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Quand la Suisse forme et inspire un Québécois

PBélanger2015

Quatre années à compléter un doctorat au Laboratoire de recherche en Management et économie de l’environnement construit et naturel (REME), devenu à sa suggestion le Laboratoire d’économie urbaine et de l’environnement (LEURE) de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, il y a de quoi retirer des observations dignes à partage. C’est à cet exercice que nous avons convié Philippe Bélanger. Il a accepté avec plaisir et le résultat est pour vous.

Quelles furent donc les plus belles découvertes du doctorant durant ces quatre années passées à Lausanne?

LES FORCES DE LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE

Spontanément, il lance avoir beaucoup aimé la manière dont le gouvernement utilise les universités pour y faire faire de la recherche : « En Suisse, au lieu de financer des centres de recherche publics, le gouvernement finance la recherche universitaire, qui a d’autant plus l’avantage d’être indépendante (…) De toutes manières, comme pour le secteur bancaire, on y retrouve une grosse culture du secret, mais aussi de collaboration et avec un sens de l’éthique très fort (…) Les moyens des professeurs sont incomparables avec ici, au Québec », termine-t-il sur ce point, en précisant qu’il faisait partie d’une équipe de neuf étudiants doctorants attachés au même professeur.

Et ce lien fort État-Recherche universitaire s’applique aussi au secteur privé.

« Je n’avais qu’un pas à faire pour me retrouver au Quartier de l’innovation (…) La vitesse avec laquelle une idée peut y devenir une Strart-up et ensuite une entreprise réussie est surprenante ». Le campus de l’EPFL compte sur un Quartier de l’innovation, avec des noms tels Nestlé, Crédit Suisse et Logitech bien en évidence sur les centres de recherche privés installés là avec un bail de 75 ans et les chercheurs de la compagnie qui accueillent et emploient des étudiants sur les lieux même de leur campus universitaire pour des projets de recherche propres ou en collaboration avec l’EPFL.

« Les trois derniers bâtiments du campus ont d’ailleurs été des réalisations du privé, avec des droits emphytéotiques de 100 ans. Ici, l’université a compris qu’elle ne gagne rien à gérer de l’immobilier. Elle confie ça au privé, tout en gardant ses droits de propriété à long terme sur les terrains. »

« Les barrages hydroélectriques du pays sont sur le même principe. C’est ainsi que dans les dix prochaines années, j’ai observé qu’il y a des cantons en Suisse qui récupéreront la propriété de ces infrastructures, devenant milliardaires en valeur. Le canton du Valais est le meilleur exemple ici, les barrages de la vallée du Rhône seront propriété du canton alors que les barrages sur les affluents dans les vallées seront propriété des communes[1] (…) J’ai vu là de quoi revoir nos pratiques de PPP (partenariat public privé) au Québec. »

UNE SUISSE INSPIRANTE

Les trains ne sont pas juste à l’heure au pays de l’horlogerie. On se déplace en train de partout de par un réseau parsemé de nombreux carrefours – hub – pour le transport des personnes. « J’ai constaté que le premier poste budgétaire des dépenses de l’État en Suisse c’est le transport en commun! (…) Vivement l’électrification des transports au Québec. »[2]

Du transport au bâti, il faut penser en terme de multifonctionalité à l’avenir : « Le concept d’édifice à bureaux c’est fini (…) Comme Cominar l’a très bien compris au Québec ». Il rêve donc de voir la tour de 65 étages du Phare, qui s’élèvera prochainement à Québec, permettre de constituer un véritable hub de transport en commun.

Ensuite Québec, qui se dit « ville intelligente », pourra s’inspirer de Genève, une des rares villes au monde, sinon la seule, à disposer d’un système de relevés géologiques 3D. « Ça permet des choses impressionnante en matière de planification ».

