UNE VILLE OU RIEN DU TOUT? par Benoît Routhier |
La région
de Québec devrait-elle avoir une nouvelle carte municipale avec un
nouveau palier de gouvernement? La question est bien complexe. On se la
pose sous différents angles depuis plus de 30 ans. C'est d'ailleurs ce
qui a donné lieu à la création de la Communauté
urbaine de Québec (CUQ). La
naissance de cet organisme régional s'est faite dans la douleur et les déchirements.
Déjà, à l'époque, les maires des différentes municipalités appelées
à faire partie de la nouvelle confrérie craignaient pour leur autonomie.
Mais la CUQ est née quand même. Et depuis il y a toujours eu un ou des
maires pour la critiquer et même, souvent, remettre son existence en
question. Le premier
président de l'organisme, le conseiller Armand
Trottier de la ville de Québec, a dû se débattre souvent contre
l'esprit de clocher de ses collègues. Il a même dû se battre contre son
maire Gilles Lamontagne qui,
pas pire que les autres, tentait de tirer la couverture de son bord. Les maires
faisaient partie de la CUQ quasi contre leur gré. Il ne faut pas se
surprendre s'ils ont toujours hésité à lui donner des pouvoirs, même
à simplement lui permettre d'exercer ceux que la loi lui avait accordés. C'est cet
esprit chauvin qui a valu à la CUQ de se voir dépouiller de ses parcs
industriels situés à Beauport,
Québec et Saint-Augustin.
Depuis, les parcs industriels pullulent dans la région avec un succès
mitigé, mais la Ville de
Saint-Augustin-de-Desmaures profite amplement du travail de la CUQ. C'est cet
esprit étroit qui a aussi présidé à l'abolition du service de
promotion industrielle de la Communauté urbaine. La Société
de promotion économique du Québec métropolitain (SPÉQM) a
heureusement pris la relève. Avec quel succès? Difficile à dire. Encore ces
dernières années, le maire de Québec, M. Jean-Paul
L'Allier, clame que la CUQ est quasi inutile, avec le peu de pouvoirs
dont elle dispose. Une régie peut facilement se charger de la gestion de
l'incinérateur et des stations de traitement des eaux usées... De son côté,
le maire de L'Ancienne-Lorette,
M. Émile Loranger, menaçait,
il y a une couple d'années, de soustraire sa municipalité de la CUQ. Il
avait même évoqué un référendum local sur le sujet. Par
ailleurs, tandis que les autorités de la Ville de Québec en appellent
aux fusions, toute la banlieue s'y oppose. Oui aux regroupements de
services, non aux fusions, surtout pas forcées! Ce n'est pas engageant
cela: toutes les municipalités ont déjà maintes ententes
intermunicipales. Certaines en ont tellement que les élus ne cessent d'être
en réunions de toutes sortes... Ce climat
donne de piètres résultats. La région ne peut se développer dans de
telles conditions. Aussi la Commission
sur la réforme de la fiscalité municipale propose-t-elle des
regroupements: les 43 municipalités du grand Québec métropolitain,
comprenant les deux rives, ne devraient faire que cinq villes, quatre sur
la Rive-Nord et une sur la Rive-Sud. Et un organisme supramunicipal, dont
les membres seraient élus au suffrage universel, chapeauterait ces cinq
villes. Le maire
de Québec veut bien la réduction du nombre de municipalités, mais
s'oppose à l'arrivée d'un nouveau palier de gouvernement. Il a raison.
Il y en a déjà assez: le fédéral, le provincial, le municipal, le
scolaire... Par contre
il y a moyen de modifier la carte électorale de la grande région de Québec
autrement: une seule ville. Si la région de Toronto peut se le permettre,
pourquoi pas nous? Avec la formule déjà suggérée par le conseiller de
Québec Jacques Jobin et M.
L'Allier lui-même, d'accorder des pouvoirs locaux aux représentants des
différents quartiers - ils pourraient être au nombre de cinq comme le
nombre de villes proposé par le rapport Bédard
- la formule pourrait fonctionner. À l'heure
de la mondialisation des marchés, de la concurrence internationale, ce
serait une bonne façon pour la région d'entrer dans le 21e siècle le
regard tourné vers le futur. Mais comme c'est la énième fois que des fusions sont proposées et oubliées, depuis une trentaine d'années, il ne faudra pas se surprendre qu'une fois encore le monde municipal garde les yeux sur le passé, au nom de l'autonomie locale... À moins que le gouvernement force un regroupement? Encore là il serait étonnant de voir un gouvernement du Québec poser un tel geste. Le traumatisme de la fusion forcée à Baie-Comeau/Hauterive est encore trop présent! Pourtant il faudra agir et pas dans 10 ans |