Ville «intelligente» et innovation ouverte
«QUÉBEC EN MODE SOLUTIONS» a montré que Riverside, la californienne, peut en apprendre de sa rivale canadienne
2012-08-03

Par Daniel Allard

(Sur le photo: Carl Viel, le pdg de Québec International, en pleine discussion avec son invité de prestige Richard A. Bendis.)

 

 

 

Québec n’aura pas été sacrée ville « intelligente » de 2012. Elle s’y reprendra probablement, mais déjà elle sait qu’elle peut en montrer à la nominée californienne : Riverside!

« I have never seen an event like this one in the USA », nous avouera sur place Richard A. Bendis, le pdg de Innovation America, qui était venu de Philadelphie pour participer aux deux jours de l’événement « QUÉBEC EN MODE SOLUTIONS ».

Innovation America
is a global innovation intermediary
focused on accelerating the growth of the entrepreneurial innovation economy
Internationally and
in America.

Tenu trop tard pour influencer le jugement du jury de l’Intelligent Community Forum – le directeur du développement de l'ICF et co-fondateur du processus de sélection des villes « intelligentes », Louis Zacharilla, était déjà passé faire son tour afin d’affiner les sept évaluations des candidatures alors en liste - il y avait pourtant quelque chose de remarquable à vivre à Québec, les 15-16 mai 2012, pour les passionnés d’innovation : « À une époque où l’innovation ouverte évoque principalement une approche totalement virtuelle où les ‘’nuages’’ et les ‘’foules’’ sont utilisés pour générer de nouvelles idées, il est agréable de voir que les ‘’réunions physiques’’ ont encore un important rôle à jouer. Le fait de réunir physiquement des gens et de les inviter à participer à un processus structuré peut même donner d’excellents résultats créatifs », en a témoigné le directeur de l’Innovation, au Knowledge & Innovation Centre et au Maintenance Valuepark de Terneuzen, Oscar Smulder, venu lui des Pays-Bas.

À sa deuxième édition « QUÉBEC EN MODE SOLUTIONS » avait même raffiné sa ‘’réunion physique’’ en la tenant cette fois sur deux jours, histoire de donner encore plus raison à ceux qui pensent qu’une nuit porte conseil!

C’est le succès de l’édition de décembre 2010, première du genre, qui a poussé Québec International, en collaboration avec le Regroupement pour l’innovation et le développement technologique de Québec (IDTEQ) et l’International Society for Professional Innovation Management (ISPIM), à faire l’invitation de venir à nouveau vivre l’expérimentation de l’innovation ouverte à la sauce québécoise. Et des solutions novatrices ont été effectivement trouvées pour les neuf problématiques industrielles complexes ayant un impact sur leur développement qu’ont partagées autant d’entreprises pour cette 2e édition.

Dans ce cadre géographique bien choisi qu’est espaces Dalhousie, avec des vues imprenables autant qu’inspirantes sur le fleuve St-Laurent, tous les participants acceptaient déjà un double constat : que la concurrence mondiale qui s’accélère sans cesse invite à réaliser que l’innovation ne peut plus se réaliser en vase clos; et que pour maintenir ou augmenter leur compétitivité les organisations les plus innovantes se tournent de plus en plus vers les méthodes d’innovation ouverte. Et les quelque 200 chercheurs, scientifiques, ingénieurs et technologues, gens d’affaires, leaders des principaux centres de recherche de la région de Québec et autres acteurs de l’écosystème régional de l’innovation (financement, propriété intellectuelle, consultants, etc.), curieux ou intéressés du développement économique qui sont passés par là « dans un esprit coopératif et de libre partage du savoir » auront certes été utiles.

Des neuf problématiques soumises pour l’édition 2012, voici ce que nous avons observé en fin de course du jour 2 :

 

-Fujitsu, qui voulait « trouver un moyen pour identifier les connaissances d’une personne sans lui demander explicitement afin d’optimiser l’efficacité organisationnelle et favoriser l’exploitation et la réutilisation des connaissances au sein de l’organisation » : a pu bien mesurer l’ampleur du défi!

- GL&V Canada, qui voulait « trouver un moyen pour mesurer simultanément le débit de chacun des boyaux (jusqu’à 100 boyaux à la fois)) d’un distributeur central pour caisse d’arrivée de façon non permanente et économique » : a pu avancer dans sa quête de solutions.

-Graymont , qui voulait «  identifier des avenues de valorisation pour les coproduits de la chaux (poussières de fours à chaux et autres dérivés du procédé de fabrication de chaux) » : a notamment vu un des participants repartir avec un échantillon.

