TINTIN en motion capture... Et après? 2012-02-05 Par Daniel Allard Nous n'avons pas encore vu la fameuse œuvre cinématographique de Spielberg. Son Tintin du 7e art n'est cependant pas l'objet premier de ce papier. Le cyberjournal Commerce Monde avait envoyé son reporter à Bruxelles, oui pour tenter de vivre et de vous rapporter par la suite à 100% l'aventure « World Premier »... le tapis rouge et la pompe d'une Place De Brouckère sous le soleil, toute mobilisée pour l'occasion. Eh! Ce ne sera que le soir dudit samedi 22 octobre 2011, au Centre belge de la bande dessinée / Belgisch Stripcentrum (CBBD), très chanceux d'être parmi la fraction des quelque 150 journalistes que Sony avait triés sur le volet, que notre reporter aura finalement trouvé la plus belle matière à son reportage. Au milieu d'environ la moitié des dits journalistes officiellement accrédités et qui avaient accepté l'invitation leur permettant d'entendre, ce soir-là, le bourgmestre maire de la Ville de Bruxelles. Tout au bas du majestueux escalier du hall d'entrée de ce bâtiment classé de la capitale de l'Europe, avec la fusée d'Objectif lune sur sa droite et le buste de Tintin donné pas la veuve d'Hergé au fondateur du CBBD sur sa gauche, Guy Dessicy, qui lui aussi était présent. Un bourgmestre, de un, qui su diplomatiquement parler à ces journalistes des quatre coins du monde d'abord et surtout en anglais - « mondialisation oblige » s'est-il sans doute dit! - et aussi en espagnol, en allemand, sans oublier le flamand, la langue de ses origines, et bizarrement proportionnellement très peu en français... Il fallait vous le dire! Comme nous nous trouvions tout de même dans une capitale du monde avec la langue de Molière ayant statut officiel. « Mais que s'est-il passé-là de si intéressant? », demanderez-vous! Que leur a-t-il dit qu'y vaille ici la peine d'être rapporté? Sa fierté. Oui! Son immense fierté de voir ainsi fêté Tintin dans sa ville, celle-là même qui a vu Georges Rémy (Hergé) vivre l'essentielle partie de l'oeuvre de sa vie. Ces bons mots convenaient admirablement bien aux fonctions de sa charge et tous les Bruxellois auraient été fiers de l'entendre. Mais ils ne savaient sans doute pas tous comme lui, que Bruxelles et Paris se livraient, encore au moment même où il parlait, une bataille de positionnement mondial. Que si Bruxelles aura effectivement eu la « World Premier » en après-midi ce beau, ensoleillé et frais samedi-là d'octobre 2011, en parfaite phase avec l'arrivée du film sur les écrans d'Europe du mercredi suivant, l'affaire n'aura pas empêché Spielberg et une bonne frange des journalistes accrédités de rouler TGV Thalis, jusqu'à Paris, aussitôt sortis de la projection bruxelloise de 16h00, pour une seconde « World Premier » projetée en soirée! Ce week-end là, Paris vivait notamment au rythme de la Video Game Expo, avec une Ubisoft, la multinationale française des jeux vidéo ayant conçu le jeu Tintin, elle aussi en quête de rayonnement et de grand déploiement marketing. L'honneur sauve, la Belgique pouvait pavoiser et sa capitale arborait d'ailleurs moult fanions pour saluer « le retour » de son enfant prodigue. Mais au final, comme pour nourrir l'image de Tintin à la réputation des mille manières de relever d'immenses défis, le film de Spielberg aura eu un lancement en la présence du réalisateur de l'heure dans deux grandes villes d'Europe la même journée! BRUXELLES vs PARIS Pendant toute la semaine précédente, les grandes chaînes de la télévision belge n'avaient-elles pas expliqué comment la motion capture risque de révolutionner le 7e art? On aura vu et revu Steven Spielberg avec sa petite caméra digitale à la main suivre un Milou, qu'en vulgaire broche de fer et bouts de tissus inertes, activé à bout de bras d'un technicien de scène, mais immédiatement transformé en digne compagnon de Tintin au moniteur de l'ordinateur puissamment équipé par le génie logiciel des années 2000. Une technologie qui permet maintenant de ne disposer que de quelques mètres carrés de plateau pour laisser