante partenaires publics et privés des deux côtés de l’Atlantique, la mission du CJC est de fédérer ses partenaires, d’optimiser une dynamique de réseau liée à l’innovation et d’accélérer les opportunités économiques.

 

POUR TROUVEZ LES RÉSULTATS COMPLETS DU BAROMÈTRE :

WWW.CENTREJACQUESCARTIER.COM

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« L’écologie de marché » vingt-cinq ans plus tard

Avec son ouvrage « L’écologie de marché – ou l’économie quand tout le monde gagne! Enquêtes et propositions », l’auteur Paul Hawken avait pressenti la nécessité de l’économie circulaire bien avant que l’actualité du XXIe siècle ne s’empare de ce concept. C’est en 1993 que la version originale anglaise fut publiée : « The ecology of commerce ». Force est de constater que si vingt-cinq années ont passé, la lecture de cet essai est terriblement d’actualité. Terriblement, comme dramatiquement, si vous avez les risques du dérèglement du climat de la Terre en tête. Car l’humanité ne semble toujours pas apprendre avec le bon rythme la nécessité du changement et de son adaptation. Sinon…

UNE OEUVRE PHARE

Tout le premier chapitre du livre est un petit bijou de lucidité.

« Comment l’économie elle-même pourrait survivre à une perpétuelle dégradation des systèmes vivants au plan mondial? » Hawken, dès le début des années 1990, savait déjà se poser la bonne question…

Continuant ainsi son constat : « Où est la logique à continuer d’extraire des ressources de plus en plus rares pour constituer un capital qui finance toujours plus la consommation qui, elle-même, demande une toujours plus grande exploitation de ces ressources? Comment imaginer un futur quand le système commercial serait en conflit avec tout ce que la nature nous apprend? »

Face au « déclin fondamental » que nous ne faisons que commencer à comprendre des écosystèmes biologiques terrestres « (…) le recyclage des canettes en aluminium à la cafétéria ou les cérémonie de plantation d’arbres semblent aussi efficaces que l’aurait été l’écopage du Titanic avec des cuillères à café », observa-t-il sans complaisance. De bonnes idées certes, mais « cruellement inadéquates ».

Reconnaissant que pendant des siècles le commerce « a pu se déclarer être la clé pour délivrer les richesses cachées de la création et les distribuer aux masses », sa lecture du monde moderne refuse de rêver en couleur : « Mais maintenant, au lieu de distribuer la richesse présente, nous sommes en train de voler la richesse du future pour enrichir une société qui semble troublée par sa « bonne fortune ». Pendant que le capitalisme démocratique génère toujours une vision optimiste d’abondance pour l’humanité et de ses potentialités, il retient toutes informations qui pourraient permettre de contester cette vision d’un système économique qui s’avère aussi désastreux qu’une guerre. »

« Ayant épuisé les ressources du monde naturel pour satisfaire une courte période de liberté matérielle, il nous faut maintenant rendre, autant qu’il est possible, ces ressources et accepter les limites et la discipline qu’impose notre relation au monde naturel ».

ACCEPTER LES LIMITES ET LA DISCIPLINE
QU’IMPOSE NOTRE RELATION
AU MONDE NATUREL…

Paul Hawken est encore plus provocateur lorsqu’il lance que « les activités et les buts du commerce doivent être jugés, non selon les standards hérités de la culture économique, mais dans la perspective du monde et de la société. »

Et à ses yeux, « il faut un nouveau langage pour le commerce, une nouvelle façon de voir les choses, le commerce faisant partie d’un environnement plus large ».

UN NOUVEAU LANGAGE POUR LE COMMERCE

Dans le langage et la comptabilité de l’économie classique, les ressources n’existent pas tant qu’elles ne sont pas extraites, pompés, coupées; du point de vue biologique, c’est exactement l’inverse.

Juste observateur, Hawken reconnaît donc le piège, l’erreur, du langage commercial qui réduit les transactions du vivant à des coûts et des échanges de valeurs.

Bref, le fait que le commerce ne fasse pas de distinction entre un profit qualitatif et un profit quantitatif devient logiquement suicidaire dans un contexte de raréfaction des ressources de base, et Paul Hawken ose le dénoncer.

