Tous les articles par Daniel Allard

Depuis 1997, Daniel Allard a co-fondé et dirige le cyberjournal CommerceMonde.com. En 2013, il fit de même avec l'Association des sociétés québécoises cotées en Bourse, organisant notamment le Gala annuel des sociétés en Bourse (2008 à 2015). Le développement de l'équipe de LiNNOVarium.com est son actuelle priorité.

« L’Accord Canada-Union européenne, ce n’est pas réglé », soutient Jean Charest

Il faut encore s’attendre à des surprises en rapport avec le processus de ratification de l’entente commerciale globale que le Canada a signé récemment avec l’Union européenne, selon l’analyse qu’en fait Jean Charest. L’ancien premier ministre du Québec présentait une conférence le 10 septembre, à Québec, devant plus de 200 gens d’affaires, pour souligner le lancement du Club économique de Québec.

 « L’Accord Canada-Union européenne, ce n’est pas réglé ! Il y a des gens qui s’opposent à la ratification en Europe. Notamment Marianne Le Pen et l’extrême droite en France. Là-bas, les gens qui ne veulent pas d’une négociation USA-UE ont compris que la meilleure manière de s’y opposer, c’est de faire en sorte que l’entente Canada-UE ne se finalise pas. »

« Ici, au Canada, la ratification ne posera pas de difficulté, sauf pour Terre-Neuve concernant le poisson, mais c’est surtout en Europe que ce n’est pas réglé », a précisé à Commerce Monde M. Charest juste à la suite de sa conférence.

Les gens d’affaires du Québec auraient donc tord de prendre pour acquis que l’Accord globale sur le commerce et les services entre le Canada et l’UE est dans la poche !

AVOIR UN ŒIL SUR LE PACIFIQUE AUSSI

Toujours sur le sujet des négociations commerciales internationales, M. Charest a aussi prévenu que le Canada doit continuer de faire sa place au sein du TPP : « On a plus à perdre de ne pas y être qu’à y gagner à en faire partie, mais le Canada doit absolument demeurer dans le processus du TransPacific Partnership, surtout avec la position prise par le président Obama dernièrement. »

« La gestion de l’offre est sur la table dans cette négociation. Je ne pense pas qu’Ottawa va céder, mais il va encore devoir faire d’autres concessions. »

Après avoir présenté une suite de tendances mondiales, telles la rapidité des changements technologiques, les économies émergentes, la démographie africaine, l’augmentation – qu’il n’aime pas! – de la militarisation et des nationalismes, il a imagé ainsi l’arrivée d’une nouvelle économie :

« Uber n’a pas de voiture, Facebook n’a pas de contenu, Airb&b n’a pas de logement et Alibaba n’a pas d’inventaire… »

Il a aussi cité en exemple une banque du Québec qui a déjà compris que le marché de l’Afrique sera un marché important de demain : « Notre Banque Nationale du Canada vient d’acheter de l’équité dans une banque en Afrique, c’est un signe à retenir pour l’avenir ça ! »

Dans ce monde en changement rapide, que doit-on faire selon Jean Charest, au Québec et au Canada ?

Pour lui, l’avantage du Québec réside surtout dans ses forces en R&D. On doit aussi continuer à y développer la mobilité de la main-d’œuvre. Rappelant à ce titre l’importance d’une statistique de 2013 qui explique qu’environ 230 millions de personnes sont des travailleurs à l’étranger à travers le monde, soit davantage que toute la population du 4e pays le plus populeux du monde.

Il a terminé avec un regard sévère envers le Canada :

« Je trouve que le Canada manque d’ambition ! On devrait en faire bien plus pour la mobilité de la main-d’œuvre. Et encourager nos travailleurs les plus âgés à demeurer actif en emploi. On devrait augmenter aussi nos investissements en R&D, surtout en TIC… »

Manifestement en grande forme et se disant très heureux de revenir à Québec, dans cette ville qu’il connaissait finalement peu et qu’il a appris à aimer, surtout en 2008 : « Une des plus belles années de ma vie », a-t-il avoué, Jean Charest pense globalement que nous devons demeurer, le Québec comme le Canada, « des passerelles pour les marchés ».

