Les exportateurs canadiens souhaitant conquérir de nouveaux marchés doivent de plus en plus procéder par partenariat avec une entreprise locale. Ce partenaire, si judicieusement sélectionné y compris quant à sa réputation, sa solidité financière, son honnêteté et son expertise, permettra à l’entreprise de pouvoir rapidement bénéficier d’un effet de tremplin sur le marché local, et ce, notamment grâce à l’expérience de ce partenaire, sa connaissance de la langue, de la culture d’affaire, mais aussi et avant tout du marché.
La clientèle développée par le partenaire étranger pour sa propre entreprise peut aussi assurer une pénétration rapide du marché. Le partenaire peut souvent aussi fournir rapidement des installations opérationnelles aux fins de production, d’assemblage ou d’entreposage. Il sera souvent plus facile pour le partenaire local de gérer le personnel et de se conformer aux lois locales, étant déjà lui-même employeur dans le pays concerné. Pensons notamment à la Chine, ou encore au Brésil, deux pays émergents du BRIC où les règles rendent l’implantation en solo avec une simple filiale ou une succursale, complexe pour un investisseur étranger, la courbe d’apprentissage étant alors longue et coûteuse.
DE QUOI PARLE-T-ON?
Mais qu’est-ce qu’une alliance ou partenariat stratégique, souvent appelé « Joint-Venture »? Il s’agit évidemment d’une forme de « mariage » d’affaires, qui ira de simples ententes de collaboration jusqu’à une structure plus complexe de création d’une entreprise conjointe. De nombreux facteurs influenceront le choix d’une structure plus ou moins complexe, souvent conditionné par le désir des deux partenaires de créer une structure qui encadrera à long terme les efforts mis à la commercialisation sur le marché et permettant aux deux parties de bénéficier de la plus-value découlant de leurs efforts conjoints. Le caractère temporaire ou d’exploitation continue et à long terme influencera aussi (souvent) la structure de l’alliance.
Ce type d’alliance se met donc en place et se négocie par étape. Évidemment, si les 2 parties ont déjà des compétiteurs, il faut faire preuve d’encore plus de prudence. La première étape dans ce type de négociation sera donc de mettre en place une entente de confidentialité entre les parties (« non-disclosure agreement » ou « NDA »), rédigée selon des standards internationaux et dans des termes qui permettront aux parties de défendre leurs informations stratégiques, advenant que le partenariat ne se réalise pas.
Cette première négociation sera aussi souvent une première occasion pour les parties de tester leur capacité à s’entendre, alors qu’elles devront négocier certains aspects tels la loi applicable, le tribunal ou centre d’arbitrage qui tranchera un éventuel litige, la durée de l’engagement, etc. Il est évidemment conseillé de ne révéler l’information confidentielle que progressivement, de sorte que si les négociations achoppent tôt dans le processus, tout ne sera pas encore connu de la partie adverse.
COMMENT PROCÉDER?
Les divers professionnels, tels avocats, fiscalistes, comptables, transitaires et financiers devraient être également introduits tôt au projet, car chacun d’entre eux aura de l’information pertinente que les entrepreneurs auraient avantage à connaitre et susceptible d’influencer la transaction.
Voici quelques exemples :
- Les équipements que la partie canadienne souhaite transférer en Chine peuvent-ils l’être sans incidences fiscales et à quel coût?
- Des enregistrements de la propriété intellectuelle seront-ils nécessaires, dont une licence permettant à la coentreprise chinoise d’utiliser la marque de commerce et le brevet? Et des demandes d’enregistrements devraient–elles aussi être faites dès maintenant, par exemple pour les marques de commerce, pour protéger la capacité de la compagnie canadienne à continuer seule ou avec un autre partenaire en Chine, advenant que la transaction ne se réalise pas?
- Des visas et permis de travail seront-ils nécessaires pour les Canadiens ayant besoin de se rendre en Russie pour former le nouveau personnel, de même que pour le président canadien?
- Qui occupera les fonctions de gérant général de la société formée en « Limitada» brésilienne, puisque seul un citoyen ou résident permanent brésilien le pourra et quels seront les moyens de limiter son autorité pour préserver les intérêts de la partie canadienne?
- Quel est le niveau de transformation ou d’assemblage nécessaire afin de rendre le produit localement d’origine colombienne, pour éventuellement bénéficier des autres accords de libre-échange que la Colombie a en Amérique du Sud?
- Y a-t-il des restrictions au pourcentage de détention des parts que les Canadiens peuvent détenir dans la société mexicaine qui désire œuvrer dans le secteur de l’énergie?
Autant de questions fondamentales que les entrepreneurs ont besoin de valider très tôt dans le processus. Et chaque pays a évidemment ses particularités.
Viendra par la suite une possible lettre d’intention préliminaire, aussi souvent appelée « MOU », « memorandum of understanding » ou « letter of intent ». Mais attention, il est important de mentionner que ce document ne doit pas créer de conséquences légales liant les parties tant que les contrats complets n’auront pas été négociés et signés, à la satisfaction des parties.
LA PHASE « GO – NO GO »
Les parties passeront par la suite à l’étude de préfaisabilité/faisabilité complète et au plan d’affaires, qui porteront sur les aspects techniques, environnementaux, opérationnels, financiers, légaux et fiscaux, envisageant alors la transaction en détails, avec ses impacts quantifiables, de même que ses problématiques et risques, de façon à ce que les partenaires puissent prendre la décision d’aller de l’avant avec le projet ou non. C’est donc la phase du « go-no go ». Les parties bonifieront aussi probablement leur lettre d’intention préliminaire déjà signée, de façon à s’engager un peu plus à fond, en se laissant néanmoins des portes de sortie.
Viendront enfin les contrats, dont le contrat cadre d’alliance et la convention entre actionnaires, les contrats périphériques (ex : construction, licence de propriété intellectuelle, contrats d’emploi, acquisition d’immeuble ou bail, le financement final, etc.), de même que la création de l’entité juridique, le cas échéant, avec tous les enregistrements, formalités et permis requis localement.
De nombreuses démarches sont donc à faire et il faut prévoir des échéanciers et des budgets réalistes (et non optimistes), selon le pays et les formalités locales.
SE FRÉQUENTER AVANT LE MARIAGE
Mais avant tout, « fréquentez-vous avant le mariage » et parlez des choses délicates, de vos valeurs, de scénarios à problèmes, pour voir si vous êtes « faits l’un pour l’autre ». Qu’arrivera-t-il si une partie veut se retirer dans l’avenir? Quels sont les impacts de cette alliance par rapport à la capacité de chaque partie de continuer seule ailleurs dans le monde, lorsqu’il s’agit de concurrents? Qui dirigera et y aura-t-il des droits de veto sur certaines décisions? Qu’arrive-t-il des innovations qui auront été développées, conçues dans le cadre du partenariat et de la capacité de chacun de s’en servir pour sa propre entreprise?
Autant réaliser tôt dans le processus que les parties ne sont pas faites pour s’entendre, se marier et vivre ensemble, que de devoir régler un divorce d’affaires dans l’avenir. Communication, connaissance, information, analyses fiables de faisabilités et partage des valeurs entrepreneuriales sont donc des mots clefs pour toute alliance stratégique à l’international.