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Innovation : la leçon de Bombardier

Un des plus beaux fleurons de l’innovation du Québec, la compagnie Bombardier, aura-t-elle été « sauvée » par Airbus en lui cédant le contrôle de sa branche de la CSeries ? Cette conclusion finira peut-être par occuper une place évidente dans les livres d’histoire, d’ici dix ou vingt ans. Mais dans l’immédiat, il n’y a pas une année de passée depuis la fameuse transaction et les éléments démontrant que Bombardier s’embourbait sous le poids d’un si gros défi d’innovation s’accumulent tant, que lesdits historiens rajouteront probablement un paragraphe sur la « leçon » qu’il fallu tirer de cette aventure : ne crée pas une nouvelle génération d’avion qui veut !

Après plus d’une décennie d’efforts de R&D et d’investissements, le fil d’arrivée, avec le succès total, était pourtant tout proche ! Les premières livraisons aux premiers clients étaient acquises. La réputation des qualités technologiques du nouvel avion était confirmée. Mais il manquait certainement quelque chose, car le carnet de commandes ne se gonflait pas tel que supposé. Et la compagnie dut finalement se trouver un partenaire salvateur pour continuer…

Ce Bombardier qui a inventé le Ski-Doo en 1959, commercialisé mondialement le célèbre Canadair pour la lutte aux feux de forêt, développé son propre jet d’affaires – le Challenger -, fabriqué des trains et des rames de métro aux quatre coins du monde… Devenue multinationale, elle n’avait pourtant pas les reins assez solides pour rassurer le coeur de l’industrie mondiale de l’aviation civile.

Que manquait-il donc à la recette de Bombardier ?

Certes des reins solides, mais plus précisément une confiance suffisante pour les clients potentiels. Et ça, aucun gouvernement, aucun programme d’aide public à l’industrie ne pouvait l’apporter d’un coup.

La première preuve qui montre qu’il manquait quelque chose de fondamentale à la recette de Bombardier, c’est que rapidement après qu’Airbus a été confirmé ayant pris les commandes du programme, les potentiels clients, manifestement en attente, se sont vite confirmés en acheteurs en grand nombre. Parce qu’ils avaient dorénavant confiance que les garanties sur leur achat allaient être honorées, que le risque sur 10-20 ans venait de disparaître, comparativement à la formule 100 % Bombardier d’avant.

En venant faire compétition contre les géants Boeing et Airbus dans la catégorie des grands, soit les avions de 100 places et au-delà, Bombardier a stratégiquement quitté sa zone de confort, mais au final fut lentement asphyxiée dans la certification et l’industrialisation d’un avion de nouvelle génération.

DE QUÉBEC À TOULOUSE

Au Québec, on digère évidemment de travers ladite transaction, qui céda « pour un dollar symbolique » 50,01% de la branche CSeries de l’avionneur Bombardier à son rival Airbus. Évidemment, il s’agissait d’une transaction beaucoup plus complexe, mais il est vrai que le consortium européen ne fut pas obligé de sortir son chéquier pour prendre le contrôle des commandes pour rafler une génération d’efforts de R&D à très bas prix. D’ailleurs, à Mirabel, des investissements importants ont été faits par Airbus pour y augmenter la capacité de la ligne de montage des désormais A220-100 et 300. Une dizaine d’expatriés d’Airbus ont également été relocalisés au Québec. Et tout récemment, à l’occasion d’une tournée des activités d’Airbus en Amérique avec la presse internationale, les dirigeants annonçaient « de substantielles réductions de coûts dans le développement et la production du CSeries ». Philippe Balducchi, patron de la coentreprise Airbus-Bombardier chargée du programme A220, affirmant que la majeure partie des réductions de coûts proviendrait de la chaîne logistique, parce qu’Airbus dispose d’un grand pouvoir dans la négociation du prix des pièces.