Le Canada en récession d’oiseaux?

Bien plus que porter malaise au premier ministre Harper en pleine campagne électorale à travers le Canada jusqu’en octobre 2015, c’est Alfred Hitchcock qui va s’en retourner dans sa tombe! On mesurera bientôt la croissance aussi grâce… à l’abondance des oiseaux sur un territoire. Du moins en France dès l’an prochain.

Proposition de 10 indicateurs complémentaires au PIB

Plus tôt cette année, le Conseil économique social et environnemental (CESE) et France Stratégie se sont associés pour élaborer une proposition d’indicateurs à titre complémentaire au fameux produit intérieur brut (PIB) que de plus en plus de gens critiquent comme outil de mesure fiable d’une économie.

Pas simple de prendre la relève du vieux PIB! Pertinent pour mesurer la richesse d’un pays, il n’est pas exempt de faiblesses et des compléments sont espérés et souhaitables face à notre monde complexe. Mais tout nouvel indicateur de croissance doit prendre en compte l’ensemble des dimensions du développement, tant économiques, sociales qu’environnementales.

Conscients que pour s’imposer dans le débat public et influer sur les politiques publiques, les indicateurs doivent être partagés par le plus grand nombre, les instigateurs français ont lancé une phase de consultation auprès des citoyens sur la base de leur première sélection de 10 indicateurs complémentaires. Questionnaire en ligne, enquête auprès d’un panel représentatif de la population française, ateliers avec des panels citoyens… ce n’est donc qu’en juin que la phase de consultation a permis d’associer étroitement les citoyens au choix des indicateurs et de leur garantir une meilleure appropriation.

Écart de revenu entre les 10 % les plus riches et les 10 % les plus pauvres, taux d’emploi de la population active, taux de diplômés de l’enseignement supérieur ou espérance de vie en bonne santé à la naissance… Il n’y a là aucune surprise à lire la liste des 10 propositions. Hormis pour la biodiversité!

DES OISEAUX POUR LA BIODIVERSITÉ!

Deuxième indicateur environnemental sur trois, les débats ont eu lieu ici entre deux propositions concurrentes et il a fallu choisir entre un indicateur d’artificialisation des sols, qui mesure la diminution des habitats naturels, et un indicateur du nombre de spécimens d’espèces vivantes sensibles à l’évolution de l’habitat naturel. Ce sont les membres du CESE qui auront finalement fait privilégier l’indice d’abondance des oiseaux communs, parce que jugé pertinent du fait que les oiseaux sont en fin de chaîne alimentaire et reconnu par Eurostat.

L’Assemblée plénière du Conseil économique, social et environnemental a donc validé le 24 juin 2015 les 10 indicateurs phares complémentaires au PIB (voir le Tableau) pour les annexer à la prochaine loi de finances, afin dorénavant de mieux mesurer la soutenabilité du progrès annuel : 

TABLEAU: 10 indicateurs complémentaires au PIB

THÈMES INDICATEURS PHARES DÉFINITION
Travail Taux d’emploi Taux d’emploi de la population active
Investissement Patrimoine productif Actifs produits physiques et incorporels en % du Produit intérieur Net
Stabilité financière Dette Dette des agents économiques non financiers (adm. publiques, entreprises, ménages) rapportée au PIB
Santé Espérance de vie en bonne santé Espérance de vie en bonne santé à la naissance
Qualité de vie Satisfaction à l’égard de la vie Indice subjectif de satisfaction de la vie
Inégalités Écarts de revenus Rapport de la masse des revenus détenue par les 10 % les plus riches et les 10 % les plus pauvres
Éducation Part des diplômés Taux de diplômés de l’enseignement supérieur parmi les 25-34 ans
Climat Consommation carbone Empreinte carbone
Biodiversité Abondance des oiseaux Indice d’abondance des oiseaux
Ressources naturelles Recyclage des déchets Taux de recyclage des déchets

 (Légende des thèmes: ÉconomiqueSocialEnvironnement)

Que le gouvernement français donne rapidement ou non son aval à la suite des choses, les économistes et autres observateurs de la chose humaine du monde entier attendent volontiers d’améliorer significativement le débat public et la qualité de la mesure du PIB.

