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Réchauffement planétaire
Un peu d'histoire et perspectives en R&D

par Richard Legault
consultant en politiques et gestion environnementales
legaulthuot@acica.com

 

LES DESSOUS DES RAPPORTS DE L'ONU

Il y a près de 10 ans maintenant, 49 scientifiques ayant remporté le Prix Nobel ont lancé au président Bush un appel en faveur d'une restriction des émissions de gaz à effet de serre (GES), affirmant que « le réchauffement planétaire se révèle la menace environnementale la plus grave du XXI ième siècle...Le seul moyen de ne pas mettre en danger les générations futures est d'agir maintenant». W. Booth, Washington Post, 2 février 1990. En mai 1990, le Groupe intergouvernemental d'experts pour l'étude du changement climatique(IPCC), formé sous l'égide des Nations Unies, a déclaré: «Nous avons la certitude, affirmaient ces quelque 300 scientifiques issus de plus de 20 pays différents, que les émissions dues aux activités humaines accroissent sensiblement la concentration de GES dans l'atmosphère...Cette augmentation renforcera l'effet de serre, intensifiant le réchauffement général de la surface terrestre. Et nous serons confrontés à des températures que l'homme, depuis qu'il arpente la planète, n'a jamais connues» (Rapport de l'IPCC du premier groupe de travail).

Les prévisions et avertissements sérieux des climatologues de l'IPCC ont été dilués dans les rapports des deux autres commissions mises sur pied par l'ONU, en particulier celle sur les mesures politiques. Les scientifiques avançaient que, pour stabiliser à son niveau actuel la concentration de dioxyde de carbone dans l'atmosphère, il devenait impératif de réduire d'au moins 60% les émissions globales de ce gaz. Lors du dépôt du rapport, en mai 1990, ces recommandations avaient été négligées par les responsables politiques du troisième groupe de travail se contentant d'évoquer une «possible évolution climatique» (Rapport de l'IPCC du troisième groupe de travail: synthèse destinées aux responsables politiques sur les stratégies de parade (juin 1990).

Bref, même si les responsables politiques avaient pris connaissance des avis scientifiques des climatologues du monde entier, malgré l'inquiétude grandissante du public à l'époque (cf. journaux, sondages et médias), on a préféré se mettre la tête dans le sable, car les enjeux économiques étaient trop importants. Quand on sait que le monde dépensait annuellement en 1990 1000 milliards $ pour le charbon, le pétrole et le gaz naturel et 1000 autres milliards en armement (B.Bolin, février 1990), il faut croire que les pressions des groupes d'intérêt étaient trop fortes pour créer un véritable réenlignement des politiques énergétiques, de transport des grands pays industrialisés.

D'ailleurs, à ce sujet, le rapport de Greenpeace (1) est éloquent..«Si l'on considère que le prix du kWhh baisse fortement pour beaucoup de sources d'énergie renouvelable, on conçoit qu'il existe désormais de nombreux moyens d'engendrer à l'avenir des besoins énergétiques qui n'impliquent pas le recours aux combustibles fossiles et ne présentent pas de risque du point de vue de l'effet de serre.» (p21). Qui plus est, «les dirigeants de ce monde nous rabattent les oreilles avec la nécessité d'une prise en charge, tandis qu'ils sabrent allègrement dans les budgets consacrés aux économies d'énergie..» (p.23).

Depuis 1990, près de dix années se sont écoulées. Et les doutes que certains scientifiques pouvaient alors avoir sur le réchauffement planétaire, se sont pratiquement évanouis. Il est maintenant indéniable qu'il existe une corrélation positive entre les teneurs en C02 de l'atmosphère et les estimations des températures moyennes de notre planète. En 100 ans, les teneurs en C02 dans l'atmosphère ont augmenté de 30%. Parallèlement, la température moyenne de la planète a augmenté de 0.3 à 0,6  degré C. La grande majorité des scientifiques affirment à présent qu'il y a plusieurs indices concordants de changements climatiques à l'échelle du globe.

