Tendance Responsabilité sociale : la voie vers une vraie modernisation des entreprises 2009-10-18 Par Hélène Roulot-Ganzmann « La Responsabilité sociale de l'entreprise commence lorsque le rapport de force entre les aspects de domination et ceux de légitimation se rééquilibre. Aujourd'hui, vous avez d'un côté, les entreprises, qui ont un pouvoir fort mais une légitimation fragile, et de l'autre, la société civile, au pouvoir fragile mais bénéficiant d'une légitimation forte. » Devant un parterre d'une centaine de personnalités du monde des affaires, réunies à l'invitation du CORIM dans un salon de l'hôtel Omni Mont-Royal de Montréal, Gustave Massiah, professeur d'économie, ancien vice-président d'ATTAC et aujourd'hui à la tête du Centre de recherche et d'information pour le développement (CRID), un collectif de cinquante-cinq associations françaises œuvrant pour une meilleure solidarité internationale, est revenu sur la genèse d'un mouvement qui mène actuellement de plus en plus de firmes à prendre le virage de la Responsabilité sociale de l'entreprise (RSE). « La question que l'on doit se poser, estime-t-il, c'est pourquoi est-ce qu'elles se mettent à avoir, volontairement, des préoccupations sociétales, sociales, environnementales, qui vont au-delà de ce qui est leur raison d'être, c'est-à-dire faire du profit, des bénéfices ? » Réponse : la pression de la rue, qu'il n'est plus possible de balayer d'un revers de main. Selon M. Massiah, tout a basculé le jour où l'économie s'est internationalisée, lorsque nous sommes passés d'une régulation du monde des affaires par le pouvoir politique de niveau national, à une échelle mondiale. Le mouvement démarre dans les années 90, lorsque le modèle fordiste est remis en cause : ce compromis social entre les États et les forces économiques, liant le niveau de salaires à la productivité, et fondé sur le présupposé que le rendement engendrerait forcément la croissance, qui engendrerait forcément le bonheur d'une société, est battu en brèche par les crises successives. Puis vient l'époque des premières délocalisations. Les entreprises du Nord s'installent dans le Sud pour bénéficier d'une main-d'œuvre à bon marché et font fi des recommandations sociales et environnementales ayant cours dans leur pays d'origine. Premier grand tournant, 1984 et l'accident de Bhopal en Inde, lorsqu'une usine de pesticides occidentale explose, dégageant un nuage de substances nocives faisant 16 000 morts, dont 8 000 la première nuit. Les ONG tentent alors de proposer des formules de droit international. « L'Organisation internationale du travail (OIT) et l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) notamment, tentent de mettre en place des mécanismes, qui au départ étaient prévus pour être coercitifs. Mais il y a eu des campagnes fortes, et finalement, le caractère volontaire l'a emporté », semble regretter M. Massiah. Mais la mécanique est lancée. L'entreprise perd chaque jour un peu plus en légitimation. Le citoyen se méfie d'elle. Syndicats et opinions publiques, dans les pays industrialisés, se liguent pour lui faire prendre ses responsabilités. Ça bouge également dans le Sud. De nouvelles forces économiques font leur apparition sur la scène internationale, en la personne des pays émergents. Leurs opinions publiques font elles aussi entendre leur voix. Les multinationales ne peuvent plus les ignorer, au risque de perdre des marchés. La régulation n'est plus alors politique, mais elle devient civile, citoyenne. « Aujourd'hui, les grandes firmes ont toutes un département Responsabilité sociale ou sociétale. Beaucoup ne sont en fait concentrées que sur la communication et le marketing, mais certaines d'entre elles jouent vraiment le jeu. Le problème qu'elles rencontrent alors, c'est qu'elles pensaient que la RSE serait quelque-chose en plus, que ça ne les transformerait pas profondément dans leur manière de produire ou de s'organiser. Alors, qu'en fait, de plus en plus on se rend compte, qu'il y a un phénomène de contamination et que la RSE pose la question de la modernisation des entreprises, du changement de modèle d'affaires », constate Gustave Massiah. Confrontées à cette nécessité d'inventer, les entreprises vont donc se mettre à réfléchir pour en arriver à une modernisation qui ne devra pas seulement être économique et technique, mais aussi sociale, écologique et démocratique. Plusieurs pistes de réflexion devront être investiguées :
En bref, le message que Gustave Massiah voulait délivrer aux décideurs présents dans la salle, était très clair : « il n'y a pas de fatalité, il y a des alternatives. On peut organiser les sociétés autrement, par l'accès au droit pour tous. C'est vrai que c'est difficile... mais la régulation des marchés financiers aussi, ça l'est », a-t-il conclu, avant d'aller prêcher des convaincus au Forum social québécois qui débutait le soir même, 8 octobre 2009, à Montréal. www.corim.qc.ca/ |
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