Le Québec y garde ses positions Japon: la nouvelle «tortue crédible» d'Asie... 2006-06-19 Par Daniel Allard « LE SOLEIL SE LÈVE-T-IL TOUJOURS SUR LE JAPON? », se demandait le très pertinent conférencier du moment. C’est que l’activité du Cercle des relations internationales de Québec, ce jour-là, avait comme invité le très respecté journaliste Hisanori Isomura, actuel président de l'Association franco-japonaise de la communication. Invité par le « Programme de visite » du ministère des Relations internationales du Québec, l’homme de 76 ans, qui était d’ailleurs au siège du MRI, à Québec, le 17 mai 2006, y avait pour mission de porter un regard critique sur son propre pays. Une opération qui avait la particularité de se réaliser alors que, l’homme de grande culture, devenu parfaitement francophone après un long séjour à Paris, avouait que son retour au Japon fut un choc ! « Le Japon est devenu Rappelant qu’un dicton japonais raconte que dix ans, c'est déjà un autre temps, son bilan est percutant: « Le Japon est devenu de facto le 51e État des États-Unis, tout est américanisés », a-t-il lancé dès sa première phrase. « (...) Mais c'est aussi un des pays parmi les plus agréables à vivre. Il y a des ascenseurs même dans les terrains de golf et une qualité de service exceptionnelle partout. » Pour imager, selon M. Isomura, le Japon est un paradis « air conditionné », dans le sens qu’il serait devenu très artificiel... Il y dénonce aussi l'apathie de la jeunesse, surtout celle des hommes, qui « n’ont pas assez faim et sont paresseux », juge-t-il. PLUSIEURS MYTHES À OUBLIER « La femme soumise aussi c’est fini ! Depuis 1989, il y a plus de femmes diplômées des universités que d’hommes. Et heureusement que les femmes japonaises sont dynamiques, d'ailleurs », car nous l’avons dit, il trouve les jeunes hommes carrément paresseux. Comme dernière remarque concernant la société japonaise, il allume la sonnette d’alarme de l’année 2007, comme moment déclencheur de l'aboutissement à la retraite du boom de naissances des années 1947-49. Des millions de travailleurs laisseront donc le marché du travail, puisqu’ils atteindront 60 ans. Mais le gouvernement a déjà réagi et l'âge de la retraite a été reporté à 65 ans. « Il sera bientôt porté à 70 ans », prévoit-il. Il reste que le travailleur japonais est souvent très âgé : 62% de ceux qui ont entre 55 et 64 ans sont encore en emploi, au Japon, alors que c’est 37% de cette tranche de la population, en France. UNE ÉCONOMIE QUI PREND, ENFIN, DU MIEUX ! « Selon le dernier livre blanc du gouvernement, les trois excès qui brimaient la croissance sont derrière nous. Le dégraissage est déterminé. 1 : la question de la dette et les créances des banques ; 2 : le problème de production, lui, est en bonne partie absorbé par les besoins de la Chine ; 3 : le suremploi aussi (sur 66 millions de personnes dans la population active, 30% sont à mi-temps). Autre bon signe économique, l'épargne des entreprises représente maintenant 3% du produit national brut. Une donnée qui donne beaucoup d’optimisme. « Certains analystes voient même le début d'un mini fièvre financière. Le Japon est devenu une "tortue crédible", avec une croissance stable de 3% par année », image en conclusion le journaliste de carrière. Pour lui, le danger ne provient pas du côté de l’économie. Au Japon, actuellement : « (...) le danger vient du politique ». Répugnant le "théâtre" du premier ministre Koizumi (ce dernier a cependant annoncé qu'il se retirait de la politique, à l'automne 2006), qu’il qualifie de politicien atypique entretenant des relations politiques désastreuses, autant avec la Chine que la Corée du Nord, Hisanori Isomura n’aime manifestement pas ce qu’il observe sur la scène politique de son Japon retrouvé. Et même si Junichiro Koizumi tire sa révérence, rien ne dit que la succession annonce une accalmie sur la scène politique: le favori, Shinzo Abe, actuel numéro deux du gouvernement, favorise le maintien de relations étroites avec les États-Unis et demeure intransigenat envers la Corée du Nord et la Chine; alors qu'inversement l'autre cadidat, Yasuo Kukuda, un ex-secrétaire général du gouvernemenmt, souhaite un dégel des relations avec la Chine avec une distanciation de Washington... Démontrant que l'image que se fait le journaliste