Chronique TI : Visite à la Grande Bibliothèque À l'heure de l'Internet, les bibliothèques ont elles un avenir? 2005-07-14 Par Jacques Pigeon Chroniqueur jpigeon@elara.ca La question flotte dans ma tête depuis longtemps. En fait, depuis ma nomination, en 2001, au conseil d'administration de BiblioMondo, une entreprise spécialisée dans les logiciels de bibliothèque acquise par Isacsoft l'été dernier. Je reviendrai la dessus plus loin dans cette chronique. J'ai donc profité de l'un de ces jours de grande canicule en juin, un jour où respirait le bitume, où plusieurs panneaux verre volaient en éclat, pour faire mon premier pèlerinage à la Grande Bibliothèque (du Québec, fraîchement inauguré et ayant son siège social à Montréal) de madame Lise Bissonnette. J'avoue d'emblée que je fréquente peu les bibliothèques. Quand je veux un livre, je l'achète, généralement par l'Internet. Idem quand je fais une recherche. C'est dans cet état d'esprit que je me suis rendu à la Grande Bibliothèque un tranquille mardi de juin. À dix heures, une centaine de personnes attendaient patiemment l'heure d'ouverture. Je suis allé m'inscrire. Ce qui fut fait rapidement car je m'étais déjà pré inscrit en ligne. Un premier bon point. Puis je me suis fait flâneur inquisiteur pour le reste de l'avant-midi. J'ai adoré l'ambiance. J'y ai trouvé un lieu calme, un lieu propice à la réflexion, une sorte de temple de l'intellect, un lieu d'humanité, d'évasion. J'ai trouvé formidable de voir tant de gens, des jeunes, des moins jeunes, des parents avec leurs enfants venus nourrir leur esprit. Faut dire que l'endroit est accueillant. En plus des rayons de livres dans des bibliothèques en acier (pas belles), on trouve un grand nombre de micros ordinateurs, généralement tous occupés, des stations où regarder des films, écouter de la musique. Tout çà est pas mal plus enrichissant qu'un projet de casino de un milliard! Même avec le Cirque du Soleil. Bref, un grand A à la bibliothèque pour le volet culturel. La Grande Bibliothèque a aussi quelques éléments du modèle hybride. Mais c'est encore 90% physique et 10% virtuel. Son site donne accès à quelques collections numériques et offre un service intéressant sur le modèle Google Answers: les services de référence. C'est une bonne idée que je n'ai pas encore eu l'occasion de mettre à l'épreuve. LES BIBLIOTHÈQUES DANS L’UNIVERS DES ENGINS DE RECHERCHE L'engin fait aussi abstraction du contexte mais il a cet immense avantage de repérer rapidement des contenus alors que les bibliothèques, comme l'indique leur nom, recherchent des livres, des fiches. Et comme la production de contenus sur le WEB est en mode explosif, il est facile de voir dans quel sens va la tendance. On compte des centaines d'engins de recherche, souvent très spécialisés et peu connus du grand public. Je vous en donne trois et vous me dites si vous les connaissez: CloserLook, Clusty et Snap. Le premier est québécois www.closerlooksearch.com ; un des rares engins du WEB invisible. Clusty www.clusty.com , comme l'indique son nom, regroupe et structure les résultats de recherches pour créer des dossiers. Et Snap www.snap.com , un engin très sélectif qui centre clairement la cible de recherche. Essayez-les et vous verrez! Et ce n'est là qu'un bien maigre échantillon des engins de recherche de la nouvelle génération. Il y en a des centaines comme çà. Petit à petit, on se rapproche de la recherche sémantique (contextuelle). Comme presque tous les contenus produits depuis 20 ans le sont sous forme numérique et la planète double son savoir à tous les quatre ans, il est facile d'imaginer l'avenir. Déjà le WEB compte plus de huit milliards de pages et on y retrouve des dizaines de milliers de livres numérisés. Et çà c'est avant le grand coup de Google qui a entrepris de numériser les collections parmi les plus prestigieuses du monde. Comme… la planète double son savoir À mon humble avis, si les bibliothèques veulent jouer un rôle et demeurer pertinentes en matière de recherche, elles devront mettre à profit, autrement que ce qu'elles font aujourd'hui, les capacités des bibliothécaires qui n'on probablement pas d'égal en matière d'organisation et de recherche d'information. L'avenir est donc dans les contenus locaux, inédits. Par exemple: pourquoi la GB ne constituerait-elle pas un grand fonds de recherche sur l'environnement où on retrouverait ce qui a été produit comme études par les pouvoirs publics, et les grandes entreprises privés si possible, en capitalisant bien sur ce qui existe déjà dans les universités et centres de recherche? Une autre piste. Pourquoi la GB ne constituerait-elle pas des groupes d'intérêt virtuels sur des thématiques propres à notre culture et notre géographie? Il y a sans doute là de bons moyens d'élargir et de fidéliser une clientèle gourmande d'échanges et d'informations sur son présent et son avenir. L'implication de la GB est d'autant plus importante que la dynamique WEB est d'abord américaine; la moitié du contenu total étant en anglais. DE BIBLIOMONDO... À ISACSOFT Pourtant, les logiciels de BiblioMondo, pardon Isacsoft, sont des produits de grande qualité qu'utilisent de très grandes et réputées bibliothèques de France, du Royaume Unie et des Pays Bas. Mais le hic c'est que des grandes bibliothèques publiques, il s'en construit peu, très peu. Le cycle de vente du produit est long, les bibliothécaires sont des clients très exigeants… bref, c'est un marché à maturité alors que Google bat tous les records de croissance et de rentabilité. N'empêche qu'il y a encore des opportunités d'affaires dans ce secteur industriel qui ne compte pas d'acteurs dominants. La part du lion des revenus d'Isacsoft provient du secteur des bibliothèques. Mais les perspectives semblent peu réjouissantes. J'ai assisté à la dernière assemblée annuelle que j'ai trouvée pathétique. De toute évidence, la magie Brisebois n'opère plus. Il a présenté sa stratégie d'affaires en disant que son entreprise oeuvrait dans le secteur de la gestion des connaissances, des projets et de la consultation. Comme s'il s'agissait là d'une stratégie! Pourtant, Isacsoft peut compter sur un excellent conseil d'administration. Malheureusement, aucun de ses grands administrateurs, Claude Castonguay, Bruno Riverin, Pierre Boivin et Raymond Cyr, n'était présent à la réunion annuelle des actionnaires. J'aurais tellement aimé savoir ce qu'ils pensent vraiment! Fait à Montréal le 14 juillet 2005 |
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