On touche donc, ici, à une autre faiblesse qu’avait la recette Bombardier à 100 % avec sa CSeries : plus il y avait d’avions produits, plus le déficit du programme se creusait… Même une participation financière stratégique à hauteur de 1 milliard $US du gouvernement du Québec en 2015-16 n’avait pas suffit à solidifier l’édifice…

La leçon devient incontournable, aucun nouvel avion de grande catégorie ne peut être développé jusqu’à terme avec succès sans un soutien financier public, direct ou indirect.

Autre exemple récent de l’importance de l’apport d’un joueur comme Airbus : l’A220 vient de recevoir l’approbation ETOPS de 180 minutes qui autorise l’avion à suivre une route qui peut l’écarter pendant trois heures d’un aérodrome de dégagement. Le petit biréacteur peut donc, désormais, traverser l’Atlantique ou rallier la côte ouest américaine à Hawaï. Pour toute l’histoire, il faut cependant constater que ce dossier vient d’être accepté par l’aviation civile canadienne plus de cinq ans après le premier vol, alors que cette approbation ETOPS est accordée dès la certification sur des Airbus comme l’A350. Bref, l’équipe initiale de Bombardier n’avait pas les moyens de traiter correctement un tel dossier, devant l’ampleur du programme.

Maintenant,
l‘A220 est autorisé à traverser l’Atlantique
en route directe

Bombardier a tout de même réussi à créer un avion de très grande qualité, une réelle prouesse d’innovations et de progrès. Actuellement, les mono-couloirs de 100 à 150 sièges de la CSeries, rebaptisés A220-100 et A220-300 pour rester cohérents avec la terminologie des avions d’Airbus, n’ont pas de réel concurrent. Le jet E2 d’Embraer dérive d’une version d’un avion lancé en 2002 et n’est définitivement plus du même niveau. Et en intégrant la grande famille d’Airbus, la CSeries est venue y remplacer son équivalent (le A319 ou encore le plus petit A318, qui ne se sont jamais bien vendus, et devraient s’effacer au profit de l’A220) pour permettre à Airbus de se concentrer sur des avions plus gros. Novateur, l’avion offre un niveau de confort très élevé dans la cabine et des coûts au siège similaires à ceux de l’A320, un bel avantage alors que les avions de plus petite taille affichent généralement des coûts au siège supérieurs. L’A220 a plusieurs arguments solides face à ses concurrents. Pas plus l’E195-E2, d’Embraer, que vient d’acheter Boeing, ou le propre B737-600 de Boeing, sur le marché du 100-130 sièges, que le le B737 Max-7 sur celui des 130 à 150 sièges, ne sont des appareils de nouvelle génération. Prévu pour être mis en service en 2019, l’E195-E2 n’étant qu’un dérivé remotorisé de l’E195. Et c’est la même chose pour le B737 Max-7.

Bref, sur 20 ans, le marché, estimé à 7 000 appareils, pourrait revenir à 70% à Airbus.

Deux versions :

l’A220-100 (de 100 à 135 sièges, selon les configurations) et l’A220-300 (130-150, voire 160 sièges en version densifiée), l’avion compte beaucoup d’atouts pour rafler une grande partie du marché des 100-150 sièges, estimé par Airbus à 7 000 avions au cours des 20 prochaines années.

LE MARCHÉ, ESTIMÉ À 7 000 APPAREILS, POURRAIT REVENIR À 70 % À AIRBUS

Alors pourquoi une telle opportunité a-t-elle finalement échappé à Bombardier ? Essentiellement parce que l’entreprise canadienne aura cruellement manqué de ressources humaines et financières pour s’attaquer à un si gros défi. Et la simple constatation de l’évolution du calendrier du programme donne ici un argument convainquant : lancé en 2004, la première livraison, de 7 appareils, de la CSeries, n’est intervenue qu’en l’année 2016. Douze ans après son lancement ! Oui, 17 autres ont suivi l’année suivante et ensuite 33 furent encore livrés en 2018, dont à Delta, pour remplacer ses antiques DC 9.

