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Chronique MONDIALISATION | ||||||
Enfin le premier Forum social des Amériques Par Renaud Blais, militant altermondialiste Enfin, parce que la première fois que l'organisation de ce Forum social régional (à l'échelle d'un continent) a été évoquée, c'était au 1er Forum social mondial, en 2001, à Porto Alegre. Ensuite, l'idée d'organiser des forums sociaux régionaux est devenu un « mot d'ordre » lors du 2e FSM. Il en aura fallu du temps pour réunir les conditions de la tenue du 1e Forum social des Amériques (FSA). Celui-ci eut finalement lieu du 25 au 30 juillet dernier, en 2004. Plus de 11 000 personnes provenant de 54 pays, même d'Afrique, d'Asie et de l'Europe, y ont participé et 926 groupes y ont inscrit au moins un délégué. Pour le contenu, voyez à la fin de ce texte, en annexe, les cinq axes de travail retenus par les groupes organisateurs. Et pour celles et ceux qui peuvent lires l'espagnol et des langues amérindiennes, voyez dans le site suivant : www.forosocialamericas.org. Comme ce fut toujours le cas, des forums parallèles ou connexes à celui de Quito ont eu lieu à peu près en même temps. En plus du Forum social des Amériques, deux événements parallèles: le Forum des autorités locales (du 25 au 26 juillet) et le Forum interparlementaire (du 27 au 28 juillet) ont profité de ce forum social régional pour organiser une rencontre. Ensuite, comme événement connexe au Forum social des Amériques ont eu lieu le 2e Sommet indigène des peuples et nations d'Abya Yala à Quito du 21 au 25 juillet (pour plus d´information: www.cumbreindigenabyayala.org.) De plus, une rencontre des femmes convoquée par la Marche mondiale des femmes et aussi la rencontre des paysans convoquée par Via campesina. Voici ce qu'en dit Denise Mendez dans le Grain de sable No : 481, 23 septembre 2004 : « Le forum de Quito a permis de mesurer la portée de l'apport des Amérindiens au renouvellement des résistances politiques du continent. Il a montré qu'un long chemin avait été fait depuis les années 60 et la triste expérience d'Ernesto Che Guevara en Bolivie, affectée par le malentendu avec les peuples Kichwa et Aymara qui étaient restées étrangers à son entreprise émancipatrice. Aujourd'hui, une grande partie des peuples originaires du continent accepte de jouer un rôle de protagonistes dans la transformation des institutions politiques, partageant ce rôle avec les descendants des colonisateurs et ceux d'Africains victimes de l'esclavage. Symbole de cette nouveauté, le FSA a été précédé du Forum continental des peuples et nationalités indigènes de Abya Yala (nom que les peuples originaires donnent à l'Amérique). L'Amérique - Abya Yala - a également pour nom, dans la langue de certains des peuples indigènes du continent : Tahuantinsuyo. Le collège Miguel del Hierro, du vieux couvent des religieuses Lauritas de Quito, a accueilli 1000 indigènes d'Abya Yala venus de tout le continent depuis les États-Unis, jusqu'à la Terre de Feu. Les délégués des peuples Mapuche (Chili-Argentine), Aymara (Bolivia-Perù), Maya (Mexique), Guarani (Paraguay), Kichwa, Shuar (Ecuador), Wayu, selon le principe de la Minga ou Mutirao, c'est-à-dire la collaboration de tous à la préparation des repas et autres activités exigées par la vie commune de centaines d'hommes et de femmes (et quelques enfants). La fatigue des visages disparaissait derrière l'enthousiasme de ces hommes et femmes qui, vu leur pauvreté et leur isolement, n'auraient jamais pu se rencontrer. La rencontre d'un Shuar d'Amazonie et d'un Mapuche de Patagonie si longtemps improbable avait enfin lieu. Dans leur magnifique diversité, revêtus de leurs habits de fête, ils se retrouvaient comme des cousins, partageant des cosmogonies proches et, surtout, aujourd'hui rapprochés par leur lutte commune contre les nouvelles menaces émanant des politiques néolibérales comme la brevétisation du vivant qui frappe leur milieu naturel et brise les fondements de leurs cosmogonies. » J'ajoute que la tenue du premier, puis du deuxième Sommet indigène était nécessaire pour que le 1e FSA remporte autant de succès. Les nombreux peuples qui résistent toujours à la colonisation, que nos livres d'histoire appellent la « découverte de l'Amérique », « tendent vers l'unité » des différents regroupements amérindiens de l'Amérique latine ce qui est porteur d'espoir dans quelques pays, à commencer par l'Équateur, dans le contexte de la récente « trahison » de la part du président Gutiérrez, qui avait intégré à sa plate-forme électorale de nombreuses revendications des regroupements autochtones, pour ensuite, une fois élu, se plier très volontiers au pillage par les grandes transnationales des ressources naturelles du pays en privatisant et en permettant les exportations libres de taxation importante. Pour plus de détails, voici un extrait d'un texte produit à la suite d'une recherche très sérieuse : « Afin d'évaluer l'importance actuelle du