se mouvoir artistes et autres éléments choisis devant ladite magique caméra. Avons-nous encore besoin Avons-nous encore besoin des grands studios à grands déploiements qu'offre encore Hollywood avec toute sa superbe de capitale mondiale de l'industrie cinématographique? La technologie de la capture motion de changera pas instantanément les méthodes de travail de tous les réalisateurs et producteurs de film de la planète, mais le bourgmestre de Bruxelles avaient raison de clamer que sa ville - capitale mondiale d'un après-midi - pourrait être choisie à nouveau pour répéter l'expérience. Car une bonne partie du tournage du film de Spielberg a effectivement été réalisée dans la ville de Bruxelles. Et il est maintenant su que la stratégie des promoteurs est de réussir à en tourner deux autres sur cette lancée, un deuxième qui sera confié au réalisateur Peter Jackson et le troisième éventuellement à un Roman Polanski ou Dave Cameron. Kathleen Kennedy, qui est la #2 de l'équipe et grande complice de Steven Spielberg, l'a dit devant tous en plein reportage télé : Le projet est bien de faire trois films... Mais c'est le succès du premier qui déterminera si l'on continue ou pas! Répétons-le : Avant de débuter le tournage de ceux-ci, il faudra d'abord réussir le lancement - et le financement - du premier! Combien coûte un film en motion capture? Des sommes colossales financent le Tintin de Spielberg. Et l'équipe Sony, qui en était à son premier lancement du genre en sol européen notamment, était très nerveuse et souhaitait le plus possible tout contrôler afin de minimiser tout dérapage. Deux journalistes du Québec, habitués à vivre le même traitement, ont même dû subir la sélectivité et la rareté des places mises à la disposition des médias de la planète, lors de la conférence de presse accordée par Steven Spielberg en marge de la première projection officielle. À Québec, ce contexte de gestion événementielle « à la Hollywood » aura même poussé une femme d'affaires qui utilise les personnages d'Hergé pour valoriser le potentiel humain en entrepreneurship avec la méthodologie ReGainMC à annuler son déplacement planifié de longue date jusqu'à Bruxelles : « Je ne voyais plus l'intérêt d'investir autant en frais de voyage et tous pour aller y faire connaître mon entreprise et espérer décrocher de nouveaux contrats. C'était devenu trop difficile d'obtenir des conditions intéressantes », nous avait expliqué début octobre Isabelle Déry, formatrice accréditée ReGainMC, conférencière, coach d'affaires et présidente de ID Entrepreneurship, souhaitant tout de même bonne chance, au reporter qui vous écrit ici, dans sa décision de maintenir sa traverser à lui de l'Atlantique pour vivre l'aventure Tintin du 22 octobre 2011 à Bruxelles. Et effectivement, chance il y aura! Au Musée Hergé, deux jour plus tôt, le moment avait été aux émotions. Tout journaliste qui visite le musée officielle de Tintin ne peut pas rester de glace devant un tel défilement de symboles et de références au métier qu'il exerce s'il le fait réellement avec la vocation qu'il sous-tend. Après deux bonnes heures sur place, notre reporter y aura jusqu'à laissé une larme en terminant à la hâte - la deuxième et dernière sonnerie de fermeture du lieu s'était fait entendre - la lecture des messages de la toute dernière des huit salles du musée, en se promettant de vite en transcrire ses souvenirs une fois dehors! De quoi était-il donc ici question? Du rêve d'Hergé d'avoir voulu mener une vie ayant contribué à élever le 9e art un peu plus près du prestige et de la notoriété du 7e... Rien de moins! On vous parlait de vocation! Oui, le grand rêve du père de Tintin était bien de voir le monde de la B.D. devenir un art respecté! Et que dire de cette autre citation remarquée dans la salle dédiée à Objectif Lune et à On a marché sur la lune : « La beauté des hommes qui s'entêtent à rêver, c'est qu'ils finissent par en faire une réalité! » Saviez-vous que le créateur de Tintin fut aussi un homme d'affaires, quant il décida de lancer les