Chronique "Veille d'affaires, technologie et changement"
Les PME et la veille d'affaires
2005-06-23


Par Richard Legendre
Chroniqueur
legendre@siiq.qc.ca
Veilleur technologique et courtier en information


Plusieurs personnes prétendent que la veille d’affaires ne peut se faire à l’intérieur de PME, qu’il s’agit d’un processus de gestion des connaissances réservé à des grandes multinationales. Pourtant, les PME sont soumises aux mêmes raisons qui motivent les grandes entreprises à systématiser la veille et la gestion du savoir dans leur organisation soit :
  • l’infobésité causée par la surcharge d’informations disponibles ;
  • la vitesse du changement (technologique et commercial) ;
  • la mondialisation des marchés ;
  • les compétiteurs veillent mieux.

D’ailleurs, on constate vers la fin des années 90, que l’activité de veille, déjà fort présente dans les grandes entreprises multinationales, commence donc à trouver sa place dans des PME de toutes tailles. Contrairement à ce que certains en pensent, les PME peuvent profiter des bienfaits de systématiser leur veille naturelle. Évidemment, la dynamique de travail et les ressources financières et humaines consacrées à la veille impliquent une manière différente d’y parvenir pour les PME. La surcharge informationnelle et la mondialisation affectent aussi les PME. Si les raisons justifiant la systématisation de la veille s’appliquent autant pour les grandes entreprises que pour les PME,  l’envergure de l’opération varie énormément selon la taille de l’entreprise, le nombre de produits différents fabriqués et la vitesse d’innovation du secteur industriel. Une PME pourra donc y parvenir en respectant ses capacités financières et humaines. En fait, le manque de ressources financières et humaines pour traiter l’information implique une nécessité, voire une obligation d’une grande efficacité orientée vers des résultats à court et moyen terme.


Naissance rapide => Croissance rapide => Disparition rapide
Ainsi :  EFFICACITÉ - SURVIE - COURT TERME

 
On peut facilement identifier les principales différences entre les grandes entreprises et les PME quant aux ressources allouées à l’activité de veille. La PME préfèrera mettre sur pied une cellule de veille virtuelle composée d’un veilleur à temps partiel, consacrant une partie de sa tâche à d’autres fonctions plus traditionnelles dans l’entreprise (ventes, marketing, R&D), d’une équipe de collaborateurs internes pouvant intervenir quelques heures par mois ou, d’une manière ad hoc selon les besoins, d’une équipe de collaborateurs externes composés de courtiers en information spécialisés et de producteurs d’information à haute valeur ajoutée. En effet, une PME a avantage à maximiser ses retombées informationnelles provenant à la fois de sources disponibles sur Internet et de sources d’informations à haute valeur ajoutée. Ces dernières offrent une capacité d’analyse et de synthèse permettant de pallier au manque de ressources disponibles pour réaliser ce travail à l’interne.

Aussi minime soit-il, chaque effort financier consacré à l’effort de veille amène des retombées pour l’entreprise. L’effort typique du veilleur interne d’une PME se situe à environ 1,5 heures par jour en moyenne. Le veilleur interne peut compter sur un réseau interne de collaborateurs et il agit comme acheteur d’information auprès des courtiers, des producteurs et des stockeurs d’information (bibliothèques, centres de documentation). L’amplitude de l’effort humain et financier investi par la PME déterminera l’amplitude de la veille, le choix de sources d’information et le dosage interne/externe.

Selon Jérôme Bondu, directeur de l’Institut français de l’intelligence économique : «le véritable coût de cette démarche se comptabilisera en temps utilisé et en volonté de changement »1. Il mentionne également que les entreprises peuvent bénéficier d’avantages collatéraux « des vertus induites et non négligeables » telles que :

•   sécurisation des informations de l’entreprise ;
•   considération et valorisation pour les employés impliqués ;
•   amélioration de la créativité.

1 Jérôme Bondu, « Les sept questions capitales », Newsletter de l’Institut français de l’intelligence économique, no. 4, 25 février 2005.

CE QUE LES PME NE PEUVENT SE PERMETTRE…
On doit admettre que les PME ne peuvent, comme les multinationales, se permettent certaines erreurs trop souvent commises par des grandes firmes qui décident de systématiser leur processus de veille en improvisant.