-Textiles Techniques Chaudière-Appalaches, qui voulait « trouver un moyen pour automatiser la récupération de rebuts de fils textiles postproduction pour revalorisation sous forme de fibres et réinsertion dans la chaîne de production de textiles techniques » : a eu la chance qu’un gars de l’INO lui donne une solution type éclair de génie dès le premier jour. Beau coup de chance pour Joe Lanoé qui est avec cette OBNL créée que depuis deux ans et qui a bien hâte d’arrêter de voir « entre 5 et 20 000$ de valeur de textiles dans une remorque se retrouver dans un dépotoir » parce qu’il n’a pas encore trouvé le moyen économique de le récupérer. Surtout lorsqu’il s’agit de textiles précieux comme du nomex qui vaut jusque dans les 500$ la livre!

-Fourrures Grenier, une entreprise familiale créant une quinzaine d’emplois en Abitibi, qui voulait «  trouver une solution au problème du retournement des bottes de fourrures, une étape essentielle de la fabrication qui exige beaucoup de force physique » : avait un rendez-vous téléphonique de suivi, dans la semaine, avec Cristina Marques, la chargée de développement du Consortium de recherche en plasturgie et composites du Québec. Et tout indiquait que, d’une manière ou d’une autre, ils allaient réussir à ne plus devoir retourner manuellement lesdites bottes. Le voyage jusqu’à Québec aura valu la peine!

-Rio Tinto Alcan, qui voulait «  mettre au point une nouvelle méthode de calcination du coke vert » : a dit un gros merci public à un pétrochimiste présent sur place et priorise dorénavant la technique de la pyrolyse pour la suite des choses.

-Tourbière Berger, qui voulait «  développer un processus d’automatisation des analyses d’échantillons de terreaux sur une ligne de production en continu » : repartait avec 80% de ses objectifs atteints, 3-4 bonnes idées en poche et des solutions à des problèmes qu’ils n’avaient même pas identifiés.

-Triode, qui voulait «  créer des contextes qui favorisent la collaboration interentreprises et trouver des stratégies qui permettent d’aller au-delà de la relation client-fournisseur » : a réussi à créer une communauté d’intérêt face au défi posé et une rencontre de suivi avec une petite brigade d’intéressés à son agenda le mois suivant.

-Produits forestiers Résolu, qui voulait «  trouver une méthode pour scanner les résidus de l’usine avant leur entrée dans la déchiqueteuse et pour détecter les métaux présents dans les résidus » : a maintenant elle aussi une meilleure compréhension de la complexité du problème soumis.

 

 

L’initiative des villes « intelligentes »

 

Chaque année, l'ICF détermine un thème guidant le choix des nominations pour établir le «Smart 21 Community» et le «Top 7 Community», et finalement pour attribuer le titre de «Intelligent Community of the year». Pour la présentation 2012, l'ICF avait retenu le thème «Intelligent Communities - Platforms for Innovation», afin de découvrir les villes et les régions qui ont su créer un contexte d'innovation unique et profitable pour leur communauté. Malheureusement pour son maire, qui travaille beaucoup sur la fierté retrouvée de sa ville - et ce depuis son arrivée à l’Hôtel-de-ville de Québec en 2007 - c’est la californienne Riverside qui rafla le titre «Intelligent Community of the Year 2012». 

“A successful effort by a High Tech Task force, persistent local government and a commitment to close the digital divide earn Riverside global award (…)”, expliquait le communiqué de presse le jour du dévoilement, ledit 8 juin.

À sa deuxième tentative, Québec aura tout de même hissé sa performance au Top 7 des villes intelligentes! En cours de processus, en octobre 2011, Québec s'était même classée préalablement parmi les «Smart 21 Community» pour une deuxième année consécutive, alors que près de 400 dossiers provenant d'autant de villes et de régions du monde ont été évalués pour figurer au prestigieux palmarès international du l’ICF.

« J'accueille avec une immense fierté cet honneur. Québec dans le Top 7, c'est une reconnaissance extraordinaire! Cette décision confirme que Québec possède une richesse inestimable : une communauté innovante et créative! D'ailleurs, au cours des prochaines années, notre action mettra encore davantage l'emphase sur cette capacité plus que prometteuse comme annoncé au moment de la présentation de notre Stratégie de développement économique en décembre dernier», avait souligné pour l’occasion le maire de Québec, Régis Labeaume, les autres villes du Top 7 étant Austin (Texas), Oulu (Finlande), Riverside (Californie), Taichung City (Taiwan), Saint John (Nouveau-Brunswick) et Stratford (Ontario).