Bien des médias du Canada s’alertent, ces jours-ci, parce que si le mois de juin vient de contredire la baisse des 5 mois précédents de mesure dudit PIB, son score positif n’aura pas permis de faire inscrire une baisse pour le total des deux derniers trimestres, donc des six mois entier. On clame ainsi officiellement la récession technique, même si les statistiques du mois de juin viennent bien de confirmer une reprise de la croissance.

Stephen Harper se fera probablement conseiller de regarder différemment les oiseaux qui passent dans le ciel électoral canadien des prochaines semaines, mais c’est assurément la bonne mémoire de feu le célèbre cinéaste Alfred Hitchcock qui gagne la palme des gens surpris avec le bon rôle que l’avenir réserve à l’abondance des oiseaux dans le ciel.

 

(Source de l’image: oiseau.info)

La Californie criera bientôt « J’ai soif »

Après 36 mois au sec, on passe déjà aux grands moyens ; frappée par la pire sécheresse en 120 ans, la Californie doit rationner l’eau, une première… et ce sera bien pire s’il ne pleut pas davantage dans la prochaine année.

L’actuelle sécheresse, la plus grave depuis 1895, sévit sur 80 % du territoire californien depuis 2012. Comme elle n’en finit pas, l’état d’urgence déjà déclaré par le gouverneur Jerry Brown n’a pas suffi à calmer cette crise de l’eau qui risque de plus en plus de devenir critique : un satellite de la NASA vient de révéler qu’il ne resterait plus qu’un an de réserves en eau pour la Californie entière.

Dans un premier temps, avec les mesures du gouverneur, les autorités de l’État entendaient réduire de 20 % la consommation d’eau potable des quelque 40 millions de résidents de l’État le plus peuplé des États-Unis. Mais l’objectif n’a pas été atteint. Ce, alors que la dernière saison des pluies, en janvier, n’a pas tenu ses promesses. Une image comme une autre : le département des ressources en eau de l’État a déclaré en avril qu’il n’avait pas trouvé de neige au 1er  avril 2015 à 2 000 mètres dans les montagnes de la Sierra Nevada, une première en 75 ans ! Avec comme résultat évident que le niveau des réservoirs, lacs et réserves de neige qui alimentent les cours d’eau californiens se situent bien en bas de la moyenne.

La mise en place des mesures volontaires ne suffit donc pas (interdiction du lavage de voitures et d’arrosage des jardins, remplacement du gazon par des plantes adaptées et moins gourmandes en eau). Los Angeles et San Diego financent des programmes pour inciter les gens à s’équiper de barils de récupération d’eau de pluie. Mais il faudra bien plus encore !

Les solutions? Un pipeline? Dessaler l’eau du Pacifique?

Recycler l’eau d’égout? Oui, à Orange County, au sud de Los Angeles, une centrale de traitement de l’eau unique au monde purifie des millions de litres d’eau d’égout chaque jour.

Plus connues, ce sont les projets d’usines de dessalement d’eau de mer qui se multiplient, alors que plus d’une quinzaine sont actuellement en progression de réalisation à travers la Californie.

San Diego va dessaler le Pacifique à grande échelle

San Diego importe 80 % de son eau de zones situées à l’extérieur du comté. Située tout au sud de la Californie, la ville est en bout de ligne du pipeline. Le comté a donc imaginé une autre méthode : relier San Diego à la côte Pacifique par 16 kilomètres de tuyaux, avec 17 000 membranes qui transformeront 200 millions de litres d’eau salée par jour.

TOUT LES YEUX SUR CARLSBAD

C’est donc à Carlsbad, la 81e plus grande ville de Californie par sa population, à une cinquantaine de kilomètres au nord de San Diego, que la plus importante usine de désalinisation de l’hémisphère nord entrera en fonction en 2016. Visant alimenter en eau potable 300 000 personnes – ou 112 000 foyers – de la région de San Diego, soit 7 % des besoins en eau du comté, en produisant quotidiennement quelque 204 412 m3 d’eau potable.

