« Industrie » de la mobilité étudiante Une affaire de 40 milliards $ 2005-12-02 Par Daniel Allard Avec des chiffres pareils, on n’hésite pas à parler d’une véritable industrie : 1,6 million d’étudiants internationaux sont inscrits à travers le monde à des programmes d’enseignement supérieur dans des institutions hors de leur pays d’origine. « Ces exportations de services éducatifs ont un poids économique estimé à 40 milliards $ », estime la professeurs Nicole Lacasse, titulaire de la Chaire Stephen-Jarislowsky en gestion des affaires internationales de l’Université Laval, qui y est allée d’une présentation fort original le 1er décembre 2005, avec les résultats de deux études portant sur les stratégies d’internationalisation des universités dans le monde et l’attraction qu’elles exercent sur les étudiants étrangers. La première étude, menée auprès de 5 universités du Québec et de 5 établissements universitaires d’Australie, vise à analyser les stratégies d’internationalisation et leur mise en application afin de dégager les meilleures pratiques de gestion universitaire. Les principales observations sont les suivantes :
Le choix de l’Australie pour tirer des comparaisons avec la réalité québécoise s’appuyait sur l’impressionnante performance des institutions de ce pays en matière d’attraction des étudiants internationaux. En 2002, selon l’OCDE, si les États-Unis arrivaient bien en tête en accueillant 31% des étudiants internationaux en enseignement supérieur, devant la Grande-Bretagne et l’Allemagne à 12% chacun, c’est l’Australie qui arrivait quatrième avec 10%, ce devant la France avec 9% et le Japon à 4%. Il y a certainement plus que le facteur de la langue qui explique que l’Australie dépasse ainsi la France en la matière. Avec 188 406 étudiants internationaux en 2004, l’Australie voit l’éducation se classer comme 4e secteur plus important d’exportation du pays. Ces frais de scolarité auront rapporté 756 millions $US en bénéfice direct pour les universités australiennes en 2003. Là-bas, on gère cela comme une véritable industrie! Après un séjour d’un mois en Australie, Nicole Lacasse décode ainsi le succès australien : « Il y a de véritables actions marketing avec l’aide de l’État; un organisme avec des bureaux dans 15 pays fait de la promotion. Ils ont des agents recruteurs par pays. On fait une campagne de promotion annuelle « Study in Australia », un peu comme pour le tourisme ici », résume-t-elle. Grâce à la formation délocalisée, dite « offshore », déjà en 1998, autant que 34 des 38 universités australiennes ont fourni des cours à l’étranger à un total de 20 000 étudiants, dans 24 pays ! Parmi les meilleurs pratiques de marketing rencontré en Australie, elle cite : avoir des agents de recrutement locaux, impliquer d’anciens étudiants, faire des tournées de recrutement et rencontrer des familles d’étudiants. Alors que la participation à des salons et foires à l’étranger est considérée comme ayant une efficacité moyenne.
Si les Australiens permettent déjà depuis longtemps ce que le Canada s’apprête à accorder à partir de janvier 2006, soit la possibilité pour les étudiants internationaux de travailler 20 heures par semaine durant les semestres et à temps plein dans les autres moments, ils vont aussi plus loin en donnant également au conjoint étranger la possibilité de travailler plus de 20 heures/semaine tout au long de l’année. Nombre d’étudiants internationaux par université au Québec
(Source: Étude de Nicole Lacasse, Université Laval, 2006) L’Université Laval a connu Mais contrairement à l’exemple de l’Australie, le Canada dénote un retard significatif, dont une absence de stratégie nationale et un manque de coopération entre établissements. « En faisant une recherche sur www.studyCanada.ca, je n’ai même pas trouvé l’Université Laval », raconte médusée la chercheure. La seconde étude, menée auprès de 273 étudiants étrangers inscrits à l’Université Laval, soit un excellent taux de réponse de 17%, cherche à préciser pourquoi et comment ces derniers ont choisi une université québécoise, quelle est leur appréciation de leur séjour d’études et dans quelle mesure ils sont intéressés à s’installer définitivement au Québec :
L’étude démontre également qu’il semble inutile d’investir dans des participations à des « Journées carrières ». Seulement 1,82% des répondants ont affirmé que les journées carrières avaient contribué à leur décision de venir étudier à Laval ! « Donnez-moi le budget pour trois recruteurs, un en France, un au Maroc et un en Tunisie, je saurai quoi leur faire faire. Fixez l’objectif et je ne serais pas en peine pour l’atteindre », lance une Nicole Lacasse très sûre d’elle, sachant déjà que respectivement 40, 8 et 7% des étudiants internationaux des universités francophones au Québec proviennent de ces pays. La professeure Lacasse conclut aussi : « Mon premier conseil serait de viser la France avant tout. » Précisons enfin que la démarche de la réalisation de ces études était une initiative entièrement financée et gérée par la Chaire Stephen-Jarislowsky en gestion des affaires internationales. Sur la Chaire Stephen-Jarislowsky: www.fsa.ulaval.ca/chaire_gi Fait à Québec le 2 décembre 2005. |
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