Après Eindhoven (Pays-Bas, 2011), Suwon (Corée du Sud, 2010) et Stockholm (Suède, 2009), le panthéon des villes les plus branchées n’a pas pu honorer Québec en 2012, mais la lauréate californienne aura avantage à garder à l’œil cette région d’Amérique où fourmillent les projets technologiques remarquables! La Ville de Québec et plusieurs acteurs régionaux ont, par exemple, mis en place au cours des dernières années divers moyens technologiques d'avant-garde, tel que son tout premier Hackaton au cours duquel elle a rendu publiques ses données informatiques à des créateurs et des programmeurs invités pendant une journée afin de réaliser des prototypes d'applications ou des sites web. De plus, Québec est déjà une des villes les plus Wi-fi du Canada avec des bornes d'accès gratuit à Internet couvrant plus de 60 % de son territoire. Un projet unique de consortium en télésanté qui permet d'améliorer la qualité du suivi en soins à domicile par l'intégration de nouvelles solutions technologiques au milieu de travail des professionnels de la santé y fait figure de proue dans le domaine. Et le Réseau de transport de la Capitale a mis en place récemment une application mobile gratuite (RTC Mobile) permettant la visualisation des parcours, la consultation des horaires et d'utiliser la géolocalisation pour effectuer des recherches, de conserver ses arrêts et parcours favoris.

Voici d’ailleurs comment était décrite chacune des deux rivales dans le contexte de cette compétition (Source : http://www.intelligentcommunity.org/index.php?src=news&refno=682&wpos=5000,5000,11276 ) :

 

Quebec City, Quebec, Canada
Quebec City has long enjoyed the benefits that accrue to a provincial capital that is also the economic and cultural hub of the province. In the midst of recession, its unemployment rate is less than 5%. Home to major universities, it ranks #1 in Canada and #2 in North America for university students per capita, and has the nation's largest per capita concentration of researchers. Regional GDP has grown 30% in the past 10 years, driven largely by R&D and high-tech businesses. Yet in the 1980s, Quebec City accounted for only 3% of high-tech jobs in the entire province. A decision by local government to interconnect the city's universities and business community transformed a political capital into a technology capital. Quebec Metro High Tech Park is now home to nearly 100 companies employing 5,000 people and the Park's management team continues to advise and steer promising applications from universities into commercial development.

Riverside, California, USA
Located 60 miles from Los Angeles and Palm Springs, Riverside is a bedroom community and university town, home to four colleges and universities. It is also an agricultural community and a warehousing and transportation hub. But none of these industries has provided Riverside with sustainable growth. Today, the city is building a tech-based economy that seizes the opportunities of the broadband revolution. A nonprofit, Smart Riverside, focuses on technology initiatives, and a CEO Forum of local tech companies has produced a plan for tech-based transformation. The community has partnered with its universities to develop tech parks, incubators, business accelerators and mentoring programs. Carriers have deployed fiber and wireless networks reaching 80% of the city. A $1.6 billion revitalization program begun in 2006 is improving traffic flow, replacing aging water, sewer and electric infrastructure, and improving police, fire, parks and libraries.


Pour « QUÉBEC EN MODE SOLUTIONS » 2012 elles étaient donc neuf en scène, pas des villes, mais des entreprises. Et pas rivales! Ayant préalablement identifié un problème qui freine leur développement, elles se retrouvaient là pendant deux jours pour écouter et voir s’activer pour la cause – et également leur cause! - un parterre aussi riche qu’imprévisible de près de 200 personnes (150 avaient vécu l’expérience de la première édition de QMS en 2010) réunies là pour proposer des solutions concrètes à chacun des problèmes soulevés. Dans une mise en contexte bien huilée sous le bon ton de l’animation qu’avait à maintenir un duo expérimenté en Jean-Sébastien Bouchard et Philippe Dancause. Car pas simple de faire vivre l’innovation ouverte à un si grand groupe d’inconnus sur deux jours de concentration ! Car pas simple d’inviter l’un et l’autre à ne pas hésiter à se lever et à changer carrément de table, en pleine séance de petit groupe de 6 ou 8, parce que l’on pense qu’il vaut mieux aller voir ailleurs… et incidemment partir s’asseoir et intégrer en pleine action la dynamique d’un autre petit groupe! Mais les processus de création du cerveau humain sont encore des vallées mal explorées; un complexe mécanisme jamais évident à stimuler. Nos deux animateurs avaient donc su bien mettre tous ces gens bien à l'aise en début du jour 1 en lançant se message: "De grâce, amusez-vous à notre FÊTE DE L'INNOVATION!".

Une fête - pourquoi pas? - voire un esprit... Certes, à plus d'un titre, l'innovation ouverte demande aussi d'accepter des règles floues que nous avons entendu qualifier de "chaos organisé". Et si ceci vous fait hésiter, répétez-vous comme le rappela en faisant rire son auditoire le conférencier finlandais du premier matin: "If you are not OPEN, you are CLOSE!". Ce qui sous-entendait pour nos oreilles: " ...et ultimement OFF ou DEATH!" 

