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PROFIL D'ENTREPRISE | ||||||
Et sa
« biopile anaérobie » s'en vient par Daniel Allard
La biopile pour décontaminer les sols inventée par Biogénie, il y aura bientôt vingt ans, en a fait une étoile de la dépollution qui s'apprête à briller dans les 50 M$ de chiffre d'affaires annuellement! Vaut mieux suivre avec intérêt le projet d'élargir la portée de son champ d'application ! Benoît Cyr et Jean-Luc Sansregret, les deux dirigeants fondateurs de l'entreprise qui maîtrise parfaitement les procédés aérobies de dépollution, vont bientôt ajouter à son coffre à outils des procédés anaérobies. L'astuce de la biopile consiste jusqu'à maintenant à créer un courant d'air dans un monticule de sols contaminés, à ajouter des nutriments, à ajuster le pH et l'humidité... bref à faciliter les conditions idéales à la multiplication des bactéries grâce auxquelles on obtient la dégradation des contaminants en quelques semaines ou quelques mois, alors que sans intervention humaine elles mettraient des années à faire le travail. Renommée mondialement pour sa maîtrise du traitement aérobie des sols contaminés, la compagnie travaille depuis quelques années déjà à mettre au point une nouvelle famille de traitements en contexte anaérobie, soit en absence totale d'oxygène. Objectif : réussir à activer une toute autre panoplie de micro-organismes pour éliminer, par exemple, des explosifs et des solvants chlorés, tel le TCE.
« Le marché du traitement du TCE (tri-chloro-éthylène) en Amérique émerge », explique Richard Corbin, le directeur corporatif Marketing, en soulignant le souci de l'entreprise de diversifier ses marchés, lors d'une interview à son bureau du siège social, situé dans le Parc technologique du Québec métropolitain, fin janvier 2005. Avec un appui de 335 000 $ du Conseil national de recherches du Canada (CNRC) dans le cadre du Programme d'aide à la recherche industrielle (PARI), l'équipe de recherche de Biogénie dirigée par Christian Bélanger avait amorcé, début 2002, cet important projet, évalué à plus de 1 M$ sur trois ans, consistant à développer des bio traitements pour le TCE et les explosifs. Les résultats semblent très prometteurs : « Notre processus de R&D est maintenant à l'étape du projet pilote et j'en suis satisfait au plus haut point », précise le chercheur. Tellement que Christian Bélanger ne cache pas être déjà en phase de vente au niveau commercial : « J'ai déjà rencontré des clients potentiels en Europe et aux États-Unis », confirme-t-il aussi. L'impact sur le chiffre d'affaires demeure encore impossible à évaluer. Reste que sans inventer la dépollution par mode anaérobie – le chercheur sait que la méthode est déjà utilisée aux États-Unis même pour l'eau – l'initiative de perfectionner certaines applications de cette technologie fera certainement de Biogénie un chef de fil en la matière au Canada. Spécialiste de la dépollution de sites depuis sa fondation en 1986, c'est en proposant des solutions personnalisées assorties de garanties d'exécution pour la décontamination du sol et de l'eau souterraine que Biogénie a réussi à réaliser avec succès la caractérisation et la réhabilitation de plus d'un millier de sites à ce jour. Créée pour unir les forces de la BIOlogie et de l'inGÉNIErie, la compagnie biotechnologique de Québec ne compte cependant pas uniquement sur ses efforts de R&D pour ajouter de nouvelles cordes à son arc. Et c'est l'Europe qui attire actuellement le plus l'attention, parce qu'une nouvelle norme environnementale européenne, en vigueur depuis juillet 2004, oblige dorénavant de nouvelles étapes de traitement des déchets. L'EUROPE ASSURE LA CROISSANCE « Au Royaume-Uni, dans ce nouveau contexte, plusieurs sites d'enfouissement pour déchets dangereux ont préféré fermer leurs portes plutôt que de s'adapter à cette réglementation. Ils sont passés de 200 à moins de 20 ! Ce qui a créé une énorme demande et fait augmenter les prix », explique Richard Corbin. Résultat : Biogénie va ouvrir dans le premier trimestre de 2005, en partenariat avec Biffa Waste Management Limited, son propre Centre de traitement de sols, qui sera « le premier de plusieurs autres dans ce pays », laisse-t-il aussi clairement entendre. Biogénie s'apprête donc à faire au Royaume-Uni ce qu'elle fait déjà au Québec - par l'entremise de l'une de ses filiales, elle y opère deux centres de traitement permanents qui lui appartiennent - et aussi en France. Ce qui porte en terre française le nom de « Biocentre », inauguré en 1999, fut d'ailleurs le premier centre de traitement permanent de sols contaminés à voir le jour dans la région Ile-de-France, à quelques kilomètres du centre de Paris. Un succès que la Chambre de Commerce Française au Canada, section Québec, a d'ailleurs reconnu en attribuant à Biogénie et à son partenaire local, la SEMARDEL, le Prix d'excellence en affaires Québec-France 2002. Depuis, suite à l'augmentation constante de la demande en matière de traitement de terres polluées hors site en France, les tonnages de terres traités justifiaient un agrandissement qui a fait passer la superficie du Biocentre de 10 000 à 40 000 m2 et accru sa capacité de stockage à 90 000 tonnes de terres polluées. Si le marché est si actif, surtout en France, c'est qu'on y trouve beaucoup de promoteurs immobiliers cherchant à rentabiliser des anciens terrains industriels abandonnés. « Il faut se souvenir de l'explosion de l'usine en plein coeur de la ville de Toulouse, il y a quelques années. Depuis lors, on sent qu'il y a une tendance à éloigner les sites industriels des zones habitées. Et lorsque des promoteurs immobiliers veulent les reconvertir, c'est au plus vite qu'ils veulent voir disparaître les sols pollués », expose Richard Corbin. Un phénomène de désindustrialisation en milieu urbain qu'il faut aussi mettre en parallèle avec l'apparition, en France, d'une loi sur les risques technologiques. Biogénie, avec sa solution de traitement hors site, aura eu la bonne idée de s'être installée en France à peu près au même moment. Et les affaires vont tellement bien que Biogénie y ouvrira un second Biocentre « …au courant de l'année, …dans un lieu qu'on ne veut pas encore dévoiler, le temps de finaliser les dernières autorisations », confirme-t-il prudemment.
