Avenir des biotechnologies à Québec

Attention, les "alicaments" arrivent!

par Daniel Allard

Les Français, en associant les concepts "aliment" et "médicament", les appellent "alicaments", pour souligner une contribution renforcie de ce que nous consommons à la santé. En Amérique, avec les mots "nutritif" et "pharmaceutique', ont parle plutôt des "nutraceutiques"! Les produits nutraceutiques sont apparus au Japon en 1989, lorsque le gouvernement y a approuvé une politique reconnaissant les "aliments à usage médicinal spécifié", les fameux FOSHU (Food of specified health use)  et aujourd'hui, au moins 2000 FOSHU sont offerts à la clientèle du pays du Soleil-Levant. Les aliments-médicaments ont depuis pris une place sur les tablettes des supermarchés de l'Occident. On parle maintenant d'un marché mondial de 500 milliards $ en 2010. Une espèce de nouveau Klondike pour l'industrie alimentaire.

On parle maintenant d'un marché mondial
de 500 milliards $
en 2010

À Québec, l'industrie des biotechnologies se taille au fil des ans une réputation de secteur de force, qui permettra d'assurer l'avenir de l'économie en transition de la région de la capitale. Et l'émergence d'entreprises locales actives dans le domaine nutraceutique de l'industrie des biotech n'est pas étranger au phénomène. L'industrie des biotechnologies compte présentement une quarantaine d'entreprises dans la région de Québec. Elles oeuvrent essentiellement dans le domaine médical, environnemental et l'agro-alimentation.

Le dernier inventaire présenté par la Société de promotion économique du Québec métropolitain (SPEQM) révélait d'ailleurs une importante croissance en terme de création d'entreprises. En 1998, aux 33 entreprises déjà actives, se sont ajoutées 10 nouvelles entreprises, pendant que 3 cessaient leurs activités. La région compterait donc 40 entreprises en biotechnologie, qui totaliseraient environ 1100 emplois. Ces entreprises se comptaient sur les doigt d'une seule main, au début des années 90! De plus, 19 centres de recherche y sont en opération et l'Université Laval s'apprête à recevoir un nouvel acteur: un Institut de recherche sur les aliments fonctionnels et les nutraceutiques. Avec un montage financier de 18M$ qui intégrera aussi le volet production, il fera partie des 3-4 plus importants centres de recherches du genre au monde, avec celui du Japon, des Pays-Bas et des États-Unis, en Illinois.

Un bilan prometteur, d'autant plus que la crise de financement que vit l'industrie mondiale des biotechnologies, qui abaisse l'évaluation de ces entreprises à des valeurs de 2 à 5 fois moindres que ce qu'elles représentaient il y a cinq ans seulement, n'est pas encore terminée.

MISSION COMMERCIALE EN FRANCE

Cinq de ces entreprises prenaient part à la mission commerciale du gouvernement du Québec qui s'est rendue, en avril dernier, à Paris et aussi Colmar et Strasbourg - au coeur de la bio-vallée alsacienne - avec la collaboration de la SPEQM et du Centre québécois de valorisation des biomasses et des biotechnologies (CQVB).

Médicago, qui démarre, est par exemple allée faire valoir sa technique de production d'enzymes à travers de la luzerne. Sa technologie de plantes transgéniques, mise au point en 1999, ne retrouverait pas plus de 2-3 autres groupes concurrents - tous des géants - dans le monde, selon son président François Arcand. 

Gelkem, une autre jeune entreprise qui a obtenu son financement en janvier 1999, commercialise un "véhicule", le SLC, qui transporte un médicament dans le corps en le laissant s'échapper au rythme désiré. Ce système de libération contrôlée intéresserait particulièrement deux sociétés françaises, qui ont signé des ententes de confidentialité suite au voyage du pdg Richard Cloutier.

Viridis Biotech, qui aide à améliorer l'environnement de travail d'un pathologiste, développe des techniques de détection moléculaire pour permettre un diagnostic des maladies plus facile et plus précis. Souhaitant concrétiser son premier lancement de produit à l'occasion du prochain BioCONTACT de Québec, les 7-8 octobre 1999, le président Marc Bossé avait prit la route de l'Europe en quête de distributeurs.

Après une percée intéressante au Québec, Solution-Recherche, fondée en 1995, souhaite aussi exporter son produit vedette, un service de diagnostic précoce de gestation chez les vaches laitières. La généralisation de cette technique aurait un impact économique de plus de 10 millions $ au Québec seulement, selon son pdg Paul Rouillier.

Spécialisée dans les tests diagnostics, Neuro-Biotech, qui se lance dans la commercialisation de sa Trousse sur les maladies reliées au stress, sa première de sept trousses prévues pour la période 1999-2000, était aussi représentée en France. L'entreprise prévoit des ventes de 250M$ en 2003.

LE CANADA DOIT CHANGER SA LOI

Au Canada, les produits nutraceutiques peuvent être vendu, mais leur valeur curative ne peut être inscrite sur les emballages à moins d'avoir accompli la démarche scientifique longue et coûteuse pour prouver aux autorités leur efficacité et leur innocuité. La majorité des consommateurs ignorent donc l'existence de ces nouveaux produits. Voilà pourquoi de plus en plus de voix se font entendre pour demander des changements réglementaires au Canada.

En apparence simple, la définition des produits nutraceutiques demeure encore l'objet de débats parmi les experts. À un extrême, tous les aliments ayant des propriétés positives pour la santé seraient ainsi qualifiable. Pour d'autres, il s'agit d'aliments auxquels on ajoute des molécules naturelles ayant été stabilisées et standardisées. Du côté de Santé Canada, on réserve le concept strictement aux suppléments vitaminiques que l'on trouve sous forme de capsules. Et on appelle "aliments fonctionnels" les produits ayant la forme de la nourriture conventionnelle, mais qui ont été modifiés.

Par ailleurs, même si ces ajouts de molécules à nos aliments naturels peuvent aider à la prévention, voire la guérison, de maladies, la stratégies des nutraceutiques n'est pas encore une panacée aux yeux de tous. Déjà, dans le même registre technologique, des boucliers se lèvent, particulièrement en Europe: "Sept chaînes européennes de supermarchés renoncent aux aliments modifiés génétiquement. Trois multinationales, soit Unilever, Nestlé et Cadbury-Schweppes font la même chose. De plus, les inquiétudes sont vives au Japon", faisait récemment remarquer la député Hélène Alary, en entrevue  à La Terre de chez-nous.

Tout ce qui est actuellement certain, c'est que pour permettre à l'industrie de garder le vent dans ses voiles, une harmonisation conceptuelle et réglementaire du nouvel "enfant prodige" des biotechnologies devra assurément s'imposer à moyen terme. 

Les Conférences pharmaceutiques et biotechnologiques de Québec,

un organisme sans but lucratif, est maintenant actif à titre de forum d'idées et d'échanges sur le secteur.  

(INFO: gilles.charpelet@crchul.ulaval.ca)

 

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