Les travaux ont été confiés à Poseidon Water, entreprise située à Boston, spécialiste du dessalement de l’eau, avec l’expertise de IDE Technologies, une société israélienne pionnière et leader mondial dans le secteur des technologies de l’eau. Construite pour la coentreprise de dessalement Kiewit Shea, la longue canalisation forte en plus d’un diamètre de 54 po (137 cm) en acier soudé a été conçue pour acheminer 54 millions de gallons d’eau de mer dessalée par jour. Tetra Tech a relevé le défi d’achever le premier module de conception et d’avoir obtenu les permis et les approbations de construction trois mois après avoir reçu l’ordre de commencement des travaux. La canalisation passera par Carlsbad, Vista et San Marcos pour relier l’installation de dessalement d’eau de mer à la canalisation régionale d’alimentation en eau desservant le comté. C’est la construction de la première section de la canalisation à San Marcos qui se raccordera à l’installation de dessalement à Karlovy Vary. L’usine devrait produire de 48 à 54 millions de gallons d’eau potable par jour depuis l’océan Pacifique, selon les dires de Tetra Tech.

Le dessalement de l’eau (également appelé dessalage ou désalinisation) est un processus qui permet d’obtenir de l’eau douce (potable ou, plus rarement en raison du coût, utilisable pour l’irrigation) à partir d’une eau saumâtre ou salée (eau de mer notamment). En dépit du nom, il s’agit rarement de retirer les sels de l’eau, mais plutôt, à l’inverse, d’extraire de l’eau douce! Car généralement il est plus simple et économique de rechercher des sources d’eau douce à traiter (eaux de surface, telles lac et rivière, ou souterraines), que de dessaler l’eau de mer. Il est souvent rentable aussi de combiner la production d’eau douce avec une autre activité (production d’énergie : la vapeur disponible à la sortie des turbines est réutilisable dans une station de dessalement dite thermique ou fonctionnant sur le principe de l’évaporation).

L’eau de mer est salée à peu près à 35 g.l-1 en général. Dans des régions comme le Golfe Persique, la salinité atteint 42 g.l-1. Pour séparer le sel, il faut, d’un point de vue purement théorique et sans perte d’énergie (dessalement isentropique), environ 563 Wh.m-31.

La ville de Cambria, de son côté, a mis en service une usine de dessalement plus modeste, en utilisant les eaux saumâtres, moins chargées en sel que l’eau de mer et plus simples à traiter. Une alternative que regardent nombre d’autres municipalités de l’État éloignées de la côte, car elle ne nécessite pas d’eau de mer et revient moins cher à exploiter.

LA QUÉBÉCOISE H2O INNOVATION EST AUSSI À CARLSBAD

Une entreprise basée à Québec participe d’ailleurs depuis des années à la lutte contre la pénurie d’eau en Californie, et précisément à Carlsbad.

« Situé près de notre usine de Vista, en plein cœur d’une région durement touchée par une sécheresse historique, l’obtention de ce contrat (…) démontre, encore une fois, nos connaissances et notre capacité à apporter une valeur ajoutée essentielle à une équipe de type « design-build » auprès de la ville de Carlsbad », mentionnait par communiqué du 31 août 2015 le pdg d’H2O InnovationFrédéric Dugré, fier de son rôle pour la conception, la fabrication, la livraison et la mise en service d’un système de recyclage d’eau.

Ce nouveau système d’ultrafiltration (UF) d’une capacité de 11 356 m3/j (3 MGD) traitera les effluents du système de traitement d’eaux usées de l’usine Encina Water Pollution Control Facility. L’eau produite sera ensuite utilisée pour des applications où de l’eau non-potable est utilisée, telles que l’irrigation et certaines applications industrielles. Ce projet de type « design-build » sera la troisième expansion du système de traitement d’eau de la Carlsbad Water Recycling Facility et bénéficie d’une aide financière de l’État de la Californie.

Pour la conception, la fabrication, la livraison et la mise en service de systèmes de traitement d’eau potable, The Sweetwater Authority située également dans le sud de la Californie, près de San Diego, a aussi choisi H2O Innovation pour l’expansion de son usine de dessalement qui avait d’ailleurs été conçue par la H2O en 2000. Le système en place produit actuellement 15 141m3/j (4 MGD) d’eau potable et son débit de production sera augmenté à 18 927 m3/j (5 MGD) par l’ajout de trois trains d’osmose inverse (RO) qui traiteront de l’eau saumâtre. Cette expansion du système bénéficiera aux villes de Bonita, Chula Vista et National City.