Biogénie ouvrira en 2005 La France et le Royaume-Uni, voilà les deux pays où la compagnie concentrera l'essentiel de ces efforts de développement en Europe pour les prochaines années. « Surtout au Royaume-Uni, on a beaucoup de pain sur la planche... L'Allemagne et les Pays-Bas, on oublie ça ; il n'y a pas de place pour nous ! Les trop petits marchés aussi… » Biogénie envisage tout de même de développer à moyen terme ailleurs en Europe : « Il y a deux autres pays que nous avons dans la mire en Europe », finira par dire Richard Corbin, sans plus de précision. PRIX GARANTI GRÂCE À UN LOGICIEL 3D Il n'y a pas que la biopile qui fait la fierté de l'entreprise. Lorsqu'on fait sauver 38 millions $ à un client par rapport à l'utilisation d'une unité thermique – ce qui fut le cas sur le site d'une ancienne raffinerie de Montréal est pour traiter 800 000 tonnes de sols contaminés – on peut effectivement ressentir de la fierté ! Parce qu'elle a su adapter un logiciel d'origine californienne permettant de visualiser en trois dimensions l'état de contamination d'un terrain en se basant sur les échantillons de sols qui ont été prélevés, Biogénie dispose aussi d'un outil précieux pour la prise de décision. Sa performance à évaluer les volumes de sols à traiter assurent une telle précision que la compagnie se permet même de prendre des contrats à forfait. Garantir à ses clients les résultats de ses travaux, voilà qui est peu commun dans ce secteur industriel : « Ce logiciel 3D est pour nous un outil très stratégique. Il nous classe dans un club restreint d'à peine une demi douzaine d'entreprises en Amérique du Nord », affirme fièrement Richard Corbin. LES PROMESSES DU GRAND NORD CANADIEN En prenant la décision, il y a trois ans, d'ouvrir des bureaux dans l'Ouest canadien, à Calgary et à Edmonton, la compagnie a facilité ses relations avec les sièges sociaux de plusieurs compagnies pétrolières, des clients naturels pour elle. Biogénie a aussi un bureau dans la région de Philadelphie, depuis deux ans. « Le marché de la dépollution aux USA représente un chiffre d'affaires d'environ 8 milliards $US depuis plusieurs années, mais il est à maturité. Même si c'est difficile d'y faire sa place, tu n'as pas le choix. Si tu veux être crédible, il faut être installé sur place ». En cette année 2005 qui commence, c'est pourtant d'un coin moins fréquenté des Amériques que Richard Corbin voit poindre les perspectives les plus intéressantes : « Le dernier budget du gouvernement fédéral canadien a ouvert de nouvelles perspectives avec ses objectifs de décontaminer l'ensemble des sites fédéraux dans le Grand Nord. On parle en milliards $ sur une décennie. Juste pour l'ex DEW-Line (des radars) on parle de 90 sites. » Des projets en milieu nordique, c'est justement une des forces de Biogénie. Depuis le début des années 90 que l'entreprise réalise des projets dans ces milieux rigoureux. Conséquence : l'organigramme de la compagnie compte maintenant sa propre direction nordique et tous les espoirs sont permis ! DOUBLER LES REVENUS En récoltant trois prix en 2004 (deux lors du GRAND PRIX DE L'ENTREPRENEUR d'Ernst & Young et celui à titre de Grande PME - Technologie et Exportation du PRIX PERFORMANCE PME du journal Les Affaires) Biogénie montre certes une image de maturité. Un chiffre d'affaires de 47 millions $ en 2003-04, qui sera dans les mêmes eaux en 2004-05. La croissance, qui passe déjà par l'exportation puisque depuis 2002 cette part du chiffre d'affaires l'emporte toujours sur celle réalisée au Québec, est pourtant encore dans les priorités du président. Et quelle croissance ! Benoît Cyr vise le chiffre magique de 100 M$ de revenus d'ici moins d'années qu'il a de doigts dans une seule main. Ce qui signifie doubler le chiffre d'affaires actuel. Les quelque 200 employés de Biogénie ne s'en plaindront certainement pas !
Fait à Québec le 15
février 2005. |
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