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Comprendre le retard de la Russie

Les historiques et médiatisés événements de la chute du mur de Berlin, puis l’effondrement du régime communiste et de l’URSS, n’ont certes pas aidé la Russie à maintenir récemment ses positions en matière de développement économique et de niveau de vie de sa population comparativement aux autres nations du monde. Les explications qu’apporte un ouvrage neuf signé Georges Sokoloff (1) sont cependant beaucoup plus profondes. En remontant jusqu’en l’an 882 – rien de moins – soit à la naissance des sources de ce qui deviendra l’Empire de Russie, puis l’Empire soviétique, il nous explique les « accidents » de l’histoire qui obligent à des constats fondamentaux. Vous planifiez faire des affaires en Russie? Comprendre la pleine et profonde nature du terrain vous donnera probablement un bel avantage.

Pour vous exempter la lecture du livre en entier, le Tableau 1 résume assez bien le message. Et la comparaison des niveaux de développement de l’ex-Empire soviétique (ou son équivalent dans le temps, ceci afin de garder une unité stable de mesure) avec l’Europe occidentale, les USA et la Chine pour l’ensemble du dernier millénaire frappe à deux reprises : 1250-1500 et 1990-2000.

TABLEAU 1   Comparaison des niveaux de développement

Empire de Russie, Europe, USA, Chine (1000-2013)

Année

Russie

vs.

Europe

Russie

vs.

USA

Russie

Vs.

Chine

1000 100 % 89 %
1250 100 %
1500 65 % 125 % 83 %
1600 62 % 138 % 92 %
1700 60 % 116 % 102 %
1820 56 % 55 % 115 %
1913 43 % 28 % 270 %
1960 45 % 27 % 1 380 %
1970 44 % 29 % 1 740 %
1990 45 % 30 % 856 %
2000 25 % 17 % 230 %
2013 42 % 27 % 136 %

Il ne faut certes pas résumer ce millénaire de l’histoire économique de Russie à deux « accidents », mais disons que la mémoire de ces deux tranches mérites d’être retenue. La première essentiellement pour sa longueur, la seconde surtout pour sa puissance et sa proximité.

LE COUP DES MONGOLS

1250 à 1500 : c’est bien loin, mais ce n’est pas rien! Deux siècles et demi, oui. Les traces du joug mongol (les fameux conquérants Tatars ou Tatares) s’incrusteront dans la société, mais surtout l’économie, de la Rus’ kiévienne, et ensuite de la Moscovie, pendant presque 250 ans, entre 1240 (la prise de Kiev du 6 décembre) et 1480 (quand le grand-prince de Moscou, Ivan III, s’élèvera finalement en refusant le paiement de son tribut et la suzeraineté mongole… que ces derniers laisseront enfin impunie par la « bataille » avortée sur l’Ougra).

Précisons que c’est une Rus’ kiévienne très politiquement divisée qui ne résista pas devant l’invasion mongole des proches successeurs de Gensis Khan. L’armée de Batu khan envahira la Russie à partir de 1236. Et les lourds tributs à payer annuellement dureront plus de deux siècles, retardant fondamentalement le développement économique de cette première Russie. Ajoutons encore que le retrait mongol n’empêchera pas l’incendie de Moscou en 1571 par le khan de Crimée, alors que les Moscovites eux-mêmes surent ravager, châtier Novgorod, en 1569.

Tout ça alors que dès le XIe siècle l’Europe rattraperait, et ensuite dépassera, la Chine, l’Inde, le Japon ou l’Empire abbasside du Moyen-Orient. Mais pas la Russie!

Pas cette Russie politiquement déchirée qui couronnera même un Faux-Dimitri en juillet 1605, et verra rôder un second Faux-Dimitri proche de Moscou au printemps de 1608, dans une confusion de ces souverains qui ne se calmera qu’avec l’élection, oui élection!, par le zemski sabor, de Michel Romanov, le 7 février 1613, que l’on proclame tsar le 21.

LE COUP DES OLIGARQUES

1990 à 2000 : c’est le coup des oligarques, et remarquez-le bien, non pas celui de l’effondrement du régime communiste et de l’URSS. Car si en 1992, lorsque l’URSS éclate, il valait mieux être citoyen russe (à 59% du niveau européen) qu’uniquement soviétique (à 45% du niveau européen), ce n’est pas la période « communiste » qui aura plombée dramatiquement le développement économique de la Russie. Au contraire, les plans quinquennaux, la rivalité est-ouest avec notamment sa course aux armements, auront assez bien servi les statistiques du PIB (ainsi que les purges et autres inepties staliniennes pour le rapport PIB/hab).

