Bego Canada prépare le grand virage des prothèses dentaires fabriquées par ordinateurs
par Corinne Delisle
En 1976, Jean Robichaud, fraîchement diplômé en technique dentaire du Cégep Édouard-Montpetit ouvre son laboratoire dentaire à Québec. Son défi est d’offrir les meilleures prothèses dentaires de toute la ville de Québec. Et c’est Bego, une compagnie allemande fondée en 1890 par un dentiste, qui offre le meilleur matériel. La compagnie, l’une des 10 plus importantes au monde, est chef de file en matière de dentisterie. À cette époque, la compagnie allemande a un représentant en Ontario, mais pour Jean Robichaud, les choses ne vont pas comme il le veut : « Les délais de livraison étaient très longs et il n’y avait pas de service. » Qu’à cela ne tienne, il décide de se rendre en personne au siège social de la compagnie, à Brême, afin d’y rencontrer les dirigeants et de leur faire part de son insatisfaction face aux services de Bego au Canada. C’était en 1987. En 1989, après 24 mois de discussions, Bego Canada voit le jour.
Bego Canada est détenue à majorité par Bego et à 40% par Jean Robichaud. Car l’homme d’affaires québécois ne voulait pas être qu’un simple distributeur des produits allemands. Il voulait que la société-mère s’implique à tous les niveaux car selon lui, il était plus facile pour Bego de se dégager de ses responsabilités si elle n’était pas actionnaire. C’est la première fois dans l’histoire de la compagnie allemande qu’un associé n’est pas un membre de la famille Weiss. Car Bego est une affaire de famille. À la mort du dentiste fondateur Wilhelm Herbst, c’est Fritz Weiss, un ingénieur de formation, qui reprend le flambeau de la compagnie. Aujourd’hui, c’est une quatrième génération de Weiss qui dirige Bego. Et après Bego Canada, ont suivi les Bego USA, Bego France et Bego Italie.
LA RÉVOLUTION DANS LA FABRICATION DE PROTHÈSES DENTAIRES APPROCHE MALGRÉ DE LA RÉSISTANCE DANS L’INDUSTRIE
Et cela pourrait continuer encore longtemps, car la dentisterie est une science en développement. Depuis toujours, les prothèses dentaires sont fabriquées à la main. Et cela ne date pas d’hier. On a même retrouvé des prothèses dentaires dans des tombeaux égyptiens! La fabrication de prothèses dentaires est un art qui demande de la dextérité, mais aussi, beaucoup de temps. Et Bego, après avoir investi des milliards de dollars en recherche et développement, est sur le point de changer radicalement la manière de fabriquer des prothèses. Cette nouvelle technologie, c’est la CFAO ou la conception assistée par ordinateur. Selon le président de Bego Canada, la conception de prothèses assistées par ordinateur promet de grandes choses : « Ce sera comme de passer du cheval à l’espace, sans passer par la machine à vapeur et le moteur », illustre-t-il. La conception assistée par ordinateur permettra une précision de l’ordre de 5 à 10 microns. Une précision exceptionnelle lorsqu’on sait qu’un cheveu a une épaisseur de 100 microns. Et ce bouleversement majeur dans la manière de fabriquer les prothèses dentaires est pour bientôt : « Nous sommes sur le bord du précipice », image l’homme d’affaires confiant.
Mais tous ne partagent pas la confiance du président de Bego Canada. Les laboratoires et les techniciens dentaires craignent l’avènement de cette nouvelle technologie qui changera à jamais leur manière de travailler. Jean Robichaud croit que les techniciens dentaires n’ont pas à avoir peur : « D’autres milieux l’ont fait avant nous. On n’a qu’à penser aux opérations au laser pour les yeux. La médecine en général s’en va vers là (la conception assistée par ordinateur). Les techniciens changeront simplement leur outil de travail pour une souris au lieu d’un bout de cire. » Mais il reconnaît que l’avènement de la robotisation ne sera pas facile : « Les machines seront très coûteuses. Les laboratoires devront s’associer entre eux. Ils ne pourront plus faire cavalier seul. Tout cela va demander une réflexion importante de la part du milieu». À entendre parler Jean Robichaud, il est vrai que la robotisation semble être la voie de l’avenir. Surtout lorsqu’il raconte l’histoire d’un chirurgien qui, de New York, a opéré un patient dans un hôpital de Strasbourg, tout ça grâce à un bras mécanisé dirigé par ordinateur. Et le délai de transmission n’était que d’un dixième de seconde.
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Malgré la résistance du milieu, la direction du Parc technologique du Québec métropolitain (PTQM), elle, a cru aux idées novatrices de Bego Canada, car c’est grâce à ce projet de robotisation que la compagnie a pu s’implanter dans le PTQM il y a 4 ans maintenant. Bego Canada compte 8 employés et plus de 10 représentants partout au pays. Ici aussi Bego est une affaire de famille puisque Jean Robichaud emploie sa femme et son fils. Sa fille, elle, a repris le laboratoire dentaire paternel. Parions qu’elle s’approvisionne avec les produits Bego.
IL FAUDRAIT ENCORE AMÉLIORE LA FORMATION
Tous les employés de Bego Canada reçoivent une formation, tout comme 5 000 techniciens dentaires par année, au centre de formation de Bego, en Allemagne. Selon le pdg, la formation donnée par Bego est primordiale car si la dentisterie est en évolution, le programme offert au cégep, lui, n’a pas changé depuis longtemps. Le technicien dentaire de formation y va cependant de sa suggestion en proposant l’ajout d’une 4e année d’études au programme, où il serait question des nouvelles technologies en dentisterie.
Malgré le retard de la main-d’œuvre, le président de Bego Canada tient à préciser que les techniciens dentaires canadiens sont considérés parmi les meilleurs au monde.
Ces jours-ci, le président de Bego Canada se rendra à Vancouver rencontrer des techniciens dentaires du Canada et des États-Unis pour leur parler de la robotisation. Il leur expliquera qu’il ne veut pas changer les bonnes choses (les alliages et les métaux utilisés), mais simplement la manière de les faire. Le président avoue que le marché de la dentisterie est saturé au Canada avec 950 laboratoires dentaires. Mais il ajoute que tant que la bouche des patients ne sera pas en santé, le marché de la dentisterie, lui, le sera!