Mais il faut savoir que cette cadence de production dû être réduite par notamment des difficultés de mise au point des moteurs Pratt & Whitney PW1500G. Il faut vraiment avoir les reins solides pour réussir de la grande innovation en aéronautique…

L’arrivée d’Airbus aura clairement décidé les futurs clients du CSeries à se confirmer, trop contents de voir l’avionneur né au Québec épaulé par un des deux grands mondiaux. Rapidement après avoir pris le contrôle du programme de la CSeries, Airbus dévoila deux commandes importantes pour la gamme : David Neeleman – celui qui a cofondé les compagnies WestJet et JetBlue et qui possède en partie Aigle Azur – s’est engagé à acheter 60 avions A220-300 lors du Salon aéronautique de Farnborough de l’été 2018 parce qu’il compte lancer un nouveau transporteur américain connu pour l’instant sous le nom de Moxy; puis JetBlue a également commandé 60 appareils A220-300. Aussi, outre JetBlue ou Moxy, tout récemment, Delta vient encore de confirmer des options pour rallonger de plusieurs dizaines d’appareils ses achats initiaux. Début 2019, ce sont pas moins de 19 clients qui ont commandé 537 avions, y compris des contrats majeurs de 50 avions ou plus, comme ceux de Delta, AirBaltic, Air Canada et JetBlue.

Bref, depuis que le programme de l’ex CSeries de Bombardier est passé sous contrôle d’Airbus le rythme du nombre de prises de commandes a clairement bondi.

Et pour augmenter les cadences, Airbus peut se servir de l’expérience réussie – bien que difficile – de son A350. Mission : augmenter les prises de commandes et les cadences de production, tout en baissant les coûts de fabrication. Un triple défi à la mesure d’Airbus pour faire redécoller le programme CSeries de Bombardier.

Le gros changement se situe donc dans la confiance dans l’avenir du programme que procure la présence d’Airbus. Avec l’avionneur européen, la crainte de certaines compagnies d’acheter un avion sans avoir de visibilité sur la pérennité du programme est définitivement levée. Car ce n’était pas le cas, il y a quelques années seulement, quand les difficultés financières de Bombardier faisaient les gros titres des journaux après les déboires rencontrés dans l’industrialisation du programme : deux ans de décalage, avec des coûts de développement presque doublés à 5,4 milliards $. Ce, même avec le chèque de 1,5 milliard de dollars canadiens signé fin 2015 par le gouvernement du Québec.

Jusqu’à l’annonce du partenariat Bombardier-Airbus (qui implique également le Gouvernement du Québec à autour de 19%) en octobre 2017, l’avion de la CSeries s’était vendu à 360 exemplaires. Début 2019, le carnet de commandes est rendu à 537 exemplaires, dont plusieurs auprès de compagnies comme Delta, la plus grande au monde en terme de flotte. Toujours propriétaire de 30% du programme, Bombardier n’est plus en péril, et la CSeries semble effectivement sauvée.

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Le meilleur concurrent du Bitcoin : un nouvel étalon-or ?

La première et toujours reine des cryptomonnaies est aussi impressionnante qu’elle fait peur pour d’autres. En à peine une décennie, elle est arrivée à véritablement concurrencer le système monétaire établi. Pour les plus optimistes, elle le menace même.

L’invention du Bitcoin est par ailleurs forte de l’usage de plusieurs concepts qui sont aussi propres à l’or. Ce n’est pas pour rien que la cryptomonnaie est aussi appelée « digital gold »… L’or n’avait pas que des défauts, même lorsqu’il fut sorti totalement du système monétaire par la décision du président Nixon, en 1971 : la fin du dollar gagé sur l’or permet, depuis, aux États d’utiliser la planche à billet sans limite. Oui, l’étalon-or limitait la capacité des gouvernements à jouer avec la masse monétaire.

La théorie économique vient effectivement aussi poser des arguments. En vérité, il y a plus d’or en circulation dans un système monétaire sans étalon-or que dans un système d’étalon-or; l’étalon sans or est plus coûteux en or que l’étalon-or. Car la bonne argumentation veut que c’est lorsque la monnaie n’est pas aussi bonne que l’or dans l’esprit de ceux qui la détiennent que l’or revient dans la circulation et qu’il est à propos d’exploiter les mines pour satisfaire aux besoins. Bref, une monnaie gagée sur l’or, aussi bonne que l’or, as good as gold, permet d’économiser de l’or en le faisant de manière commode disparaître de la circulation quotidienne.

