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Québec : une plage au centre-ville? par Daniel Allard Cette fois, deux députées, Christiane Gagnon et Agnès Maltais, étaient du groupe de ceux qui ont volontairement enfreint le règlement interdisant la baignade dans les eaux qui sont sous l’administration du Port de Québec. Même l’élu municipal Yvon Bussière, président de l’arrondissement la Cité et conseiller du district Saint-Sacrement, qui n’est pas dans l’Opposition celui-là, a fait la baignade illicite. Dimanche, le 27 juin 2004, le rêve de Léonce Naud et de ses acolytes d’aménager un accès public, donc une magnifique plage, au bassin Louise, en plein centre-ville de Québec, a encore manifestement pris de la crédibilité. Au fil des ans, la baignade annuelle qu’il organise garde le rêve bien vivant. Pour 2008, donnons aux Québécois « une réalisation démocratique et populaire au bassin Louise, comme le fut le Parc des Plaines d'Abraham pour les Fêtes du Tricentenaire en 1908 », plaident les militants de La Société des gens de baignade, l’organisme officiellement créé pour la cause, il y a déjà quelques années. Cette fois, le responsable des lieux, l’Administration du Port de Québec, a aussi fait dans le plus fort : « Cette année, c’est la première fois qu’un huissier est venu à la maison. Ils ont vraiment essayé de nous faire peur… Ross (le pdg de l’Administration du Port de Québec) n’a pas le choix, il doit appliquer la Loi maritime du Canada », explique pourtant sans stress le principal intéressé. Pas impressionné du tout, Léonce Naud en rajoute : « Ils veulent tuer le projet plage pour sauvegarder la marina… Le plan du port est de trouver un promoteur pour constuire un projet de type théâtre/salle de spectacle… Les gars sont déjà à la SGF pour le financement… C’est un promoteur de Montréal. Un ancien du Cirque du soleil. Le projet s’appellerait INON selon nos informations. » Contrairement à ce qui prévaut dans la plupart des pays occidentaux, le Québec ne dispose d'aucune législation expresse quant à l'accès public aux rives et littoraux. Les cours d'eau navigables et flottables font pourtant partie du domaine public et, à cette propriété publique correspond, en principe, un accès public. En effet, l'article 920 du Code civil du Québec prévoit que " toute personne peut circuler sur les cours d'eau et les lacs ". Mais le problème de l'accès à ces cours d'eau demeure entier, puisque ce même article soumet ce droit à d'importantes restrictions : " à condition de pouvoir y accéder légalement, de ne pas porter atteinte aux droits des propriétaires riverains, de ne pas prendre pied sur les berges et de respecter les conditions de l'utilisation de l'eau ". Dans les nombreux endroits où l'on retrouve une intense occupation privée des rives, ces restrictions sont suffisantes pour priver la très grande majorité de la population de l'usage d'un bien qui appartient bel et bien au domaine public. « Le fonds de l’affaire, c’est que la ville ne se considère pas propriétaire de son fleuve ; le gouvernement fédéral reste le boss », explique encore un Léonce Naud qui confirme que son équipe organisera une autre activité en septembre. Le 20 mars dernier, la Société des gens de baignade a elle-même acheminé un fort dossier à chacun des membres du Conseil d'administration du Port, découlant d'années de recherches et d'expertise aussi bien au Québec qu'à l'étranger. Cet envoi était accompagné d'une lettre offrant leur collaboration au président du port, Jean-Paul Morency. Quelle a été l'attitude de l'APQ ? Nulle réponse, nul suivi, pas même l'envoi d'un simple accusé de réception. Le combat continue ! POURQUOI UN PLAN D’EAU OUVERT AU PUBLIC AU BASSIN LOUISE ? D’ailleurs, de plus en plus de personnes, d'organismes et d'élu(e)s sont d'avis qu'il est temps d'aménager un plan d'eau public à la tête du bassin Louise, tel que promis aux Québécois par le gouvernement du Canada dès le printemps de… 1981 ! L’engagement du gouvernement du Canada, En effet, c’est en 1981 que le gouvernement du Canada s'engageait à aménager deux plans d'eau dans le bassin Louise intérieur, le premier dédié à des usages populaires, le second réservé en exclusivité à un club privé (une marina). Trois ministres libéraux fédéraux, Gilles Lamontagne, Pierre Bussières et Paul Cosgrove, annoncèrent alors un plan d'aménagement qui comprenait un Bassin de tête séparé de la future marina, ledit bassin devant être ouvert à toute la population ainsi qu'aux visiteurs et aux touristes. Une telle approche maintient intégralement le rôle de zone tampon entre l'urbain et le portuaire que remplit le bassin Louise, augmente considérablement l'attractivité de la marina en y jouxtant une plage publique et contribue à la mise en valeur de projets actuellement considérés par la Mairie de Québec. « Imaginons seulement une future Place de France profitant de la proximité d'une plage urbaine hyper-accessible, longue de quelques centaines de mètres, l'équivalent de plus de trente piscines municipales ! », argumente Léonce Naud. UN ATOUT DE TAILLE POUR LA MARINA En outre, un tel équipement contribuerait à diversifier l'offre touristique de la Capitale en procurant aux résidants et aux touristes une attraction nouvelle et inespérée : une vaste plage avec tous les plaisirs de la baignade…en pleine ville ! En automne, on apprécierait la location de chaloupes, canots et autres kayaks. Durant la saison hivernale, le plan d'eau se verrait transformé en grande patinoire à deux pas du Marché du Vieux-Port et de la chaude ambiance des cafés du Vieux-Québec, sans compter que l'endroit se prêterait bien à la pêche blanche sur la glace…au centre-ville. Sans oublier la plongée sous-marine en toutes saisons. La plage