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En attendant la manne au Sénégal
Geekcorps a déjà son histoire de succès au Rwanda grâce à un Québécois
Par Daniel Allard

En annonçant devant plus de 700 personnes à Montréal, le lundi 10 mai 2004, qu’il allait de l’avant avec le projet de mise en place de Corps Canada, le premier ministre du Canada, Paul Martin, ne pensait assurément pas à David Smith. Ce montréalais d’origine, qui fut le premier Québécois à partir pour l’Afrique en tant que volontaire pour Geekcorps, aura lui, sans doute, une montée de bons souvenirs en apprenant que le gouvernement du Canada souhaite mettre en place ce qu’un organisme privé à but non lucratif des États-Unis lui a déjà permis de faire : mettre au service des populations plus démunies de la planète son savoir et son expertise.

David Smith a même effectué deux mandats avec l’organisme fondé par Ethan Zuckerman (voir encadré). Une première fois au Rwanda, à l’automne de 2002, pour passer trois mois dans la capitale du pays, Kigali. Puis au Sénégal, pour un passage de seulement dix jours en 2003.

« Au Rwanda, j’ai aidé une entreprise locale à mettre au point une base de donnée pour gérer les prisonniers du génocide. Après quelques jours sur place, j’ai réalisé que ma présence n’était pas nécessaire. Mais j’ai tout de même passé deux mois à échanger avec cette compagnie et nous avons trouvé des moyens de faire changer leur technologie. Et finalement, ce fut une bonne contribution au bénéfice de la compagnie rwandaise, ce qui est le mandat de Geekcorps : aider des entreprises à développer des outils nécessaires pour relever des défis plus complexes », témoigne-t-il.

Comment a-t-il connu Geekcorps? « Par hasard, en consultant l’Internet. J’ai tout de suite voulu faire une mission. Pour moi, c’était aussi comme une manière de faire une sabbatique avec ma femme et ma fille ». Et que laisse-t-il derrière lui? « Une meilleure entreprise africaine! Geekcorps n’est pas une ONG traditionnelle qui vise à sauver des vies ».

Lorsqu’il nous accorda une entrevue, dans un petit café de la rue Saint-Denis à Montréal, ce n’est d’ailleurs pas une carte d’affaires de Geekcorps qu’il a tendue mais celle de sa propre petite entreprise : Conseils en Logiciels DRSmith Inc. Software Consulting.

MANNE EN VUE AU SÉNÉGAL

« Au Sénégal, j’ai jouer le rôle de représentant des éventuels bénévoles de Geekcorps dans l’élaboration du concept d’un projet important qui est mis en branle dans ce pays avec l’implication du gouvernement sénégalais, de US AID et de la compagnie HP », raconte-t-il. Et depuis son retour, il ambitionne maintenant de faire un troisième mandat, en partageant sûrement le rêve d’Ethan Zuckerman d’envoyer une centaine de bénévoles par ans pendant trois ans, grâce à ce qui porte le nom de Digital Freedom Initiative : « Un projet qui va toucher dans les 100 millions $US et que le fondateur de Geekcorps a eu l’occasion de vendre directement à la Maison Blanche (à Washington)», détaille avec enthousiasme David Smith, avec ce qu’il en sait.

Alors que le nombre de bénévoles encadrés par Geekcorps depuis sa fondation atteint actuellement une centaine au total, dont le tiers provenait de pays autres que les États-Unis, on comprend que la portée de la Digital Freedom Initiative serait sans commune mesure avec les acquis à ce jour.

De quoi rendre bien modeste le premier ministre Paul Martin, qui n’a toujours pas confirmé de budget pour le fonctionnement de son projet de Corps Canada. Initiative, par ailleurs, qui devra compter sur la présence de ce qu’Ethan Zuckerman connaît comme une forme de concurrence déjà active au Canada dans le même domaine : Bellanet.org, une organisation d’Ottawa! Bellanet préconise et facilite la collaboration efficace dans les milieux internationaux, particulièrement par le recours aux TIC et vise à appuyer la pratique efficace du développement en partageant son expertise des technologies de l’information et de la communication, ainsi que ses techniques de facilitation de l’apprentissage organisationnel et de partage du savoir par trois grands secteurs d’activité : Communautés en ligne, Partage des connaissances et Développement ouvert.

COMMENT FUT CRÉÉ GEEKCORPS?
 
Ethan Zuckerman s'était retrouvé au Ghana en 1993-94 avec son diplôme de philosophie fraîchement en poche. Ce séjour africain, lors duquel il fut bénéficiaire d'une bourse d'étude Fullbright à l'Université de Legon et étudia aussi l'ethnomusicologie et la percussion au Théâtre national du Ghana, le conduira à fonder Geekcorps. Un peu comme les PeaceCorps, Geekcorps bâtit un corps de volontaires - des spécialistes des T.I. souhaitant encourager le transfère de technologies et de pratiques d'affaires - qui bénévolement s'associent à des entreprises de pays émergents pour la réalisation de projets d'une durée de un à quatre mois. Le but: réduire l'écart technologique entre le Nord et le Sud.
 
Dix ans plus tard, le sympathique colosse, aux cheveux blonds tombant jusque dans le milieu du dos, ne passe jamais inaperçu. Aussi jovial qu’imposant par sa stature, il tente de changer le monde à sa manière, en travaillant à réduire les écarts de connaissances technologiques entre les entreprises bien nanties d’Amérique et celles plus démunies d’Afrique, d’Asie, d’Europe orientale et d’Amérique latine.
 
Gina Dario, une de ses collaboratrices d’origine italienne, est sa « francophone de service ». Une nécessité, car l’organisme recherche activement des bénévoles du Québec - Geekcorps souhaite trouver une vingtaine de volontaires francophones en 2004 - particulièrement pour des missions au Sénégal : « Car le gouvernement sénégalais investit présentement de l’argent dans un important programme digital », nous expliquait Ethan Zuckerman, lors d’un passage à Québec en octobre 2003.
 
Ethan Zuckerman fait partie de ces jeunes visionnaires qui fondèrent Tripod, une compagnie qui fut vendue à Lycos en 1998. Après l'acquisition, il fut nommé d.g. de la division Angelfire.com et devint membre de l'équipe des fusions et acquisitions de Lycos. Depuis l'an 2000, il se consacre entre autres à un rêve qui fait vite penser à celui de Jean-Jacques Servan-Schreiber, l'écrivain idéaliste né en France en 1924 qui proposait de sauver l'Afrique en y démocratisant la micro-informatique (Le défi américain, 1967).
Geekcorps est une division de International Executive Service Corps (IESC) depuis 2001.
 

www.geekcorps.org
http://pages.globetrotter.net/drsmith/
http://home.bellanet.org

Fait à Québec le 15 avril 2004.