1-Partir le processus à zéro
Voilà l’erreur que trop d’entreprises commettent : démarrer un processus de veille sans identifier les éléments positifs déjà présents dans l’organisation et qui correspondent à des forces de la veille naturelle de l’entreprise. Cette veille naturelle dans toute entreprise performante telle que décrite par Michael Porter trouve ses acteurs parmi les employés qui, naturellement, veillent dans leurs fonctions. Ne pas tenir compte de ces éléments déjà présents impliquera que :
  • des efforts seront déployés pour repenser des éléments déjà  présents ;
  • une réaction d’opposition au changement tant individuel que collectif, car les éléments présents dans la culture informationnelle de l’entreprise n’auront pas été considérés ;
  • les résultats concrets de l’activité de veille tarderont à se manifester, laissant la place pour les opposants de miner le projet.
2-Croire à une solution magique « en boîte »
Souvent, les personnes qui désirent en connaître plus au sujet de la veille cherchent tout d’abord des « outils de veille » et même des « logiciels de veille ». Ces personnes souhaitent, consciemment ou inconsciemment, que ces outils permettent de réaliser automatiquement une veille d’affaires sans effort. Pourtant, personne ne croit qu’un pinceau puisse peindre seul. Il en est de même pour un logiciel de traitement de texte qui n’écrit pas sans intervention humaine les offres de services, rapports techniques ou autres formes de textes. La veille fait appel à l’intelligence humaine afin de transformer des données ou de l’information brute en information à valeur ajoutée d’un haut niveau telle que les connaissances ou les savoirs. Identifier des liens entre des informations disparates ou mêmes des informations inexistantes (non-information) représente un défi foncièrement humain.

Quels seraient les outils utiles pour réaliser cette activité de veille ?

- Les besoins réels des consommateurs d’information ;
- Les sources d’information (écrites, parlées ou électroniques) ;
- Le flair du veilleur ;
- Le sens du classement ;
- L’esprit d’analyse ;
- L’esprit de synthèse ;
- Le support matériel aux différentes activités de veille.

Dans ce dernier cas, la forme du support matériel présente des formes aussi variées que les types d’activités liées à la veille. Ça peut aller du simple crayon surligneur au logiciel spécialisé ou encore d’un répertoire d’achat ou d’une étude de marché pertinente.
                                   
En effet, certains logiciels peuvent s’avérer utiles à un veilleur. Quelques tâches peuvent représenter un travail répétitif et lourd. L’automatisation à l’aide d’un logiciel dégage du temps pour le veilleur qu’il pourra consacrer à des tâches faisant appel à son intelligence. Également, l’utilisation de certains logiciels vise à réaliser un premier niveau de traitement de masses d’informations brutes. L’apport du veilleur pour amorcer le travail de ces applications logicielles et assurer un suivi critique des résultats s’avère capital, afin de ne pas devenir dépendant de l’outil. Sans être restrictive, voici une liste de quelques exemples de tâches pouvant profiter d’applications logicielles :

- monitoring de pages web ciblées ;
- monitoring de fils de presse ;
- indexation de l’information ;
- traduction ;
- production de résumés ;
- diffusion ciblée de l’information.

 La rapidité d’exécution et la répétitivité des applications logicielles jumelées à la puissance du raisonnement humain d’un veilleur peuvent représenter une force informationnelle impressionnante.

3-Laisser périr des trésors d’informations
Trop souvent des mines d’or d’informations existent et ne sont pas utilisées. Certaines de ces informations se retrouvent déjà dans l’entreprise. Il s’agit des informations : perdues, oubliées, rejetées ou non utilisées trop souvent en raison d’une méconnaissance des besoins réels d’information des principaux consommateurs d’information dans l’entreprise. L’information stagnante illustre bien le phénomène du cercle vicieux de l’infobésité. En effet, les employés qui subissent une surcharge informationnelle considèrent qu’ils manquent de temps pour lire les informations diffusées en fonction d’une liste de circulation. Les informations ainsi bloquées perdent de leur fraîcheur et lorsqu’un usager lira cette information, le risque de tomber sur une information périmée devient important. Ainsi, le sentiment d’inutilité de l’information en circulation dans l’entreprise contribue à un désintérêt des utilisateurs risquant ainsi d’augmenter le temps d’attente dans la « pile de documents ».

La réalisation d’un inventaire des ressources informationnelles, tout comme on le fait pour les ressources matérielles et humaines, s’avère un moyen efficace et essentiel permettant de prendre conscience des sources d’informations qui pénètrent déjà dans l’entreprise et de l’effort nécessaire au traitement. Il en est de même pour un inventaire externe des sources d’information qui permet de prendre conscience de l’offre de l’industrie de l’information pour son secteur et ainsi, par la suite, de faire les meilleurs choix en fonction des besoins définis par les principaux utilisateurs d’information de l’entreprise. Dans un contexte d’une veille naturelle, le choix des sources d’information repose essentiellement sur le hasard. Par exemple, la découverte d’une revue dans la salle d’attente d’un fournisseur ou d’un client, la suggestion d’un nouvel employé d’une association ou d’une foire/conférence qu’il a connue chez un précédent employeur illustrent bien ce type de  hasard.