ASSURANCE LOYER

En Suisse, la règle du dépôt de garantie de trois mois est de rigueur pour les locataires de logement. En contrepartie, y existe le système de l’assurance loyer. Les locataires qui ne peuvent ou ne veulent pas immobiliser trois mois de loyer à la signature du bail peuvent souscrire à une assurance loyer qui prendra le dépôt en charge, exemple avec SwissCaution. « Ce système a un autre avantage : l’argent est gelé dans un compte en fidéicomi et il faut l’aval et du locataire et du propriétaire pour le remettre à qui de droit à la fin du bail. Si des dégâts sont observés et que le logement nécessite des réparations, le propriétaire trouve là les fonds pour aviser; si tout est en règle la somme est reversée du côté du locataire déposant. Ça assure aussi la bonne qualité du lieu en tout temps », explique Philippe Bélanger, qui n’a pas vu sa facture de loyer augmenter d’un seul franc en quatre ans de location.

On peut également y voir une alternative au recours à la justice et aux interminables procédures des petites créances pour régler les litiges du genre, ici, au Québec surtout les problèmes d’insolvabilité des locataires.

« En Suisse, il existe également un registre des poursuites dont le locataire doit fournir l’extrait le concernant pour obtenir une location. Les locataires ont donc intérêt à rencontrer leurs obligations et les propriétaires ont facilement accès à un outil qui certifie de la qualité du locataire. C’est cependant le locataire qui doit demander et fournir l’attestation de l’office des poursuites, puisque le propriétaire ne peut l’obtenir, confidentialité oblige. »

Le droit immobilier est fondamental et très présent en Suisse, car 70% des appartements locatifs y sont des propriétés individuelles. Sorte de preuve que l’on peut trouver là une belle manière de permettre à une population de s’enrichir.

RETOUR SUR L’HYPOTHÈQUE 25 OU 30 ANS

Philippe Bélanger ne comprend d’ailleurs pas l’évident mauvais choix, selon sa perspective, fait à Ottawa pour la lutte à l’endettement des ménages : « En plafonnant la durée des hypothèques à 25 ans maximum, le ministre Flaherthy a restreint ce qui constituait la seule dette qui aide les familles à s’enrichir (…) toutes les études le confirme (…) Ils auraient dû agir du côté des cartes de crédits, là où le problème est bien pire », analyse-t-il.

Avec toujours l’exemple de la Suisse en tête, pays où l’endettement hypothécaire est le plus important (140% du PIB) d’Europe, mais aussi où les ménages épargnent le plus (17,5% de leur revenu brut) et avec la valeur nette moyenne des ménages la plus élevée à 467 000 CHF.

Par l’application de cette mesure du gouvernement fédérale canadien, le simple jeu de l’offre et de la demande aura ralenti le marché dans le Canada tout entier et c’est bien ce que l’on observe encore : « Les gens les plus à risque ont été contraints à se limiter dans leur projet d’acquisition, diminuant d’autant la demande de financement. La différence sera qu’une famille payera par exemple 4, au lieu de 3 fois, les frais de rachats d’une nouvelle maison avant d’arriver à l’acquisition rêvée, parce que dorénavant elle doit rallonger les étapes ».

« L’immobilier reste une des façons les plus sûres de s’enrichir, la rareté des terrains pousse continuellement la valeur avec une pression vers la hausse plus rapide que l’inflation. En Suisse, c’est complexe, mais il y a la possibilité d’une durée infinie de l’hypothèque. »

Et si ça ne fonctionnait pas, il y a longtemps que le peuple aurait fait changer les choses, avec le droit aux initiatives populaires très inscrit dans la culture démocratique de la Suisse: « Des référendums partout, j’ai adoré ça! »

« J’ai aimé aussi observer qu’en Suisse les conventions collectives n’existent pas par entreprise, mais par secteur. Et avec des échelons salariaux avec marges, donnant la souplesse nécessaire pour que les entreprises offrent des encouragements. La participation au syndicat n’y est par ailleurs pas obligatoire, pas de formule Rand. »