Figure 1- Variations des températures de la planète depuis 1861 (Environnement Canada, 1993)

Rien nous servirait de palabrer encore des dizaines d'années sur la contribution anthropique à la hausse de C02, car pendant ce temps-là , la situation s'empire car des mesures concrètes ne sont pas appliquées pour stopper ou ralentir l'effet de serre.  Selon André Couture du ministère de l'environnement du Québec, «la question n'est plus tellement de savoir s'il y aura des changements climatiques, mais quelle en sera l'ampleur, à quoi nous devrons nous adapter et comment nous pouvons en atténuer la progression. (2)

« Pourtant, le poids des preuves corroborant
les modèles théoriques d'un réchauffement du globe associé à l'accumulation de gaz à effet de serre est convaincant.
En l'absence de certitude absolue, il est prudent d'appliquer le principe de précaution. » (Suzuki, 1999).

En fait, les dix dernières années ont été les plus chaudes du siècle et 1997-1998 ont été les deux années les plus chaudes en 119 ans, soit depuis que les mesures fiables de température existent. Au cours des cinq dernières années, les glaciers du Groënland ont fondu de 10 mètres  en épaisseur en certains endroits. Le niveau des océans s'est élevé de 6 à 15 cm en 100 ans.

Il existe de nombreuses études sur les impacts d'une hausse rapide des températures du globe. Les régions côtières où vivent près de la moitié de la population mondiale seraient dévastées, inondées. Les pays en voie de développement seraient les premiers touchés, en particulier en ce qui concerne la ressource en eau et la productivité agricole. En Amérique du nord, le niveau des Grands Lacs pourrait baisser de 1,5 mètres et le volume d'eau sortant du Saint-Laurent pourrait être réduit de 20%. De fait, on peut imaginer pire scénario car déjà cette année, en mai, Environnement Canada constatait que le débit du fleuve à la sortie du lac Saint-Louis était amputé d'un tiers comparé aux données de 1998. Il faudrait aussi parler des conséquences négatives sur la forêt, les loisirs, le tourisme, la santé, la pollution de l'air et l'ensemble des écosystèmes qui n'auront pas le temps de s'adapter à de si brusques élévations de température.

Question scénario et prédictions, la plupart des études à ce jour font des projections à court terme, soit sur 30, 50 ou 100 ans(à l'échelle planétaire et même humaine, c'est du court terme !).  Avec des prévisions des hausses de températures de 1 à 3,5 C sur une si courte période, (a) tant les évaluations des dommages globaux que les estimations  des avantages économiques des statégies de parade* n'amènent pas encore d'arguments assez puissants pour convaincre les décideurs d'agir promptement. Plus drastiquement, disons que les études bénéfices-coûts de certains économistes sur une courte période ne démontrent pas d'avantages économiques immédiats à réellement investir pour réduire ou maintenir l'effet de serre.

Par contre, si on se place dans un horizon de 250 ans,(oui, je sais, on sera tous morts !), les prévisions des impacts d'un réchauffement prolongé de 10 C sont catastrophiques-je dirais apocalyptiques- et là, les coûts deviennent tellement astronomiques-une part importante du PIB des pays- qu'il devient évident qu'il faut investir maintenant des sommes importantes pour éviter une telle éventualité qui coûterait des milliers de milliards de dollars$ (Voir à ce sujet l'étude de William Cline).

(a) Rappellons que de telles hausses se sont déjà produites mais sur une période de 10,000 ans !
* les stratégies de parade sont les statégies préventives à appliquer pour éviter ou atténuer l'effet de serre et ses conséquences

RAPPEL DES GRANDS ÉVÈNEMENTS DEPUIS 1990

La Conférence de Rio est venue sonner l'alarme sur ce problème mondial et bien d'autres défis environnementaux et sociaux La Convention-cadre de Rio, adoptée par 155 pays en 1992, s'était donnée un objectif intérimaire de stabiliser les émissions en l'an 2000 à leur niveau de 1990. Le Canada et le Québec y ont adhéré.

Par la suite, les pays industrialisés constatant qu'ils n'arrivaient pas à maintenir les GES au niveau de 1990, se sont donnés, en décembre 1997, des objectifs intérimaires de réduction des GES, d'une moyenne de 5,2% pour la période 2008-2012 (soit de 6% pour le Canada).  C'est le Protocole de Kyoto.

