Le Conseil canadien pour l'Afrique fera-t-il mentir François Hollande ? 2012-06-11 Par Daniel Allard « Je souhaite aujourd’hui vous sensibiliser à l’opportunité de participer à la croissance de l’Afrique. » Devant quelques dizaines de gens d’affaires et d’universitaires – un venu même de Toronto - qui avaient décidé de consacrer leur journée du 19 mai 2012 à faire une rapide mise-à-jour du continent africain à l’invitation du CCA, ces mots de Karl Miville-de Chêne cachaient encore tout le sens qu’opportunité prend en regard de l’Afrique ces années-ci. L’homme qui apporte sa couleur et son énergie légendaire encore plus officiellement à titre de vice-président Québec et Maritimes depuis février 2012 au sein du Conseil canadien pour l’Afrique réservait le meilleur, car attention ! L’Afrique actuelle n’est plus l’Afrique d’hier. « Il faut changer sa perspective et se dire : comment puis-je aller CONTRIBUER avec les Africains et bien comprendre qu’en 2012, ils cherchent à travailler en partenariat. Celui qui aura le meilleur esprit de CONTRIBUTION aura un plus avec les Africains », conseillera-t-il ensuite. En Karl Miville-de Chêne, le lobby qu’est le Conseil canadien pour l’Afrique retrouve un homme qui a toujours su parler haut et fort et c’est certainement une bonne nouvelle pour l’Afrique… au Canada ! « Le gouvernement fédéral en fait beaucoup moins, merci M. Carrier, de reprendre la balle au bond ». Avec une équipe qui ne dépasse pas cinq personnes – stagiaires inclus – le directeur du pupitre Afrique du Ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation du Québec (MDEIE), Alain Carrier, se voyait ainsi remercié de sa contribution active et visionnaire, mais malheureusement trop modeste devant ce qu’offre ce continent. Avec l’appui justement du MDEIE et de l’Université Laval, à Québec, sous un agréable soleil printanier ce jour-là, le « Séminaire : Ouvrir les Portes de l’Opportunité Africaine » du CCA aura fait faire cet impossible tour d’Afrique, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, en souhaitant aborder au mieux un marché englobant pas moins de 50 pays. De la Tunisie faisant amende honorable de n’avoir pas eu un « développement équilibré » et qui va maintenant « remettre à niveau ses villes intérieures ». Une solide analyse du professeur Égide G. Karuranga est ensuite venue démontrer avec brio comment l’Afrique de l’Est est une « économie en plein essor ». Pour l’Afrique de l’Ouest, le vieux routier québécois qu’est devenu le directeur, Affaires internationales de FlexGroups, Michel Lapointe, aura généreusement partagé ses leçons apprises à force d’y faire du terrain. Perspective bien différente, un diplomate, le consul honoraire à Québec Augustin Raharolahy, aura terminé cette tournée nécessairement incomplète en portant les regards pendant une petite heure sur l’Afrique australe en rappelant, notamment, comment la Chambre de commerce et d’industrie de Québec a répondu, à sa manière, au besoin de soutenir le lien d’affaire Québec-Madagascar qui ne demande qu’à croitre. Plus aucun doute là-dessus, l’Afrique moderne est en marche. Entre la nouvelle Chine, la vieille Europe et une myriade de pays aux économies en émergence qui s’y pointent aussi (Brésil, Inde, etc.), le doute se porte plutôt ici, au Québec, à savoir comment le monde des affaires saisit la chose… Avril 2012, le samedi 28 du mois, l’agence Ecofin titrait que François Hollande se déclare favorable à la création d'une «Fondation de la Francophonie pour l'économie», chargée notamment de collecter et de redistribuer des fonds en direction des pays francophones. Pour le favori de l’élection présidentielle française qu’il était alors, « la meilleure manière de défendre la culture francophone est d'organiser un espace économique francophone » s'appuyant, notamment, sur le partenariat public privé, tel que le laisse entendre l’idée de ladite « fondation » en projet. «Les pays attachés à notre culture attendent aussi de la France qu'elle soit acteur de leur développement », affirmait également le futur locataire de l’Élysée. Anticipant sur ses rendez-vous internationaux importants à venir, il montra en même temps qu’il savait déjà se préparer pour les sommets de la Francophonie : « Le prochain (…) en République démocratique du Congo, peut être une opportunité pour en débattre». C’est Kinshasa, la capitale de ce pays d’Afrique centrale, qui accueillera du 12 au 14 octobre 2012 le XIVe Sommet de la Francophonie. Les Chefs d’État et de gouvernement de l’Organisation Internationale de la Francophonie, l’OIF, s’y réuniront autour du thème : "Francophonie, enjeux environnementaux et économiques face à la gouvernance mondiale". D’UNE RIFÉ... À L’AUTRE! Rappelons d’abord que les francophones dans le monde passeront de 220 millions aujourd’hui à 750 millions en 2 050, avec 85 % de la population francophone située en Afrique dont le PIB passera de 1 600 milliards à 2 600 milliards de $ dans les 