DOSSIER CHINE (6 de 6)
Entrevue exclusive avec le représentant du Québec à Shanghai : François Gaudreau
2012-06-04

Par Daniel Allard

Avec plus de trois ans de service comme Représentant du Québec à Shanghai, les paroles de François Gaudreau sont riches d’enseignement. Première bonne nouvelle : avec très officiellement 129 entreprises québécoises avec lesquelles le Bureau du Québec à Shanghai a eu à faire en 2010-2011 on parle du double de l’année précédente. Et il évalue de 2 à 3 fois plus le nombre d’entreprises québécoises en Chine. Les Québécois jouent donc de plus en plus leurs cartes chinoises. Le gouvernement ajuste la donne : « Nous étions trois à mon arrivée en poste il y a trois ans, alors que nous sommes maintenant six et que nous passerons à huit personnes dans l’équipe, suite aux annonces du dernier budget de M. Bachand », nous partage celui qui a la tête à l’ouvrage tournée vers l’Asie depuis 1994, avec notamment cinq années en poste au Japon.

Avec ce bagage d’expérience, voit-il actuellement Shanghai comme la meilleure porte d’entrée sur la Chine ?

« Les Québécois apprennent beaucoup en venant faire des affaires ici ! (…) C’est une ville au niveau de vie plus élevé que la moyenne, une ville phare, mais cela n’en fait pas nécessairement la ville où il faut venir. Il faut bien faire ses devoirs. »

Alors quel est son meilleur conseil, pour l’entrepreneur qui pense au marché chinois ?

« Qu’il rencontre quelqu'un au ministère avant de venir dans l’avion ! »

La Chine - cet État géré par le même Parti communiste de la République populaire de Chine qu’a fondé il y a plus d’un demi-siècle Mao et qui se développe depuis les vingt dernières années à plusieurs égards comme une économie plus capitaliste que les modèles occidentaux - demeure d’une complexité pleine de difficultés hors du commun : « Tout se développe très rapidement et il faut vraiment faire attention », avertit-il.

« (…) Il faut venir faire du suivi. On ne peut pas venir vendre ici et dire on va revenir dans un an ! Il faut agir avec eux comme on le ferait avec nos clients au Québec », partage encore François Gaudreau, toujours à titre de bons conseils.

Avec jamais moins d’une douzaine d’heures d’avion pour un vol entre le Québec et la Chine, il est donc impératif d’avoir les moyens de ses ambitions lorsque l’on développe une stratégie commerciale visant ce pays-continent à l’autre bout du monde pour un nord-américain. D’où l’importance de l’entente que le Québec signait récemment avec ERAI, le « bras armée » - comme le dit sa publicité - de la région Rhône-Alpes, en France, qui a un bureau à Shanghai depuis 1991.

ENTENTE QUÉBEC-ERAI
Le 28 octobre 2011, toute l’équipe qui mobilise pas moins d’une trentaine de personnes d’Entreprise Rhône-Alpes International - Chine a déménagé au cœur de ce qui était encore, moins d’un an auparavant, l'Exposition universelle de Shanghai, pour occuper ce qui y fut le Pavillon de la région Rhône-Alpes pendant les six mois de l’Expo 2010 ; devenant le seul locataire à avoir pu récupérer son site après l'événement. Un bon coup, que son d-g Jean-Maurice Hébrard, que nous avons aussi rencontré sur place, expliquait en bonne partie par les bonnes relations d’amitié entretenues par sa région de France avec la Municipalité de Shanghai depuis 1986, qui sont d’ailleurs devenues officiellement jumelées depuis 2008.

« Ils ont doublé leurs espaces disponibles (…) Ce que le Québec veut surtout avec l’entente c’est le volet incubation, pour aider nos entreprises à s’installer sur le territoire », nous expliquera pour sa part François Gaudreau en rappelant qu’auparavant, le Consulat du Canada qui héberge aussi le Bureau du Québec offrait un service d’incubation pour les entreprises, service malheureusement devenu « ingérable » avec les problématiques de sécurité.

« ERAI c’est un bon produit, on s’entend tous là-dessus », dira-t-il. Un réseau international dont le Québec profite dorénavant, lui aussi, et pas uniquement pour Shanghai, car Pékin, Shenzhen et Hong Kong comptent également des bureaux d’ERAI tout comme une vingtaine d’autres grandes villes dans le monde.

Bel espace voulu « flottant » par son architecte concepteur Denis Dessus, faisant 50 mètres sur 15, entouré de bambous, et posé sur un rez-de-chaussée très vitré, logeant sur son 4e et dernier étage un restaurant-école de l’Institut Paul Bocuse, les installations qu’offrent ERAI à Shanghai ont effectivement du panache. Le bâtiment a le prestige d’avoir été sélectionné par le jury chinois comme exemple des meilleures pratiques urbaines dans le contexte de l’Exposition Universelle 2010 qui avait, rappelons-le, pour thème « Une meilleure ville, une meilleure vie ».