mouvement indigène ainsi que les défis auxquels ce dernier se trouve confronté, il est nécessaire de comprendre comment il s'est structuré en un « sujet social et politique » nouveau sur la scène nationale depuis les vingt dernières années. En tant que force nouvelle dans le paysage politique équatorien, le mouvement indigène a participé à sa reconnaissance juridique et a lutté pour l'obtention de droits civils et politiques. Néanmoins, de nombreux acquis sont rendus ineffectifs par l'absence de suivi dans la mise en application de ces droits. Par ailleurs, l'approfondissement des politiques néolibérales des gouvernements successifs et surtout le revirement de bord du gouvernement Gutiérrez après les élections de novembre 2002, rompant ainsi l'alliance avec le parti politique indigène, le Mouvement Pachakutik Nuevo País, exacerbent la revendication sociale et contribuent à délégitimer la nature même de l'État qui pour la plupart de la population se doit d'être le garant de la protection sociale de ses citoyens. Face à cet évidement social de l'État, les stratégies d'action du mouvement indigène évoluent et se redéfinissent. La multiplication d'alliances transversales met en évidence cette recherche de nouveaux canaux de revendication pour se faire entendre et questionne implicitement la validité du politique. » Cf : Le mouvement indigène en Équateur, Cahier de recherche CEIM, par : Violaine Bonnassies, Institut d'études internationales de Montréal, UQÀM, janvier 2004. http://www.ceim.uqam.ca La tenue de ce premier Forum social des Amériques, en présence de plus de 300 personnes, dont plus de 70 représentants de médias, a consacré la naissance d'une nouvelle association dite : «Los Otros Medios». L'idée de cette association était née lors du 500e anniversaire de l'Équateur en 2002, lorsque quelques représentants de médias alternatifs étaient réunis. Il s'agit d'un regroupement large de radios, de télévisions, d'imprimés de tous genres, d'agences de presse ainsi que de portails sur le Web, créés dans le but de faire contrepoids aux grands médias. Comme ce fut le cas ici à Québec en avril 2001, ces grands rassemblements sont couverts par des médias alternatifs et indépendants des grands médias « main stream » qui appartiennent la plupart du temps aux plus grands promoteurs de la libéralisation des échanges ou de façon plus idéologique, ceux qui se sont donnés comme objectif de faire la promotion d'un « économisme à tout craint », ceci selon la même stratégie utilisée par les Jésuites et autres propagateurs de VÉRITÉ meilleure que les autres, durant l'époque coloniale. Comme ceux-ci, les grands médias « main stream » ne présentent que très rarement et exceptionnellement l'Autre point de vue, de là l'idée des médias indépendants. Une autre retombée prometteuse du 1e FSA, à l'initiative de l'Observatoire social de l'Amérique latine, fut la création d'un répertoire des mouvements sociaux dont le site www.social-movement.org, deviendra sans doute une référence pour les groupes militants vers l'Autre monde. ACTUALITÉS « FSM » Pour faire mentir les détracteurs qui prétendent que la tenue des forums sociaux mondiaux ne donnent rien parce qu'ils n'adoptent pas de déclaration finale, voici un exemple d'un extraordinaire résultat né à l'occasion du 1e Forum social européen, en 2002 à Florence et repris au 3e Forum social mondial. Le Réseau international pour une justice fiscale a maintenant une permanence et vous pouvez consulter leur site pour plus de détails à l'adresse suivante : www.taxjustice.net. En terminant, je remercie M. Dorval Brunel, qui avec son compte-rendu du 1e FSA, publié dans le recueil de texte : « Où s'en va le Forum social » dans le cadre des Journées d'étude d'Alternatives tenues, à la fin août dernier, au Camp Notre-dame de Saint-Ligori, m'a permis d'y retrouver une partie des informations ici exposées. Également, le compte-rendu oral d'Alvaro Vargas, délégué d'Alternatives au 1e FSA, m'a également été très utile. Annexe Thème 1 L'ordre économique: appauvrissement humain et environnemental, dettes, corruption, marché total; l'espace public et les droits économiques; économie reproductrice. Résistances, visions du futur et la construction des modèles alternatifs. Thème 2 Le visage violent du projet libéral, hégémonie impériale, militarisme, contrôle stratégique de la biodiversité, violence sexiste. Les résistances et l'apparition des nouveaux sujets. Thème 3 Pouvoir, démocratie et l'État: changements, permanences et visions de futur. Thème 4 Cultures et communication: les résistances, la mémoire et la construction de l'identité; espaces et pratiques créatrices; langages critiques et alternatives; démocratisation de la communication. Thème 5 Peuples indigènes et afro descendants: territoires, autonomie, diversité, pluralisme culturel, connaissances et propriété intellectuelle.
Fait à Québec le 30 septembre 2004 |
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