Pour Louis Bélanger, directeur des HEI et professeur au Département de science politique de l’Université Laval, il ne fait aucun doute qu’en matière d’accords internationaux, le président Trump « pourra tout déchirer ».
« Si l’élection de Donald Trump a eu une vertu, c’est celle d’avoir dissipé bien des malentendus sur la valeur des engagements internationaux des États. Durant la campagne électorale, on aimait entendre les paroles rassurantes de ceux qui nous expliquaient que le candidat républicain, s’il devait contre toute attente l’emporter, ne pourrait en faire à sa guise. Qu’il serait contraint de respecter les obligations internationales contractées par ses prédécesseurs. Qu’il ne pourrait, de toute manière, se défaire de ces obligations sans obtenir, après de complexes manoeuvres législatives, le consentement du Congrès. »
« Trump élu, il faut bien se rendre à l’évidence. Le droit des traités est ainsi fait qu’un État ne peut, sauf en de très rares situations, être lié par des obligations auxquelles il ne consent pas. Si un État réévalue ses politiques et choisit de ne plus consentir à des engagements déjà contractés, il doit pouvoir s’en libérer rapidement. Ainsi, si un Donald Trump président décide de réaliser son programme électoral, il pourra, en parfaite conformité tant avec le droit international qu’avec le droit américain, soustraire par simple note diplomatique les États-Unis de l’ALENA, de l’Accord sur le nucléaire iranien ou de l’Accord de Paris sur les changements climatiques. »
Accords internationaux : difficiles à négocier, aisés à déconstruire
N’en déplaise aux idéalistes, les accords internationaux sont longs et difficiles à négocier, mais aisés à déconstruire. Dans l’article qu’il signait dans le quotidien québécois Le Devoir du 22 novembre, Louis Bélanger développe largement son argumentation par l’analyse de plusieurs exemples et pas les moins pertinents, notamment dans une perspective canadienne.
Commençons avec l’ALENA. Saviez-vous que cet accord liant les trois amigos (Canada-Mexique-USA) n’est pas considéré comme un traité en droit américain ? Comme les autres accords de libre-échange, il s’agit d’un congressional-executive agreement, dont la ratification exigea non pas un vote à la majorité des deux tiers du Sénat – comme c’est le cas pour les traités -, mais strictement l’assentiment des deux chambres du Congrès. Un détail qui a de l’importance, car ce mode de ratification n’étant pas prévu par la constitution des États-Unis, l’autorité qu’a le président de désengager son pays d’un tel accord « ne peut être moindre que celle qui s’applique à la sortie d’un traité ».
« Certains ont prétendu que si le président peut sans entrave mettre fin à la participation américaine à l’ALENA, il devrait tout de même obtenir du Congrès l’abrogation de la loi américaine de mise en oeuvre de l’entente pour que les États-Unis cessent effectivement d’en appliquer les dispositions. Rien n’est moins sûr. L’administration américaine considérera plutôt que la loi de mise en oeuvre est tout simplement devenue caduque le jour où prendra effet le retrait de l’ALENA, c’est-à-dire six mois après la notification américaine », explique-t-il aussi.
Incidemment, puisque l’Accord sur le nucléaire iranien est considéré par le gouvernement fédéral des États-Unis d’Amérique comme un simple plan d’action politique non juridiquement contraignant, le nouveau président Trump pourra y mettre fin sans aucun délai, ni aucune consultation contraignante.
Le cas de l’Accord de Paris sur le climat est plus complexe.
Paris a été ratifié par l’exécutif américain sans intervention du Congrès. Son statut est donc ambigu. C’est un mélange des genres et « il n’y a aucun doute sur le pouvoir du président de procéder unilatéralement à une dénonciation dans pareil cas ».
« L’Accord de Paris prévoit un délai de quatre ans entre la date de dénonciation par une partie et son retrait, ce qui a permis d’espérer que le président Trump ne puisse se désengager véritablement au cours de son premier mandat. Cependant, les États-Unis peuvent surmonter cet obstacle en décidant de se retirer de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 1992, dont l’Accord de Paris est une émanation, et qui ne requiert, elle, qu’un délai d’un an entre dénonciation et retrait », analyse-t-il encore.
La Constitution des États-Unis d’Amérique reste silencieuse sur la manière dont le président doit procéder pour mettre un terme à un engagement international. La logique voudrait qu’il soit donc soumis aux mêmes règles qui se sont appliquées pour sa ratification. Mais la réalité des choses en aura décidé autrement…
En 2001, lorsque le président Bush a unilatéralement mis fin au Traité sur les missiles antibalistiques, pourtant soumis au Sénat pour ratification en 1972, la justice du pays a finalement statué « qu’en l’absence de règles constitutionnelles claires le président doit pouvoir exercer en toute liberté ses prérogatives en matière de politique étrangère ». C’est à lui, en fin de compte, de décider s’il doit demander l’accord ou non du Congrès.
Au final, un président Trump convaincu que son pays gagnera à s’affranchir de ses engagements internationaux « pourra sans effort, à coup de simples notes diplomatiques, déconstruire l’ordre international que ses prédécesseurs ont minutieusement contribué à ériger », constate le professeur Louis Bélanger.
Comme il s’agit encore et toujours de la souveraineté des États qui est alors en jeu, les accords internationaux sont généralement durs longs à négocier. Et il reste facile pour un État de s’en retirer rapidement et ce en toute légalité. Évidemment, cela ne se produit pas trop souvent, car les États craignent toujours les coûts associés à de telles défections. À court terme, un partenaire lésé par le retrait peut réagir et imposer toutes sortes de représailles. Alors qu’à plus long terme, la signature d’un État qui renie trop facilement ses engagements risque évidemment de perdre de sa valeur. Et il lui en coûtera plus cher à l’avenir pour convaincre les autres de la crédibilité de ses engagements sur la scène internationale.
Donald Trump sera un véritable out sider en arrivant à Washington. Il ne doit rien à personne et a déjà démontré qu’il était d’une stature capable d’assumer ses choix.
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www.ledevoir.com/international/etats-unis/485254/trump-pourra-tout-dechirer
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