deviendrait « Imaginons maintenant qu'en été la population, les travailleurs du centre-ville ainsi que les touristes peuvent plonger dans une eau fraîche, prendre du soleil, flâner dans les boutiques des rues adjacentes, faire des emplettes au Marché du Vieux-Port pour ensuite se restaurer à l’ombre de quelques arbres ou parasols autour du plan d'eau. La nouvelle plage deviendrait vite la principale attraction…de la marina elle-même ! Les amateurs de nautisme auraient enfin accès à tous ces plaisirs de l'eau qui leur restent à ce jour interdits, nulle partie du bassin n'étant actuellement aménagée pour le plaisir des êtres humains. En effet, toute la surface liquide n'est conçue à l'heure actuelle que pour servir à une seule fonction, soit l'entreposage de bateaux ». « Enfin, imaginons maintenant ce même endroit durant la saison hivernale: patiner sur une grande surface sécuritaire et facile d’entretien, à proximité immédiate du Marché ainsi que des cafés des rues Saint-Paul et Saint-André, tout en jouissant pour la première fois depuis quatre cents ans d'un accès visuel à l'une des plus belles façades urbaines d'Amérique du nord (Forbes). L'endroit deviendrait tellement populaire été comme hiver que cette réalisation créerait un équipement public incontournable de la nouvelle économie de Québec. Photo Couturier En faisant accéder le grand public à la tête de l'actuel bassin Louise avec une plage en été et une patinoire en hiver, on ferait bien davantage que de créer un nouveau lieu de convivialité urbaine. On donnerait à des centaines de milliers de résidants de la Capitale et à des millions de touristes un accès visuel incomparable à l'une des plus belles façades urbaines d'Amérique du nord. Au plan technique, la reconfiguration de l'assiette même de la tête du plan d'eau ne présente aucun problème. Un bassin de tête était prévu dès le début des années 80 par le Ministère fédéral des Affaires urbaines et un évacuateur d'eau (vers la rivière Saint-Charles, en aval du pont Samson) est déjà en place. L'augmentation du volume liquide dans le bassin de tête contribuerait par ailleurs à maintenir une eau de qualité provenant du fleuve et purifiée avant utilisation , une nécessité compte tenu des milliers d'utilisateurs par jour en période estivale. Un typique travail d'ingénieurs et d'aménagistes. L’École d’Architecture de l’Université Laval a par ailleurs organisé, en septembre 2003, une « Charrette » architecturale portant sur le secteur bassin Louise Vieux Port et la majorité des équipes étudiantes ont recommandé une plage ou des facilités balnéaires au bassin Louise. « La centralité géographique du bassin Louise constitue de loin le facteur prépondérant quant à la rentabilité économique, sociale (y compris en santé publique) et touristique d'un tel équipement, accessible en quelques minutes à pied à partir de la plupart des quartiers centraux ou par le transport en commun, jouxtant le quartier fréquenté par des millions de touristes », soutien une publication de l’association des Gens de baignade. Au Québec, contrairement aux États-Unis ou en Europe, nul n'a jamais évalué les retombées économiques de l'implantation d'équipements riverains tels les plages, rampes de mise à l'eau, quais de halage et autres facilités d'accès public aux rives. Selon le United States Corps of Engineers, en ce qui a trait aux infrastructures riveraines, pour chaque dollar public investi en opérations et maintenance dans le domaine de la récréation (campings, lieux de pique-niques, rampes de mise à l'eau, plages et sentiers de nature), les usagers dépensent en moyenne 64 dollars. Ce qui revient à créer un emploi à chaque fois que l'État investit 312 dollars. Les Américains consacrent annuellement au-delà de 100 millions $US à l'aménagement et au maintien de plages publiques. La seule ville de Virginia Beach a dépensé 103 millions $ pour réaménager son fameux boardwalk et sa plage. En Europe, la plage fait partie intégrante des atouts économiques de toute ville littorale. Selon le Secrétariat d'État français au Tourisme, chaque touriste dépense quotidiennement 23,5 euros sur les plages du pays, pour un chiffre d'affaires global du business des plages de 19 milliards d'euros. Au Québec, la destruction de la plupart des plages du Saint-Laurent depuis une génération a été perçue comme une fatalité. Dans la région de la Capitale, sur la rive nord, ce sont les gouvernements eux-mêmes qui ont éliminé presque toutes les anses qui auraient pu donner un accès convivial au fleuve…ainsi que des retombées touristiques et économiques conséquentes. Un seul et unique plan d'eau protégé, facilement accessible à la fois par la population et les touristes, a survécu aux destructions littorales des 40 dernières années: le bassin Louise. Pour quelle raison ? « À l'époque, des groupes citoyens ont réussi de haute lutte à faire cesser son remplissage par l'Administration portuaire qui voulait implanter à cet endroit des fonctions industrielles », explique le géographe. UNE VITRINE INTERNATIONALE DU SAVOIR-FAIRE URBAIN Un projet innovateur, aux retombées économiques et sociales considérables, y compris dans le domaine de la santé publique, susceptible d'améliorer considérablement la qualité de vie et l'attractivité de la Capitale, réalisable à temps pour 2008, date du 400e anniversaire de fondation de Québec. « La vieille cité de Champlain montrerait qu'elle sait se réinventer en innovant résolument pour rétablir des échanges normaux entre ses citoyens et leur fleuve, comme elle a réussi à le faire à quelques reprises au cours des quatre premiers siècles de son histoire », conclut leur document. PARIS-PLAGE REPREND SES QUARTIERS D’ÉTÉ |
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