Il propose l’économie de la restauration, en opposition avec celle de l’industrialisation qui, elle, ne fait du commerce que pour faire de l’argent. Et dans cette économie réparatrice, « la viabilité est déterminée par la capacité à intégrer ou à reproduire les systèmes cycliques, dans les moyens de production comme de distribution. »

Son analyse de la société occidentale moderne témoigne d’une connaissance fine de ses rouages : « La protection de l’environnement ne doit pas être conduite par des décrets législatifs, des actions altruistes ou caritatives. Tant qu’il en sera ainsi, elle ne sera qu’un décor subordonné à la finance, à la croissance et à la technologie. »

« L’industrie est confrontée à trois problèmes : ce qu’elle prend, ce qu’elle en fait et ce qui en résulte, les trois étant intrinsèquement liés. Premièrement elle prend trop dans l’environnement, ensuite les produits qu’elle génère nécessitent trop d’énergie et sont trop polluants; enfin les méthodes employées et les produits eux-mêmes engendrent des quantités extraordinaires de déchets qui font du tort aux générations présentes et futures de toutes les espèces vivantes. »

Bref, autre belle observation : nous nous appelons consommateur, mais nous ne consommons pas!

Toujours selon l’auteur, la solution à ces trois problèmes réside dans autant de principes qui gouvernent la nature : d’abord un déchet c’est de la nourriture (mieux, dans la nature, un déchet est constamment recyclé pour nourrir d’autres espèces avec un minimum de dépense d’énergie ou d’apports extérieurs); deuxièmement la nature dépend entièrement de l’énergie apportée par le soleil; et en trois, il y a le fait que la nature a besoin de la diversité.

Effectivement, dans le système fermé qu’est la Terre le seul apport externe vient du soleil bien que la nature encourage la différence et meurt du déséquilibre de l’uniformité.

La nature n’est pas produite en masse!

Et un modèle écologique de commerce voudrait que chaque déchet soit totalement valorisé dans le cycle de production afin que tout soit recyclé, réutilisé, récupéré.

LE PROBLÈME DU MARCHÉ

Dans toute son analyse, l’auteur ne manque pas de faire remarquer le principal défaut du marché : « Les marchés qui sont si efficaces pour fixer les prix, n’ont pas les moyens de reconnaître les vrais coûts de production. »

Et à cause de cette faiblesse, le commerce est pris entre les deux contradictions que sont l’objectif de parvenir aux prix les plus bas possibles pour survivre sur le marché et la pression sociale toujours plus forte d’agir de manière responsable devant les contingence de l’environnement.

Résultat : « (…) l’aspect le plus funeste de notre système économique actuel est que le coût de la destruction de la terre est totalement absent des prix pratiqués sur le marché. Une information essentielle et vitale manque donc à tous les niveaux de l’économie. »

Une « omission » permettant selon Hawken au capitalisme de durer « plus qu’il ne devrait » et « empêche l’apparition de l’économie réparatrice ».

Son livre cite notamment une donnée stupéfiante se rapportant à l’automobile. Car il y rappelle que Ivan Illich a déjà démontré que l’Américain moyen est occupé par sa voiture 600 heures par an, en devant travailler pour l’acquérir, en plus de la conduire et de devoir l’entretenir et la faire réparer. Or, si l’on divise le nombre de kilomètres effectués dans l’année par le nombre d’heures prises par la machine, on obtient que l’automobile roule à une vitesse moyenne de 8 km/h!

Il fait aussi remarquer que l’humain se développe depuis une attitude de recherche de gratification égoïste jusqu’à certain degré d’éveil moral. Nous nous sommes convaincus longtemps que les forces qui régissent l’économie ne peuvent que détruire et exploiter. Mais une écologie de marché, ce n’est pas inhérent à la nature du commerce ou du libre-échange. « On peut faire autrement »!

S’INSPIRER DE LA NATURE

Et, en faisant référence à la nature, il fait remarquer que rien ne peut produire plus avec si peu : « Tous les systèmes industriels deviennent ridicules si l’on compare leur efficacité à celle des systèmes naturels de production (…) Sachant cela, l’évidence désigne la nature comme l’exemple type de ce que doit être une forme plus évoluée d’économie. »

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Si des sceptiques arguent que nos sociétés n’ont pas assez de ressources financières pour relever les défis du développement durable et d’une écologie de marché, il rappelle que le duel USAURSS engouffra pas moins de 10 000 milliards de $ pour la Guerre Froide : « Assez d’argent pour remplacer toutes les infrastructures du monde, toutes les écoles, tous les hôpitaux, les routes, et tous les immeubles. »