« Et l’éducation est gratuite du début à la fin. Même que comme doctorant j’étais payé et on recevait des allocations mensuelles de 325 CHF par enfant. Ce système fait partie des conditions de travail de base en Suisse. »

Sa conjointe trouvera par ailleurs du travail comme infirmière aussitôt arrivée en Suisse. « Ils voulaient qu’elle rentre travailler le lendemain! »

À force de comparer, il a conclu que le Québec avait encore tout à s’inspirer de la Suisse: « Je n’ai pas trouvé rien de mieux ici. Le Québec devrait être comme la Suisse, surtout que nous disposons de bien plus de ressources qu’eux. »

Il gardera heureusement un lien prometteur avec la Suisse, devant y retourner en avril prochain pour y redonner sa part d’un cours concentré sur une semaine portant sur l’intégration de l’architecture et des énergies renouvelable dans un paysage alpin[3].

Dorénavant, l’Université Laval compte cependant sur un nouveau jeune professeur en immobilier du développement durable qui apporte sa brique à rebâtir le département. M. Bélanger signe Assistant professor, Finance, Insurance and Real Estate Department, à la Faculté des Sciences de l’administration.

Philippe Bélanger a certes été déçu de constater l’impossibilité de trouver les statistiques historiques de taux d’intérêts hypothécaires réels au Canada. « Je souhaitais faire porter une bonne partie de ma thèse de doctorat sur ce sujet, mais ces données historiques n’existant vraisemblablement pas, j’ai dû me contenter d’appliquer mon approche à la Suisse seulement. » Il apporte donc les fruits de sa thèse titrant: « Energy Efficiency Valuation and Mortgage’s Implicit Insurance » dirigée par Philippe Thalmann.

Le professeur Francois Desrosiers, qui enseigne l’immobilier depuis des années et qui l’a aidé à trouver son directeur de thèse en Suisse, a maintenant de la relève au point que ses jeunes collègues l’entendent parler de moins en moins de prendre sa propre retraite. (Pendant la même période, l’Université Laval a aussi engagé un autre jeune professeur prometteur dans ce domaine).

Que du bon pour l’Université Laval et le Québec.

[1] letemps.ch/Page/Le_Valais_doit_barrages

[2] dievolkswirtschaft.ch/2009/05/10F_Schwaar.pdf

[3] edu.epfl.ch/renewable-energy-and-solar-architecture-in-davos

 

Sauriez-vous nommer les cinq « Lions d’Afrique »?

En les comparant aux « Quatre dragons » d’Asie, l’universitaire congolais Emmanuel Okamba présente les actuels cinq « Lions d’Afrique »: Afrique du Sud, Nigeria, Ghana, Kenya et Égypte.

La comparaison n’est pas banale parce que la Corée du Sud, Taïwan, Singapour et Hong Kong sont considérés depuis les années 1990 comme des pays développés à part entière. Et c’est à leur image qu’il parle des cinq lions africains, parce qu’ils sont des pays bien intégrés dans la mondialisation avec des performances économiques semblables aux premières années des dits dragons asiatiques. Reste à constater que l’avenir leur réserve les mêmes accomplissements.

ORIGINE DU CONCEPT DE PAYS «ÉMERGENT»

La première liste des pays émergents fut élaborée en 2005 par Goldman Sachs qui forgea ainsi l’expression « BRIC ». À la suite de ce quatuor Brésil-Russie-Inde-Chine, elle ajouta aussi onze « grandes économies en développement » : Bangladesh, Égypte, Hongrie, Iran, Mexique, Nigeria, Pakistan, Philippines, Thaïlande, Turquie et Afrique du Sud.

On remarque qu’en 2005 figuraient déjà 3 de nos « lions africains ».

L’avenir plus immédiat du continent africain n’est cependant pas encore de figurer au sommet avec les leaders. Créé en 2010 par Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (BBVA), le label EAGLES : « Emerging and Growth Leading Economies » désigne les pays dont la contribution à la croissance économique mondiale dans dix ans sera en moyenne supérieure à celle des plus grandes nations industrialisées. Et l’Afrique y est absente : Brésil, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Mexique, Russie, Taïwan et Turquie.

