Par Jean Baillargeon, analyste et expert-conseil en communication stratégique, Québec
Au Québec, « terre d’asile », l’immigration est un domaine partagé entre les gouvernements provincial et fédéral. Cette double juridiction complexifie l’accueil notamment des demandeurs d’asile réclamant le statut de réfugié ou le regroupement familial dont les délais d’attente sont beaucoup trop longs. De plus, s’ajoute aussi l’apprentissage de la langue française, un incontournable au Québec. Puis enfin, l’accès aux services publics (santé, éducation, garderie, etc.) devient un véritable labyrinthe pour les nouveaux arrivants. Dans un tel contexte, l’émission des différents « permis », « certificat », « statut », ne devrait-elle pas revenir au niveau du gouvernement qui offre les services publics de première ligne? Trop facile, n’est-ce pas? Bienvenue dans « l’asile » québécois de l’immigration!
Vers un chaos social?
Selon le commissaire à la langue française, M. Benoît Dubreuil, « la francisation dans un contexte d’immigration massive qui est la nôtre est tout simplement impossible ». Quelques chiffres à l’appui : l’immigration temporaire est hors de contrôle avec 528 000 nouveaux arrivants. Selon lui, « (…) depuis 2011, la part de la population qui ne connaît pas le français a augmenté de 52% et celle qui travaille seulement en anglais de 41% ». Nous manquons de professeurs de français et de classes d’immersion francophone. Au rythme actuel, le commissaire constate que « la francisation des immigrants temporaires prendra plus de 18 ans et coûtera entre 12 et 13 milliards », ce qui corrobore le rapport du vérificateur général du Québec en 2017, qui considère la francisation comme un fiasco. Tout semble être en place pour un chaos social!
Une frontière passoire
Après l’épopée du Chemin Roxham, je croyais naïvement que nous avions résolu le problème du contrôle de nos frontières nous permettant de mieux sélectionner les nouveaux arrivants demandant le statut de réfugiés. Erreur! Les réseaux de passeurs criminalisés appuyés par les réseaux sociaux ont finalement pu contourner facilement la passoire de la frontière fédérale en débarquant massivement aux aéroports, notamment à Montréal-Trudeau. Le Québec à lui seul reçoit 55% des demandeurs d’asile, soit environ 150 000 en date de juillet 2023, selon la ministre de l’Immigration du Québec, Madame Christine Fréchette. Des chiffres contestés par le ministère fédéral de l’Immigration qui les évaluent plutôt à 89 000. Actuellement 58 000 réfugiés sont en attente de pouvoir légalement travailler. Par ailleurs, les enfants des nouveaux demandeurs d’asile ont accès gratuitement à l’école publique (provincial) et au système de santé (provincial), mais pas aux garderies subventionnées qui ont déjà une liste d’attente de plus de 30 000 demandes. L’émission de nouveaux visas mexicains suffira-t-elle à freiner l’afflux de demandeurs d’asile? J’en doute!
À la recherche d’une véritable terre d’asile
Notre système d’immigration est donc devenu dysfonctionnel. Ottawa et Québec ne se coordonnent pas et les personnes immigrantes sont prises en otages dans une bureaucratie devenue impersonnelle, voire inhumaine. Les délais seraient de 24 à 50 mois pour la réunification familiale au Québec à cause des quotas de 10 000 places par année et de la prolifération démesurée des certificats de sélection émis par Québec. Une voie de passage est-elle possible?
Peu importe le dénouement de ce débat devenu une urgence nationale, nos dirigeants doivent trouver une voie de passage pour sortir le Québec de ce que je qualifie « d’asile » en immigration plutôt qu’une véritable terre d’asile.