Investir autant pour battre un mouvement politique! Et « dire maintenant que nous n’avons pas les ressources pour mettre en place une économie réparatrice est plus qu’ironique puisque les menaces auxquelles nous sommes confrontés sont tout à fait réelles tandis que les menaces de l’après-guerre n’étaient que de l’ordre du possible. »

Corriger le marché afin qu’il puisse mieux reconnaître les coûts, tout en continuant à très bien établir le niveau des prix, aurait au surplus un autre avantage formidable : il en résulterait généralement de l’innovation et de la créativité. Car c’est ce qui arrive spontanément si le marché doit répondre à toutes hausses des coûts. Cette pression sur le marché provoque de se casser la tête à mieux s’organiser, à encore mieux faire, à changer les choses pour tenter de regagner de l’efficacité face à la concurrence et protéger ses parts de marché.

C’est parce que la première liberté du marché global est de croître inlassablement et sans se soucier des conséquences sur l’environnement – considérées par les économistes comme des externalités – qu’il faut corriger nos méthodes comptables et de calcul de la rentabilité économique.

« Peut-on imaginer une compétition entre les entreprises qui améliorent les systèmes vivants et culturels? Pouvons-nous concevoir un partenariat économique public-privé qui renverse les tendances afin que le succès économique soit l’équivalent du succès biologique? Je crois que c’est possible », osa répondre Paul Hawken en 1993.

Autre rappel très parlant de l’auteur : « Le gouvernement n’a pas attendu que le marché « s’autorégule » pour abolir l’esclavage pour la simple et bonne raison qu’il ne pouvait pas attendre. »

En 2018, l’humanité ne peut plus attendre face aux constats que dévoile la science face au dérèglement climatique.

Il faut définitivement mieux intégrer les coûts environnementaux dans les prix. Ce que l’économiste anglais Nicolas Pigou prônait déjà en 1920 avec la publication de son ouvrage « The Economics of Welfare ».

Le système commercial des échanges en société doit devenir un chemin de conscience correspondant à une conception écologique du temps qui respecte toutes les interdépendances biologiques. Le commerce doit absolument être capable de fonctionner en soutenant les systèmes vivants. Ultimement, toute la pérennité du système en dépend.

Et soyons clairs : le but d’intégrer les coûts dans les prix n’est pas de voir se construire une autoroute pour les pollueurs; c’est plutôt un chemin pour l’innovation.

Vingt-cinq ans après son livre, Paul Hawken ne serait certes pas satisfait des pas accomplis par l’humanité depuis son essai. Trop de lenteur. Son espoir serait probablement à voir l’économie circulaire prendre forme dans de plus en plus d’endroits du monde.

(À l’initiative du gouvernement du Québec se tiendront Les assises québécoises de l’économie circulaire, à Montréal, le 5 décembre 2018.)

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L’île de Vancouver devient une nouvelle zone franche du Canada

La confirmation de cette désignation a été publicisée fin septembre 2018. Ce statut de zone franche aidera les entreprises à faciliter les exportations et à créer des emplois. Les petites et moyennes entreprises de Port Hardy à Victoria, sur l’île de Vancouver, bénéficieront donc de nouveaux emplois et de nouvelles occasions d’affaires grâce à cette désignation officielle en tant que zone franche. Une démarche appuyée par la Vancouver Island Economic Alliance (VIEA).

Géographiquement excentré et insulaire, le territoire de l’île de Vancouver, tout à l’ouest du pays, est au Canada particulièrement redevable des apports du commerce international. Grâce à la nouvelle désignation de zone franche, la VIEA mettra en valeur le réseau de centres de commerce de la région et exploitera son emplacement propice offrant de nombreux ports en eau profonde et aéroports. Surtout que lesdits ports ont la capacité de prendre en charge des volumes dix fois plus élevés qu’actuellement.

Cette désignation est assurément un élément important pour ce qui est de renforcer les industries traditionnelles des îles sur la scène mondiale tout en créant de nouvelles possibilités dans le secteur de la fabrication.