Sauriez-vous nous amener à Nollywood?

Nollywood… comme Bollywood et surtout comme Hollywood! Amérique, Asie… Afrique; Nollywood, comme le Hollywood de l’Afrique. Eh oui! Et c’est au Nigeria qu’il vous faudra aller, dans ce pays qui deviendra plus populeux que les USA d’ici quelques décennies.

MERCI À LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

On entend depuis longtemps parler du pendant indien de la Mecque de l’industrie cinématographique mondiale, qui opère de Bombay depuis des lustres. Les nouvelles TIC et l’industrie du DVD ont cependant permis à l’Afrique de se doter du troisième pôle mondial du cinéma.

La révolution numérique a même permis à l’Afrique de se faire pionnière dans l’innovation peu coûteuse. Grâce particulièrement au cinéma numérique Nollywood a pu se développer rapidement et devenir, en terme de valeur, la 3e industrie cinématographique du monde après Hollywood et Bollywood.

Maintenant deuxième employeur du Nigeria derrière l’agriculture, cette industrie de 500 à 800 millions $ par an produit une moyenne de 2 000 films long métrage par année. Et le secret de la recette n’est pas sorcier : un long métrage en DVD se vend 2 $ et s’écoule en moyenne à 50 000 exemplaires, constituant directement un moyen de divertissement abordable pour les Africains et un modèle de production rapide qui s’exporte de plus en plus à travers le continent.

Pourquoi le DVD?

L’Afrique dans sa totalité n’offre qu’une seule salle de cinéma par million d’habitants. C’est vingt fois moins qu’en Inde et un taux encore 13 fois moindre que celui de la Chine.

TABLEAU 1 : LES SALLES DE CINÉMA DANS LE MONDE
Territoire Nombre de salles de cinéma
USA 40 000
Inde 20 000
Chine 13 000
Afrique Moins de 1 000

Source : Carlos Lopes, revue Géopolitique africaine, No. 53-54, 2015, pp. 17-23

 

L’accès à une salle de cinéma n’a heureusement rien à voir avec la capacité du continent à produire du cinéma de qualité. Avec ses 54 pays comptant plus de 3 000 cultures différentes, la créativité africaine restera pour longtemps encore un vivier de la diversité humaine.

« Les défis du Canada face aux grandes tendances mondiales » : Le Club Économique de Québec se lance avec Jean Charest comme conférencier

C’est du deux nouvelles en une! Bien inspiré du Club économique de New York, le fondateur du Journal Chefs d’entreprises, Pierre Drapeau, lance le Club Économique de Québec. Un regroupement de membres provenant des plus hautes sphères du domaine des affaires et de la finance ainsi que des milieux industriels, gouvernementaux, institutionnels et commerciaux visant à constituer « un important forum de discussions portant sur un large éventail de sujets d’intérêt pour gens d’affaires avertis ».

« The Economic Club was founded in 1907 by J.W. Beatson, Secretary of the National Economic League in Boston, and four business leaders from New York City. Its founders sought to follow the successful example of the Economic Clubs of Boston, Providence, Worcester, Portland, Springfield, and New Haven with the aim of bringing business people and professionals together for serious discussions of economic, social and other public issues in a non-partisan forum. »
Source: www.econclubny.org

Apolitique et non partisan, le nouveau club de Québec n’y va pas de main morte pour sa première activité. Son lunch-rencontre inaugurale de 10 septembre 2015 présente comme vedette l’ancien premier ministre du Québec Jean Charest. M. Charest a accepté de développer un sujet qu’il connait bien, ayant été lui-même aux origines du déclenchement des négociations commerciales avec l’Union européenne. Si le thème de sa conférence concerne « Les défis du Canada face aux grandes tendances mondiales », il est certain que Jean Charest donnera largement son avis sur la récente entente de libéralisation des échanges entre le Canada et l’UE. Un sujet qui provoque encore des tensions. L’ampleur des concessions canadiennes n’étant pas encore mesurable.