L’essentiel du système étant l’obligation pour les banques d’émission de faire face à leur clause de convertibilité : ce qui aboutit à une autorégulation de la masse monétaire et, conséquemment, à une saine discipline du système bancaire et des finances publiques.

Alors, serait-il bon d’y revenir?

QUAND L’HISTOIRE TOURNE MAL

Après un bon siècle de bon service, le système de l’étalon-or a d’abord été mis sur la glace à cause du contexte particulier d’une Europe du va-t’en-guerre, en 1914, qui voulait justement recourir à la planche à billet pour financer son armement. Une opération qui devait être temporaire… Mais l’histoire fut autre! Et c’est finalement Washington, deux fois d’ailleurs, qui fera le coup de grâce de sa disqualification. Si le 31 janvier 1934 le fraîchement élu président Roosevelt décide de « sacrifier » la vénérable parité du dollar – établie depuis 1834 – en procédant à une massive dévaluation – de 20,67 dollars l’once à 35 dollars l’once d’or – ce fut ensuite son homologue Nixon, le 15 août 1971, qui mit fin au système et passa au change flottant. Car c’était ça ou pire… Le politicien a alors fait son choix… de politicien!

Mais cette déroute remontait à des décennies de méprise. Au fétichisme d’une parité datant d’avant-guerre et donc forcément dépassée.

Fétichisme d’orgueil nationale, prestige de leadership mondial, l’entêtement à la parité inchangée pendant trop de décennies coûtera une honteuse capitulation monétaire au vainqueur des vainqueurs et une fin de l’histoire pour un étalon-or pourtant valable comme système dans l’économie mondiale.

Avec 1944 et les décisions issues de Bretton Woods, les banques centrales purent émettre de la monnaie non plus seulement en fonction de leur stock d’or, mais aussi en fonction de leurs réserves en dollars US. Le Gold Exchange Standard fera force de loi universelle. Mais avec cette parité de 35$ l’once d’or que l’oncle Sam considérera malheureusement comme sacro-sainte.

Oui malheureusement…, car on fera là l’erreur – double même – de croire qu’il n’y a pas assez d’or pour gager le système monétaire mondial. Et le Gold Exchange Standard sera instauré sous prétexte d’économiser l’or. Mais ne fallait-il pas plutôt avouer que s’il y a alors pénurie apparente de métal jaune c’est simplement par le fait que son prix officiel reste toujours à 35 $, alors que tous les autres prix des marchés ont doublé, triplé, quadruplé, voire plus, depuis 1934 et le début de l’ère Roosevelt?

ET DE PIRE EN PIRE

Et que se passe-t-il depuis le fatal 15 août 1971? Dès qu’une monnaie n’est pas gagée sur l’or – ou tout autre étalon valable – chaque pays peut manipuler sa monnaie comme il l’entend.

Si depuis le tournant du millénaire l’inflation semble avoir quasiment universellement disparu au niveau des biens et des services, c’est pour reparaître ailleurs dans les actifs. Et cette inflation est bien plus dangereuse, car elle attise la spéculation sur les matières premières, l’immobilier, sur le numérique aussi, incluant le bitcoin et toutes autres cryptomonnaies… De fait, sur tout ce qui est susceptible de nourrir l’envie de la Bourse.

