Nous étions alors en l’an 2000 globalement excités par les promesses d’un nouveau millénaire naissant. Un économiste du Pérou, Hernando de Soto, publia la même année un essai troublant: Le Mystère du capital, avec ce dérangeant sous-titre: Pourquoi le capitalisme triomphe à l’Ouest et échoue partout ailleurs. Son constat mettait en lumière un véritable problème, mais la technologie n’offrait malheureusement pas encore un moyen réaliste d’y remédier efficacement. Vingt ans plus tard, les années 2020 qui se pointent avec l’Internet sa technologie de la blockchain offrent enfin une option afin de solutionner le défi de ce qu’il appelait le « capital mort ». Des millions de gens pourraient trouver là un outil pour sortir de la pauvreté.
Le « capital mort », c’est tout ce que des gens possèdent sans pouvoir le prouver. Ce qui est le cas de bien des gens dans les pays les plus pauvres de la planète, souffrant de l’absence de systèmes fiables garantissant les droits de propriété. En 2000, l’économiste de Soto évaluait le montant total de ce « capital mort » à 9 300 milliards $US. Ainsi pénalisées, ces populations sont pourtant en possession de fait d’une maison, d’un terrain, d’un troupeau, etc. Mais n’ayant, pour aucun de ces actifs, les titres de propriété, ils se trouvent dans l’impossibilité d’officiellement les vendre ou de transmettre tout ou partie de ces biens, de les louer ou de les faire fructifier facilement. Ce qui justifie le qualificatif de capital « mort ». Ces gens sont donc pénalisés à rester hors du vaste marché capitaliste, sans pouvoir profiter de sa croissance.
Récemment, la blockchain a remis cette théorie sur le devant de la scène. Voilà une solution simple et peu coûteuse pour résoudre le problème. Et au moins trois pays déjà voient des innovateurs utiliser la blockchain pour enregistrer des titres de propriété immobilière en s’inspirant directement des idées de l’économiste péruvien.
Au Ghana, c’est l’ONG Bitland, lancée en 2014, qui applique l’idée. La blockchain Bitcoin y est utilisée depuis octobre 2016 pour offrir le service de cadastre via un bureau couvrant 28 communautés locales de la métropole de Kumasi, en collaboration avec le gouvernement. Et après ce premier projet-pilote au Ghana, Bitland visait ensuite le Nigeria pour y ouvrir un centre à Lagos dès 2017.
Au Honduras, c’est une entreprise du Texas, Factom, qui opère pareillement depuis 2015.
Et en avril 2016, Hernando de Soto lui-même annonçait un partenariat entre le ministère de la Justice de la Georgie et BitFury, une société technologique californienne chargée de concevoir et piloter un tel programme avec la blockchain. Blockchain qui, incidemment, sera utilisée comme un service de notaire, mais presque gratuitement.
« L’enregistrement d’un acte de vente d’un bien immobilier peut se faire à distance, avec un smartphone, pour un coût de transaction de 0,05 à 0,1 $ seulement« , avançait Valery Vavilov, le président de BitFury, en interview avec le magazine Forbes.
Un coût de 0,05 $ c’est mille, voire 5 000 fois moins que les frais habituels d’un notaire. Oui, la lutte au « capital mort » grâce à la blockchain pourrait bien signer la mort de cette profession séculaire!
Mais le rêve d’Hernando de Soto devient réalité: offrir des opportunités économiques à tous, même les plus pauvres du monde capitaliste.
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