Un bon contact, qui avait été proche des négociations Mexique-UE il y a plus de dix ans maintenant, nous a déjà révélé qu’il n’aurait pas souhaité être à la place des négociateurs canadiens une décennie plus tard. Parce que selon-lui, l’UE est devenue une force négociatrice implacable, qui de plus en plus arrache tout à l’adversaire. Le conférencier Jean Charest sera certes questionné à ce propos.

« Monsieur Charest exposera quelques grandes tendances mondiales comme l’avènement des nouvelles technologies, les économies émergentes, le vieillissement de la population, la crise économique et financière de 2008, les changements climatiques, la réduction de la pauvreté, le pivot de l’économie mondiale vers l’Asie, l’émergence d’une nouvelle classe moyenne et la montée du nationalisme liée à une intensification de la militarisation. Ensuite, il présentera le portrait canadien vis-à-vis ces tendances mondiales », nous explique l’organisateur Pierre Drapeau.

Inspiration new-yorkaise!

N’ayant aucun agenda politique, la principale motivation du Club Économique de Québec est d’être un forum crédible et structuré où des dirigeants choisis, tant au Québec qu’à l’étranger, peuvent s’adresser aux membres et à leurs invités.

Puisque ses conférenciers ont l’entière liberté d’expression, « le Club vise à devenir l’un des plus importants forums entièrement indépendant au pays », explique son site web.

Les conférenciers seront choisis en fonction de leur important statut et de leur rôle de premier plan dans l’actualité. Le Club recevra donc des chefs de gouvernement, des ministres, des législateurs, des économistes, des banquiers, des chefs d’entreprises, des chefs syndicaux, des recteurs d’universités, des gouverneurs, des juges, des généraux et amiraux, des ambassadeurs et des scientifiques.

Les rencontres auront habituellement lieu lors de grands dîners, mais parfois à l’occasion de déjeuners, dans la salle de bal d’un important hôtel de Québec. La teneur de la seconde activité du Club Économique de Québec n’est pas encore connue.

Si l’inspiration new-yorkaise persiste, un gros nom sera du rendez-vous. Stephen S. Poloz, le gouverneur de la Banque du Canada y était l’invité le 12 novembre 2014. Le premier ministre du Canada, Stephen Harper, a aussi prononcé un discours devant l’Économic club de New York, le 20 septembre 2006. Toujours dans la métropole états-unienne, les membres souscrivent annuellement 600$ pour ce statut qui ouvre les portes de la suite 4910 du 350 Fifth Avenue.

Club Économique de Québec
www.econclubny.org

Pour inscription au lunch du 10 septembre: clubeconomiquedequebec.com/#evenements
(Photo: plq.org)

Noé sauvera-il l’humanité une autre fois?

Les Nouvelles options énergétiques (Noé) étaient proposées dès les années 1990 pour amener l’humanité à un monde viable. À Québec, en septembre 2014, le premier Festival du film sur le nucléaire à se tenir en Amérique du Nord avait présenté un documentaire choc dans lequel témoignaient plusieurs environnementalistes convertis à cette source d’énergie, après avoir constaté qu’il serait impossible de sauver l’environnement de la catastrophe autrement. En bonne cause parce que la place que les énergies renouvelables arrive à prendre face aux énergies fossiles reste trop marginale. Le monde commandant trop d’énergie pour ce que la biomasse, le solaire, l’éolien, etc. arrivent à produire. Noé manquera-t-il le bateau?

NOÉ en rappel

J’ai retrouvé Noé en furetant dans ma bibliothèque. Je suis tombé sur Atlas des énergies – pour un monde vivable (ed. Sirios, 1994), et comme ce travail de Benjamin Dessus vient tout juste de traverser ses deux décennies pour la publication – mais 25 ans pour les statistiques prises en compte – j’ai décidé d’y chercher quelques leçons, fort de son quart de siècle de recul.

