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Impact de la hausse du budget de la défense : le Québec à l’aube d’une transformation industrielle

L’annonce inattendue du nouveau premier ministre Mark Carney, confirmant une hausse de 9,3 milliards $ du budget de la défense pour l’exercice 2025-2026, marque un tournant historique pour le Canada, mais aussi pour le Québec, qui se positionne déjà pour tirer profit de cette manne fédérale. Cette décision, qui propulse sans délai les dépenses militaires canadiennes à 2 % du PIB du pays, répond à la pression de l’OTAN et s’inscrit dans un contexte géopolitique tendu, mais elle ouvre surtout la voie à des retombées économiques majeures, notamment pour la province de Québec.

Un plan d’investissement massif et ciblé

Le plan dévoilé par Ottawa vise à moderniser les Forces armées canadiennes, à réparer des équipements vieillissants et à diversifier les partenariats d’approvisionnement, en réduisant la dépendance envers les États-Unis. Sur les 9,3 milliards $ supplémentaires, une part significative sera allouée à la création de chaînes d’approvisionnement locales et à la stimulation de l’industrie canadienne de la défense.

Parmi les enveloppes annoncées :

  • 2,3 milliards $ pour le recrutement et la rétention du personnel militaire.
  • 2,1 milliards $ pour une stratégie d’approvisionnement axée sur l’industrie canadienne.
  • 2 milliards $ pour diversifier les partenariats militaires, notamment avec l’Europe.
  • 884 millions $ pour la réparation et l’entretien du matériel.
  • 560 millions $ pour renforcer les capacités numériques du ministère de la Défense.

Le Québec : une industrie de défense déjà bien positionnée

Le Québec, avec ses pôles industriels à Montréal, Québec et Sherbrooke, est déjà un acteur clé du secteur aérospatial, naval et des technologies de défense. La Chambre de commerce du Montréal métropolitain a d’ailleurs salué l’annonce comme une « occasion stratégique » pour la métropole et la province. La province abrite plusieurs entreprises de pointe, de la construction navale à l’électronique militaire, en passant par la cybersécurité et la fabrication de pièces aéronautiques. L’accent mis par Ottawa sur la fabrication locale et la revitalisation des infrastructures militaires offre aux entreprises québécoises une fenêtre inédite pour décrocher de nouveaux contrats, développer des partenariats et accroître leurs exportations.

Création d’emplois et retombées économiques directes

Selon les projections du gouvernement fédéral, ces investissements massifs devraient générer « des dizaines de milliers d’emplois bien rémunérés » à travers le pays. Le Québec, qui compte déjà une main-d’œuvre qualifiée dans les secteurs visés, pourrait capter une part substantielle de ces nouveaux emplois, tant dans la production que dans la recherche et le développement.

Les retombées ne se limiteront pas aux grands centres urbains. Les régions où sont implantées des bases militaires, des chantiers navals ou des usines d’assemblage bénéficieront d’une revitalisation économique, grâce à l’afflux de contrats pour la réparation, l’entretien et la modernisation des installations.

Effet d’entraînement sur l’innovation et la diversification

La stratégie fédérale prévoit également un investissement massif dans les capacités numériques et la cybersécurité, domaines où le Québec affiche une expertise croissante. Les universités, centres de recherche et PME technologiques de la province seront ainsi sollicités pour développer des solutions innovantes, tant pour les besoins militaires que pour les applications civiles.

La diversification des partenariats internationaux, notamment avec l’Europe, ouvre de nouveaux marchés pour les entreprises québécoises, qui pourront intégrer des chaînes de valeur mondiales et accéder à des programmes de recherche conjoints.

Le gouvernement du Québec à l’offensive

Le gouvernement Legault n’a pas tardé à réagir, multipliant les annonces et les démarches pour s’assurer que le Québec obtienne sa « part du gâteau » fédéral. Cette mobilisation vise à positionner la province comme un partenaire incontournable dans la mise en œuvre du plan de modernisation militaire, en valorisant son expertise industrielle et sa capacité d’innovation.

Défis et enjeux à surveiller

Si les perspectives sont prometteuses, plusieurs défis subsistent. La rapidité d’exécution exigée par Ottawa, la nécessité de former et de retenir une main-d’œuvre spécialisée, ainsi que la concurrence d’autres provinces et de partenaires étrangers, imposent au Québec de faire preuve d’agilité et de coordination.

Par ailleurs, cette hausse des dépenses militaires du Canada intervient dans un contexte de déficit budgétaire fédéral élevé, ce qui pourrait susciter des débats sur la répartition des ressources et la pérennité des investissements.

L’annonce de Mark Carney marque un changement de paradigme pour le Canada et pour le Québec. En misant sur la relance de l’industrie de la défense, la province se voit offrir un levier de croissance économique, de création d’emplois et d’innovation technologique. La clé du succès résidera dans la capacité des acteurs publics et privés à collaborer, à innover et à saisir les opportunités offertes par ce virage stratégique majeur.

Comme le souligne avec pertinence la Chambre de commerce de Montréal, « le rehaussement des dépenses militaires est une occasion stratégique pour le Québec et ses entreprises ». Reste maintenant à transformer cette promesse en retombées concrètes, pour que la province devienne un pilier de la souveraineté, de la sécurité et de la prospérité canadiennes dans les années à venir.

Comment le budget accru en défense profitera-t-il à l’économie québécoise ?

Plusieurs mécanismes permettront à la province d’en tirer profit, tant à court qu’à plus long terme.

Création d’emplois et dynamisation des entreprises

L’investissement massif dans la défense entraînera une hausse de la demande pour les entreprises québécoises actives dans les secteurs de l’aérospatiale, de l’électronique, de la cybersécurité, de la construction navale et des technologies avancées. Le Québec dispose déjà d’une main-d’œuvre qualifiée et d’entreprises bien positionnées pour répondre à ces besoins, ce qui favorisera la création de milliers d’emplois directs et indirects, notamment dans la fabrication, la recherche et le développement.

