par Hélène Buzzetti

Henry Brunelle, président, est peu bavard sur les moyens que sa compagnie a pris pour envahir aussi rapidement le marché difficile de nos voisins du sud. "Quand on est leader et que tout le monde tente de nous copier, on ne dévoile pas ses trucs", explique-t-il. D'autant plus que le matin même de l'entrevue, il venait d'apprendre qu'un de ses compétiteurs, Plastiques JR, avait été racheté par une compagnie américaine et craignait un peu ce nouveau joueur.

Pourtant, cette mauvaise nouvelle n'a pas semblé affecter ni l'homme d'affaires de 39 ans ni le solide esprit d'équipe qui règne dans la boîte. Une camaraderie qui transparaît d'ailleurs dans les services à la clientèle et qui veut faire en sorte que les détaillants prennent plaisir à faire affaire avec Bains Ultra. "Cette attention toute spéciale aux clients vise à développer de véritables liens avec eux, si ce n'est de la complicité", explique fièrement le président.

N'entre pas qui veut!

Bains Ultra est entrée aux États-Unis à la fois par la porte de New York, de Chicago et celle de la Nouvelle-Angleterre. Après une tentative infructueuse de prospection d'agents et de détaillants menée par un "type" qu'il avait engagé, Henry Brunelle s'est rendu lui-même sur le terrain. Sa connaissance parfaite du produit, que l'autre n'avait pas, en a facilité la promotion: «J'engageais et je formais des agents qui recrutaient des distributeurs. Je revenais ensuite conclure les ventes. (...) Rien que l'an passé, j'ai effectué 60 voyages et ça, c'est juste avec Air Canada! »

Malgré tout le travail que cela représente, il n'hésite pas à recommander de se rendre soi-même sur les marchés convoités pour en prendre le pouls. Pour cette conquête des États-Unis, l'équipe Ultra s'est beaucoup préparée, question de ne pas «débarquer en cabochons»: cours d'exportation, étude du marché et des habitudes de commerce, assurance des comptes recevables par la SEE (Société pour l'Expansion des Exportations). Manifestement, il faut se battre et déployer beaucoup d'efforts pour pénétrer ce marché que le protectionnisme rend encore plus féroce et impardonnable.

Objectif: qualité supérieure

Bains Ultra se garde bien de vouloir distribuer n'importe où ses produits. «On choisit seulement les meilleurs détaillants. On n'est pas un Home Depot du bain. On veut assurer le service et la qualité. On ne deviendra jamais un manufacturier de fait-tout, n'importe quand, n'importe comment», assure Henry Brunelle.

C'est pourquoi la compagnie a changé son procédé de fabrication, en 1983, pour n'utiliser que de l'acrylique. De meilleure qualité que le gel-coat qu'il remplace et qui devenait terne après deux ou trois ans d'utilisation, l'acrylique a une durabilité d'environ 25 ans.

La compagnie a par ailleurs publié un guide pratique suggérant des concoctions d'herbes ou d'huiles essentielles pour accroître les vertus des baignoires. Un sachet de bruyère ou de géranium trempé dans l'eau d'un baigneur souffrant d'embonpoint et voilà que les principes actifs de ces plantes désagrègent les amas de gras que l'organisme élimine plus facilement; une touche d'anis vert, de tilleul ou de basilic renforce la capacité du système nerveux de faire face au stress!

 «On ne vend pas un bain, on vend un concept de relaxation, de détente et de santé », insiste le président. C'est ainsi que Bains Ultra se fait fort d'assurer son avance sur ses compétiteurs, autant par la publication de ce Guide, qu'en étant les premiers à offrir la télécommande, la programmation des séquences de massage, et surtout, ses jets d'air latéraux brevetés. Au lieu de propulser l'eau du bain à la verticale, l'eau se trouble à l'horizontal, augmentant ainsi la turbulence. Et le demi siège - une dénivellation dans le bain - permet l'ajout de jets supplémentaires dans le dos, partie du corps que les bains des concurrents, qui positionnent leurs jets dans le fond, ne peuvent pas atteindre.

Expansion en vue

Devenu actionnaire en 1978 - un an après la fondation de la compagnie - alors qu'il avait à peine 20 ans et pas encore son diplôme universitaire d'administration en poche, Henry Brunelle était déjà attiré pas les possibilités de croissance internationale de Bains Ultra. Passion qui donne désormais le ton à son leadership. Au cours des cinq prochaines années, il prévoit s'attaquer à l'Asie et à l'Europe. Bien que le souci de conservation de l'eau et l'espace restreint caractéristiques de ces régions soient deux obstacles de taille, il croit que l'américanisation de l'Asie et le soin qu'apportent habituellement les Asiatiques à leur corps faciliteront cette entrée.

L'emplacement de l'usine, à Bernières, n'a rien à voir avec ses marchés, le plus gros des affaires de Bains Ultra se faisant en Nouvelle-Angleterre et à New York. «On est établi ici parce qu'on vient d'ici, tout simplement. Mais ça demande de la planification en matière de transport, une dépense appréciable», avoue-t-il. C'est pourquoi la compagnie songe sérieusement à construire une nouvelle usine, plus près de ses marchés. "Avec la mondialisation des échanges, prévoit-il également, les gens vont devenir de plus en plus protectionnistes en se disant qu'ils sont mieux d'acheter des produits faits chez eux pour protéger les emplois. On veut leur montrer qu'on n'est pas chauvins!», conclut le grand patron de Bains Ultra. Etre en avance sur les événements, une autre marotte Ultra!