Et dans un monde qui voit dorénavant les banques centrales totalement libres et indépendantes face au pouvoir politique, à titre d’institution ayant pleinement obtenue son indépendance et la rendant juridiquement et politiquement totalement irresponsable, il y a risque de dérive pénible, et dérive pénible…

C’est à ce propos que Philippe Simonnot (Nouvelles leçons d’économie contemporaine, Ed. Gallimard, 2017) lâche un jugement impitoyable :

« Les autorités politiques n’ont certes pas eu tort de renoncer à leur pouvoir monétaire, tant il est vrai que l’histoire a montré à maints occasions le mauvais usage qu’elles font de cette prérogative de « battre monnaie ». Cependant, au lieu de le confier à des instances comme les banques centrales, totalement hors contrôle et régies par des conceptions inadaptées, ils auraient dû adopter le système de l’étalon-or, le seul à pouvoir réguler le système avec efficacité et stabilité. »

Conséquemment, il plaide ensuite pour une « monnaie libre » : « (…) c’est-à-dire non soumise aux intérêts politiques et non pas gérée par des institutions mais en référence à l’étalon-or. Dans ce cadre, aucun pays ne peut déployer son nationalisme monétaire puisque personne ne peut dévaluer l’or pour son propre bénéfice. »

Simonnot allant vite encore plus loin puisque, selon-lui, il y a « urgence à adopter l’étalon-or car la guerre monétaire ne peut que s’intensifier. Les grandes monnaies du monde étant aux mains des politiques ». Avec comme principal résultat que le protectionnisme monétaire prend la place du protectionnisme commercial.

« Nous sommes arrivés au stade ultime des contradictions du système », ajoute-t-il. La monnaie n’étant plus reliée à aucune réalité économique, « on fait n’importe quoi », tonne encore le professeur d’économie.

Qui plaide donc pour une monnaie-or, sans banque centrale, car une monnaie-or peut fonctionner – et a fonctionné – sans de telles institutions.

Encore de la théorie économique :

  • À un moment donné, pour une société donnée, on peut considérer que la masse d’or à la disposition de l’économie est fixe, ou du moins qu’elle ne dépend pas des décisions des partenaires à l’échange.
  • De plus, aucune autorité centrale n’est nécessaire pour assurer la régulation de la masse monétaire en fonction des besoins de l’économie d’une société. Ladite régulation se faisant « d’elle-même », parce que la monnaie en question est elle-même « ancrée dans la réalité la plus matérielle ». Effectivement, l’or reste toujours aussi un bien industriel dans une économie moderne.

Alors est-il crédible, en plus d’en parler, et de le proposer, de voir apparaître un étalon-or en 2019 ou bientôt, voire réapparaître un nouvel étalon-or?

OU EST L’OR DU MONDE EN 2018?

Et si la localisation des stocks d’or dans le monde nous indiquait une partie de la réponse? Ceux qui ont l’or en leur possession n’ont-ils pas intérêt en la matière?

1934, 1944, 1971… Or, c’est encore Washington qui pèse pesant, ici.

Si globalement l’Europe entière, avec environ 10 800 tonnes, était, selon les chiffres de 2016, plus riche en stock d’or que les États-Unis, ce pays, avec plus de 8 000 tonnes, est bien devant l’Allemagne (3 400), ou l’Italie (2 400) ou la France (2 400), voire encore la Chine (1 700) et la Russie (1 400), la première puissance mondiale de l’or actuellement.

L’OR OU LE BITCOIN?

Au fait, soyons modernes : pourquoi pas un étalon-bitcoin, plutôt que l’archaïque or?

« Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple? » Voila la réponse de Philippe Simonnot.

« La monnaie-or étant d’une facilité biblique, comparée à son mime cryptographique, beaucoup moins coûteuse à faire fonctionner, beaucoup plus écologique, pourquoi ne pas y revenir pour de bon? », conclu-t-il.

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Lire notre autre article : POUR EN FINIR AVEC LA CRISE DE 2008

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POUR EN FINIR AVEC LA CRISE DE 2008

Avec l’année 2018 qui arrive prochainement à son terme, c’est toute une décennie qui aura vu le mythe de la « défaillance du marché » avoir la vie dure à propos du diagnostic de la méga-crise qui a débuté en 2008 et qui malmène encore l’économie mondiale, dix ans plus tard. Certes, l’affaire était très complexe. Mais que faut-il finalement en retenir… qui est le vrai coupable?