Rappelons que tenu juste sur une journée en 2010, l’événement avait impliqué Équipement Labrie, DMR, Kruger, Silicycle, Industries Norbord, Aluminerie Alouette, Steris Canada, ainsi que l’entreprise de Montréal Living Lab qui cherchait, elle, à concevoir des «casques urbains intelligents» sécuritaires et hygiéniques pour les utilisateurs des vélos Bixi!

En moins de deux années, la région de Québec aura donc amené une idée du stade embryonnaire jusqu’à celui de la reconnaissance internationale grâce au dynamisme de ses forces entrepreneuriales. Grâce à un comportement de leader d’une masse critique d’entreprises prêtes à jouer le jeu. 

DE QUÉBEC À BARCELONE… ET À HELSINKI!

« La capacité d’innover et l’esprit de collaboration qui animent nos chercheurs et nos entrepreneurs constituent des atouts de taille qui participent à notre dynamisme économique et qui contribuent à nous démarquer. Avec sa formule unique, Québec en mode solutions favorise le développement et le rayonnement de ces éléments distinctifs de notre signature économique » analyse à juste titre Carl Viel, le pdg de Québec International, premier porteur du ballon en tant qu’agence de développement du territoire en cause.

Dès juin 2012, le concept QMS/QSS fut d’ailleurs présenté à Barcelone pour l’atelier « ISPIM Seeks Solutions » lors du congrès international de l’ISPIM. Dirigé par deux Québécois, Jean-Sébastien Bouchard, un des fondateurs de Grisvert, et Christophe Deutsch, directeur de la R&D chez Telops et aussi Quebec Seeks Solutions strategic advisor, ainsi que par Frank Piller, de l’Université RWTH Aachen, il a attiré une cinquantaine de personnes: « 13 problèmes avaient été soumis et 5 ont été sélectionnés pour l’atelier (...) Les responsables de l’ISPIM ont bien aimé l’expérience et ils ont décidé d’intégrer à nouveau le concept pour le prochain congrès, à Helsinki, en 2013. Il y aura donc un Helsinki en mode solutions, avec des problèmes industriels », nous a expliqué manifestement satisfait Jean-Sébastien Bouchard juste après son retour de la capitale catalane.

D’ici là, le 5e symposium sur l’innovation de l’ISPIM qui se tiendra lui du 9 au 12 décembre 2012 à Séoul, en Corée du Sud, aura comme thème : « Stimulating innovation : challenges for management, science & technology ».

Alors que du côté de Québec se perfectionnera encore davantage le modèle : « Je crois vraiment que le mouvement QMS est parti! », a d’ailleurs bien résumé Yahya Baby, d’Asentri, en toute fin d’événement lorsqu’il a partagé avec les participants la nouvelle plateforme web créée pour assurer un prolongement dans le temps, voire une permanence de cette initiative. Pour que l'énergie créatrice de l'activité perdure, il a donc su créer en ligne un Lab aux solutions où il est possible de poursuivre l'innovation ouverte. Allez-y voir, c’est encore en version beta et gratuit pour quelques temps : https://www.quebec-solutions.com/index.aspx

Autres références :


www.innovationamerica.us/daily : This Daily Electronic Newsletter, reporting on the Daily Pulse of Global Innovation, Entrepreneurship and Angel/Seed and Venture Capital and Innovation Based Economic Development (IBED) has over 1,000,000 unique visitors in over 185 countries and was voted 4th Best Blogger in the World by Blogging Innovation.

 

Fait à Québec le 3 août 2012.


Envoyer cet article à un ami

Fondé en 1997
35 000 lecteurs


Rubriques

Éditorial
Comment Québec peut parier sur la Chine?

L'EAU c'est la vie!
1ère Symphonie Grands Lacs/St-Laurent, Québec, juin 2012

Trouvez le monde...
Que faire et ne pas faire dans certains pays?

Géopolitique mondiale
Diploweb

Système d'info mondial pour le dév. durable
www.mediaterre.org

Le Convertisseur de devise
Équivalent en $CAN d'une monnaie étrangère

Créez votre "Délégué commercial virtuel"

Haute Finance/Québec?
Survivre à Londres

Profils d'entreprises technologiques (PTQM)
Industries Rocand, OpenPole, PESCA Environnement, ForwardSim, MCG3D, Immanence, Explora, IC2, Studio Virtuel Concept, dö networks

Entrevues exclusives
Plus de 30 rencontres

Mot des délégations du Québec

REPEX / ExportPro.org
François Breault nommé V-P Exécutif



Liens

Partir... pour revenir!
PopulationData.net
InfoNATION
World New Connection
Faire affaires avec l'ONU
Consultation ContactsMonde
La mondialisation jour le jour
Export alerte
Québec Monde
Ass. des économistes du Québec
Cercle Québécois des Affaires inter.
SORIQ
Quoi faire à Québec?
English Québec






Copyright 1994, cyberjournal@commercemonde.com