myFoodPhone
Un autre pas vers la culture du cellulaire tout usage
2005-08-22

Par Daniel Allard

Lorsque l'on sait qu'il y a 80 millions de baby-boomers aux États-Unis, mais seulement 800 000 lits d’hôpitaux, on déduit facilement que le besoin d'outils personnels pour gérer sa santé deviendra bientôt un passage obligé, même dans les plus riches pays occidentaux. C'est avec cette prémisse que le discret fondateur et principal bailleur de fonds de myFoodPhone, une jeune entreprise de Québec, rêve de mettre au point un véritable « tableau de bord de santé » (Health Dash Board) qui comporterait quatre volets : la nutrition, l'activité physique, le style de vie (stress, qualité du sommeil, consommation d'alcool…) et enfin le dossier médical de chaque abonné.

Homme d’affaires bien connu dans la capitale québécoise, il table déjà sur l’expertise acquise avec des entreprises antérieures, notamment grâce à la mise en marché d’un innovant tapis roulant d’exercice destiné aux centres d’entraînement qu’il avait muni d’un écran d’ordinateur. Mais pour l’instant, la compagnie myFoodPhone ne s'adresse qu'au premier de ces quatre volets : la nutrition. Et c’est avec la téléphonie cellulaire qu’elle pousse l’innovation vers des contrées très peu explorées. « Nous avons mis au point une plate-forme de communication entre l'abonné et le professionnel. Plutôt que de remplir un journal alimentaire pour sa diététicienne, nous avons créé un journal alimentaire Web qui permet une analyse et des recommandations hebdomadaires envoyées à partir d'un message vidéo… Et c’est beaucoup plus efficace pour tous », résume Sébastien Tanguay, directeur général en poste pour myFoodPhone.

En permettant un suivi alimentaire asynchrone, cette technologie libère l'abonné des contraintes de déplacement pour rencontrer régulièrement son spécialiste en nutrition et permet à ce dernier d'abandonner la gestion de rendez-vous pour se concentrer sur l'analyse de sa clientèle. De plus, il apparaît qu’il est beaucoup plus facile d’inciter une personne à remplir son journal alimentaire via la caméra de son cellulaire, que selon la méthode traditionnelle de prise de notes, où après 2-3 jours la majorité des gens décroche. En fait, c’est probablement en rendant le suivi alimentaire quasi « amusant », en photographiant tout ce que l’on consomme dans sa journée, que le nouveau produit tient sa meilleure carte vers la route du succès.

DES DÉBUTS ENCOURAGEANTS
« En 2004, grâce à un partenariat avec la compagnie canadienne TELUS, nous avons pu réaliser un projet-pilote pendant huit semaines impliquant 25 personnes. Les résultats sont très concluants ». Le défi technologique n'avait rien à voir avec l'état actuel du fonctionnement des téléphones cellulaires sur le marché. En fait, n'importe quel téléphone cellulaire avec caméra fait l'affaire, puisqu’il s’agit de prendre une photo de son repas et de l’envoyer par courriel. « (…)Notre défi technologique, c’était de bâtir la plate-forme pour extraire la photo d'un courriel et de l’attribuer au dossier de l'usager, car aucune compagnie de téléphone cellulaire n’utilise les mêmes bases… », explique encore le dg.

Le produit sera par ailleurs testé à la célèbre Mayo Clinic, aux États-Unis, grâce à un contrat de recherche qui devrait démarrer d'ici la fin de l'année 2005. Et d’autres négociations avec la Cleveland Clinic pourraient conduire à des projets de R&D similaires. Des démarches qui risquent d’aider l’équipe de myFoodPhone dans son objectif de mettre aussi au point une version de sa plate-forme utilisant uniquement le cellulaire et n’obligeant pas l’usager à devoir compter sur un écran d’ordinateur pour consulter son dossier. La liberté totale quoi ! Tout, au bout des doigts, à partir de son tout petit ‘’cellu’’. C’est la vitesse des réseaux qui représente ici le défi technologique principal.

Mais dans l’immédiat, c’est davantage le défi de la commercialisation qui monopolise l’attention. Pour se faire, deux stratégies seront développées parallèlement. Ils bâtiront eux-mêmes leur propre réseau de diététistes à titre de partenaires. Le modèle d'octroi de licence sera également utilisé, par exemple pour le marché des hôpitaux ou encore pour celui des clubs sportifs, qui voudront eux-mêmes desservir leur propre clientèle. Début août 2005, aucun vendeur n’avait cependant été engagé pour ces tâches.