Stimulation de l’innovation et de la productivité

Le gouvernement du Québec mise sur l’innovation pour renforcer la compétitivité de ses entreprises. Les investissements fédéraux en défense stimuleront la recherche, l’innovation et la commercialisation de nouvelles technologies, grâce à des mesures fiscales avantageuses et à des programmes de soutien spécifiques. Cela permettra aux PME et aux grandes entreprises québécoises de moderniser leurs équipements, d’accroître leur productivité et de se positionner sur de nouveaux marchés, tant au Canada qu’à l’international.

Effet d’entraînement sur les infrastructures et les régions

L’augmentation des dépenses en défense s’accompagnera de contrats pour la construction, la rénovation et l’entretien d’infrastructures militaires, ce qui profitera aux régions où sont implantées des bases ou des installations stratégiques. Le Plan québécois des infrastructures, relevé à 164 milliards $, s’inscrit dans cette dynamique, contribuant à la vitalité économique régionale et à la création de richesse à long terme.

Diversification des marchés et réduction de la dépendance

Dans un contexte de tensions commerciales avec les États-Unis, le Québec doit diversifier ses marchés et réduire sa dépendance à l’égard de son principal partenaire. Les investissements fédéraux en défense offriront de nouvelles occasions d’exportation et de collaboration avec d’autres provinces et partenaires internationaux, notamment européens, renforçant ainsi la résilience de l’économie québécoise.

Soutien gouvernemental et environnement d’affaires favorable

Le gouvernement du Québec accompagne cette transition par des mesures de soutien aux entreprises, notamment des aides financières, des incitatifs fiscaux et des investissements dans la formation de la main-d’œuvre. Ces actions visent à faciliter la réalisation de projets d’investissement, à accélérer la transformation numérique et à favoriser l’innovation dans les secteurs stratégiques.

En résumé, la hausse du budget de la défense profitera à l’économie québécoise en générant des emplois, en stimulant l’innovation, en dynamisant les régions et en favorisant la diversification des marchés. Ces retombées s’inscrivent dans une stratégie globale visant à renforcer la position concurrentielle du Québec sur l’échiquier mondial et à assurer une croissance durable dans un contexte économique incertain.

Quelles industries pourraient bénéficier le plus des investissements en défense et infrastructures ?

L’augmentation du budget fédéral pour la défense et les infrastructures aura des retombées majeures pour plusieurs secteurs industriels au Québec. Voici les principales industries qui pourraient en profiter le plus :

Aérospatiale et aéronautique
Le Québec, et particulièrement la région de Montréal, est déjà un pôle mondial de l’aérospatiale. Les investissements dans la modernisation et l’expansion des capacités militaires créeront une forte demande pour les constructeurs d’avions, d’hélicoptères, de drones et de systèmes embarqués. Ce secteur bénéficiera aussi de contrats liés à la maintenance, à la réparation et à la mise à niveau des flottes existantes.

Défense et armement
Les entreprises spécialisées dans la fabrication d’équipements militaires, de véhicules blindés, de systèmes d’armement, de radars et de capteurs seront en première ligne pour décrocher de nouveaux contrats. La stratégie fédérale vise à renforcer les liens avec l’industrie canadienne, ce qui favorisera les fournisseurs locaux et les entreprises québécoises actives dans ce secteur.

Électronique et cybersécurité
L’accent mis sur la transformation numérique des Forces armées canadiennes et la sécurisation des systèmes de défense profitera aux entreprises québécoises spécialisées en électronique, en technologies de l’information et en cybersécurité. Ce secteur, en pleine croissance, jouera un rôle clé dans le développement de solutions innovantes pour la défense nationale.

Construction et ingénierie
La rénovation, la modernisation et la construction de nouvelles infrastructures militaires généreront une forte demande pour les entreprises de construction, d’ingénierie civile, d’architecture et de gestion de projets. Les régions où sont situées des bases ou des installations stratégiques verront leur économie locale dynamisée par ces chantiers.

Recherche, développement et innovation
Les investissements en défense s’accompagnent d’un soutien accru à la recherche et à l’innovation, notamment dans les domaines des matériaux avancés, de l’intelligence artificielle, des communications sécurisées et des systèmes autonomes. Les universités, centres de recherche et PME technologiques du Québec seront sollicités pour participer à ces projets stratégiques.

Logistique, transport et maintenance
L’expansion des capacités militaires et des infrastructures entraînera une hausse des besoins en logistique, transport, stockage et maintenance des équipements. Les entreprises œuvrant dans ces secteurs bénéficieront de contrats pour soutenir les opérations militaires et l’entretien des installations.

En somme, les secteurs de l’aérospatiale, de la défense, de l’électronique, de la construction, de la recherche et de la logistique sont les mieux placés pour profiter des investissements en défense et infrastructures au Québec, avec des retombées économiques significatives et durables pour l’ensemble de la province.
Quelles opportunités d’emploi pourraient émerger grâce à ces investissements en défense et infrastructure ?

L’augmentation du budget de la défense au Canada et les investissements dans les infrastructures au Québec ouvriront la porte à de nombreuses opportunités d’emploi, tant dans le secteur public que privé. Voici les principaux domaines et types d’emplois qui pourraient émerger :

1. Recrutement et maintien du personnel militaire et civil
– Recrutement massif de membres des Forces armées canadiennes (FAC), avec un objectif d’atteindre 71 500 membres de la Force régulière et 30 000 réservistes d’ici 2030.
– Création de postes civils pour soutenir la préparation opérationnelle, l’entretien des flottes, la gestion des finances, l’approvisionnement, la sécurité, les affaires publiques, la transformation numérique et la gestion des infrastructures.

