Accès Washington-Québec-Toronto et avenir de
VIA-Rail |
Dans la tête
du maire de Québec, Jean-Paul
L'Allier, l'avion ne permettra jamais de corriger la situation géographique
quelque peu ex-centrée de la région économique de Québec par rapport
au reste de l'Amérique du Nord. Mais le train, oui! Et avec la
privatisation - même partielle - de Via
Rail dans l'air, un nouveau scénario devient possible. Lorsqu'on réalise que le corridor Washington-New York-Boston sera bientôt desservi par un train à haute vitesse (THV) - le consortium Bombardier-Alstom commencera à livrer à Amtrak les rames et les locomotives dans quelques mois - on se prendrait même à rêver. La ville de Québec aurait-elle comme destin de devenir le point central du croissant ferroviaire rapide Washington-Québec-Toronto?
La
technologie retenue par Amtrak pour moderniser son service n'est pas celle
du TGV, très répandue en Europe. Il s'agit plutôt d'un train à haute
vitesse (THV) sensiblement moins dispendieux. L'Acela
Express, c'est son nom, s'adapte facilement et peut être exploité
sur n'importe quel système ferroviaire au monde et peut atteindre la
vitesse de 240 km/h. Ce nouveau service, qui débutera quelque part en
l'an 2000, est au centre de la nouvelle stratégie de la compagnie américaine,
qui veut rentabiliser ses opérations pour se libérer des subventions
publiques. Tableau 1 TROIS OPTIONS POSSIBLES POUR AMÉLIORER LE CORRIDOR DE
VIA RAIL ENTRE QUÉBEC ET TORONTO
Tableau 2 DONNÉES TECHNIQUES DU ACELA EXPRESS
(Sources: Bombardier Transport, Saint-Bruno, Canada, 1999)
À l'heure où les compagnies aériennes des États-Unis rusent maintenant ouvertement pour mettre la main sur le contrôle des lignes aériennes du Canada, il est facile de prévoir que le même processus pourrait s'opérer à moyen terme pour le marché ferroviaire en Amérique du Nord. Via Rail n'est pas tout à fait à vendre. Mais de récentes interventions publiques du ministre fédéral responsable des transports et de Via Rail ouvrent certainement la porte à une prise de contrôle du genre. LE MINISTRE COLLENETTE MET LA TABLE Les dernières
annonces du ministre des Transports
du Canada, David Collenette,
n'entrent aucunement en contradiction avec un tel scénario. Début juin,
il expliquait son intention de revitaliser Via Rail en confirmant qu'il
s'engageait à maintenir la subvention fédéral de 170 millions $ par année.
En affirmant que tout investissement dans l'expansion du rail passager au
Canada devra venir du secteur privé, il a invité les entreprises à lui
envoyer leurs proposition pendant l'été. Il a surtout annoncé qu'il prévoyait
rendre public un énoncé de principe à l'automne de 1999. Les événements
des prochains mois risquent donc d'élargir le débat et d'être riches en
rebondissement! Après la
privatisation du CN, de
l'administration de la Voie
maritime, des aéroports et des ports du pays, plusieurs analystes
pensent que la table est mise pour la cession en concession de Via Rail à
un gestionnaire privé. Le ministre a déjà écarté toute privatisation
totale de cette société de la Couronne. "Le train-voyageur doit être
assisté par le gouvernement", croit-il. Mais il est raisonnable de
penser qu'au moins quelques unes des 40 entreprises mondiales déjà
consultées par Transport Canada
ont déjà mis le ministre en confiance et qu'elles ne tarderont pas à
faire connaître leur intentions. L'heure des grands choix sonnerait-elle
bientôt pour l'avenir de l'industrie du train de passager au Canada? Toronto - la troisième plus grosse "province" du Canada - est encore à au moins une bonne dizaines d'heures de train de Québec et à près de trois heures d'avion, en comptant les temps de transports aéroports/centre-ville. Le projet TGV du consortium Linx impliquant Bombardier avance depuis plusieurs années qu'il relierait Québec-Toronto d'un centre-ville à l'autre en un peu plus de trois heures. Pour le trajet Québec-Montréal, on parle de seulement 1 heure 11 minutes! De quoi chambouller largement l'industrie des autobus interurbains et des compagnies aériennes. Mais le dossier est très complexe, particulièrement du côté de ses aspects financiers. LE DÉFI DU FINANCEMENT Qui doit
financer? Au siècle dernier, au Canada, on a presque fait un pays avec la
construction du chemin de fer d'un océan à l'autre. Les gouvernements
ont alors été très largement mis à contribution. Mais les temps ont
changés. Aujourd'hui, il existe des multinationales qui ont les reins drôlement
plus solides qu'à cette époque du charbon et du train à vapeur. Un seul
exemple: Bombardier Transport annonçait récemment qu'elle est prête à
financer, avec trois autres compagnies, un projet de plusieurs milliards
$, pour rénover deux lignes du métro de Londres, en échange d'une
concession d'exploitation de 25 à 30 ans!
Un train rapide Washington-Québec-Toronto serait-il la solution? Les considérations
environnementales étant ce qu'elles sont maintemnant, il n'est par
ailleurs pas impensable d'imaginer que la participation publique, dans un
montage financier mixte, se finance à partir d'une taxe spéciale sur
l'essence, par exemple. L'évolution actuelle de la situation générale
du bilan de santé de l'environnement mondiale fait même automatiquement
pencher la balance un peu plus dans le sens de choix collectifs du genre,
année après année. Taxer l'essence Finalement, le financement d'un train rapide Québec-Toronto prend une toute autre signification, dès lors qu'il est partie prenante d'une entreprise, opérant tout le croissant ferroviaire reliant l'ensemble des villes importantes ceinturant le nord-est du continent américain, de Washington à Toronto. Avec 100 millions de clients potentiels, on fait des choses qu'on n'imagine même pas avec 10 millions de clients potentiels! |