4-Ne pas maximiser le recours à des ressources informelles             
On associe habituellement les sources informelles aux informations dites parlées. Souvent associées à des rumeurs, ce type d’information bénéficie habituellement d’une fraîcheur plus grande que l’information de type formel. Sa volatilité représente son plus grand défaut, compliquant ainsi sa captation et la qualification de la source. Les réseaux d’individus représentent les canaux de diffusion les plus communs du domaine de l’informel. Les vendeurs sont naturellement branchés sur la clientèle et le marché, les acheteurs sur les fournisseurs et ainsi de suite. Les associations représentent également un réseau de spécialistes d’un domaine et favorisent les échanges soit par des rencontres (conférences, expositions) ou sur leur site web.

Habituellement, on retrouve deux mondes parallèles qui cohabitent dans l’environnement informel de toute entreprise. Prenons l’exemple d’une entreprise de pâtes et papiers. La force de vente de l’entreprise est naturellement branchée à un réseau informel d’information issu du monde de l’édition, des imprimeurs et des journaux qui achètent des grandes quantités de papier. Les acheteurs de l’entreprise, eux, entretiennent des relations avec le monde de la forêt pour les approvisionnements en bois.
LA VEILLE DANS UN CONTEXTE DE PME
Pour parvenir à maximiser ses ressources informationnelles, la PME doit prendre conscience des éléments forts et des éléments plus faibles de sa veille naturelle déjà présente dans l’entreprise. L’identification des éléments forts permettra de prendre conscience des éléments positifs déjà présents et reconnaître les employés qui y participent. De plus, on évitera ainsi de recommencer à zéro et on pourra se concentrer sur les éléments les plus faibles.

L’analyse des expériences de systématisation de la veille dans des PME québécoises depuis une dizaine d’années  indique que les principales faiblesses des veilles naturelles déjà présentes dans les entreprises se concentrent aux fonctions suivantes de la veille : Objectif, Inventaire, Plan et Tri-Classement. L’effort de systématisation de l’activité veille devrait habituellement se concentrer sur ces fonctions. En concentrant ses efforts sur ces fonctions plus faibles, la PME pourra éviter l’éparpillement des efforts et des ressources, tout en misant sur les éléments positifs de la veille naturelle déjà présente.

LA VEILLE AU QUOTIDIEN DANS UNE PME
  • Identifier et réaliser un monitoring de marques de commerce ou de brevets (classes, citations, concurrents) ;
  • Réaliser des profils d’entreprises (compétiteurs, fournisseurs, clients, partenaires, etc.) ;
  • Réaliser et tenir à jour un inventaire des sources d’information déjà utilisées et celles pertinentes offertes par l’industrie de l’information ;
  • Réaliser un monitoring des fils de presse en ciblant des éléments technologiques ou des noms de compétiteurs ;
  • Développer et maintenir une connaissance des ressources en information disponibles pouvant  être utiles pour de futurs besoins en information ;
  • Participer activement aux comités techniques rédigeant des normes et standards ;
  • Augmenter le rendement informationnel de la participation à des foires et conférences ;
  • Synchroniser son agenda avec les publications de documents d’information importants pour l’entreprise (études de marché, rapport annuel, etc.).

Le défi de la veille est foncièrement humain et la réussite en veille repose essentiellement sur la définition des besoins réels, la sélection et la gestion efficace des sources d’information ainsi que la répartition de la charge du traitement de l’information à l’intérieur de l’organisation. L’infobésité guettant toutes les entreprises, la veille trouve donc sa place dans toutes les tailles d’organisation. L’activité « veille » dans une entreprise augmente l’agilité de celle-ci qu’elle soit petite ou grande. Commencez dès aujourd’hui à prendre conscience des activités d’information déjà effectuées par  vous et vos employés. Profitez au maximum des ressources externes offertes par l’industrie de l’information et de la surspécialisation des sources d’information. Améliorez vos habitudes de consommateurs d’information stratégique. Soyez prêt à affronter les défis de demain en systématisant l’activité de veille dès aujourd’hui, et ce, même si vous êtes une PME. Rappelez-vous que c’est aujourd’hui la veille.

Note : La version espagnole de cet article sera publiée dans le webzine Puzzle, no.17,  mai-juin 2005 (www.revista-puzzle.com).

Fait à Québec le 15 juillet 2005.


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