DÉCLARATION DE MONACO
1. Lors du 7ème Sommet des
Chefs d'État et de Gouvernement des pays ayant le français en
partage (Hanoï, 14-16 novembre 1997), la Francophonie a décidé de
mettre en œuvre une coopération économique spécifique, et pour
la première fois, de tenir à cet effet une Conférence des
Ministres de l'Économie et des Finances de la Francophonie.
2. Les
Ministres de l'Économie et des Finances se sont réunis, dans le
cadre de l'Organisation Internationale de la Francophonie, à Monaco
les 14 et 15 avril 1999 afin de convenir, conformément à la
Déclaration d'Hanoi, d'orientations centrées sur le développement
d'un espace de coopération économique adapté à la spécificité
de la Francophonie et à ses objectifs.
3. Les
Ministres ont choisi de placer au centre de leurs débats le thème
"Investissement et Commerce".
4. La
Francophonie s'identifie par sa diversité, notamment sur le plan
des niveaux de développement économique de ses membres qui
appartiennent à différents ensembles régionaux de coopération.
5. La
Francophonie trouve son unité dans la complémentarité de ses
membres et dans le partage d'un patrimoine de valeurs et de
conceptions, reconnaissant notamment:
l'importance de
la promotion de la diversité linguistique et culturelle face
aux défis de la mondialisation et la nécessité de prendre en
compte cet objectif dans la définition de règles
multilatérales dans le domaine du commerce et de
l'investissement;
le lien
essentiel entre le développement économique, la démocratie et
la bonne gouvernance;
la
responsabilité de l'État dans la promotion d'un modèle de
développement qui ne dissocie pas l'économique du social et sa
vocation à assurer à tous la satisfaction de leurs besoins
fondamentaux;
le rôle de
l'entreprise, particulièrement celui du secteur privé, comme
principal moteur du développement économique destiné au
service de la personne;
l'instauration
d'un cadre de coopération privilégiant l'économie et la
solidarité réelle en vue d'aider ceux de ses membres en
développement et notamment les pays les moins avancés, les
pays enclavés et les petits États insulaires, à se doter de
moyens et à créer les conditions favorables à leur
développement.
6. Sur la
base de cette approche commune, les Ministres ont procédé à un
échange de vues sur les enjeux de l'intégration régionale et sur
les nouvelles règles du jeu internationales en matière
d'investissement et de commerce dans le contexte du processus de
mondialisation de l'économie. Ils ont noté avec satisfaction la
convergence d'analyses qui, par-delà la diversité des situations
économiques, existe entre eux sur ces questions.
7. Les
Ministres considèrent que la Francophonie, forte de ses traditions
et de ses valeurs partagées, forte aussi de sa représentativité
à l'échelle mondiale, a un rôle important à jouer dans la
promotion de la prospérité parmi ses membres. Ils considèrent
comme nécessaire et urgent l'insertion de ceux-ci dans le cadre
évolutif de la réglementation du commerce et de l'investissement
au niveau international. Évoquant des questions d'actualité comme
la mise en place de l'euro, la renégociation de la Convention de
Lomé, le développement du commerce électronique, la préparation
des négociations commerciales sous l'égide de l'OMC et la
recherche d'un cadre multilatéral pour l'investissement
international, les Ministres ont entamé un échange de vues qui a
favorisé le partage de l'information, la compréhension réciproque
et la concertation multilatérale.
8. Les
ministres soulignent l'importance des prochaines négociations
commerciales multilatérales et la vocation de l'OMC à accueillir
en son sein tous les membres de la communauté internationale. Ils
veilleront à ce que ces négociations favorisent une participation
plus grande du monde en développement aux bénéfices de
l'ouverture aux échanges et à l'investissement et à ce que le
système commercial contribue davantage au développement durable et
aux attentes des populations. Ils notent en particulier la
nécessité d'accentuer les efforts destinés à améliorer la
capacité des pays en développement à participer au système
commercial mondial. Ils encouragent aussi les pays développés à
continuer d'améliorer l'accès aux marchés des exportations des
pays en développement, en particulier des pays les moins avancés.
9. En
particulier, les Ministres prennent acte de la variété des
processus d'intégration régionale auxquels participent les
différents pays membres de la Francophonie. Tout en reconnaissant
la diversité des stades atteints par la réalisation de ces
processus, les Ministres soulignent que les initiatives de
libéralisation des échanges fondées sur une assise régionale,
lorsqu'elles se développent d'une manière compatible avec le cadre
juridique multilatéral existant, contribuent à une meilleure
insertion des pays intéressés dans l'économie mondiale.