Isomura des relations de son pays avec les États-Unis n'a rien d'exagérée, il est aussi intéressant de rappeler qu'en entretien avec la reporter Isabelle Grégoire, pour L'actualité (édition du 1e juin 2006), le professeur à l'Université internationale du Japon, à Tokyo, Takahiro Miyao, se faisant demander à quel animal il comparerait le Japon d'aujourd'hui, n'a pas fait, lui non plus, dans la nuance : " À un chien, travailleur et obéissant, envers les États-Unis"! C'est du même style que l'image du 51e État! Le Japon En fin de rencontre, la réponse de M. Isomura à une question d'un participant aura par ailleurs permis d’apprendre que selon-lui, la main-d'oeuvre chinoise n'est pas stable : «Après 2-3 ans, les gens rentrent dans leur campagne », ce qui affecte beaucoup la qualité de la production, voulait-il faire remarquer. Ainsi, bien des entreprises au Japon préfèrent souvent faire fabriquer ailleurs... Non, il ne faut pas oublier la puissance économique du Japon, bien qu’elle semblait dangereusement sommeiller cette dernière décennie : « Le produit intérieur brut du Japon est encore supérieur à celui de l'Allemagne, de la France et de la Chine réunis », plaide-t-il. Journaliste, écrivain, homme de culture et grand spécialiste des relations franco-japonaises, Hisanori Isomura est vu comme l'un des plus éminents observateurs japonais de la scène internationale de la seconde moitié du 20e siècle. Présentateur vedette, à la télévision, du grand bulletin d'information de la NHK, il a fait une brillante carrière internationale dans le monde de l'information. Il fut aussi directeur général de la NHK au Japon. De 1995 à 2005, il a été le premier président de la Maison de la culture du Japon à Paris. M. Isomura est aussi le président du Conseil international du cinéma, de la télévision et de la communication audio-visuelle (CICT), la plus importante ONG en association formelle avec l'UNESCO. Il a été membre du Haut Conseil de la Francophonie, de 1999 à 2005 et il a été conseiller spécial auprès du directeur général de l'UNESCO. Il est également membre d'ORBICOM, le Réseau international des chaires UNESCO en communication, dont le siège social est situé à l'UQAM, à Montréal. * * * Parallèlement à ce conférencier qui dressait son portrait économique et social du Japon dans un contexte de reprise économique et d'intégration des économies asiatiques, il est intéressant de croiser les extraits significatifs des notes pour une allocution prononcée par Raymond Bachand, le ministre du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation du Québec, devant les membres de la Chambre de Commerce du Canada au Japon (à l'Imperial Hotel Tokyo), le mardi 13 juin 2006 :
« (...) Je suis venu au Japon pour participer au World Economic Forum on Asia. C’est un grand privilège pour moi. Mais je suis aussi ici afin d’apporter ma contribution au renforcement de nos relations économiques. Je profiterai donc de cette occasion pour rencontrer des investisseurs potentiels afin de leur démontrer les avantages qu’offre le Québec. J'ai par ailleurs eu le plaisir d'accueillir, le 26 mai dernier, à Montréal, une cinquantaine de dirigeants d'entreprises japonaises à l'occasion du "Discover Japan in Montréal" event. Je suis donc honoré de poursuivre cet échange avec la communauté d'affaires japonaise en sol nippon cette fois-ci. Ma présence au Japon s’inscrit aussi dans la foulée de la nouvelle politique internationale du Québec qui a été annoncée le 24 mai dernier. (...) Dans le cadre de cette politique, le Japon fait partie d’un groupe restreint de pays avec lesquels le Québec veut renforcer ses relations de manière prioritaire. La politique reconnaît le rôle central que joue le Japon au sein de l’Asie, une région du globe qui connaît une forte croissance économique. C’est dans cet esprit que nous avons décidé de renforcer les fonctions économiques de la Délégation générale du Québec à Tokyo. Par ma présence ici à Tokyo, je désire vous démontrer que nous sommes sérieux dans notre démarche. 