Simple : on prend une photo de son repas…
et l’envoie par courriel

« Il y a 7 millions d'utilisateurs de Picture Mail avec Sprint aux États-Unis, et selon nos sources, fin 2004, il y avait 60 millions de téléphones cellulaires avec caméra, toujours aux États-Unis ». Voilà qui explique en bonne partie pourquoi Sébastien Tanguay a choisi de débuter la commercialisation dans le pays de l'oncle Sam. Depuis février 2005, les résidants de trois États américains (New York, New Jersey et Connecticut) peuvent prendre un abonnement pour un forfait à 100 $US/mois. « Ce qui est moins cher qu'un tarif de diététicienne standard », assure-t-il.

Tout indique que c’est d’ailleurs avec la compagnie Sprint que myFoodPhone bâtira son partenariat pour la commercialisation aux États-Unis (lancement officiel prévu d’ici fin 2005), alors que TELUS restera son partenaire pour le Canada. « Vous savez, c'est Sprint qui nous a approché, pas l’inverse », précise-t-il avec fierté.

« Nous avons seulement publié un communiqué de presse. » Cela leur a valu, entre autres, la Une du cahier santé du Washington Post du 7 juin 2005, un article dans le Wall Street Journal, une invitation à l'émission Good morning America ! Assez pour avoir dépassé la centaine d'abonnés pour les meilleurs mois, sans aucun autre effort de marketing jusqu’à maintenant. Des clients qui, pour une large majorité, reviennent d'un mois à l'autre en étant directement facturés à domicile.

« Ce n'est pas encore un produit de ‘’Mass Market ’’. Mais avec Sprint, il va le devenir en utilisant par exemple des techniciens, pour fournir une analyse moins complète, à un tarif autour de 10 à 15 $ par mois », poursuit M. Tanguay. Actuellement, le site Web de l’entreprise annonce d’ailleurs le lancement, en septembre 2005, pour $US 9.95/mois, de sa formule MyFoodPhone Lite.

Pourquoi ne pas envisager un lancement à grande échelle à la grandeur du pays ? « Aux États-Unis, on a découvert que les règles diffèrent d'un État à l'autre en ce qui concerne les ordres de diététistes. C'est une difficulté qui nous oblige à procéder par étapes dans ce pays. » Voilà la principale raison pourquoi la commercialisation se limite actuellement à trois États du Nord-Est américain. Ce qui n'empêche pas la jeune compagnie de recevoir des appels de diététiciens de partout aux États-Unis qui souhaitent déjà faire partie de leur organisation.

Bref, des débuts très intéressants pour une entreprise qui maintient sa formule de bailleur financier interne et unique. « Devenir une société publique n’est pas à exclure, toutes les options de financement sont envisageables, mais le marché boursier n’est pas dans nos plans à court terme », explique à cet égard M. Tanguay.

AU CANADA FIN 2005
Le service n'est donc pas encore disponible au Canada. Mais il le sera prochainement : le lancement officiel au Canada est aussi prévu avant la fin de 2005.

Bref, beaucoup de travail sur la planche à dessin pour la petite équipe gravitant autour de Sébastien Tanguay, qui compte sur trois autres personnes à temps plein comme lui, en plus de deux à temps partiel au siège de l'entreprise, dans le Parc technologique du Québec métropolitain, ainsi que d'un responsable communication et relations publiques à temps plein, à Boston.

À travers tout ça, il trouve aussi l’énergie d’entrevoir l’impact de l’arrivée des RFID sur son produit. Avec beaucoup d'enthousiasme, il nous a aussi parlé de cette nouvelle tendance à inclure de plus en plus, sur les cellulaires, des « chips » (microprocesseur) RFID. « Sachant que chacun de ceux-ci coûte entre un sou et un sou et demi, cela ouvre la porte à beaucoup d'autres projets potentiels. Nous travaillons d'ailleurs déjà avec une firme de Washington sur ça », expose-t-il.

Chose certaine, l’étape de faire un succès avec le cellulaire mode "suivi de sa diète" est préalable. Combien d'utilisateurs de téléphone cellulaire seront charmés par le modèle d'affaires de myFoodPhone ? C'est l'année 2006 qui donnera une bonne idée de la réponse. Une année qui verra d'ailleurs le cap des 2 milliards d'utilisateurs de téléphonie mobile atteint, selon ce qu’estimait Arun Sarin, le patron du géant britannique de la téléphonie mobile Vodafone, dans un entretien récent au Welt am Sonntag. « Pour le cap des 3 milliards, nous aurons besoin de 4 à 5 ans », a-t-il aussi affirmé au même journal. Actuellement, plus de 1,5 milliards de personnes utilisent la téléphonie mobile dans le monde. Beaucoup de gens… que Sébastien Tanguay et ses compères souhaitent satisfaire au plus haut point !

www.myFoodPhone.com



 
L'entreprise faisant l'objet de ce profil a été choisie avec l'implication de l'équipe de professionnels qui administre le Parc technologique du Québec métropolitain, dans le cadre d'une collaboration spéciale.

Fait à Québec le 15 août 2005.


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