Le Québec a été le premier au Canada à endosser ces objectifs et se doter d'un Plan d'action. Il a créé un programme d'entregistrement des mesures volontaires ÉcoGeESte, lequel a suscité jusqu'à présent l'adhésion de 140 organismes et fait état de réduction de 7,000 tonnes d'équivalent C02 pour la période 1990-1998. En outre, directement sous le Conseil des ministres, le gouvernement a mis sur pied le Comité interministériel sur les changements climatiques, lequel préside l'ensemble des groupes de travail sectoriels formés de représentants des ministères concernés, d'industries, d'institutions et d'organismes environnementaux.

Rappellons enfin qu'en novembre 1998, la Conférence des Parties à Buenos Aires a permis de constater l'adhésion des États-Unis au protocole de Kyoto, et d'engager les parties à une décision finale sur les mécanismes de contrôle d'ici l'an 2000.

CONTRIBUTIONS DES SOUS-SECTEURS INDUSTRIELS ET PISTES DE RECHERCHE

Les données suivantes indiquent en pourcentage(et en tonnes) la contribution de chacun des sous-secteurs industriels en termes de gaz à effet de serre (en équivalent C02). Les usines de pâtes et papier avec 24,5%(6,88 millions de tonnes) et les alumineries avec 19,9% ( 5,58 millions de tonnes) arrivent en tête de liste. Suivent, les raffineries de pétrole avec 8,9% (2,53 millions), la sidérurgie avec 6,7% (1,89 milions), les usines de bouletage de minerai de fer avec 4,1% (1,15 millions), les cimenterie avec 3,5% (1 million), les scieries avec 3,2% (913,000 tonnes), l'industrie chimique inorganique et l'industrie pétrochimique (à parts égales avec 3,1%, soit environ 875,000 tonnes) ainsi que les usines de panneaux de bois avec 2,4% (soit 690,000 tonnes d'équivalent C02). ( Plamondon, 1999)

Pour en arriver à réduire les 28 millions de tonnes d'équivalent C02 émis par les industries dans l'atmosphère québécois, il faudra accélérer la recherche et le développement de nouvelles technologies, particulièrement dans le secteur de l'efficacité énergétique. On sait que depuis deux siècles, la demande mondiale d'énergie croît à un taux annuel d'environ 2% par année et que cette demande continuera de s'accroître du moins jusqu'en 2050 (GIEC,1996).

Ici, il faut distinguer le potentiel d'amélioration du rendement énergétique des pays industrialisés qui est très important-évalué à 25% par le GIEC- de celui des pays en voie de développement dont les GES vont augmenter essentiellement grâce à la croissance industrielle.  «Les techniques et les mesures visant à réduire les émissions... comprennent l'amélioration du rendement(..), le recyclage des matériaux, leur remplacement par d'autres émettant moins de GES et la mise au point de processus consommant moins d'énergie et de matières premières».(GIEC, p37).

«Par exemple, des estimations récentes pour les États-Unis ont montré que les potentiels d'économies d'énergie étaient de 45% dans le bâtiment, 30% dans l'industrie et 30% dans l'automobile»...Les gains en efficacité énergétique peuvent être particulièrment prometteurs dans les secteurs suivants: la production d'énergie, les transports, la production d'acier et de ciment et le secteur résidentiel». (GIEC, p. 248). Au Canada et au Québec, la situation serait similaire.. De quoi occuper la Régie de l'Énergie, la Direction de l'efficacité énergétique du MRN et Hydro-Québec pour plusieurs années !

Le GIEC a évalué globalement les stratégies d'intervention pour atténuer les émissions de C02. En plus de l'efficacité énergétique, il faut voir à évaluer le potentiel technique du passage à des combustibles à moindre teneur en carbone, les technologies faisant appel à des sources d'énergie renouvelables (énergies solaire, hydroélectrique, éolienne, biomasse traditionnelle et moderne, énergie thermique des mers, par exemple, et même nucléaire).

