Tarification de l'électricité Les appels à la hausse se multiplient au Québec 2005-11-03 Par Daniel Allard Le Québec et la Norvège sont les deux endroits, en Occident, offrant les plus bas tarifs pour l’électricité à leurs consommateurs. Mais les appels à utiliser ce moyen fiscal pour soulager le poids de la dette se sont multipliés au Québec récemment. Presque simultanément, le même message est arrivé de deux sources très respectées du milieu socio-économique. Dans un document qui passera à l’histoire sous le titre de « Manifeste pour un Québec lucide », douze Québécois de renom, avec à leur tête un ancien premier ministre, Lucien Bouchard, et un ancien ministre, Joseph Facal, ont voulu provoquer un débat d’idée sur l’avenir du Québec en ne cachant pas leur préférence sur une stratégie de hausse des tarifs d’électricité afin d’amener les Québécois a contribuer plus rapidement à un remboursement du fardeau de leur dette publique. Troisième poste de dépenses du budget de l’État, la dette monopolise 7 milliards $, seulement en remboursement des intérêts. Une situation qui bloque toute marge de manœuvre significative du gouvernement face aux défis de l’avenir. S’adressant aux membres de la Chambre de commerce de Québec à titre de conférencier, le PDG du Mouvement des caisses Desjardins, Alban D’Amours, avait choisi comme thème « Les défis du Québec contemporain : appel à la solidarité intergénérationnelle ». C’était le 20 octobre 2005, le lendemain de la sortie publique du « Manifeste des Douze ». « Dès les prochaines années, la plus importante cohorte générationnelle va graduellement quitter le marché du travail. Avec la diminution importante de la population active qui s'en suivra, tant les recettes fiscales de l'État que le potentiel de croissance de notre économie subiront de fortes pressions à la baisse et ce, alors même que les dépenses de santé seront en forte hausse. Voilà pourquoi il importe que le Québec s'attarde sans tarder à la réduction de sa dette, laquelle à près de 120 milliards $, est la plus importante au Canada après celle de Terre-Neuve lorsqu'on la met en rapport avec la taille du PIB. Dans le contexte démographique prévisible, la laisser continuer à grimper nous mènerait tout droit à l'impasse », analyse-t-il. « (…) Considérant l'ampleur du problème qu'il nous faut régler et l'emploi obligé d'une stratégie à long terme, il ne faudrait pas que l'absence actuelle de marge de manoeuvre soit l'obstacle nous empêchant de sortir de l'impasse. Ne pourrions-nous pas alors faire le choix collectif de hausser les tarifs d'électricité pour les rapprocher progressivement des taux du marché et faire servir au remboursement de la dette les revenus supplémentaires ainsi générés ? »
« Cette proposition m'apparaît d'autant plus intéressante que, lorsqu'on y regarde de plus près, l'imposition de bas tarifs comme ceux qui sont chez-nous en vigueur est une mesure socialement régressive. En effet, plus le revenu annuel d'un ménages augmente, plus il consomme d'électricité et plus le tarif moyenne du kw-h consommé se trouve alors à diminuer. (...) Une hausse des tarifs, assortie de mesures compensatoires pour les plus démunis, aurait l'avantage de rétablir un meilleur équilibre à ce niveau, d'être en somme plus équitable », propose d’un seul souffle Alban D’Amours. Conscient des impacts que cela pourrait avoir sur les personnes à faible revenu, il propose des mesures d'atténuation bien ciblée pour ces personnes. Pour lui, on doit envisager sérieusement cette hypothèse de travail : « car rien ne serait justifie l'inaction… Il serait beaucoup plus injuste que, comme génération, nous tirions notre révérence sans rien amorcer pour rembourser la dette et, comme on dit : après nous le début! » Cette idée d’utiliser une partie des profils d’Hydro-Québec pour rembourser la dette de la province, voire que le gouvernement adopte éventuellement un projet de loi à cet effet, n’est pas nouvelle. Mais le débat n’a jamais sonné si fort. Et la proposition sonnait « comme de la musique à mes oreille », a répliqué l’actuelle premier ministre Jean Charest, trop content de voir tant de voix enfin venir appuyer son analyse de la situation précaire des finances publiques du Québec. « L'important, c'est que nous ne prenions pas 10 ou 20 ans avant de mettre en oeuvre des mesures concrètes car chaque année qui passe dans l'inaction est, d'une certaine façon, voler à la quiétude et à la liberté future des générations montantes », pense aussi Alban d’Amours. À la proposition de plutôt bâtir de nouveaux barrages hydroélectriques, pour consacrer leurs bénéfices au fardeau de la dette, il avait d’ailleurs répondu que cette alternative était trop longue puisqu'il faudrait attendre 15 ans avant que de tels nouveaux barrages soient productifs. Voit-il d'autres alternatives complémentaires à cette hausse de la tarification d'électricité ? « Non, je ne vois pas vraiment d'autres alternatives », a-t-il répondu sûr de lui.Fait à Québec le 3 novembre 2005. |
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