8% de la dette du Québec (...) Certains d’entre vous se demandent peut-être pourquoi le Québec est présent à Tokyo alors qu'il y existe une ambassade canadienne? (...) Il faut par ailleurs rappeler que le Québec a été le deuxième État, après l’Australie, à faire appel au marché du yen pour financer ses dépenses publiques. Encore aujourd’hui, environ 8% de la dette du Québec est financée en yen. Plus spécifiquement, les bureaux du Québec à l’étranger offrent une gamme de services à nos gens d’affaires qui sont complémentaires à ceux de l’ambassade du Canada. J'aimerais illustrer cette complémentarité par une récente histoire à succès. Le 23 mai dernier, les autorités japonaises responsables du Japan Agricultural Standard ont approuvé le Jack Pine comme composante acceptable dans les produits laminés dans le bois. La ratification de cette autorisation aura lieu en mars 2007. Cette démarche avait débuté en 2001. Le Québec a travaillé avec l’ambassade du Canada, et diverses associations dont le Canada Wood de l’est du Canada et la compagnie Forintek, pour fournir tous les éléments d’information et faire les démarches nécessaires pour l’obtention de cette accréditation. Cette réussite est à l’avantage des producteurs québécois et de leurs partenaires japonais, qui pourront offrir aux consommateurs japonais un produit de qualité. Et les succès que connaît le Québec au Japon font aussi partie des réussites canadiennes à l’étranger. (...) Le Québec est souvent décrit comme un peuple innovateur autant sur le plan industriel que culturel. À titre d’exemple, Montréal regroupe le plus grand nombre d'ingénieurs au Canada avec plus de 60 % de toutes les entreprises de génie-conseil canadiennes. Montréal est la ville canadienne qui détient le plus grand nombre de brevets octroyés par le United States Patent & Trademark Office (USPTO), soit près de 30% de l'ensemble des brevets que l'USPTO octroie à des titulaires canadiens. Un des principaux objectifs de la stratégie québécoise de développement économique est de porter l’investissement en innovation à 3% de notre PIB. Le Québec affiche déjà le ratio de dépenses de R-D par rapport au PIB le plus élevé parmi les provinces canadiennes, soit 2,74% ce qui constitue une part plus élevée que la moyenne des pays de l’OCDE, du G-8 et de l’Union européenne. Le Japon est le plus important marché en Asie pour les exportations québécoises de produits de haute technologie. Nous sommes ainsi très fiers d’être associés à plusieurs grandes firmes japonaises qui utilisent des composantes québécoises, sous différentes formes, dans la fabrication de leurs produits finis.
(...) Si les matières premières constituent un produit d'échange incontournable sur les marchés mondiaux, l'énergie occupe aussi une place de choix. Laissez-moi donc profiter de l'occasion pour vous parler brièvement de la nouvelle stratégie énergétique du Québec. Nous cherchons à protéger la qualité de notre environnement, qui nous fournit des aliments, des forêts et notamment de l’eau, et qui est nécessaires à notre survie. Le Québec a donc cru important de se doter d’une stratégie énergétique qui respecte la qualité de l’environnement. Car une détérioration de l'environnement a un impact sur tous les autres secteurs de l'activité humaine. La stratégie énergétique du Québec s’inscrit donc dans la foulée du développement durable. Le Québec est déjà le 4e plus grand producteur mondial d'hydroélectricité. Nous avons l’intention d’augmenter la capacité énergétique du Québec en développant 4 500 mégawatt supplémentaire en nouveaux projets hydroélectriques, pour un investissement total de 25 milliards $. « C’est donc une invitation Le Québec souhaite aussi devenir l’un des leaders nord-américains sur le plan de l’énergie éolienne. Notre objectif consiste à produire 4,000 mégawatt provenant de l’éolien, soit 10% de notre production totale. Le Québec veut favoriser la recherche et le développement de nouvelles technologies énergétiques, en encourageant notamment l’utilisation de:
Nous savons cependant que le Japon est l’un des leaders mondiaux dans le domaine des technologies de conservation d’énergie. C'est donc un domaine où des partenariats très profitables pourraient se dessiner entre le Québec et le Japon. C’est donc une invitation que je lance aux investisseurs et aux compagnies japonaises qui sont intéressés par la conservation d'énergie... » (C’est Philip O'Neil qui est actuellement le président de la Chambre de Commerce du Canada au Japon.) Fait à Québec le 19 juin 2006. |
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