En foresterie, plusieurs mesures tels l'arrêt ou le ralentissement du déboisement et l'accélération du reboisement grâce à des programmes d'accroissement de la productivité sylvicole et de gestion écologiquement viable peuvent être des solutions rentables pour ralentir l'accumulation de C02 dans l'atmosphère. Quand on pense aux pays en voie de développement, «il existe également un grand nombre de techniques et de pratiques permettant de réduire les émissions de méthane provenant de sources telles que le réseau de distribution du gaz naturel, les mines de charbon, les décharges et les exploitations agricoles.» (Environnement Canada, 1999, p. 1X)

Les mesures envisageables pour réduire les émissions dues aux processus industriels et aux activités humaines comprennent la modification des processus de production, l'élimination des solvants, le remplacement des matières premières et la substitution de matériaux, une intensification du recyclage et une réduction de la consommation d'éléments impliquant le rejet d'une grande quantité de gaz à effet de serre. Ajoutons la récupération de l'exploitation du méthane produit par les décharges et les stations d'épuration des eaux usées, la réduction du taux de fuite des réfrigérants halocarbonés».(GIEC, p38)

LES OPPORTUNITÉS EN ACTIVITÉS DE R&D AU QUÉBEC

Selon le Plan d'action québécois de mise en oeuvre de la Convention-Cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques, la nécessité de posséder des données fiables et précises qui permettront de «valider l'évolution anticipée des conditions climatiques»  est primordiale pour bien préciser les actions à prendre face aux changements climatiques.

Des recherches sur le climat (inventaire, simulation, effets sur les écosystèmes, la biodiversité, effets des polluants atmosphériques), dans le domaine agricole (sur les plantes, les animaux, l'hydrographie, recherche sur les puits de C02) devront être accomplies. Dans le domaine de l'énergie, «les progrès reposent à moyen et long terme sur l'innovation technologique (consommation, amélioration des procédés, valorisation énergétique des ressources), l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables, les carburants alternatifs, les électrotechnologies, gazotechnologies».(Groupe de travail.., 1996)

Le secteur des transports doit être ciblé en priorité, pas seulement par la création et la mise en place de nouveaux systèmes de gestion -pour assurer plus de fluidité à la circulation par exemple, mais également pour mieux contrôler les émissions de polluants atmosphériques, en commençant par celles des véhicules hors norme, qui sont nombreux (un quart des véhicules légers et la moitié des véhicules lourds au Québec, selon l'AQLPA, 1999). Il y a donc là tout un travail d'éducation appuyé par des mesures réglementaires et des incitatifs financiers à mettre en application.

Le Comité national de coordination des problèmes atmosphériques, a proposé des mesures semblables sous forme de gains d'efficacité énergétique dans la production, les services publics et les énergies renouvelables (cf. Comité..., août 1995). Les mesures d'atténuation doivent toucher, en sus du transport et de l'industrie, les secteurs résidentiels et commercial ainsi que l'agriculture et la foresterie. Et, selon ce comité, après les mesures d'atténuation, c'est l'amélioration des connaissances scientifiques des changements climatiques qui est le deuxième élément clé du Programme d'action national du Canada. En bref, il s'agit d'améliorer les réseaux de recherche, d'améliorer l'évaluation et la coordination de nos observations scientifiques, d'affiner nos outils analytiques et statistiques et de mettre au point des outils d'évaluation des options qui s'offrent pour réduire les risques.

Dans ces divers domaines, il existe divers programmes de recherche provenant du gouvernement, des universités et de partenariats entre les secteurs publics et privés. L'on constate qu'il y a beaucoup à faire et que les divers paliers gouvernementaux sont ouverts à des propositions de la Communauté scientifique, à des projets de partenariats et surtout à l'implication des secteurs industriel et des transports pour que les responsabilités soient partagées et les actions prises pour contrer l'effet de serre. D'ailleurs le gouvernement du Québec a créé en 1996  ÉcoGESte, un programme d'enregistrement de mesures volontaires qui a donné des résultats intéressants.

(1)  (voir aussi l'article de madame Roberte Robert en page.xxx.)