10 prochaines années, selon Mc Kinsey & Company. Faire de la Francophonie un outil de développement économique dynamique et saisir les opportunités d’affaires qu’elle offre commandent cependant de « fixer le cadre et les conditions de cette performance » et c’est notamment l’objectif que vise les organisateurs de la RIFÉ 2012, d’ailleurs deuxième du nom, car une RIFÉ 2008 avait défini « un nouvel espace économique en consacrant le français comme moteur de son développement » et donné confiance à ses organisateurs de ne pas lâcher le morceau. La RIFÉ 2012 s’emploiera donc à définir une stratégie et à proposer des dispositifs concrets et rapidement opérationnels afin de permettre à la Francophonie économique d’affirmer et de renforcer son importance économique sur la scène internationale. L’événement, qui attend plus de 250 personnes à Québec, s’inscrit dans le Forum mondial de la langue française dont elle constituera la dimension économique. En 2008, l’exemple du Fonds de solidarité FTQ du Québec avait inspiré les participants en leur faisant ensuite proposer aux Chefs d’État et de gouvernement l’idée de doter la Francophonie d'une Société d'investissement vouée à des participations en équité en entreprise dans les pays francophones en émergence. « Imaginez si deux millions de personnes décident d'investir chacun 100$ - qui ne leur en coûtera que 50$ grâce à un incitatif fiscal -, on amasse 200M$ », s'était alors enthousiasmé François-Xavier Simard, un avocat de Québec, incitateur de l'idée (lisez l’acticle complet : http://www.commercemonde.com/commercemonde.php?niveau=2&id=385 ). Que des ressources financières proviennent ici de la société civile, non pas initialement des pouvoirs publics, donne encore plus en 2012 qu’en 2008 du panache à cette proposition! Cinq recommandations de la RIFÉ 2008 était d’ailleurs allées au XIIe Sommet de la Francophonie et donc aux oreilles, notamment, du premier ministre Jean Charest et du grand patron de l’OIF, Abdou Diouf, qui seront encore tous les deux présents aux rendez-vous de 2012: 1. Créer, au sein de l'OIF, un pôle de développement et d'animation économique sous la forme d'un organe subsidiaire dont l'une des fonctions est de coordonner et mobiliser les réseaux existants et à venir qui rassemblent les différents acteurs économiques. 2. Créer une Société Francophone d'Investissement dont les ressources proviendront de la société civile et bénéficieront dans chaque pays d'incitations fiscales. Cette société prendra des participations en équité dans des entreprises dans les pays francophones en émergence. 3. Créer des conditions favorables au développement des milieux d'affaires (environnement juridique et fiscal incitatif, socio-économique stable, soutien et encouragement au développement des réseaux d'affaires, etc.). 4. Créer les conditions favorables à la diffusion de la culture entrepreneuriale et encourager, faciliter la création d'entreprises. 5. Favoriser la libre circulation des gens d'affaires, vecteurs de création de valeur, par la mise en place dans l'espace francophone d'un visa d'affaires. Si François Hollande, le président, pense toujours comme François Hollande, le candidat-président, qu’il était en avril dernier, on doit maintenant penser que la création d'une «Fondation de la Francophonie pour l'économie», chargée de collecter et de redistribuer des fonds, et d’une « Maison de la Francophonie », chargée de « favoriser les partenariats et les investissements directs dans les pays francophones, notamment ceux d'Afrique, par des entreprises œuvrant dans la valorisation des ressources naturelles et du secteur agricole et agroalimentaire, afin d'instaurer un développement durable», pourrait prochainement faire partie de ce qu’il mettra sur la table comme nouveau leader. Plusieurs membres du Conseil canadien pour l’Afrique seront à Québec pour concrétiser la RIFÉ 2012 afin de bien saisir cette occasion privilégiée de réfléchir sur la meilleure stratégie à mettre en place. C’est d’ailleurs un ancien ministre du Gouvernement du Canada qui en sera le président-animateur, en la personne de Jacques Saada. La diplomatie économique vivra certainement à Québec, en juillet, d’exemplaires heures de gloire. Faut-il d’abord passer par Paris et Kinshasa ? Ottawa, Québec, Bruxelles sont aussi à affuter leurs arguments. La Francophonie économique vivrait-elle mieux au véritable rythme des entreprises et acteurs du secteur privé mis au devant de la scène ? La Francophonie économique dépend-t-elle des États pour se développer et doit-elle attendre, à la remorque des décisions étatiques, pour aller de l’avant ? Comme en 2008, le Conseil canadien pour l’Afrique compte parmi les promoteurs de la RIFÉ. Karl Miville-de Chêne siège notamment à son comité scientifique et de programmation, tout comme M. F-X Simard, qui lui est aussi au comité de direction. Fait à Québec le 11 juin 2012. |
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