Un homme en colère... Paul Gérin-Lajoie devant le CORIM 2007-05-16 Par Myriam Bonfils journaliste/reporter Montreal « Après 30 années d’action, d’observation et de responsabilité politique dans la coopération et l’éducation, on n’a pas seulement le droit de s’indigner, mais on en a le devoir ! » C’est ainsi que s’est exprimé Paul Gérin-Lajoie, devant une assemblée toute attentive et plus que concernée. C’est donc un homme en colère et même en « maudit » qui a pris la parole lors d’une allocution organisée par le CORIM, en avril dernier, à Montréal. À 87 ans, le président de la Fondation Paul Gérin-Lajoie, organisation qui se consacre à l’éducation de base et au bien des enfants dans les milieux démunis d’Afrique francophone et d’Haïti, lance un manifeste à l’encontre des acteurs de la coopération internationale, dont certains étaient présents - et tout ouïe - lors de son allocution. En effet c’est en présence de personnalités et acteurs de la coopération internationale comme l’ex vice-première ministre du Québec, Pauline Marois et l’ex ministre des Relations internationales Louise Baudoin, que Paul Gérin-Lajoie a fustigé la lenteur des décisions prises pour le développement international et l’inaction dans ce domaine. Claude Michaud, le directeur des relations externes de l’ACDI, et des professeurs de l’UQAM siégeaient également à la table d’honneur et s’étaient déplacés pour entendre la révolte de cet homme, exprimée à travers un manifeste rédigé en 100 points. L’ÉDUCATION, UN DROIT FONDAMENTAL La première Charte des droits des enfants a été adoptée en 1924 par la Société des Nations. Puis en 1989, elle a été proclamée de nouveau et ratifiée par 192 pays dans la Convention Internationale relative aux droits de l’enfant. Au regard de la situation des enfants dans le monde, M. Gérin-Lajoie s’interroge: « On peut se demander si ce texte est pour l’opinion publique mondiale autre chose qu’un bout de papier ! » Le conférencier a également rappelé les autres problèmes auxquels font face au quotidien les enfants des pays en ''Voie de Développement'' (PVD), comme le droit a être préservé de la guerre. Il s’est dit scandalisé : « Des enfants ont été recrutés pour la guerre. Des armes ont même été modifiées pour permettre aux enfants de les manier plus facilement ! », s’est-il indigné en expliquant que ces enfants soldats doivent être réhabilités et réintégrés à la société. Ils ne sont pas non plus épargnés par les maladies comme le VIH et la tuberculose. MEA CULPA Paul Gérin-Lajoie se dit également « (...) révolté devant ces dépenses militaires folles au détriment de l’aide accordée à l’éducation ». En 1975, l’aide internationale représentait 0,63% du PNB canadien. Aujourd’hui, ce pourcentage s’est réduit de moitié, plaçant le Canada en queue de liste derrière 14 pays membres de l’OCDE. D’autre part, il en appelle à la responsabilité de tous les Canadiens et cela n’exclut ni le Gouvernement et ni l’ACDI, dont il était le président dans les années 70. Il leur a reproché la lenteur institutionnelle, l’excès de bureaucratie et le « retard considérable dans les prises de décisions. » Cela n’enlève rien à l’image positive que ces pays ont envers l’aide canadienne. Pour M. Gérin-Lajoie, la valeur attend le nombre des années et comme l’homme de grand âge et d’expérience qu’il est, il s’est rappelé d’une « belle époque » , celle où il était vice-premier ministre et ministre de la Jeunesse du Québec, de 1960 à 1966, durant la révolution tranquille. C’est à cette période que le système d’éducation du Québec a connu de profondes mutations « (...) sous le gouvernement du Premier Ministre Jean Lesage, qui a amené la gratuité scolaire pour la jeunesse québécoise », se souvient–il encore. « J’aimerais retrouver cette même volonté dans tous les Pays en Voie de Développement », a-t-il affirmé. TOUT DE MÊME PLUS D’ENFANTS À L’ÉCOLE Paul Gérin-Lajoie a fait l’éloge des ONGs du Québec, puisque celles-ci ont « (...) contribué à ce premier redressement ». Il en a profité pour souligner l’effort réalisé depuis 30 années par sa Fondation qui a scolarisé 5 millions d’enfants et a permis le perfectionnement de 3 500 enseignants et la réhabilitation de plus de 800 classes. Les milliers de parrainages ont rapproché des gens d’ici avec des enfants du Sud. Le président de la Fondation ne cache pas non plus sa fierté devant l’amélioration des conditions d’éducation en Haïti : « Après ce succès, le pays nous a demandé d’exporter cette réussite ailleurs. La situation est moins désespérée en Afrique, mais les moyens font défaut », constate t-il. Ces bons résultats sont, dit-il, le fruit de la collaboration entre les populations locales et les agents de développement sur le terrain. C’EST LE TEMPS QUE ÇA CHANGE ! CINQ (5) PROPOSITIONS « Il faut grandement s’inquiéter d’une intégration possible de l’ACDI dans le ministère des Affaires étrangères » L’ancien président de l’ACDI a également qualifié de « gangrène pernicieuse » la corruption qui détourne en partie les fonds publics et l’aide envoyée aux gouvernements, la solution étant la mise en place de mécanismes d’imputabilité. Il a rappelé aussi l’importance du droit à l’éducation et a réclamé à l’ACDI une aide beaucoup plus significative accordée à l’éducation, ce droit fondamental pour toute société. Enfin, il revendique la reconnaissance du rôle crucial des ONGs. Finalement, à la manière d’un testament, Paul Gérin-Lajoie affirme vouloir tourner la page du dernier chapitre de sa vie et consacrer ses paroles et pensées aux « (...) enfants qui meurent même avant de pouvoir faire un rêve. Sortons de notre léthargie !» ll s’est ainsi exclamé. « C’est vrai ça ne change pas vite au pays des droits des enfants. Mais pour moi, arrêter de rabâcher, de rappeler la réalité insoutenable de tous ces enfants, ce serait les abandonner à leur sort. Et cela non ! Jamais ! », s’est-il encore indigné. Avant de conclure ainsi : « (...) tous les enfants du monde sont en quelque sorte nos enfants ».
Fait à Montréal le 9 mai 2007. |
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