Reste à cibler et mieux expliciter les enjeux touchant plus particulièrement le secteur industriel québécois. C'est entre autres ce que madame Denyse Gouin a  fait ressortir au colloque d'Americana: quels sont les besoins spécifiques des industries québécoises en mesures d'adaptation ? comment faire reconnaître la plus-value des produits fabriqués à partir de l'hydroélectricité ? Comment s'assurer de l'expansion de notre secteur industriel (qui ont de plus grandes possibilités de réduction des GES que les industries concurrentes d'autres provinces)? Les occasions d'affaires peuvent toucher, par exemple l'augmentation du contenu en aluminium des automobiles, le développement de technologies moins énergivores, le développement de l'énergie éolienne, le Québec détenant de 60 à 80% du potentiel éolien canadien.(Gouin, 1999)

1) (note de bas de page(1): Rappelons que les ministères des ressources naturelles et de l'environnement ont créé en 1996 ÉcoGESte, un programme d'enregistrement des mesures volontaires, lequel a suscité l'adhésion de 140 organismes. Le programme fait état de réductions de 7000 tonnes d'équivalent C02 pour la période 1990-1998)

CONCLUSION

Ce survol de la problématique et des opportunités de recherche et de développement nous amène à prendre un peu de recul par rapport à toutes ces données, ces statistiques et même ces futures technologies, quelque prometteuses qu'elles puissent sembler être. En amont de toute cette information demeure une donne fondamentale à ne pas oublier: la problématique actuelle du réchauffement planétaire résulte d'une orientation sociale et économique où le productivisme, la surconsommation et maintenant la mondialisation et l'économie de marchés orientent et dominent la gestion des ressources non renouvelables-et renouvelables- de la planète. Bref, les  sphères étroites de décisions appartiennent largement au monde économique-et très peu au politique- où la compétitivité règne sur la solidarité et le partage. Rien pour aider à résoudre cette immense problématique des gaz à effet de serre qui provient de toutes les strates d'activités anthropiques, en commençant par celles des pays les plus industrialisés et les mieux nantis.

Au Québec, même si nous pouvons nous targuer de notre bonne performance au niveau canadien et nord-américain à cause de notre grande utilisation de l'hydroélectricité, nous avons notre large part de responsabilité mondiale, faisant partie du Canada, le plus grand producteur de GES par habitant après les États-Unis.  Cette  responsabilité doit devenir solidaire des populations des pays en voie de développement qui ont très peu de moyens pour atténuer leur propres GES, d'ailleurs minimales par habitant, comparés aux nôtres. Les pays développés ont produit depuis 1800  84% du C02 industriel et 68% du C02 total de la planète. À elle seule, l'Amérique du Nord a produit depuis 1800 près d'un tiers du C02 du monde entier ! (GIEC, 1996, p.87)

Et la grande différence, c'est que ces pays produisent des GES par besoin de première nécessité (ie déboisement, chauffage pour la cuisson, production alimentaire pour récolter des devises étrangères, etc.) alors que chez nous, nous pourrions modifier notre niveau et type de consommation-liée aux modes de transport, de loisirs, de lieu de résidence ou de travail- sans cesser de combler nos besoins primordiaux et même sans perdre notre confort.

Émissions de GES par habitant, 1993, (Service de l'environnement atmosphérique canadien, 1993)

Le vrai défi du contrôle des gaz à effet de serre repose d'abord et avant tout sur une prise de conscience individuelle de notre part de responsabilité à cet égard. Cette prise de conscience doit également se faire au plan des collectivités, des organismes, des institutions, des gouvernements et des entreprises. Elle devra rapidement déboucher sur des actions, des concessions, des compromis pour réduire les GES, sinon c'est l'avenir même de la vie sur la planète que nous mettons tous en danger.

Cela signifie pour les industries, les entreprises de tout type, en commençant par celles oeuvrant dans le domaine environnemental, de modifier rapidement leur culture d'entreprise vers une culture de gestion parcimonieuse et intégrée des ressources. Un bon outil, c'est de se doter d'une politique environnementale appliquée à toutes les opérations de l'entreprise. Cela peut aller jusqu'à la certification d'ISO-14001. Les entreprises-conseils ont aussi avantage à engager du personnel conscient de cette problématique, à former leurs dirigeants et employés afin que ceux-ci puissent à leur tour sensibiliser leurs clients et partenaires et leur proposer des outils pour diminuer leur GES. Il faut aider les industries à économiser l'énergie, modifier leurs procédés, leurs produits, leurs intrants et extrants afin de produire de moins en moins de gaz à effet de serre.