2. Construction, rénovation et entretien des infrastructures
– Emplois dans la construction, la réhabilitation et l’entretien des bases militaires, des centres de formation, des chantiers navals et des installations logistiques.
– Opportunités pour les ouvriers spécialisés (charpentiers, électriciens, plombiers), ingénieurs civils, gestionnaires de projets, architectes et techniciens en bâtiment.

3. Industrie de la défense et chaînes d’approvisionnement
– Postes dans la fabrication d’équipements militaires (aéronautique, électronique, véhicules blindés, systèmes de communication).
– Emplois dans la recherche et développement, l’innovation technologique, la cybersécurité et l’intelligence artificielle appliquées à la défense.
– Débouchés pour les techniciens, ingénieurs, analystes, gestionnaires de production et spécialistes en assurance qualité.

4. Effet d’entraînement sur les secteurs connexes
– Création d’emplois dans la fabrication de matériaux, le transport, la logistique, la maintenance industrielle et la gestion des déchets.
– Développement de PME locales autour des grands chantiers, stimulant l’économie régionale et favorisant l’emploi local.

5. Formation, innovation et développement durable
– Besoin accru de formateurs, de spécialistes en développement des compétences et de personnel dans les établissements d’enseignement et de formation technique.
– Emplois dans les secteurs de l’innovation verte, de l’efficacité énergétique et de la gestion durable des chantiers, en lien avec les exigences environnementales des nouveaux projets.

En résumé, la hausse des investissements en défense et en infrastructure au Québec générera des milliers d’emplois directs et indirects, dans des domaines variés allant de la construction à la haute technologie, en passant par la logistique et la formation. Ces opportunités contribueront à renforcer la vitalité économique des régions et à moderniser l’écosystème industriel québécois.

À lire aussi :

https://www.itcilo.org/fr/courses/creer-des-emplois-grace-des-investissements-inclusifs-dans-les-infrastructures

https://www.canada.ca/fr/ministere-defense-nationale/nouvelles/2025/06/le-nouveau-gouvernement-du-canada-et-les-forces-armees-canadiennes–reconstruction-rearmement-et-reinvestissement.html

https://www.ledevoir.com/politique/canada/838849/comment-industrie-defense-prepare-elle-hausse-annoncee-budgets-militaires

https://www.cashbee.fr/the-interest/investir-dans-le-secteur-de-la-defense

https://getbux.com/fr/blog/investir-actions-defense-armement-bourse

https://www.morningstar.fr/fr/news/259886/3-actions-de-d%C3%A9fense-pour-parier-sur-le-supercycle-des-d%C3%A9penses-militaires-.aspx

https://www.ledevoir.com/politique/quebec/889315/francois-legault-attend-ce-quebec-recolte-part-importante-depenses-defense

Tarifs Trump : comment des PME québécoises résistent avec le soutien des consommateurs locaux

La tempête tarifaire signée Donald J. Trump 2025 impose triplement l’instabilité : quand? quoi? combien de temps? La pire crainte du monde des affaires! Au Québec, une analyse des entreprises locales affectées par lesdites taxes fait ressortir des stratégies pour s’en sortir, avec l’appui du citoyen-consommateur. D’autant que la tempête prend des allures d’ouragan : des menaces de tarifs douaniers de 25 % imposés aux PME québécoises en poussent plusieurs à un carrefour critique.

Ces taxes, si elles étaient appliquées, fragiliseraient davantage un tissu économique déjà mis à rude épreuve par la concurrence internationale et une accumulation d’incertitudes géopolitiques. Mais comme cette terre est fertile pour le nationalisme économique, plusieurs trouvent, dans cette crise, une lueur d’espoir dans le soutien massif des consommateurs locaux. Une réaction qui pourrait bien devenir la clé de leur survie et de leur prospérité.

Dans cette crise, ce sont évidemment les secteurs exportateurs du Québec, notamment l’agroalimentaire, la technologie ou le manufacturier, qui deviennent particulièrement vulnérables. À la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, si ces tarifs devaient entrer en vigueur, on s’empresse vite de souligner le lourd poids des conséquences : nos produits deviendraient moins compétitifs sur le marché américain, principal débouché pour nos entreprises.

Mais la réalité serait encore pire, car à la hausse des prix pour les consommateurs aux États-Unis, il faut aussi ajouter la pression sur les marges et les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement transfrontalières comme autant de défis immédiats.

Face à tant de menaces, les PME québécoises ne doivent pas se résigner, et plusieurs de leurs dirigeants mobilisent leurs forces, innovent et, surtout, comptent sur un allié inattendu : le citoyen-consommateur. Parce que selon une étude récente, 86 % des Canadiens, mais 90 % des Québécois, considèrent qu’il est crucial – oui CRUCIAL! – de soutenir les petites entreprises locales. Et la majorité des consommateurs sont également prêts à faire un effort supplémentaire pour privilégier l’achat local. Étant motivés par le désir de soutenir leur communauté, de préserver des emplois et de renforcer leur autonomie économique.

Faut-il voir ce mouvement citoyen comme un simple acte de solidarité? Comme une réaction, passagère, qui ne durera pas? C’est ici qu’il importe que le chef d’entreprise perçoive bien ce mouvement citoyen, pour en faire une véritable stratégie de résilience pour nos PME. Il doit faire passer le message! En achetant local, les consommateurs participent à la création d’un cercle vertueux : ils contribuent à la stabilité économique de leur région, à la diversification des marchés et à la réduction de la dépendance aux marchés américains.

Un bon exemple, les marques de certification « Les Produits du Québec » jouent un rôle essentiel dans cette dynamique, en rassurant les consommateurs sur la provenance et la qualité des produits.

