Retour sur Bio Agro Contact 98 Bio-ingrédients, nutraceutiques et aliments fonctionnels: la voie du futur Par Maryse Beaulieu
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Après Québec en 1997,
c'est à Saint-Hyacinthe, du 8 au 10 novembre dernier, qu'avait lieu la seconde édition
de Bio Agro Contact. Cette année, cet événement sur les biotechnologies
agroalimentaires proposait un symposium international axé sur les aliments-santé.
Experts et conférenciers invités ont défilé en présentant un survol de l'industrie
des aliments-santé regroupant entre autres les bio-ingrédients, les nutraceutiques et
les aliments fonctionnels. Les sujets abordés ont surtout porté sur l'évolution du
secteur et les récentes réalisations au Québec, incluant les entreprises émergentes et
les nouveaux centres de recherche.
La biotechnologie apporte une toute nouvelle génération d'aliment pouvant améliorer, voire perpétuer, la santé et les produits de mieux-être jouissent actuellement d'une grande popularité. L'élargissement de l'éventail des aliments-santé est surtout attribuée à la progression de la tendance à doter les aliments de propriétés de prévention des maladies. Une popularité causée principalement par la hausse des coûts des soins de santé, la population vieillissante, l'intérêt des consommateurs pour la nutrition et le progrès de la technologie alimentaire. Dans ce contexte, les experts en la matière considèrent que le marché des aliments-santé va fournir au secteur agro- alimentaire canadien une excellente occasion de se diversifier. A moyen terme, ce marché pourrait contribuer à l'établissement d'une solide base économique de produits à valeur ajoutée.
Un marché qui atteindra
les
L'engouement dans ce secteur amène une série de sociétés chimiques, pharmaceutiques et d'ingrédients alimentaires à investir temps et argent à la mise au point d'ingrédients alimentaires. Plusieurs entreprises chimiques y voient l'opportunité de réorienter leurs activités et de se définir, dorénavant, comme industrie biologique, tout en améliorant, à coup sûr, leur bilan financier. Ces produits, issus de la biotechnologie, sont considérés comme des plus prometteurs pour l'industrie agro-alimentaire canadienne, car ce marché qui reste relativement nouveau au Canada, connaît un véritable essor ailleurs: au Japon et dans les autres pays du littoral du Pacifique, en Asie, en Europe de l'Ouest, particulièrement en Allemagne et en Scandinavie. Selon une étude effectuée par le gouvernement fédéral canadien il y a quelques années, ce marché qui se chiffrait à 8 milliards $US atteindra les 500 milliards en 2010. Aux États-Unis, on dénote que les produits nutraceutiques représentent près de la moitié des aliments produits. Avec l'arrivée des biotechnologies modernes, nous assistons à un mouvement irréversible des industries alimentaires. Ceci se traduit par une course au rendement de la productivité et à la spécificité, pour satisfaire de mieux en mieux les besoins des clients. Mais le Canada et le Québec accumulent un certain retard par rapport aux autres. Les institutions gouvernementales canadiennes ont accepté, jusqu'à présent, plus de 35 aliments génétiquement modifiés. On dénote cependant que ses produits sont majoritairement développés par des firmes multinationales basées aux États-Unis ou en Europe. Au Québec, seulement 27 entreprises sont impliquées dans le domaine des nouvelles technologies, dont 13 dans le domaine de production d'aliments d'ingrédients, huit dans la R&D et six dans les services. Ce phénomène ne met pas en cause les compétences et les infrastructures que le Canada et le Québec possèdent afin d'assurer un certain leadership international. Dans la région du Québec métropolitain seulement, on compte plusieurs organismes qui sont directement impliqués dans ce domaine, dont la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation (FSAA) de l'Université Laval, le Centre de recherche en horticulture (CRH), le Centre de recherche en sciences et technologies du lait (STELA) et plusieurs centres de recherche dans l'agro-alimentaire, sans compter la participation des deux paliers de gouvernement en R&D, avec le Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ) et Agriculture et Agroalimentaire Canada. D'autres partenaires publics et privés sont aussi disponibles tel que le Centre québécois de valorisation des biomasses et des biotechnologies (CQVB), la Société québécoise d'initiative agro-alimentaire (SOQUIA) et la Société Innovatech Québec et Chaudière-Appalaches. Malgré l'effort déployé, l'industrie québécoise des biotechnologies fait face à diverses difficultés de nature économique, réglementaire et de perception, qui ralentissent leur croissance. Les ressources financières limitées des PME ont une incidence particulière dans leur activité de recherche et développement. De plus, les réglementations gouvernementales demeurent un des principaux freins au développement des marchés des biotechnologies. Au Canada, les nutraceutiques tombent dans une zone grise et ambiguë, quelque part entre les aliments et les drogues. La