Cette question éthique se pose donc crûment: a-t-on le droit de risquer de perturber irrémédiablement les climats de la planète dont les conséquences peuvent être autant énormes qu'imprévisibles ?

Les scientifiques nous disent qu'avec de petits changements de conditions initiales, on peut entraîner d'importants basculements climatiques.(Lucotte, 1999). Les augmentations actuelles des teneurs en GES dans l'atmosphère se font à un rythme plus rapide que ce que notre planète a connu au cours des dernières centaines de milliers d'années.

C'est à chacun de nous d'y voir dans notre milieu de travail, notre milieu de vie. Un changement complet de paradigme doit être fait pour réorienter les bases du développement actuel en un éco-développement. Le milieu industriel, avec celui du transport, est le premier concerné. C'est tout un défi à assumer à l'aube de l'an 2000, mais il demeure surmontable, si individuellement et collectivement, chacun prend maintenant les moyens pour y arriver. (2)

Il reste donc énormément à faire, surtout dans les pays industrialisés dont l'émissions de GES par habitant est dix fois celle de plusieurs pays en voie de développement...c'est un dossier à scruter de près-le plus crucial de tous, car il influe sur tous les écosystèmes terrestres à la fois- en particulier sur les mesures concrètes à prendre. Faites-nous part de vos commentaires.

(Note: une partie de cet article a été publié par l'auteuR dans Vecteur Environnement, vol 32, no 4, juillet 1999.)


L'effet de serre

Rappelons que l'effet de serre est un processus complexe par lequel une partie de l'énergie solaire qui est réflétée par la terre est absorbée et retenue sous forme de chaleur dans la basse atmosphère. Le C02, la vapeur d'eau et plusieurs autres gaz y contribuent, ce qui a pour effet de stabiliser la température du globe. Sans l'effet de serre, la température moyenne terrestre tomberait de + 15 à -18 degrés centigrades. Mentionnons en outre que le pourcentage des gaz à effet de serre (GES) dans l'ensemble de l'atmosphère est infinitésimal, de l'ordre de 0,00035 %, mais que leur présence suffit à réchauffer la surface de la terre.(Beauchemin, G., MEF)

L'équilibre énergétique de la terre, (Environnement Canada, 1993)

Le dioxyde de carbone ou C02 est le plus important des gaz à effet de serre produits par les humains. Les sources anthropiques de CO2 proviennent de la combustion de produits carbonés fossiles (pour le transport, le chauffage, la climatisation), du déboisement et de l'incinération des déchets. Les principaux autres gaz responsables de l'effet de serre sont le méthane, les CFC et l'oxyde nitreux.

À l'échelle de la planète, au milieu du XIXième siècle, on évalue les émissions annuelles de carbone résultant d'activités industrielles et commerciales à deux millions de tonnes. En 1990, elles étaient déjà passées à un milliard de tonnes et , en 1995, elles dépassaient les six milliards de tonnes par an (Watson et al., 1995). «Ces 6 milliards de tonnes résultant de la combustion sont responsables d'environ 22 autres milliards de tonnes de dioxyde de carbone dans l'atmosphère. ». Autrefois, les plantes, sols et océans absorbaient ce carbone, faisant office de réservoirs, et créant un équilibre, mais, «de nos jours, la production annuelle de C02 est supérieure à la capacité d'absorption des plantes et autres pièges dans lesquels est entreposés le carbone » (Suzuki, 1999).


1) Rapport Greenpeace- le réchauffement de la terre, sous la direction de Jeremy Leggett, Éd. Du Rocher, 1993,  570 p.
2) Couture, André, 1999, Les changements climatiques et le développement durable, articles in Vecteur Environnement, dossier spécial , juillet 1999.
3) Suzuki, David, 1999. À couper le souffle. Les effets de la pollution atmosphérique et des changements climatiques sur la santé. David Suzuki Foundation, 51p.
4) Cline, William R. Réchauffement de la planète: estimations des avantages des mesures visant à atténuer les conséquences, Rapport de l'OCDE sur le réchauffement planétaire, 1992



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