Trois marques de certification sont délivrées par LPDQ: Produit du Québec, Fabriqué au Québec et Conçu au Québec. En date du 10 mai 2024, plus de 160 manufacturiers ont obtenu l'une de ces trois marques, pour un total de plus de 64 000 produits certifiés.

Les initiatives gouvernementales peuvent aussi renforcer cette tendance. En mai 2024, à la suite d’un appel de projets lancé à l’automne 2023 pour promouvoir l’achat local partout au Québec, le Gouvernement du Québec a sélectionné 26 initiatives, auxquelles il accordait des aides totalisant plus de 9,2 millions de dollars. L’une d’entre elles, à réaliser par le Regroupement des Sociétés de développement commercial du Québec (RSDCQ), recevait ainsi 440 400 $, dans le cadre du volet A, pour promouvoir les produits vérifiés par LPDQ par l’entremise d’un programme numérique de fidélisation des consommateurs.

RÔLE CLÉ DES CONSOMMATEURS

Les citoyens-consommateurs jouent donc un rôle de levier dans la résilience des PME face à la hausse des coûts et à l’incertitude économique engendrée par d’importants tarifs douaniers. Et une majorité (66 %) font déjà un effort conscient pour privilégier ces commerces, plutôt que les grandes chaînes ou les plateformes en ligne internationales.

Le message à bien faire comprendre est celui d’une boucle vertueuse. En soutenant leurs commerces de proximité, les citoyens contribuent à maintenir la demande intérieure, à préserver des emplois et à limiter l’impact négatif des mesures protectionnistes externes. Et cette mobilisation citoyenne va au-delà du simple acte d’achat : elle encourage une relocalisation des circuits de production, favorise l’innovation locale et stimule la création d’emplois. En de telle période d’incertitude, la demande croissante pour les produits locaux peut aussi inciter les PME à diversifier leurs marchés, à investir dans des pratiques plus durables et à renforcer leur compétitivité face aux défis internationaux.

Finalement, la conscience collective autour de l’achat local s’inscrit dans une stratégie globale de souveraineté économique. En favorisant les produits locaux, les consommateurs participent activement à la réduction d’une dépendance aux marchés étrangers autant qu’à la consolidation d’un tissu économique résilient.

CRÉER DES « BOUCLES VERTUEUSES »

Selon une étude de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), chaque dollar dépensé dans une PME locale redistribue environ 0,66 $ dans l’économie régionale, contre seulement 0,11 $ lorsqu’il est investi dans une multinationale. Ce puissant phénomène de « boucle vertueuse » permet de soutenir directement la stabilité et la croissance des entreprises, en créant aussi un effet d’entraînement bénéfique pour l’ensemble du marché du travail.

Mais il y a moyen d’être très précis afin de donner une image convaincante de ce que peut représenter un mouvement fort d’achat local. Dans son texte d’opinion d’expert invité que publiait Les Affaires, le vice-président à la recherche et économiste en chef de la Banque de développement du Canada (BDC), Pierre Cléroux, met des chiffres très faciles à comprendre : « En 2024, le Canada a importé des biens de consommation américains d’une valeur totalisant 157 milliards $, soit environ 330$ par personne par mois. Or, si chaque personne au pays remplaçait seulement 25$ d’achats mensuels de produits importés par 25$ d’achats de produits canadiens (donc 100$ par mois pour une famille de 4 personnes), cela pourrait ajouter 0,7% à la croissance du PIB canadien cette année. »

« Le remplacement de produits américains par des produits canadiens, dans de telles proportions, entraînerait en effet une baisse de 7,5% des importations de biens de consommation, ou l’équivalent de 12 milliards $, qui seraient alors injectés directement dans l’économie d’ici. Sans compter qu’une telle portée permettrait du même coup de créer 60 000 emplois », continue M. Cléroux.

Wow! Ajouter 0,7% à la croissance du PIB annuel par une simple substitution de 25 $ d’achats par mois! Ces chiffres illustrent à quel point la relance d’une économie peut passer par une mobilisation collective en faveur des producteurs, artisans et commerçants locaux.

Une telle pédagogie économique vise à soutenir la résilience des chaînes d’approvisionnement et à encourager la consommation de produits locaux, contribuant ainsi à la souveraineté économique du Québec. Les PME québécoises, conscientes de leur importance pour l’économie locale, savent qu’elles ne peuvent pas compter que sur des mesures d’aide financière ou sur la diversification de leurs marchés. Leur véritable force réside pour beaucoup dans la solidarité de leurs communautés. D’autant plus si elles s’activent en conséquence et construisent cette force. Elles doivent faire passer le message… En choisissant d’acheter local, chaque citoyen devient un acteur de cette résistance économique, un partenaire dans la construction d’un avenir plus autonome et durable pour le Québec. Pavant même les chemins d’un Québec plus écologique…

Car dans un contexte marqué par la menace de taxes punitives, l’achat local s’affirme comme un acte de résistance et de soutien permettant à nos PME de continuer à innover, à créer des emplois et à renforcer leur compétitivité, tout en affirmant leur identité face à la pression extérieure. Ce contexte s’avère même une occasion idéale de faire avancer plus rapidement la transition vers une économie circulaire, afin qu’ensemble nous bâtissions la résilience économique du Québec.

https://www.lesaffaires.com/opinions/lachat-local-pourrait-injecter-12g-dans-notre-economie-et-creer-60-000-emplois

La gouvernance de l’IA nous annonce-t-elle un retour en force du multilatéralisme?

La nécessité est la mère de l’invention! Le dicton a la vie dure, alors même que les enjeux environnementaux et climatiques, totalement planétaires, n’ont pas conduit l’approche du multilatéralisme, en matière de relations entre les États, à un haut niveau de confiance et de résultats.