L’auteur Philippe Simonnot nous le rappelle (Nouvelles leçons d’économie contemporaine, Ed. Gallimard, 2017) : même le grand Alan Greenspan s’est trompé dans le diagnostic de ce que trop d’économistes classent comme une « crise de marchés ». Selon cette thèse, on aurait fait l’erreur de déréguler les marchés. Et d’urgence, en les réglementant à nouveau par l’intervention salvatrice de l’État, on a pu mettre un terme à l’« exubérance irrationnelle des marchés ».

Non, la crise de 2008 ne fut pas causée par une dérégulation outrancière. Elle fut plutôt et contrairement le résultat « d’une défaillance massive du système de régulation financière, de sa conception à sa mise en œuvre. » Et ce diagnostic, il fut établi dès 2008, par Jean Tirole, le Nobel d’économie de 2014.

L’origine de cette crise est donc dans la régulation – pas ailleurs – dans son mauvais usage. Tirole confirmant d’ailleurs son analyse, en publiant Économie du bien commun, en 2016.

Il faudra donc dire, pour l’histoire, que pour le « cowboy en cravate » de Wall Street, il n’y avait rien d’irrationnel à maximiser le profit immédiat en vendant à plein des subprimes. La loi le permettait, la régulation était ainsi faite! Le vrai coupable était ailleurs, systémique, et bien en amont!

Fameux subprimes, qui soulignons-le bien, ne sont pas un produit du marché : c’est d’une loi votée sous Jimmy Carter en 1977 – ensuite renforcée sous Bill Clinton en 1997 – que résulte cette création de la finance, devenue dangereuse aberration dans son exagération d’usages. Ladite législation visait l’interdiction aux banques de discriminer les gens les plus défavorisés dans leurs activités de prêts. Donc, elle imposait aux banques des États-Unis de faciliter l’attribution de prêts aux ménages pauvres. Elle obligeait même les banques à publier un suivi détaillé de leurs opérations financières, en mettant en évidence les différentes composantes communautaires de leur clientèle. L’autorité réglementaire – le Système de la réserve fédérale – avait pour mandat de vérifier que les banques répondaient convenablement aux besoins de ces communautés…

Dans la même logique, l’implosion des deux créatures étatiques intervenant dans le marché des prêts immobiliers aux USA (Fannie Mae et Freddie Mac) fut aussi un facteur déterminant de la crise. Les deux agences de crédit hypothécaire disposaient d’une ligne de crédit forte d’une garantie par l’État qui leur donnait la possibilité d’emprunter sur le marché à des taux d’intérêt plus faibles qu’une banque ordinaire. En vérité, elles assuraient ainsi le maintien d’une offre de crédit à des conditions plus favorables que si le marché s’était régulé seul.

Un troisième facteur déterminant de la crise peut aussi être relevé en ce que l’existence même de la Banque centrale, posée comme prêteur de dernier ressort du système, permit aux organismes financiers sous son « contrôle » de prendre des risques qu’ils ne devraient pas prendre.

Simonnot n’arrête d’ailleurs pas là sa critique du rôle des banques centrales dans les économies modernes. Car dans un monde qui voit dorénavant les banques centrales totalement libres et indépendantes face au pouvoir politique, à titre d’institution ayant pleinement obtenue son indépendance et qui la rend « juridiquement et politiquement totalement irresponsable », il y a risque de dérive pénible.

Et c’est ici que Philippe Simonnot lâche son jugement impitoyable :

« Les autorités politiques n’ont certes pas eu tort de renoncer à leur pouvoir monétaire, tant il est vrai que l’histoire a montré à maints occasions le mauvais usage qu’elles font de cette prérogative de « battre monnaie ». Cependant, au lieu de le confier à des instances comme les banques centrales, totalement hors contrôle et régies par des conceptions inadaptées, ils auraient dû adopter le système de l’étalon-or, le seul à pouvoir réguler le système avec efficacité et stabilité. »

Lui qui, conséquemment, plaide ensuite pour une « monnaie libre » : « (…) c’est-à-dire non soumise aux intérêts politiques et non pas gérée par des institutions mais en référence à l’étalon-or. » Parce que dans ce cadre « aucun pays ne peut déployer son nationalisme monétaire puisque personne ne peut dévaluer l’or pour son propre bénéfice ».

