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Chronique VEILLE D’AFFAIRES, TECHNOLOGIE ET CHANGEMENT | ||||||
Êtes-vous « coopétitif » ? par Richard Legendre, T.Sc.A. Eh oui! « Coopétitif », pas compétitif. Traditionnellement, en affaires, on pense à la compétition, on lutte contre la compétition, on attaque le marché et la compétition. Nous devrons pourtant changer nos habitudes et paradigmes afin de faire face aux défis de la mondialisation et aux changements socio-économiques marquant notre transition d’une société industrielle vers une société du savoir. Une vision étroite uniquement orientée vers la compétition ne permet pas de soutenir ces nouvelles réalités basées sur la multidisciplinarité, les entreprises réseaux et l’interopérabilité des équipements. Lors d’une conférence de veilleurs (Society of Competitive Intelligence Professionals) aux États-Unis, en 1996, un professeur d’université nous incitait à développer des réflexes « coopétitifs ». Ainsi, nos organisations pourraient combiner les forces d’une saine compétition avec les forces d’une saine collaboration, et ce, sans les faiblesses d’une grande organisation ou celles d’une petite organisation. D’ailleurs en 1996, les auteurs Adam Brandenburger et Barry Nalebuff publiaient un livre fort intéressant intitulé «Co-opetition». Selon les auteurs, les entreprises devraient envisager la notion de complémentarité de services ou de produits afin d’influencer et de se positionner sur un marché. Une stratégie de compétition implique un gagnant et un perdant, une stratégie de « coopétition » devrait se conclure par des situations « gagnant-gagnant ». L’EXEMPLE DE PALM… ET L’ERREUR DE SONY Ainsi, les dirigeants de Palm Inc. profitent d’une situation de « coopétition » avec leurs compétiteurs et évitent le piège de la concurrence aveugle justifiant un ghetto technologique isolant leurs produits de ceux des concurrents et empêchant l’interopérabilité recherchée par les utilisateurs. Le cas célèbre, mais non unique, de la bataille des standards de vidéocassettes « Beta » et « VHS » au début des années 1980 illustre bien cette notion de ghetto technologique. La transition d’une société industrielle à une société du savoir a modifié plusieurs paradigmes. Tout d’abord, d’un marché composé de quelques utilisateurs experts, le marché des appareils technologiques a migré vers un marché composé d’un grand nombre d’usagers novices au plan technologique. Ce changement implique que le positionnement d’un produit ne se base pas sur une logique de fonctionnement (technologie), mais plutôt une logique d’utilisation (application). La grande majorité des experts en technologie s’accordent pour dire que le standard « Beta » dépassait de loin en qualité et efficacité le standard « VHS ». Cependant, Sony gardait le cap sur une approche compétitive et refusait de partager son standard avec d’autres manufacturiers. Convaincue de profiter d’une situation monopolistique, Sony s’est isolée technologiquement et le standard «VHS» utilisé par plusieurs autres fabricants rassurait un marché d’usagers novices plus préoccupés par l’interopérabilité des cassettes que la qualité technologique à l’intérieur du magnétoscope. Vous connaissez probablement d’autres histoires d’horreurs comme celle-ci. Pourtant, l’histoire se répète régulièrement : « dur dur » de changer de paradigme ! En tant que technologue en automatisation de procédés, je m’étonne régulièrement des sources d’inspiration guidant le développement d’appareils de mesure ou de méthodes de contrôle. On retrouve souvent l’inspiration dans la nature et dans les modes de gestion humaine. À l’occasion, on devrait appliquer le processus inverse. Dans le mode de gestion et de contrôle d’usines dans les années 70, on misait sur la centralisation du contrôle dans des méga ordinateurs. Les années 80 voient le balancier migrer vers la décentralisation du contrôle ne conservant que la vision globale du procédé au central. Depuis 1995, un modèle hybride s’est mis en place, basé sur l’autonomie des centres locaux de décisions pour les éléments de contrôle locaux et une autonomie centrale pour les éléments de contrôle ayant un impact global sur le procédé de l’usine. Sans l’avoir nommé ainsi, les technologues et ingénieurs en automatisation avaient développé un modèle basé sur la « coopétition » entre les centres locaux de décisions et la salle de contrôle centrale. Ce qui est vrai pour les entreprises l’est aussi pour les organisations. Grossir à outrance les organisations représente une vieille solution qui a prouvé son inefficacité. Il y a peu ou pas d’économies d’échelle à réaliser au-delà d’une certaine taille d’organisation et, s’il y en a, elles seront anéanties par la technocratie, la bureaucratie et l’inertie propre aux grandes administrations. Un savant dosage entre compétition et coopération permet d’obtenir la force d’une grande organisation et l’agilité d’une petite organisation. Lors d’un colloque organisé par le Club Automation en France, à l’automne 2001, monsieur André-Yves Portnoff, directeur de l’Observatoire de la révolution de l’intelligence, affirmait sans hésiter que « le bon modèle économique de l’entreprise est le modèle qui change constamment. Les structures pyramidales centralisées n’ont plus d’avenir ». Hybrides : voilà la caractéristique principale des organisations modernes de demain. Des organisations à la fois : Grandes et Petites L’introduction d’une approche de « coopétition » induit une part de chaos et d’incertitude pour les « coopétiteurs » en présence. De plus, l’attrait sécurisant d’une méga organisation semble toujours trouver écoute dans notre société. Cependant, plusieurs exemples d’entreprises autour de nous et d’ailleurs migrent vers cette approche hybride aussi surprenante que puissante qu’est la « coopétition ». • Saurons-nous voir les opportunités de complémentarité entre entreprises concurrentes et entre les différents niveaux d’administration publique? Les changements de société qui nous bousculent depuis quelques années dans un contexte de mondialisation et la migration d’une société industrielle vers une société du savoir nous imposent des changements de paradigmes pour survivre. Robert Lepage disait que « pour être universel, il faut être profondément local ». J’ajouterai : Pour demeurer compétitif mondialement, il faut être « coopétitif » localement ! « Coopétitivement » vôtre. |
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