Ils étaient pourtant nombreux, experts et politiciens, à se donner rendez-vous les 10-11 février 2025, à Paris, pour le Sommet pour l’action sur l’IA. Pour travailler, ils ont notamment en main le premier rapport indépendant international sur la sécurité de l’IA. Un important document de réflexion rédigé par une équipe d’une centaine d’experts de plus de 30 pays. Le rapport détaille les données probantes sur les risques du développement « mal encadré » de l’IA.

On cherche aussi à aider les politiciens et législateurs à relever les principaux défis mondiaux reliés à l’IA. Un groupe international d’experts a donc formulé des recommandations de politiques publiques pouvant être mise en œuvre à l’échelle mondiale pour protéger la démocratie ou l’intégrité électoral.


Sommet de Paris:

61 pays s’accordent pour une IA
« ouverte », « inclusive » et « éthique »

On le voit déjà très bien, le développement de l’intelligence artificielle (IA) n’a pas de frontières. Toute approche de gouvernance unilatérale, ou bilatérale (de pays à pays), se frappera à l’inefficacité. Pour atténuer efficacement les risques reliés à l’IA, la communauté internationale doit absolument se concerter et travailler de concert.

HEUREUX RETOUR DU BALANCIER

Si la gouvernance de l’IA annonçait un retour du multilatéralisme en matière de relations internationales, il faudrait parler d’un début de retour du balancier. Ce ne sont certainement pas les premières semaines de la présidence de Donald Trump qui annoncent de belles heures pour le multilatéralisme. C’est tout à fait le contraire.

Mais autant des pays comme le Canada et la France ont un énorme avantage à jouer la carte du multilatéralisme sur la scène internationale. Et MM Trudeau comme Macron, leurs leaders politiques, étaient bien là, à Paris (ainsi que le v-p Vance).

Il n’y a pas que pour le domaine de l’IA que la formule s’impose. Pour l’environnement et le climat, nous l’avons déjà dit. Et il faut remarquer ici que si un décret Trump a fait sortir les USA de l’Accord de Paris sur le climat, le pays n’est pas retiré pour autant de l’organisation des fameuses COP (Conference of parties), lieu d’exercice concret du multilatéralisme en la matière.

Avec quelque 193 États souverains à l’ONU, comment penser une gouvernance mondiale pertinente et efficace autrement que par le chemin du tous ensemble?

Si le multilatéralisme se traduit dès la coopération de trois États au moins dans le but d’instaurer des règles communes, c’est par le nombre des parties prenantes qu’il acquière sa plus grande pertinence. Et ici, il y a surtout l’idée que la coopération rend l’action plus efficace. Plus bel exemple : les problèmes environnementaux qui peuvent dépasser le cadre des frontières étatiques; et dans un tel cas une coopération entre États peut s’avérer plus bénéfique pour tous les acteurs concernés que si ceux-ci agissaient seuls.

En théorie, la complexification des relations internationales contemporaines rend le renforcement du multilatéralisme rien de moins qu’inévitable. Un argument difficilement contestable dans un monde globalisé, où l’interdépendance est élevée, voire toujours croissante. Et aucun État, voire même le plus puissant, ne peut espérer résoudre seul tous les défis auquel il est confronté. Un argument se heurtant pourtant à la réalité d’un système international d’État trop anarchique, qui manque de la confiance et de la bonne volonté essentielles pour régler des problèmes.

Rappelons, finalement, que le multilatéralisme montre plus facilement son efficacité dans le domaine du commerce international, dont il est issu.

Si la gouvernance de l’IA nous annonce un retour du multilatéralisme, il faudrait y voir une bonne nouvelle.

Programme du Sommet | Sommet pour l’action sur l’Intelligence Artificielle

Les États auraient 10 fois raison d’investir dans les organisations religieuses

Une récente étude canadienne propose que l’apport économique des congrégations religieuses multiplie par plus de dix, oui 10!, la valeur des crédits d’impôt et autres exonérations fiscales que l’État, au Canada, leur consent. Autrement dit, selon l’expérience canadienne, pour chaque dollar provenant de l’État par l’entremise d’un congé de taxe foncière, de l’impôt sur le revenu ou de taxes de vente, les organismes en cause procurent l’équivalent de 10,47 $ en retombées socio-économiques à la société.

L’exemple du Canada démontre ainsi que les États auraient pas moins de 10 fois raison d’investir dans les organisations religieuses oeuvrant sur leur territoire de juridiction.

Selon l’étude L’exonération fiscale des organismes religieux, un plus pour tous les Canadiens, diffusée en novembre 2024 par le Centre de recherche Cardus, lesdites retombées auraient totalisé quelque 16,5 milliards $ en 2019, au Canada.

Méthodologiquement parlant, l’étude a calculé l’effet de halo ainsi que la valeur des exonérations et crédits d’impôt pour 64 congrégations chrétiennes au Canada, de 2018 à 2020. Les auteurs le reconnaissent eux-mêmes : « À étudier les tenants d’une autre foi, on obtiendrait peut-être un autre résultat. »

Une étude précédente de Cardus
avait estimé que l’effet de halo des congrégations religieuses au Canada
atteint environ 18,2 milliards de dollars par année.

On appelle « effet de halo » la valeur en dollars de l’apport socio-économique d’une congrégation religieuse. Par retombées socio-économiques à la société, on entend ici notamment : la valeur des programmes et services offerts tels la lutte contre les dépendances ou le parrainage de réfugiés, la valeur des espaces offerts pour des activités culturelles ou communautaires, les dépenses directes et les activités générées en attirants diverses cérémonies.

C’est Ram Cnaan, à l’Université de Pennsylvanie, qui a cherché par ses travaux à établir la valeur en dollars de l’action de proximité des congrégations religieuses : un apport que l’on l’appelle ici l’effet de halo.