Encore des pas dans la bonne direction. Mais si rien de change significativement, tous les experts le craignent avec angoisse, d’ici un an, le plus peuplé des États des États-Unis criera : « J’ai soif ! »
www.h2oinnovation.com

Quand la Suisse forme et inspire un Québécois

PBélanger2015

Quatre années à compléter un doctorat au Laboratoire de recherche en Management et économie de l’environnement construit et naturel (REME), devenu à sa suggestion le Laboratoire d’économie urbaine et de l’environnement (LEURE) de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, il y a de quoi retirer des observations dignes à partage. C’est à cet exercice que nous avons convié Philippe Bélanger. Il a accepté avec plaisir et le résultat est pour vous.

Quelles furent donc les plus belles découvertes du doctorant durant ces quatre années passées à Lausanne?

LES FORCES DE LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE

Spontanément, il lance avoir beaucoup aimé la manière dont le gouvernement utilise les universités pour y faire faire de la recherche : « En Suisse, au lieu de financer des centres de recherche publics, le gouvernement finance la recherche universitaire, qui a d’autant plus l’avantage d’être indépendante (…) De toutes manières, comme pour le secteur bancaire, on y retrouve une grosse culture du secret, mais aussi de collaboration et avec un sens de l’éthique très fort (…) Les moyens des professeurs sont incomparables avec ici, au Québec », termine-t-il sur ce point, en précisant qu’il faisait partie d’une équipe de neuf étudiants doctorants attachés au même professeur.

Et ce lien fort État-Recherche universitaire s’applique aussi au secteur privé.

« Je n’avais qu’un pas à faire pour me retrouver au Quartier de l’innovation (…) La vitesse avec laquelle une idée peut y devenir une Strart-up et ensuite une entreprise réussie est surprenante ». Le campus de l’EPFL compte sur un Quartier de l’innovation, avec des noms tels Nestlé, Crédit Suisse et Logitech bien en évidence sur les centres de recherche privés installés là avec un bail de 75 ans et les chercheurs de la compagnie qui accueillent et emploient des étudiants sur les lieux même de leur campus universitaire pour des projets de recherche propres ou en collaboration avec l’EPFL.

« Les trois derniers bâtiments du campus ont d’ailleurs été des réalisations du privé, avec des droits emphytéotiques de 100 ans. Ici, l’université a compris qu’elle ne gagne rien à gérer de l’immobilier. Elle confie ça au privé, tout en gardant ses droits de propriété à long terme sur les terrains. »

« Les barrages hydroélectriques du pays sont sur le même principe. C’est ainsi que dans les dix prochaines années, j’ai observé qu’il y a des cantons en Suisse qui récupéreront la propriété de ces infrastructures, devenant milliardaires en valeur. Le canton du Valais est le meilleur exemple ici, les barrages de la vallée du Rhône seront propriété du canton alors que les barrages sur les affluents dans les vallées seront propriété des communes[1] (…) J’ai vu là de quoi revoir nos pratiques de PPP (partenariat public privé) au Québec. »

UNE SUISSE INSPIRANTE

Les trains ne sont pas juste à l’heure au pays de l’horlogerie. On se déplace en train de partout de par un réseau parsemé de nombreux carrefours – hub – pour le transport des personnes. « J’ai constaté que le premier poste budgétaire des dépenses de l’État en Suisse c’est le transport en commun! (…) Vivement l’électrification des transports au Québec. »[2]

Du transport au bâti, il faut penser en terme de multifonctionalité à l’avenir : « Le concept d’édifice à bureaux c’est fini (…) Comme Cominar l’a très bien compris au Québec ». Il rêve donc de voir la tour de 65 étages du Phare, qui s’élèvera prochainement à Québec, permettre de constituer un véritable hub de transport en commun.

Ensuite Québec, qui se dit « ville intelligente », pourra s’inspirer de Genève, une des rares villes au monde, sinon la seule, à disposer d’un système de relevés géologiques 3D. « Ça permet des choses impressionnante en matière de planification ».