Première leçon:

Le monde de 1990 diagnostiquait les mêmes grands problèmes énergétiques qu’aujourd’hui :

  • accès aux ressources pétrolières
  • accumulation des déchets nucléaires
  • augmentation des gaz à effet de serre

Seconde leçon:

Bien que global, le problème de l’énergie trouvera plus efficacement ses solutions sur une base locale et dans le respect des diverses réalités géographiques, culturelles et de moyens disponibles.

Incidemment, la proposition de scénario Noé impliquait un redéploiement partiel des capacités d’innovation et d’organisation, principalement mobilisées au service de la productivité de la main-d’oeuvre, vers la réduction des besoins énergétiques. Pour montrer qu’il y a là matière à gains significatifs, Benjamin Dessus nous explique que la poursuite de la croissance de la productivité du travail conduirait, à structure de population active identique, à réduire l’horaire hebdomadaire de travail à 20 heures dès 2020 et à 7 heures en 2060, ou bien a accepter des niveaux de chômage sans commune mesure avec nos réalités.

L’innovation et le progrès technique sont certes sollicités car il faut effectivement faire face à une augmentation constante des besoins mondiaux d’énergie (et ces travaux n’avaient pas vu venir la croissance chinoise à son meilleur, ne la calculant qu’autour de 4% de PIB annuel).

Besoins mondiaux d’énergie En milliards de TEP (tonne équivalent pétrole)
1950 2
1990 8,7
2020 13 à 17 (10,1 scénario Noé)

Les progrès techniques sont souvent spectaculaires :

  • La télé noir et blanc des années 1950 consommait 500 watts, les versions couleurs de 1990 en étaient à 50 ou 100 watts selon leur taille. Les récepteurs à écran plat à cristaux liquides de haute définition sortant des usines japonaises en consomment moins de 20. Une consommation divisée par 25 en quarante ans.
  • En 1990, il fallait 40% d’énergie de moins qu’en 1950 pour produire une voiture.
  • Entre 1972 et 1988, la consommation moyenne d’énergie d’un réfrigérateur chuta de 32%.

Troisième leçon:

« Au cours de la période 1973-1986 (…) les pays de l’OCDE ont montré leur capacité à déconnecter leur croissance économique de leur consommation d’énergie. Alors que leur produit intérieur brut augmentait de 37% au cours de la période, leur consommation globale d’énergie n’enregistrait qu’une croissance de 7%. » (Source : ENERDATA)

Le message ici c’est que les mesures d’efficacité énergétique et d’économies d’énergie demeurent la principale source à puiser.

Quatrième leçon:

La volonté politique restera toujours fondamentale. N’est-il pas désolant de lire, avec Dessus, que les modèles d’automobiles les plus économiques en énergie fabriqués localement au Brésil par les firmes étrangères consommaient 30% de plus d’essence que ceux fabriqués sous la même marque en France ou aux USA? Ça, essentiellement parce que les constructeurs n’avaient pas d’intérêts immédiats à exporter leurs technologies les plus performantes!

Cinquième leçon:

Il y a encore un long chemin avant d’atteindre une certaine équité en matière de développement et d’énergie. En 1990, en Inde chaque habitant consommait en moyenne 300 litres de pétroles par an, contre 7 900 litres de pétroles par an pour un Américains, c’est-à-dire 26 fois moins. La moyenne mondiale s’établissait alors à 1 600 litres de pétroles par an.

Mais Benjamin Dessus concluait sur une note optimiste, bien loin du déluge et surtout bien conscient du potentiel à puiser dans le champ des économies d’énergie:

« Globalement ce que montre Noé, c’est qu’il est possible, sans révolution technologique, d’aboutir vers 2100 à un système énergétique en équilibre avec la nature, qui permette le développement de l’ensemble de l’humanité sans remettre en cause l’avenir de la planète ».

Benjamin Dessus est l’un des 6 fondateurs, en 1992, de www.global-chance.org