UNE HISTOIRE REMONTANT À 1601

L’exemple du Canada doit-il inspirer les autres pays du monde? Faut-il faire de l’exonération fiscale des organismes de bienfaisance une recette de bonne gouvernance universelle? Il faut savoir que l’exonération fiscale des organismes de bienfaisance dûment enregistrés découle de la promulgation, en Angleterre, en 1601, du Statute of Charitable Uses. Une action de l’État qui fut ensuite adoptée par les colonies d’Amérique.

Les organismes ainsi reconnus d’utilité publique, comme les organismes religieux, étant donc réputés aider le citoyen en donnant un sens à sa vie, en le rendant plus heureux, en lui offrant divers biens et services. En 2024, cette approche se confronte à la réalité de la nécessaire laïcité de l’État dans une société moderne qui souhaite respecter les diversités de ses populations.

On peut aussi considérer que de nombreuses recherches en sciences sociales ont démontré que les organisations religieuses multiplient les bienfaits qui profitent autant aux individus, qu’aux groupes.

QUI EST CARDIUS ?

Cardus est un centre de recherche non partisan qui s’engage, par la recherche et le dialogue, à clarifier et renforcer les moyens par lesquels les institutions de la société peuvent collaborer pour le bien commun. Fondé en 1974, il est basé en Ontario, au Canada.

À lire:

L’exonération fiscale des églises profite à tous, selon une étude | Cardus

CanaDon. « Calculatrice du crédit d’impôt pour dons de bienfaisance ». 2023. https://www.canadahelps.org/fr/calculatrice/.

COP26 (3 DE 3): De Glasgow à Dakar… 2022 l’année de l’eau ?

(04-01-2022) Avec le recul du temps, et à l’heure des bilans de fin d’année, impossible d’oublier la dorénavant grand-messe du climat, voire celle des enjeux Économie-Éthique-Écologie, alors que la COP26 tenue à Glasgow, en Écosse, aura gardé le monde entier en haleine pendant deux semaines complètes du 31 octobre au 13 novembre 2021. Mais au bilan de 2021, la place à donner à cet événement change dès que vous prenez une perspective incluant le temps en avant, à advenir. Du 21 au 26 mars 2022, dans sa capitale Dakar, c’est le Sénégal en entier qui accueillera le 9e Forum mondial de l’eau. Un autre des grands rendez-vous de la gouvernance mondiale, en ce cas triennal, qui fut lui aussi reporté d’un an pour cause pandémique. Puis c’est un autre pays d’Afrique, l’Égypte, qui accueillera la COP27 (7-18 nov.) pour faire une nouvelle mise au point du processus de lutte au dérèglement du climat. Sénégal, Égypte… deux pays déjà parmi les très assoiffés du monde. De la COP de Glasgow, au forum de Dakar… jusqu’à la COP de Charm el-Cheikh, se pourrait-il que 2022 s’impose comme une charnière année de l’eau ? Analyse.

VOIR GLASGOW DE HAUT

Les attentes étaient énormes. Quelque 39 500 personnes y composaient la liste officielle des participants, dont 2 800 médias représentés par quelque 3 800 journalistes accrédités. Ce rendez-vous de Glasgow s’invitait « historique » : six ans après l’Accord de Paris sur le climat obtenu à l’arraché en 2015 lors de la COP21 ; presqu’autant d’années de sable dans l’engrenage du retrait-retour (effet Trump/effet Biden) des USA au processus ; puis l’année supplémentaire perdue pour raison pandémique (le rendez-vous qu’avait donné le gouvernement de l’Italie pour 2020 y est malheureusement passé). Oui, une pression énorme s’exerçait sur les diplomates, les gens du politique et tous les politiciens à l’échelle de la planète pour ENFIN s’entendre sur une mise en oeuvre, un effectif passage à l’action. Les objectifs convenus à Paris, en 2015 – faits accord international signé en 2016 – c’était bien… Cette à la fois subtile et costaude cible du 1,5 °C : encore faut-il organiser son atteinte. Car le temps commence à manquer.

Article 2 de l’Accord de Paris (2015)
1. Le présent Accord (…) vise à renforcer la riposte mondiale à la menace (…) dans le contexte du développement durable et de la lutte
contre la pauvreté, notamment en:
a. Contenant l’élévation de la température (…) nettement en dessous de 2 °C (…) et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, étant entendu que cela réduirait sensiblement les risques et les effets des changements climatiques;

De plus en plus d’indicateurs clignotent en rouge foncé.

Les ONG et ONGI sont à bout (quelque 12 000 personnes en représentaient près de 1 800 à Glasgow). La militante Greta Thunberg n’est que la pointe au sommet de l’iceberg des efforts de militantismes en la matière. Les scientifiques aussi : ils se mutent de plus en plus en acteur dramatique/metteur en scène de films-vidéos-documentaires chocs… Eux aussi, de Youtube à Tik Tok, ne sachant plus comment au mieux passer leurs messages. Ce qui devient de plus en plus préoccupant en soi. D’ailleurs, l’avant dernier point de presse pour lequel le cyberjournal COMMERCE MONDE a eu son journaliste sur place, vers la fin de ce qui devait être la dernière journée de la COP26, à 15h15 le vendredi 12 novembre, était organisé par le collectif Scientists Warning Europe. Il fallait voir son porte parole, Ed Gemmell, avocat, Managing Director du groupe, qui au final des présentations du trio au micro se mis debout, se crispa, puis explosa d’une impressionnante charge de paroles et d’émotions ne voulant rien cacher de l’exaspération de beaucoup de scientifiques envers le monde politique.