La désignation de l’île de Vancouver en tant que centre de zone franche cadre aussi avec les priorités du gouvernement du Canada visant à aider les entreprises à accroître leur capacité concurrentielle sur les marchés internationaux et dans les chaînes de valeur mondiales. Grâce au climat d’investissement créé, au régime tarifaire accordant la franchise à l’égard des intrants de fabrication et aux faibles impôts des sociétés du Canada, l’île de Vancouver continuera donc de jouer un rôle essentiel en raison de son emplacement stratégique pour le commerce international.

« L’île de Vancouver est stratégiquement située pour le commerce d’exportation avec l’Asie et les Amériques. L’île compte une importante quantité de terrains industriels sous-utilisés dotés d’infrastructures de transport possédant une capacité suffisante pour gérer un volume d’exportation plus élevé et attirer des investissements. La VIEA est ravie de recevoir cette désignation pour l’ensemble de l’île de Vancouver »
– George Hanson, pdg, Vancouver Island Economic Alliance


Renseignements sur les zones franches (ministère des Finances Canada)

Vancouver Island Economic Alliance

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Greenpeace dénonce les multinationales toujours responsables de déforestation avec l’huile de palme

Dans une nouvelle enquête publiée le 19 septembre 2018, Greenpeace International révèle que des multinationales comme Unilever, Nestlé, Colgate-Palmolive, Mondelez et L’Oréal restent impliquées dans la destruction des forêts tropicales d’Indonésie. Cela « en dépit de leurs engagements ». Greenpeace dénonce également la « déforestation croissante de la province indonésienne de Papouasie, jusque-là épargnée ».

Toujours selon la même enquête, Greenpeace a examiné les activités de 25 producteurs d’huile de palme responsables de déforestation. L’organisation aura ainsi découvert que depuis fin 2015, ces producteurs qui fournissent de l’huile de palme aux multinationales agroalimentaires et cosmétiques ont détruit plus de 130 000 hectares de forêts.

De plus :

  • 40% des zones déforestées (51 600 hectares) se trouvent en Papouasie indonésienne, une des régions du monde les plus riches en biodiversité et qui était jusqu’à récemment préservée de l’industrie de l’huile de palme.
  • 12 grandes marques s’approvisionnent auprès d’au moins 20 de ces producteurs d’huile de palme : Colgate-Palmolive, General Mills, Hershey, Kellogg’s, Kraft Heinz, L’Oréal, Mars, Mondelez, Nestlé, PepsiCo, Reckitt Benckiser et Unilever.

L’enquête de Greenpeace démontre que Wilmar International – qui est le plus gros négociant d’huile de palme au monde et se positionne d’ailleurs comme le principal client de 18 des producteurs étudiés – continu à détruire les forêts tropicales.

Déjà en 2013, Greenpeace dénonçait « les atteintes à l’environnement de Wilmar et de ses fournisseurs ». Plus tard la même année, Wilmar avait adopté une politique « zéro déforestation, zéro destruction des tourbières et zéro exploitation de la main d’œuvre ». Mais l’analyse la plus récente de Greenpeace prouve qu’encore aujourd’hui « Wilmar s’approvisionne en huile de palme produite par des producteurs qui détruisent les forêts tropicales et s’accaparent les terres de communautés locales ».

«Les multinationales des secteurs agroalimentaire et cosmétique comme Unilever, Nestlé, Colgate-Palmolive et Mondelez ont promis à leurs clients qu’elles n’utiliseraient que de l’huile de palme zéro déforestation, mais elles n’ont pas tenu cette promesse. Ces multinationales doivent régler le problème une bonne fois pour toutes en suspendant leurs relations avec l’entreprise Wilmar tant qu’elle ne peut pas prouver que son huile de palme ne contribue pas à la déforestation»,  a expliqué le chargée de campagne Forêt à Greenpeace Indonésie, Kiki Taufik.

Le rapport présente aussi une évaluation complète de la déforestation touchant présentement la Papouasie indonésienne.

« L’industrie de l’huile de palme s’enracine en ce moment en Papouasie et déforeste à un rythme alarmant. Si nous n’arrêtons pas ces producteurs sans scrupules, les magnifiques forêts de Papouasie seront détruites pour de l’huile de palme, à l’instar de celles de Sumatra et de Kalimantan », alerte aussi Kiki Taufik.

Impacts de l’huile de palme sur l’environnement et le climat

Le rapport “Final countdown” complet en anglais est disponible: ici.

Des photos et des vidéos illustrant l’enquête sont disponibles: ici.

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Source de l’image: Greenpeace

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