10. La
mondialisation représente un défi pour les membres de la
Francophonie. L'augmentation des échanges commerciaux et des
investissements, favorisée par les nouvelles technologies de
l'information et de la communication ainsi que par la mise en œuvre
de politiques de libéralisation et d'ouverture, est apparue comme
un moteur de la croissance. Cependant, tous les pays n'ont pas
bénéficié également de la mondialisation de l'activité
économique et devant le risque de marginalisation et de
paupérisation de certains d'entre eux, il est important de veiller
à en mieux maîtriser le processus et de chercher à en réduire
les effets négatifs par une solidarité agissante dans le cadre de
la Francophonie. Cette solidarité suppose le renforcement de la
qualité de l'aide publique au développement, du transfert de
technologies et de capacités nationales des pays en voie de
développement, en particulier de leurs ressources humaines.
11. Les
Ministres sont convaincus que la paix, la sécurité et la
stabilité sociale dans le monde ne peuvent être atteintes dans des
conditions de pauvreté et d'inégalité de développement
croissantes. Ils considèrent que le drame humain et social de la
grande pauvreté est un frein majeur au développement économique
des pays concernés. Ils reconnaissent la nécessité de minimiser
le coût social qu'entraîne la mise en place de politiques
d'ajustement structurel par un effort particulier de lutte contre la
pauvreté. Ils soulignent l'importance de la mise en œuvre de
politiques économiques et sociales destinées à assurer les
conditions d'un développement durable et appellent la communauté
financière à maintenir son soutien sous la forme de flux d'aide
publique au développement et d'investissements privés suffisants.
12. Face à
la charge de la dette qui entrave le développement de nombreux
pays, les ministres reconnaissent l'importance des récentes
propositions visant à l'allégement du fardeau de la dette,
notamment dans le cadre de "l'initiative sur la dette des pays
pauvres très endettés". Ils constatent, cependant, que les
délais de mise en œuvre de cette initiative sont longs et les
conditions contraignantes et proposent de les améliorer tout en
s'assurant que ce processus d'allégement permette une sortie
définitive du cycle de l'endettement grâce aux efforts réalisés
par les pays bénéficiaires en matière de gestion économique et
sociale et de bonne gouvernance.
13. Les
ministres recommandent d'intensifier les initiatives de la
communauté internationale sur la dette, dans un esprit d'équité
et de responsabilité. Ils souhaitent que le financement de
celles-ci soit assuré par un partage équitable. Il s'agit de
permettre à tous les pays pauvres et endettés, ayant fermement
engagé des réformes économiques appropriées soutenues par les
institutions de Bretton Woods, de bénéficier d'un traitement
adapté en vue de rendre leur dette soutenable.
14. Les
Ministres considèrent que l'ouverture au commerce et aux
investissements internationaux, le développement des
infrastructures adaptées et des ressources humaines, le partenariat
social, le respect des droits sociaux et de l'environnement,
l'égalité des sexes, sont des éléments importants du progrès
économique et social. Dans ce contexte, ils reconnaissent les
efforts de certains pays membres sur la voie des réformes
structurelles et de l'ouverture de leurs économies en vue de ce
progrès et invitent les pays membres plus avancés économiquement
à étudier toutes les possibilités additionnelles de coopération.
Ils soulignent l'importance du partenariat entre le gouvernement et
le secteur privé comme cela a été mis en évidence lors du sommet
social de Copenhague (mars 95). La Déclaration de Crans Montana
(juin 1998) et les travaux de la première réunion de
"partenariat pour le Développement", organisée par la
CNUCED (Lyon, novembre 1998) vont dans le même sens.
15. Les
Ministres demeurent, toutefois, préoccupés par la situation
financière qui prévaut au niveau international. L'instabilité des
marchés financiers nuit aux perspectives de croissance économique,
affecte les cours des matières premières, accentue les services de
la dette. Ils reconnaissent que les réformes à l'étude au sein
des instances internationales appropriées sont d'une grande
importance. Ces réformes doivent viser à garantir une meilleure
stabilité du secteur financier par des mécanismes améliorés de
gestion et surtout de prévention des crises financières; elles
doivent également faire davantage appel à la participation du
secteur privé. Ils soutiennent les initiatives lancées pour
accroître la transparence et l'ouverture du système financier
international, améliorer les mécanismes de surveillance et de
supervision des secteurs financiers nationaux et l'élaboration de
lignes directrices pour une libéralisation maîtrisée des
mouvements de capitaux qui aidera les pays en développement.