Victoria Hurth, Ed Gemmell et Paul Behrens au Durdell Press Conference Room, 12 nov. 2021 (15h15-15h55) « We need plan, now to what to do next year, and the year after… 2040 is totally ridiculous! » ont-ils notamment exposé.
MALAISE GRANDISSANT
Le malaise grandissant entre beaucoup de scientifiques et le monde politique fut un échos que nous avons aussi entendu en participant aux activités du Pavillon sur la cryosphère : l’idée de créer une « Section science/Science Corner » lors de la COP27, en 2022, afin de contrebalancer le lobby du « fossile noir » et pouvoir mieux faire entendre celui du « fossile bleu » y fut avancée par cette communauté de scientifiques spécialistes des glaciers, de l’écologie de l’Arctique et de l’Antarctique.

Les médias eux médiatisent, parfois en amplificateurs imparfaits transformant tout de même les populations en masses anxieuses. Avec résultat que le citoyen est en alerte, et en attente : il faut faire quelque chose ! Du même pas allant vite à l’interrogation suivante : nos dirigeants font-ils ce qu’il faut faire ?

Il y aurait pu ne pas y avoir de consensus final. Glasgow en a livré un !

Les premiers dirigeants de la Chine et de la Russie se sont exemptés du déplacement et de la joute des rencontres en tête à tête, mais leurs délégations y étaient bien actives. La lourde machine onusienne a travaillé et elle a fonctionné : l’opération reste une victoire du multilatéralisme, même si l’Inde y a pris un mauvais rôle avec son amendement de dernière minute. Ce pays a quand même joué le jeu, plutôt que de l’ignorer. Il faut écouter les plus de quatre heures de la séance de clôture finale du samedi 13 novembre. Entendre plusieurs délégués parmi les pays qui ne sont pas des grandes puissances tenir à exercer leur droit de parole pour dire qu’ils ne briseront pas, ici, l’opportunité du consensus, tout en faisant bien comprendre qu’ils ravalent, cette fois, et qu’ils sauront s’en souvenir, lors de la prochaine ronde de négociation. Et cela c’est là, déjà maintenant, puis beaucoup encore en Égypte en novembre 2022. Mais aussi bien avant, car les COPConference Of the Parties – sont un processus, une partie d’un processus. Chacune de ces grandes conférences n’est que le moment le plus médiatiquement immergé d’une machine diplomatique perpétuelle, alimentée de négociations continuelles.

Deux exemples parmi plusieurs :

– en attente imminente du Groupe-2 du GIEC

À Glasgow le principal et plus récent document pertinent du GIEC disponible était celui du Groupe-1. Les prochains rapports du Groupe-2 et du Groupe-3 n’arriveront qu’en cours de 2022 (en février pour l’un, en novembre pour l’autre). Ce sont ceux-là qui feront l’objet des plus grandes attentions à la COP27 égyptienne. C’est là que les leaders politiques trouveront leurs matières à faire de la cohérence pour l’ensemble du long chemin encore à parcourir. Ils auraient même pu prétexter officiellement de ce délai – plusieurs l’ont vraisemblablement fait aux tables des négociations en huit clos – bref, attendre ces importants rapports d’étapes à venir pour en faire encore moins. Ils auraient pu ne pas s’entendre du tout.

Il ne faut jamais oublier que le GIEC est une immense machine, notamment répartie en trois groupes de travail : le premier évalue les éléments scientifiques des changements climatiques, alors que le deuxième s’occupe des conséquences, de la vulnérabilité aux changements et de l’adaptation à ceux-ci, et que le troisième évalue les mesures d’atténuation. Si tout l’enjeu des « pertes et dommages », c’est-à-dire toute la question des dégâts irréversibles, actuels et en devenir, que cause et causera le dérèglement climatique (inflation de sécheresses, d’inondations, d’ouragans, etc.) semble avoir été balayée sous le tapis en Écosse, les promesses faites il y a 12 ans de mobiliser 100 milliards $US par année pour aider les pays les plus démunis à s’adapter aux bouleversements du climat restent de mise. Le fruit n’était tout simplement pas à maturité lors de la COP26.

– un énième rapport de la FAO

Un substantiel nouveau rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) a été publié début décembre, et donc à peine un demi mois après la COP26 de Glasgow. « Des systèmes au bord de la rupture », c’est le titre du rapport, exposant la nécessité d’agir « en urgence » pour appliquer des solutions durables face à une exploitation des ressources « poussées à la limite de leurs capacités de production ». S’alarmant déjà de graves problèmes de subsistance alimentaire mondialement, les travaux des experts de cette agence onusienne rajoutent à l’intense fatigue pandémique actuelle, doublée d’une anxiété climatique croissante, voire bientôt chronique dans les populations. Un tout qui complexifie la donne, mais la FAO le fait tout de même, au risque d’avoir momentanément l’apparence d’un cri dans le désert.

Alors qu’ils sont nombreux à dénoncer les trop petits pas accomplis, que plusieurs accusent la COP26 de Glasgow d’avoir fait trop de surplace, il faut toujours garder en tête qu’il s’agit d’un processus. C’est l’action sur la décennie en cours qui sauvera la mise pour l’Humanité, pas un seul événement annuel.

« Oui, il y a urgence climatique, mais il faut voir ça comme une course à obstacle, un pas à la fois (….) » nous disait l’ingénieur et homme d’affaires québécois Pierre Langlois, dans un de nos articles récents.

« L’essentielle coordination gouvernements-entreprises-instances internationales fait encore très largement défaut », avançait dans son analyse l’éditorialiste Guy Taillefer (Le Devoir, 28 décembre 2021). À la porte du concept, pourquoi ne pas parler franchement de ce dont il faut dorénavant débattre, soit des gouvernances mondiales à améliorer ou à mettre en place ? Il ne faut plus avoir peur des mots; les grands maux sont tous là! Gouvernance pour le climat, pour la paix mondiale, pour tellement de défis…, dont certainement celui de la gouvernance mondiale de l’eau.