C’est la période de transition depuis la fin de l’URSS qui affiche un résultat catastrophique. Ce, essentiellement parce que le passage à l’économie de marché aura trop été laissé entre les mains des oligarques et du laisser-faire. Période qui, heureusement, est terminée, car le PIB/hab de 2013 (58% et 42%) nous ramène grosso modo aux chiffres de 1992 (59% du niveau européen pour la Russie et 45% du niveau européen pour le reste de l’ex-Empire soviétique).

 

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Et pourquoi ne pas relever aussi et autant l’écart entre la ligne de 1820 et celle de l’année 1913 dudit tableau?

Si vous êtes d’accord pour prendre un troisième « coup » de cette histoire économique de Russie, alors précisons ici qu’il ne s’agit pas vraiment d’un seul coup, pouvant bien supporter le qualificatif d’un « accident », mais plutôt d’une malheureuse tendance, d’une succession de gouvernements de l’empire par des tsars qui auraient pu, justement, changer l’histoire, s’ils avaient agit autrement.

En 1830 l’Empire de Russie, qui se souvient encore de l’ouverture à l’ouest de Pierre 1er le Grand (1682-1725), produit 12% de la fonde dans le monde; en 1860 seulement 4%, derrière l’Angleterre et les USA.

Pour montrer autrement l’état du pays entre 1825 et 1850, une enquête du ministre de la Guerre de l’époque révélera, qu’autant de soldats de l’Armée russe trépasseront de maladies que ceux qui tomberont au combat durant cette longue période.

La Renaissance est restée aux portes de la Russie pour cause d’un despotisme moscovite « trop épais » dira sans détour Sokoloff « pour tolérer le mode critique ». Avec une culture dite aussi « trop exclusivement vouée à la célébration du divin ». Et au surplus une Pologne – habituellement ennemie – qui fera longtemps écran-rempart plus que passage-passerelle avec l’Europe de l’Ouest.

Une révolution (ouvrant le période constitutionnelle de 1905-1917) et une guerre perdue contre le Japon marquent encore l’empire en 1905… Qui vivra le tumulte jusqu’à l’autre année des révolutions de 1917.

Et s’il faut nommer un fondamental comme frein économique, retenons alors la réforme du monde paysan de 1861, l’historique fin du servage – quasi état d’esclavage – comme un raté.

ALORS AJOUTONS LE COUP DE « L’ESCLAVAGE »

Oui, le tsar Alexandre II (1855-1881) libère et donne ses droits à la paysannerie, mais sans suffisamment d’accès à la terre pour lui permettre de s’enrichir. Il sera d’ailleurs assassiné par des terroristes pour ça.

Alors pourquoi, entre l’an mil et 2013, le PIB/hab augmentera de 25 fois dans l’aire russe, mais au delà de 50 fois en Europe ? Certainement pour 2-3 accidents de l’histoire que vous maîtrisez dorénavant. Et ne vous faites pas historien pour le reste, car vous avez ici une très bonne explication pour vous débrouiller.

Des faits historiques qu’il ne faut pas voir comme des excuses au retard russe, mais comme une explication objective à ce chemin différent.

Et en allant faire des affaires en Russie en 2016-2017 restez plutôt de glace devant les discours de rattrapage et autres mirages économiques. Gardez en tête qu’avec autour de 16 000 $ US de PIB par habitant, la Russie faisait en 2013 encore deux fois mieux que la Chine, mais l’équivalent de l’Argentine ou du Chili ces années-ci.

Donc la Russie du G8, ce ne sera jamais pour des raisons économiques. C’est une affaire politique.

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(1) SOKOLOFF, Georges, Le retard russe – Histoire et développement 882-2014, Fayard, 2014.

(Crédit photo: tui.fr)

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Mondialisation : de l’État islamique (EI)… à Yellowstone?

Un autre Sommet du G7 débute au château d’Elmau, en Allemagne, les 7 et 8 juin de cette année 2015. Son agenda prévu tiendra-t-il la route?

L’anecdote date, mais elle s’applique encore largement à la gouvernance mondiale de notre temps : À notre question «Combien faut-il de pays souverains dans le monde pour obtenir une gouvernance mondiale efficace (…) ?» Boutros Boutros-Ghali, qui était alors secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie, et de passage dans la ville de Québec, avait répondu avec toute la profondeur de son expérience de diplomate aguerri.