Les entreprises du Québec qui voudront utiliser les lieux auront donc en même temps la qualité du contenant, tout en comptant sur une expertise chevronnée : ERAI-Chine cumule bien au-delà de 400 accompagnements d’entreprises et appuie plus de 100 sociétés provenant de Rhône-Alpes actuellement implantées en permanence en Chine.

ENTENTE QUÉBEC-SHANGHAI
Le 2 septembre 2011, le premier ministre du Québec, Jean Charest, était à Shanghai pour notamment y signer une entente sur le développement des liens d’amitié et d’échanges avec la ville de Shanghai. Une ville qui, depuis 1992, est devenue un territoire spécial en Chine et qui, vue du Québec, a plutôt un statut de province avec par exemple des pouvoirs en matière d’éducation.

Bien des choses ont changé depuis que la Ville de Montréal avait établi un premier pont, en 1985. Ce, rappel historique oblige, dans la même foulée que Rhône-Alpes et sa métropole Lyon, dont nous parlions ci-haut! Un Québécois qui va brasser des affaires à Shanghai devrait même toujours garder en tête que Montréal et Lyon sont aussi des villes jumelées et qu’un triangle disons para-diplomatique existe depuis trois décennies entre ces trois villes. Mais dans les années 2000, même les États veulent signer des ententes avec cette ville-état de plus de 20 000 000 d’habitants.

« Le gouvernement du Canada a fait une entente avec Shanghai en 2009 », nous rappellera ici François Gaudreau.

Deux ans plus tard, le Québec est donc venu y jouer ses cartes.

En quoi cette entente - qui tient sur deux pages - est importante, selon-lui ?

« Pour la reconnaissance ! Maintenant nous sommes des partenaires privilégiés (…) Je n’irais pas jusqu’à dire que nous avons un téléphone rouge avec le maire de Shanghai, mais c’est vraiment intéressant, on sent que des choses vont se passer, notamment en recherche, en science et technologie. »

En matière de développement économique, la carte à jouer pour le Québec était facile à choisir et elle a fait très bonne impression : « L’objectif du premier ministre était de présenter le Plan Nord aux Chinois (…) On va faire des conférences de suivi avec ça  », poursuit M. Gaudreau en rappelant aussi que la visite du premier ministre Charest a fait très bonne presse sur Shanghai TV ce jour-là.

MERCI AU SECTEUR MINIER
Et si on regarde la performance des entreprises du Québec dans son ensemble, ces dernières années, les résultats sont-ils aux rendez-vous ?

Les statistiques ont affiché « une augmentation de 50% des exportations des entreprises québécoises en Chine l’an passé », nous rappellera-t-il. Effectivement, de 1,677 milliard de $ qu’il était en 2010, le total des exportations du Québec vers la Chine est passé à 2,446 milliards de $ en 2011. Mais gros merci au secteur minier. Essentiellement le minerai de fer et leurs concentrés - passées de 278 à 794 millions de $ d’exportations – qui explique presque à lui seul la bonne nouvelle du 50% de croissance globale. Citons aussi les exportations vers la Chine de minerai de cuivre et leurs concentrés, parties de zéro en 2010 et qui auront atteint plus de 73 M$ en 2011.

La réalité pour les PME du Québec se retrouve certainement davantage dans les mêmes statistiques d’exportation lorsqu’on les regarde en excluant les dix produits les plus exportés. Pour ce total de tous les « ‘autres produits » les chiffres témoignent du haut niveau de compétitivité qu’il faut affronter sur le marché chinois, voire des difficultés qu’y rencontrent les PME : de 677 M$ en 2010, ces exportations ont régressé à 605 M$ en 2011, en baisse donc de 10%. De son côté, la Chine qui exportait pour près de 7,4 milliards de $ au Québec en 2010 aura fait croitre ce total à plus de 7,7 milliards de $ en 2011, pour une balance commerciale avec le Québec encore nettement à son avantage malgré les récents progrès avec le secteur minier.

Au cours des deux prochaines décennies, la Chine a notamment comme défi de construire l'équivalent d'une ville de la taille de New York à tous les deux ans simplement pour faire face aux pressions de l'urbanisation. Ce ne sont donc pas les occasions d’affaires qui manqueront pour les entrepreneurs du Québec qui, de la bonne manière, oseront !

Entente Québec-Shanghai :
http://www.mri.gouv.qc.ca/fr/informer/ententes/pdf/2011-A04.pdf

Reportage de Shanghai TV sur internet : 
http://v.youku.com/v_show/id_XMzAwOTk1NTg0.html


(Remerciement au Ministère des Relations internationales du Québec pour son appui financier à la publication de notre DOSSIER CHINE.)

 

Fait à Québec le 3 juin 2012.

 

Lisez le début de notre DOSSIER CHINE (1 de 6): 

http://www.commercemonde.com/commercemonde.php?niveau=2&id=445


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