Studios Hergé et de devenir le directeur artistique d'une équipe d'artistes/créateurs/dessinateurs. Et qu'il fut également un spécialiste de la publicité, de la promotion et du marketing... Saviez-vous que les jeunes lecteurs de Tintin trouvaient des timbres dans les albums des premiers temps leur permettant de s'acheter des produits dérivés, dirions nous en notre siècle... La beauté des textes et images exposés, la vastitude des salles, l'audio-guide qui vous enveloppe et maintient en état de relative intimité, voire connivence, entre vous et le lieu, la disponibilité des hôtesses partout, la belle surprise de pouvoir vous faire photographier avec un système de e-card saveur Tintin que vous envoyez par courriel... Merci et bravo au Musée Hergé. D'HERGÉ À SPIELBERG En portant Tintin à l'écran, Spielberg réalise un rêve forgé par une longue relation de confiance avec Hergé d'abord et ses héritiers ensuite. Le 4 mars 1983 restera la fameuse date qui le voit recevoir un télex, oui un télex, annulant son rendez-vous avec Hergé pour cause de décès de ce dernier. Il fera finalement le voyage tout de même et verra la veuve Fanny. Une belle et longue histoire de confiance et de ténacité en naitra. Mais la grande question est dorénavant de savoir si la touche, voire la prise en main spielbergo-hollywoodienne, ne va pas menacer et ne met pas en péril le respect de l'œuvre entière? On dit à Bruxelles que le Musée Hergé de Louvain-la-Neuve ne fait pas courir les foules. Les Studios Hergé ont certainement, comme toutes les entreprises commerciales du monde culturel, soif d'argents et de nouveaux moyens. Un risque, souhaitons-le, qui a tout calculé! C'est la presse européenne qui a fait connaître Tintin au créateur d'Indiana Jones, en comparant son héros des Aventuriers de l'Arche perdue avec le jeune détective d'Hergé. Il faudra même expliquer clairement l'allusion à Steven Spielberg à l'époque pour qu'il se saisisse de l'affaire sérieusement une année plus tard, en s'informant indirectement si les droits étaient libres pour un film basé sur la série d'albums. En 1985, un premier scénario inspiré de Tintin au Congo présenté à Polanski a moyennement plu au réalisateur polonais à qui Spielberg destinait le #2 d'une trilogie qu'il avait qualifiée « d'Indiana Jones for Kids ». C'est l'arrivée de Peter Jackson avec la technologie derrière Le Seigneur des anneaux en 2002-2003, le fameux Motion Capture, qui lança finalement la mise gagnante. Nous voilà bien loin de L'homme de Rio, le film qui selon Philippe De Broca est un hommage à l'œuvre d'Hergé. Et beau retour des choses pour ledit Hergé, qui aimait le cinéma, mais beaucoup moins les dessins animés, parce que ces derniers ne rendaient selon lui pas bien son œuvre. Il avait donc été bien déçu du « non » de Wald Disney, de ce refus poli d'adapter Tintin en dessin animé en 1948 suite à sa lettre personnelle au roi du temps de l'Entertainment American Style. Ensuite, il se tourna que vers des tentatives avec le 7e art. Mais qu'avec des résultats quelconques. OU S'EN VA TINTIN? Où s'en va donc l'œuvre de Tintin? Spielberg a dit joyeusement sur le tapis rouge de la première mondiale que finalement c'était le come back de Tintin à Bruxelles. Coup de marketing? Et aussi morceau de sincérité, quelque part. Mais la vraie question est ailleurs. L'œuvre de Spielberg sera-t-elle la bougie d'allumage de la naissance à Bruxelles d'une industrie cinématographique des années 2010-2020? Y a-t-il des studios motion capture à Bruxelles? Des techniciens - et autres spécialistes des TIC surtout - en quantité suffisante? Oui la Belgique et sa capitale sont déjà fiscalement attrayant, assez pour que les Français viennent y réaliser des tournages. Mais quelle part du premier Tintin aura été tournée à Bruxelles? Assez pour convaincre l'équipe de revenir pour le second et troisième film prévus? Le CBBD regorge de matériel et d'inspiration pour faire des suites et de suites à Tintin et ses amis. Assisterons-nous à la naissance d'une filière Motion Capture