« Première remarque: ce qui est important, c’est d’abord qu’il y ait une volonté politique des États. Et la volonté politique des États n’est pas toujours au rendez-vous face aux questions internationales… Il n’y a pas encore d’approche globale. Lorsque, par exemple, un problème d’ordre mondial survient, je dirais qu’il n’y a qu’une vingtaine d’États qui s’intéressent aux questions internationales. Et ce ne sont pas toujours les mêmes, d’ailleurs (…) »

Boutros Boutros-Ghali, Québec, 10 juillet 2001
Source: commercemonde.com/024/rubriques/r2.html

Une vingtaine d’États… changeants ! Rappelons tout de suite qu’il y en a actuellement 193 en règles avec l’ONU. La vigie de la bonne gouvernance de la planète Terre tient donc à bien peu de préparation et de forces actives en alerte.

Les grands décideurs du G7 (qui punissent encore la Russie à cause de la crise en Ukraine) parleront certes … de la Russie ! Et aussi de l’État islamique : ce véritable « diable » que bien peu d’analystes avaient vu venir sur la scène mondiale. Mais le propre de la scène mondiale est d’être complexe aux extrêmes et excessivement imprévisible. Combien de fois avons-nous vu nos grands leaders se retrouver pour une gestion de crise, plutôt que pour travailler sur leur agenda pourtant si longuement préparé ? Des efforts de coordination et de diplomatie colossaux, très souvent pour rien. L’actualité, la crise, l’urgence du moment, l’emportent tout simplement. C’est la vie !

GOUVERNER, C’EST PRÉVOIR !

Dans l’état du monde en 2015 qu’ils tenteront d’analyser, personne ne viendra leur rappeler que Yellowstone a connu le 30 mars 2014 un séisme de magnitude 4,7 et qu’il s’agissait du plus puissant du genre depuis 30 ans dans le parc. Précisant que depuis, une étude publiée en avril 2015 par des chercheurs de l’Université de l’Utah révèle au monde la présence d’un autre réservoir colossal sous la première chambre du super-volcan, en faisant dorénavant le plus grand réservoir au monde de magma.

ATTENTION : Cette nouvelle représentation du système volcanique de Yellowstone n’augmente pas le risque proche d’une éruption, mais améliore sensiblement notre compréhension du risque.

On sait déjà, par exemple, que 10 à 30% du magma présent sous Yellowstone est à l’état liquide et que c’est donc encore insuffisant pour déclencher une éruption majeure, parce qu’aux yeux des chercheurs, il en faudrait au moins 50%. Mais des poches de magma en fusion pourraient, quand même, causer des éruptions… plusieurs fois plus fortes que celle de 1980 au Mont St-Helens.

Par ailleurs, les enregistrements en continu de l’activité séismique à Yellowstone ne sont disponibles que depuis les années 1970! Une insignifiance à l’échelle géologique qui ne permet pas de tirer de conclusions sur les observations effectuées.

Et nous savons tous qu’une éruption d’importance à Yellowstone serait une catastrophe majeure, inconnue de la civilisation moderne, parce que le monstre qui dort est connu et qu’il a déjà parlé à trois reprises dans l’histoire géologique de la planète.

« Les États-Unis et le Canada seraient recouverts de plusieurs centimètres de cendres qui détruiraient toute végétation jusqu’à 1 600 km du cratère. Deux tiers des États-Unis et un tiers du Canada deviendraient inhabitables. Les émanations toxiques du volcan rendraient l’air irrespirable… Un tel événement causerait des dégâts gigantesques, équivalant à environ 1 000 fois celle du mont St-Helens (WashingtonUSA) en 1980, qui avait engendré l’émission d’un kilomètre cube de matière dans l’air (…) la dernière éruption de Yellowstone il y a 640 000 ans, a rejeté 1 000 kilomètres cubes de matériaux », selon Ilya Bindeman, professeur en sciences géologiques à l’Université de l’Oregon.

Mais pourquoi parler de Yellowstone au fait?

Parce que le super-volcan sera possiblement la vedette de 2015 ou 2016 ou 2026… et que nos leaders au G7 oublieront qu’en 2010 le ciel de l’Europe avait été fermé plusieurs jours, justement pour cause de volcan au travail, sur une portion de la petite et insulaire Islande.

Ils oublieront les leçons de l’expérience et éviteront de prévoir ce qui guette peut-être l’humanité d’un cataclysme majeur actuellement sous surveillance, mais évidemment en dessous des radars de l’actualité. Car rien d’urgent ne semble s’y passer PRÉSENTEMENT.

Bon sommet tout de même !