Selon Philippe Simonnot « il y a urgence à adopter l’étalon-or », car « la guerre monétaire » ne peut que s’intensifier. Les plus grandes monnaies du monde étant effectivement aux mains de pouvoirs politiques, avec pour principal résultat que le protectionnisme monétaire prend la place du protectionnisme commercial.

« Nous sommes arrivés au stade ultime des contradictions du système », ajoute-t-il. La monnaie n’étant plus reliée à aucune réalité économique, « on fait n’importe quoi », tonne encore ce professeur d’économie.

Simonnot terminant son plaidoyer par les mots d’un allié particulièrement convaincant : « Ce n’est pas l’étalon-or qui a échoué. Ce sont les politiques publiques (…) dans un régime d’étalon-or, nous ne nous serions jamais retrouvés dans la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui », dixit une déclaration d’Alan Greenspan au magazine Gold Investor en février 2017.

Bref, la proposition est bien sur la table : la complète sortie de crise de 2008 passerait peut-être par un retour de l’étalon-or.

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Greenpeace dénonce les multinationales toujours responsables de déforestation avec l’huile de palme

Dans une nouvelle enquête publiée le 19 septembre 2018, Greenpeace International révèle que des multinationales comme Unilever, Nestlé, Colgate-Palmolive, Mondelez et L’Oréal restent impliquées dans la destruction des forêts tropicales d’Indonésie. Cela « en dépit de leurs engagements ». Greenpeace dénonce également la « déforestation croissante de la province indonésienne de Papouasie, jusque-là épargnée ».

Toujours selon la même enquête, Greenpeace a examiné les activités de 25 producteurs d’huile de palme responsables de déforestation. L’organisation aura ainsi découvert que depuis fin 2015, ces producteurs qui fournissent de l’huile de palme aux multinationales agroalimentaires et cosmétiques ont détruit plus de 130 000 hectares de forêts.

De plus :

  • 40% des zones déforestées (51 600 hectares) se trouvent en Papouasie indonésienne, une des régions du monde les plus riches en biodiversité et qui était jusqu’à récemment préservée de l’industrie de l’huile de palme.
  • 12 grandes marques s’approvisionnent auprès d’au moins 20 de ces producteurs d’huile de palme : Colgate-Palmolive, General Mills, Hershey, Kellogg’s, Kraft Heinz, L’Oréal, Mars, Mondelez, Nestlé, PepsiCo, Reckitt Benckiser et Unilever.

L’enquête de Greenpeace démontre que Wilmar International – qui est le plus gros négociant d’huile de palme au monde et se positionne d’ailleurs comme le principal client de 18 des producteurs étudiés – continu à détruire les forêts tropicales.

Déjà en 2013, Greenpeace dénonçait « les atteintes à l’environnement de Wilmar et de ses fournisseurs ». Plus tard la même année, Wilmar avait adopté une politique « zéro déforestation, zéro destruction des tourbières et zéro exploitation de la main d’œuvre ». Mais l’analyse la plus récente de Greenpeace prouve qu’encore aujourd’hui « Wilmar s’approvisionne en huile de palme produite par des producteurs qui détruisent les forêts tropicales et s’accaparent les terres de communautés locales ».

«Les multinationales des secteurs agroalimentaire et cosmétique comme Unilever, Nestlé, Colgate-Palmolive et Mondelez ont promis à leurs clients qu’elles n’utiliseraient que de l’huile de palme zéro déforestation, mais elles n’ont pas tenu cette promesse. Ces multinationales doivent régler le problème une bonne fois pour toutes en suspendant leurs relations avec l’entreprise Wilmar tant qu’elle ne peut pas prouver que son huile de palme ne contribue pas à la déforestation»,  a expliqué le chargée de campagne Forêt à Greenpeace Indonésie, Kiki Taufik.

Le rapport présente aussi une évaluation complète de la déforestation touchant présentement la Papouasie indonésienne.