hollywoodo-bruxelloise dans le sillon de Tintin et sa trilogie programmée qui pour l'instant en est encore à son #1? Le mot de la fin reviendra ici au bourgmestre lui-même : « Tintin permet à Bruxelles de reprendre sa place sur la scène mondiale de la culture », proclama-t-il devant l'élite de la presse mondiale en la matière réunie à ses pieds ce soir là. Un rêve? En tout cas un rêve qui semblait vrai le temps d'un week end! Soulignons encore que la bande de Sony-Paramount, avec son passager Spielberg, roulait en Thalis tintinisé, le soir même, pour une autre World Premier du film à l'occasion du lancement du jeu vidéo Tintin produit par la bien française d'origine compagnie Ubisoft, au Video Game Show de Paris. Et que le défi de l'affaire c'est évidemment que les produits dérivés du film génèrent des revenus suffisants pour que les entrées en salle constituent le profit de l'opération. Ce qui permettra de satisfaire les attentes des investisseurs financiers et assurerait la faisabilité des films 2 et 3 prévus à l'agenda de tout ce monde. Le monde entier et surtout bien des Bédéistes de l'ombre de Bruxelles et d'ailleurs surveillent avec énormément d'intérêts les aventures de Spielberg et de Peter Jackson avec Tintin en 3D-MC. La première salve fut européenne, le mercredi 26 octobre 2011, dans sept salles de l'UGC De Brouckère à Bruxelles. La stratégie de Sony-Paramount fut par ailleurs de choisir en Belgique la RTBF, donc la télévision publique, pour sa campagne de commercialisation, au détriment de la RTL-TV1. Et il était émouvant d'y voir, en émission spéciale, Johan De Moor, fils du fidèle partenaire d'Hergé, commenter le film de Spielberg en interview à la télévision publique belge partageant l'avis du journaliste spécialisé Hugues Dayez analysant que ce film offre finalement « du soulagement et du bonheur » surtout aux tintinophiles de la planète. « La Sony était sur les nerfs, car c'était la première fois qu'ils distribuaient n tel film en Europe et ils avaient peur de faire des erreurs », analysa pour nous Gaëtan Peffer, chef de service presse de l'Office de promotion du tourisme Wallonie Bruxelles au cocktail du CBBD, en nous témoignant aussi qu'environ 30 chaînes de télévision avaient demandé l'accréditation tapis rouge pour la cérémonie de l'après-midi à la Place De Brouckère et que les médias québécois avaient aussi dû vivre avec cette nervosité du jour : habitués à un traitement égal, les reporters montréalais des journaux quotidiens Le Devoir et La Presse n'auront pas eu ce jour-là la possibilité de travailler à armes égales. Un seul avait obtenu l'accréditation complète incluant une place à la conférence de presse avec Spielberg! Tintin restant à prime abord inconnu aux USA, risque financier il y a même si la motion capture fut ici un risque pris avec le succès d'Avatar en banque. Rappelons tout de même qu'Universal s'est en chemin retiré du projet, parce qu'ils n'y croyaient pas. Ils avaient sans doute de solides raisons d'agir ainsi. Parmi tant de commentaires entendus, un témoignage se démarque et assure déjà une bonne partie de la suite des choses : « Ce Tintin n'est pas un blockbuster formaté, mais le film expérimental de deux milliardaires qui se font plaisir ». Soyons déjà assurés que le résultat fera marque dans l'histoire du cinéma. Les Jamie Bell, Daniel Craig et Andy Serkis de ce nouveau monde du numérique en expansion n'ont définitivement pas fini de râler de leur nouveau rôle d'acteur « caché »! Ils envieront à jamais Jean-Pierre Talbot, qui restera pour les livres d'histoire le premier - et le seul - acteur qui aura été un Tintin humain tout en chair et en os bien vivant et visible au cinéma. Pour deux films tout de même! Mais voir un Tintin, c'est comme lire un Tintin! Le verdict des émotions revient au final à chacun. À vous de le vérifier et de décider si vous aimerez. Moi, je file maintenant vite dans un cinéma près de chez nous. www.cbbd.be Musée Hergé, rue du Labrador, 26
Fait à Québec. |
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