Éditorial Les caricatures : pardonnez leurs car ils ne savent pas ce qu'ils font ! 2006-02-09 Par Daniel Allard Il faut beaucoup de jugement pour agir justement, surtout quand les affaires internationales entrent en jeu. Et l'affaire des caricatures de Mahomet en est, à contrario, un cas flagrant, qui n'a par ailleurs pas grand-chose à voir avec la défense de la liberté d'expression. Et pourtant ! Qu'importe les autres raisons, c'est surtout le manque profond de jugement qui est à condamner pour l'imprudent éditeur du journal danois qui a utilisé une douzaine de caricatures déplacées pour faire du journalisme à sensation. C’est pourtant élémentaire : ne soyez pas surpris de vous brûler si vous jetez de l'huile sur un feu. Et le monde musulman est un feu, qui couve, surtout en cette période post 11 sept 2001. Ce n'est pas de l'autocensure que de se poser des questions sur l'impact de ce que nous allons publié lorsqu'on dirige une entreprise de presse. C'est plutôt avoir le sens des responsabilités sociales. On ne peut pas faire n'importe quoi au nom de la liberté d'expression. Non pas que cette liberté doit avoir des limites. C'est justement pour la protéger qu'il faut en user de manière responsable. On discrédite la liberté d'expression, alors qu'elle nous sert à inciter à la haine ou à la barbarie. On rate son coup lorsque le message tue le messager. On n’honore pas la liberté d'expression lorsqu'on l’évoque pour justifier l’irrespect. Les défenseurs de la liberté d'expression lui font perdre de sa dignité en l'invoquant pour justifier des publications blasphématoires. TANT PIS POUR HERMES ! La dérive et la surexploitation de l’affaire par les extrémistes religieux ne sont pas plus honorables. Mais ceux-ci sont toujours prêts à se saisir du moindre argument, surtout lorsqu'il leur est ainsi offert sur un plateau d'argent. Et c’est encore ici le manque de jugement des jeteurs d’huile qu’il faut blâmer. Hermès aurait voulu prendre dix fois Quand la liberté d'expression devient un instrument de provocation suscitant chao et vengeance, elle ne sert plus beaucoup la cause de ce qu’elle veut protéger. Car la démocratie du « tout est permis » ne mène à rien de grandiose. La si longue et lourde histoire de l’humanité est déjà assez riche d’enseignements nous assurant que tout ne mérite pas d’être fait, refait, dit et redit, qu’il ne faut que se désoler de l’imprudence de l’éditeur danois, qui passera maintenant tristement à l’histoire, pour avoir gaspillé des années de construction de tolérance interreligieuse et interculturelle. TANT MIEUX POUR INTERNETIl reste heureux de constater que se sont les vieux médias écrits de l’ère du papier, qui perdure, qui ont ainsi fautés ; alors que bizarrement c’est l’efficacité de l’Internet qui aurait dû répandre ce mal infâme. C’est par un vieux journal sous le bras et des heures d’avion, des mois après la publication initiale, que les images explosives sont parvenues à choquer les masses. Les patrons de presse des nouveaux médias seraient-ils en train de prouver qu’ils sont plus responsables face au pouvoir qu’ils gèrent, et moins friands de sensationnalisme, que leurs paires de la presse papier ? Ce serait une bonne nouvelle pour le futur. Dans toute cette malheureuse histoire, il reste à espérer que ici aussi : « À quelque chose, malheur est bon ! » Daniel AllardÉditeur Fait à Québec le 9 février 2006. |
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