ASSURANCE LOYER

En Suisse, la règle du dépôt de garantie de trois mois est de rigueur pour les locataires de logement. En contrepartie, y existe le système de l’assurance loyer. Les locataires qui ne peuvent ou ne veulent pas immobiliser trois mois de loyer à la signature du bail peuvent souscrire à une assurance loyer qui prendra le dépôt en charge, exemple avec SwissCaution. « Ce système a un autre avantage : l’argent est gelé dans un compte en fidéicomi et il faut l’aval et du locataire et du propriétaire pour le remettre à qui de droit à la fin du bail. Si des dégâts sont observés et que le logement nécessite des réparations, le propriétaire trouve là les fonds pour aviser; si tout est en règle la somme est reversée du côté du locataire déposant. Ça assure aussi la bonne qualité du lieu en tout temps », explique Philippe Bélanger, qui n’a pas vu sa facture de loyer augmenter d’un seul franc en quatre ans de location.

On peut également y voir une alternative au recours à la justice et aux interminables procédures des petites créances pour régler les litiges du genre, ici, au Québec surtout les problèmes d’insolvabilité des locataires.

« En Suisse, il existe également un registre des poursuites dont le locataire doit fournir l’extrait le concernant pour obtenir une location. Les locataires ont donc intérêt à rencontrer leurs obligations et les propriétaires ont facilement accès à un outil qui certifie de la qualité du locataire. C’est cependant le locataire qui doit demander et fournir l’attestation de l’office des poursuites, puisque le propriétaire ne peut l’obtenir, confidentialité oblige. »

Le droit immobilier est fondamental et très présent en Suisse, car 70% des appartements locatifs y sont des propriétés individuelles. Sorte de preuve que l’on peut trouver là une belle manière de permettre à une population de s’enrichir.

RETOUR SUR L’HYPOTHÈQUE 25 OU 30 ANS

Philippe Bélanger ne comprend d’ailleurs pas l’évident mauvais choix, selon sa perspective, fait à Ottawa pour la lutte à l’endettement des ménages : « En plafonnant la durée des hypothèques à 25 ans maximum, le ministre Flaherthy a restreint ce qui constituait la seule dette qui aide les familles à s’enrichir (…) toutes les études le confirme (…) Ils auraient dû agir du côté des cartes de crédits, là où le problème est bien pire », analyse-t-il.

Avec toujours l’exemple de la Suisse en tête, pays où l’endettement hypothécaire est le plus important (140% du PIB) d’Europe, mais aussi où les ménages épargnent le plus (17,5% de leur revenu brut) et avec la valeur nette moyenne des ménages la plus élevée à 467 000 CHF.

Par l’application de cette mesure du gouvernement fédérale canadien, le simple jeu de l’offre et de la demande aura ralenti le marché dans le Canada tout entier et c’est bien ce que l’on observe encore : « Les gens les plus à risque ont été contraints à se limiter dans leur projet d’acquisition, diminuant d’autant la demande de financement. La différence sera qu’une famille payera par exemple 4, au lieu de 3 fois, les frais de rachats d’une nouvelle maison avant d’arriver à l’acquisition rêvée, parce que dorénavant elle doit rallonger les étapes ».

« L’immobilier reste une des façons les plus sûres de s’enrichir, la rareté des terrains pousse continuellement la valeur avec une pression vers la hausse plus rapide que l’inflation. En Suisse, c’est complexe, mais il y a la possibilité d’une durée infinie de l’hypothèque. »

Et si ça ne fonctionnait pas, il y a longtemps que le peuple aurait fait changer les choses, avec le droit aux initiatives populaires très inscrit dans la culture démocratique de la Suisse: « Des référendums partout, j’ai adoré ça! »

« J’ai aimé aussi observer qu’en Suisse les conventions collectives n’existent pas par entreprise, mais par secteur. Et avec des échelons salariaux avec marges, donnant la souplesse nécessaire pour que les entreprises offrent des encouragements. La participation au syndicat n’y est par ailleurs pas obligatoire, pas de formule Rand. »