« L’industrie de l’huile de palme s’enracine en ce moment en Papouasie et déforeste à un rythme alarmant. Si nous n’arrêtons pas ces producteurs sans scrupules, les magnifiques forêts de Papouasie seront détruites pour de l’huile de palme, à l’instar de celles de Sumatra et de Kalimantan », alerte aussi Kiki Taufik.

Impacts de l’huile de palme sur l’environnement et le climat

Le rapport “Final countdown” complet en anglais est disponible: ici.

Des photos et des vidéos illustrant l’enquête sont disponibles: ici.

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Source de l’image: Greenpeace

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Blockchain: une solution pour le « capital mort »

Nous étions alors en l’an 2000 globalement excités par les promesses d’un nouveau millénaire naissant. Un économiste du Pérou, Hernando de Soto, publia la même année un essai troublant: Le Mystère du capital, avec ce dérangeant sous-titre: Pourquoi le capitalisme triomphe à l’Ouest et échoue partout ailleurs. Son constat mettait en lumière un véritable problème, mais la technologie n’offrait malheureusement pas encore un moyen réaliste d’y remédier efficacement. Vingt ans plus tard, les années 2020 qui se pointent avec l’Internet sa technologie de la blockchain offrent enfin une option afin de solutionner le défi de ce qu’il appelait le « capital mort ». Des millions de gens pourraient trouver là un outil pour sortir de la pauvreté.

Le « capital mort », c’est tout ce que des gens possèdent sans pouvoir le prouver. Ce qui est le cas de bien des gens dans les pays les plus pauvres de la planète, souffrant de l’absence de systèmes fiables garantissant les droits de propriété. En 2000, l’économiste de Soto évaluait le montant total de ce « capital mort » à 9 300 milliards $US. Ainsi pénalisées, ces populations sont pourtant en possession de fait d’une maison, d’un terrain, d’un troupeau, etc. Mais n’ayant, pour aucun de ces actifs, les titres de propriété, ils se trouvent dans l’impossibilité d’officiellement les vendre ou de transmettre tout ou partie de ces biens, de les louer ou de les faire fructifier facilement. Ce qui justifie le qualificatif de capital « mort ». Ces gens sont donc pénalisés à rester hors du vaste marché capitaliste, sans pouvoir profiter de sa croissance.

Récemment, la blockchain a remis cette théorie sur le devant de la scène. Voilà une solution simple et peu coûteuse pour résoudre le problème. Et au moins trois pays déjà voient des innovateurs utiliser la blockchain pour enregistrer des titres de propriété immobilière en s’inspirant directement des idées de l’économiste péruvien.

Au Ghana, c’est l’ONG Bitland, lancée en 2014, qui applique l’idée. La blockchain Bitcoin y est utilisée depuis octobre 2016 pour offrir le service de cadastre via un bureau couvrant 28 communautés locales de la métropole de Kumasi, en collaboration avec le gouvernement. Et après ce premier projet-pilote au Ghana, Bitland visait ensuite le Nigeria pour y ouvrir un centre à Lagos dès 2017.

Au Honduras, c’est une entreprise du Texas, Factom, qui opère pareillement depuis 2015.

Et en avril 2016, Hernando de Soto lui-même annonçait un partenariat entre le ministère de la Justice de la Georgie et BitFury, une société technologique californienne chargée de concevoir et piloter un tel programme avec la blockchain. Blockchain qui, incidemment, sera utilisée comme un service de notaire, mais presque gratuitement.

« L’enregistrement d’un acte de vente d’un bien immobilier peut se faire à distance, avec un smartphone, pour un coût de transaction de 0,05 à 0,1 $ seulement« , avançait Valery Vavilov, le président de BitFury, en interview avec le magazine Forbes.

Un coût de 0,05 $ c’est mille, voire 5 000 fois moins que les frais habituels d’un notaire. Oui, la lutte au « capital mort » grâce à la blockchain pourrait bien signer la mort de cette profession séculaire!

Mais le rêve d’Hernando de Soto devient réalité: offrir des opportunités économiques à tous, même les plus pauvres du monde capitaliste.

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