16. Face aux
nombreux défis qu'elle rencontre, la Francophonie, s'appuyant sur
ses plans d'action, programmes et résultats engrangés depuis le
Sommet de Maurice (1993), s'engage à agir à trois niveaux :
a) concernant les
États et Gouvernements, la Francophonie entend :
-
promouvoir les
principes d'une saine gestion économique comme la transparence,
la responsabilisation, l'efficacité de la fonction publique,
une politique macro-économique qui permet de mieux absorber des
chocs extérieurs dans le contexte d'une économie ouverte, la
participation de la société civile et la lutte contre la
corruption pour favoriser la création d'un environnement
politique stable et propice à l'accroissement de
l'investissement et de l'activité commerciale;
-
resserrer ses
liens avec les organisations internationales à vocation
économique;
-
favoriser la
concertation francophone au sein des organisations
internationales et en marge des conférences internationales;
-
témoigner d'une
solidarité efficace par l'aide au développement, qu'elle soit
publique ou privée;
-
apporter son
soutien à la coopération et à l'intégration régionales;
-
promouvoir les
différentes formes de coopération: entre les pays du Nord et
ceux du Sud, entre les pays du Sud ainsi que triangulaire.
b) en direction des
entreprises, la Francophonie entend soutenir:
-
la création et
l'amélioration des infrastructures publiques et services
d'accompagnement publics;
-
l'émergence et
la croissance d'un secteur viable de petites et moyennes
entreprises;
-
la promotion de
l'environnement institutionnel et normatif des entreprises et
l'harmonisation des cadres juridiques existants, à l'instar de
l'Organisation pour l'Harmonisation du Droit des Affaires en
Afrique (l'OHADA), qui contribuent à la sécurisation des
investissements et des relations commerciales;
-
la mise en
place, grâce aux moyens modernes de collecte et de
communication des informations, de banques de données
destinées aux entreprises;
-
l'étude des
marchés où une spécificité francophone peut trouver place et
en particulier pour les industries culturelles et linguistiques;
-
l'instauration
d'un partenariat dynamique entre les entreprises du Sud et
celles du Nord, mais aussi entre celles du Sud;
-
la promotion de
la coopération technique dans le domaine des
télécommunications.
c) en faveur des
ressources humaines, la Francophonie entend poursuivre et
intensifier son action pour promouvoir:
-
l'échange
d'informations et le transfert de connaissances;
-
la formation
dans les domaines de l'économie, du commerce et de
l'entreprenariat;
-
l'exploitation
la plus large possible des nouvelles technologies de
l'information et de la communication dans le suivi de la
Conférence de Montréal de 1997.
17. Les
Ministres ont décidé de faire progresser la coopération
économique francophone en proposant des initiatives concrètes qui
correspondent aux trois niveaux d'intervention déterminés
ci-dessus. Soucieux de compléter et de renforcer les axes d'action
traditionnels de la francophonie que sont l'information, la
formation et la concertation, ils se sont entendus pour:
a) développer le
partage d'informations à caractère économique entre les États et
les Gouvernements aussi bien qu'entre les entreprises francophones;
b) faciliter la
participation de tous les membres de la Francophonie au commerce
mondial, en renforçant l'intégration régionale et en contribuant
à la formation des acteurs économiques;
c) contribuer à
l'établissement d'un environnement sans cesse plus favorable à
l'investissement dont l'accroissement est une condition essentielle
du développement.
Les Ministres ont
souhaité que des initiatives porteuses d'un effet de levier et
d'une valeur ajoutée, prenant en compte les actions menées au sein
des organisations internationales, viennent concrétiser ces
objectifs.
Dès lors, ils ont
décidé de faire étudier, entre autre, les projets suivants:
-
un dispositif
d'information économique francophone, notamment sur les
opportunités d'investissement;
-
un réseau
d'institutions de formation en commerce international;
-
un fonds
destiné à appuyer l'intégration et la pleine participation
des pays les moins avancés au système économique mondial;
De plus, ils
invitent l'Agence Intergouvernementale et les opérateurs de la
Francophonie à mettre sur pied ou à renforcer, pour le biennum
2000/2001, des projets concrets s'inscrivant dans le cadre défini
par la Conférence de Monaco.
18. Les
Ministres sont enfin convenus de confier le suivi des orientations
décidées par cette Conférence au Conseil Permanent de la
Francophonie (CPF) et à son président, le Secrétaire général de
la Francophonie, qui travaillera en synergie avec l'Agence de la
Francophonie et les autres opérateurs ou partenaires (Agence
Universitaire de la Francophonie, Forum Francophone des Affaires,
etc.). Le CPF proposera toute mesure utile à la bonne exécution
des décisions de la Conférence et rendra compte aux instances
qualifiées de la Francophonie. |