« Et l’éducation est gratuite du début à la fin. Même que comme doctorant j’étais payé et on recevait des allocations mensuelles de 325 CHF par enfant. Ce système fait partie des conditions de travail de base en Suisse. »

Sa conjointe trouvera par ailleurs du travail comme infirmière aussitôt arrivée en Suisse. « Ils voulaient qu’elle rentre travailler le lendemain! »

À force de comparer, il a conclu que le Québec avait encore tout à s’inspirer de la Suisse: « Je n’ai pas trouvé rien de mieux ici. Le Québec devrait être comme la Suisse, surtout que nous disposons de bien plus de ressources qu’eux. »

Il gardera heureusement un lien prometteur avec la Suisse, devant y retourner en avril prochain pour y redonner sa part d’un cours concentré sur une semaine portant sur l’intégration de l’architecture et des énergies renouvelable dans un paysage alpin[3].

Dorénavant, l’Université Laval compte cependant sur un nouveau jeune professeur en immobilier du développement durable qui apporte sa brique à rebâtir le département. M. Bélanger signe Assistant professor, Finance, Insurance and Real Estate Department, à la Faculté des Sciences de l’administration.

Philippe Bélanger a certes été déçu de constater l’impossibilité de trouver les statistiques historiques de taux d’intérêts hypothécaires réels au Canada. « Je souhaitais faire porter une bonne partie de ma thèse de doctorat sur ce sujet, mais ces données historiques n’existant vraisemblablement pas, j’ai dû me contenter d’appliquer mon approche à la Suisse seulement. » Il apporte donc les fruits de sa thèse titrant: « Energy Efficiency Valuation and Mortgage’s Implicit Insurance » dirigée par Philippe Thalmann.

Le professeur Francois Desrosiers, qui enseigne l’immobilier depuis des années et qui l’a aidé à trouver son directeur de thèse en Suisse, a maintenant de la relève au point que ses jeunes collègues l’entendent parler de moins en moins de prendre sa propre retraite. (Pendant la même période, l’Université Laval a aussi engagé un autre jeune professeur prometteur dans ce domaine).

Que du bon pour l’Université Laval et le Québec.

[1] letemps.ch/Page/Le_Valais_doit_barrages

[2] dievolkswirtschaft.ch/2009/05/10F_Schwaar.pdf

[3] edu.epfl.ch/renewable-energy-and-solar-architecture-in-davos

 

Sauriez-vous nommer les cinq « Lions d’Afrique »?

En les comparant aux « Quatre dragons » d’Asie, l’universitaire congolais Emmanuel Okamba présente les actuels cinq « Lions d’Afrique »: Afrique du Sud, Nigeria, Ghana, Kenya et Égypte.

La comparaison n’est pas banale parce que la Corée du Sud, Taïwan, Singapour et Hong Kong sont considérés depuis les années 1990 comme des pays développés à part entière. Et c’est à leur image qu’il parle des cinq lions africains, parce qu’ils sont des pays bien intégrés dans la mondialisation avec des performances économiques semblables aux premières années des dits dragons asiatiques. Reste à constater que l’avenir leur réserve les mêmes accomplissements.

ORIGINE DU CONCEPT DE PAYS «ÉMERGENT»

La première liste des pays émergents fut élaborée en 2005 par Goldman Sachs qui forgea ainsi l’expression « BRIC ». À la suite de ce quatuor Brésil-Russie-Inde-Chine, elle ajouta aussi onze « grandes économies en développement » : Bangladesh, Égypte, Hongrie, Iran, Mexique, Nigeria, Pakistan, Philippines, Thaïlande, Turquie et Afrique du Sud.

On remarque qu’en 2005 figuraient déjà 3 de nos « lions africains ».

L’avenir plus immédiat du continent africain n’est cependant pas encore de figurer au sommet avec les leaders. Créé en 2010 par Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (BBVA), le label EAGLES : « Emerging and Growth Leading Economies » désigne les pays dont la contribution à la croissance économique mondiale dans dix ans sera en moyenne supérieure à celle des plus grandes nations industrialisées. Et l’Afrique y est absente : Brésil, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Mexique, Russie, Taïwan et Turquie.