loi sur les aliments et drogues et son règlement d'application interdisent les allégations en ce qui concerne la santé dans la publicité des aliments. La perception du public vis-à-vis les aliments et les ingrédients issus des biotechnologies peut devenir un obstacle à la commercialisation, tout autant que le manque de donnés scientifiques de leurs effets à long terme sur la santé. Dans la région de Québec, le développement des biotechnologies n'en demeure pas moins vivant. Avec l'ouverture des frontières, la position privilégiée de cette région au carrefour de l'Europe et des États-Unis lui donne des avantages certains dans ce secteur. Tout ceci a amené de récentes réalisations, comme l'émergence de deux nouvelles compagnies. Solution Recherche inc. s'est donnée comme mission de développer, produire et commercialiser de nouveaux procédés d'analyses immunologiques dans le secteur de la reproduction animale et humaine. L'entreprise mise sur le développement de tests originaux et exclusifs, tels que le diagnostic précoce de gestation chez la vache laitière. Ce test de gravidité fait actuellement l'objet d'un projet pilote, au Québec, et sera prochainement commercialisé à l'échelle canadienne. Le test permettra aux producteurs de lait de mieux gérer la production de leur troupeau, dans le but d'accroître la rentabilité de leur entreprise. La seconde entreprise, Trémolières Aliments Fonctionnels Inc., est une entreprise qui développe et commercialise des aliments fonctionnels. Les aliments sont développés dans le but de contrer des carences alimentaires. Les textures sont modifiées pour certains produits afin de répondre à des besoins particuliers. La première clientèle visée est ici celle des personnes âgées; suit celle des gens actifs et pressés qui escamotent leur repas. Cette jeune entreprise a aussi développé une collaboration avec un important partenaire: Advitech Solutions Inc. La région compte également à son actif de nouvelles technologies bio-alimentaires grâce au Centre de recherche en biologie de la reproduction de l'Université Laval). Une nouvelle méthode de production gémellaire de bovin de boucherie est fondée sur la production d'embryons par fécondation in vitro à partir d'ovocytes prélevés après l'abattage de vaches de boucherie d'une race déterminée et de semences provenant de taureaux de boucherie de haute valeur génétique. Le marché visé par l'application de cette technologie relève du secteur de la production de viande bovine au Québec et de la valorisation des vaches de réformes de type laitier. Des partenaires provenant du secteur de la production bovine ou laitière sont d'ailleurs recherchés pour la réalisation d'un projet de développement d'un prototype et de démonstration de faisabilité économique du concept. Au centre de recherche STELA, à l'Université Laval, on met au point l'utilisation de l'homogénéisation à haute pression afin de modifier les propriétés fonctionnelles des protéines alimentaires. À l'aide de pression supérieure à 1 Kbar, il est maintenant possible de modifier les propriétés fonctionnelles des protéines alimentaires. Cette technologie permet de produire des ingrédients protéiniques possédant des propriétés gélifiantes améliorées. Cette technologie pourrait être utilisée dans certaines formulations alimentaires, comme gélifiant ou agent texturant. De plus, la région possède deux nouveaux centres de recherche. L'originalité du Centre d'expertise sur les produits nutraceutiques et les aliments fonctionnels de l'Université Laval repose sur l'intégration des meilleures expertises scientifiques en productions animales et végétales, en sciences et technologies alimentaires, en nutrition et en médecine clinique, en partenariat avec plusieurs organismes privés et publics, en vue de mettre en place au Québec un centre d'expertise de calibre international sur les aliments fonctionnels et les produits nutraceutiques. Pour sa part, le nouvel Institut de recherche et de développement en agro-environnement (IRDA) dispose de son propre fonds de recherche, d'une équipe de chercheurs, de techniciens, ainsi que des laboratoires et des infrastructures de R & D à travers tout le Québec. L'IRDA soutient des projets sur l'amélioration des systèmes de production animale et végétale, autant que sur le développement de techniques de culture, d'élevage et de conservation des produits. Malgré les efforts et les énergies déployés, un certain retard persiste au Québec et au Canada dans le développement des biotechnologies agro-alimentaires. Des choix s'imposent: serons-nous seulement les utilisateurs des biotechnologies pour lesquelles nous devrons acheter les services externes plutôt que de les développer et les entretenir nous même? Si le choix s'oriente vers le développement de nos propres biotechnologies, il sera strictement nécessaire de passer par le partenariat sous forme d'investissements conjoints, selon diverses formules d'association d'actionnaires, afin de s'assurer de la réussite des entreprises québécoises et canadiennes.
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