L’OBLIGATOIRE LIEN CLIMAT-EAU

Notre première stupéfaction en débutant notre couverture journalistique sur place dans l’immense section des pavillons de la COP26 fut de s’y faire expliquer que la présence du Water Pavilion y était une première. Ils durent même s’y mettre à presque quarante partenaires pour le concrétiser.

Robbert Moree, diplomate des Pays-Bas (important pays contributeur financier dudit pavillon) avec Hasmik Barseghyan, présidente du Parlement Européen de la Jeunesse pour l’Eau et qui représentait aussi son pays, l’Arménie, ainsi que le Secrétariat international de l’eau, une ONGI basée à Montréal, au Canada, devant le Pavillon de l’eau à la COP26 de Glasgow, le 12 nov. 2021.

Il faut dire que les pavillons thématiques y sont une chose toute récente. Se revendiquant premier du genre, sorte de lègue de la COP25 de 2019 voulu par le Chili « qui souhaitait que l’on continue de parler des glaciers », nous a expliqué la docteur en glaciologie Heïdi Christiane Sevestre à nouveau membre de l’équipe sur place, un Pavillon sur la cryosphère avait pu être concrétisé à Madrid, et elle en était aussi. Ce Cryospher Pavilion vivait donc une seconde expérience à Glasgow, encore ici avec des fonds du Chili. Mais aussi, en bonne partie, « beaucoup grâce au financement du gouvernement fédéral suisse », nous a confirmé son représentant sur place, Grégoire Hauser, géographe, conseiller scientifique au Département des Affaires étrangères de la Confédération suisse.

On voit là deux exemples qui témoignent du fait que l’enjeu climat devient de moins en moins pris en compte qu’en vase clos (peut-être il l’était trop?) voire en silo. Il faut voir là une des bonnes nouvelles à rapporter de cette COP26.

Le piège des silos, exactement ce dont a parlé le ministre canadien de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, alors qu’il répondait à notre question à propos de la gouvernance de l’eau dans une perspective mondiale, lors de la conférence de presse qu’il a accordée le vendredi 12 novembre à 16h00. Il avait déjà expliqué qu’il en était, lui personnellement, à sa 19ièm COP sur le climat. Qu’il était même à la 1ère à Berlin en 1995, puis là pour la première fois participant comme ministre et élu représentant un gouvernement: « Il faut comprendre que pendant longtemps, le processus de négociation, ici, a évolué en silo (…) » a dit le ministre, en faisant ensuite entendre que maintenant les choses évoluent pour le mieux, notamment avec les actions du Canada, alors que nous lui demandions pourquoi l’eau semblait un sujet tabou, à Glasgow.

« En route vers le – 0,5 °C lors de la COP27 en Égypte, pour remplacer l’Accord de Paris, et tendre vers le zéro le plus vite possible ? N’est-ce pas ce que j’ai entendu ici ? Ce que vous dites, vous, les scientifiques ? »
Georg Kaser,
professeur autrichien d’Innsbruck tout juste retraité de quelques mois et qui résumait les pensées de plusieurs à la conférence de clôture du Cryosphere Pavilion (12 nov. 2021).

Le ministre Steven Guilbeault savait-il déjà, à Glasgow, que le discours du Trône lu une dizaine de jours plus tard, le 23 novembre, à Ottawa par la gouverneur générale du Canada mentionnerait la création d’une Agence canadienne de l’eau ? Une initiative dont le financement veut notamment soutenir la science et la recherche internationales sur l’eau douce en encourageant les efforts de coopération internationale, y compris ceux avec les Grands Lacs africains

Le regard des experts du climat de l’ONU (GIEC) a déjà partagé au monde qu’il s’exposait, avec la donne démographique prévisible, à un déficit en eau de 40% avant la fin de la présente décennie, soit d’ici 2030. Alors que selon la FAO le niveau de production alimentaire devra augmenter de 50% d’ici 2050 pour combler la demande mondiale. N’oubliant jamais que l’agriculture est de loin la plus grande consommatrice d’eau douce de la planète, y a-t-il ici un problème inextricable, alors que fatigue des sols, disparition des surfaces cultivables pour cause d’urbanisation et augmentation des incertitudes climatiques ajoutent à l’équation ?

« Les changements climatiques diminuant la capacité d’accueil mondiale, des guerres d’agression pourront se produire à propos de la nourriture, de l’eau et de l’énergie. Les nombreux décès engendrés par la guerre, la famine et la maladie réduiront la taille de la population totale. Ce qui, avec le temps, équilibrera le nombre de personnes sur Terre avec la capacité d’accueil de la planète. » Cet extrait d’un rapport secret du Pentagone sur le climat de… 2004 que rapporte Ugo Gilbert Tremblay, dans le no. 84 de la revue québécoise L’Inconvénient du printemps 2021 donne froid dans le dos.

Quel monde voulons-nous bâtir demain, puis ensuite et pour qui? Au final, le premier obstacle risque donc d’être encore le défi d’éveiller l’ignorance du citoyen qui vote. En plus de redonner de l’espoir à ces jeunes qui disent déjà : « Madame, il est maintenant rendu trop tard. » Allez relire ce troublant témoignage de la professeure de science politique au Collège Lionel-Groulx, une Judith Trudeau (Libre opinion, Le Devoir, 2 déc. 2021) qui appelle littéralement à l’aide.

Si l’eau c’est la vie, que l’enjeu climat menace aussi, des suites de la COP de Glasgow en passant par le 9th World Water Forum de Dakar de mars, jusqu’à la suivante COP du climat en Égypte de novembre, il se pourrait bien que 2022 s’invite comme une charnière année pour l’eau.

(Crédit des photos: Daniel Allard)

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