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SOMMAIRE | ||||||
50% de lhumanité na pas dénergie pour subvenir à ses besoins primaires Avec laccroissement constant de la population mondiale, notre petite planète fait face à de grands défis que lon ne peut ignorer. Lécart entre les civilisations fortunées et celles ne pouvant profiter des mêmes privilèges saccroît de plus en plus, si bien quil est du devoir de chacun de se questionner sur ce problème et de tenter dy apporter des pistes de solutions. Monsieur El Habib Benessahraoui la bien compris. Directeur exécutif de lInstitut de lénergie et de lenvironnement de la Francophonie (IEPF), il est particulièrement conscient de limportance du rôle que jouera lénergie au cours des prochaines décennies. Cest sur ce sujet quil est venu entretenir les membres de lAssociation des économistes québécois (ASDEQ) lors dun midi-conférence tenu au Château Frontenac, le 22 avril dernier. Cette dernière conférence de la saison de lASDEQ avait pour titre : « Lénergie pour le développement durable, état des lieux et perspectives ». UNE LONGUE DÉMARCHE DE SENSIBILISATION Bien que le problème du partage de lénergie existe depuis longtemps, ce nest que depuis les années 70 quon discute réellement du développement durable. La première réunion de lOrganisation des Nations unies sur le sujet eut lieu en 1972. Un an plus tard, le grand choc pétrolier provoque des changements et pousse encore plus loin la réflexion. Au cours des années 80, de nouveaux termes font leur apparition : effet de serre, couche dozone et pluies acides viennent enflammer limaginaire collectif. Lénergie se retrouve donc au centre des préoccupations et lincontournable rapport Brundtland de 1987 apporte une définition concrète au terme « développement durable » : « Le développement soutenable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de "besoin", et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient daccorder la plus grande priorité, et lidée des limitations que létat de nos techniques et de notre organisation sociale imposent sur la capacité de lenvironnement à répondre aux besoins actuels et à venir. » De Stockholm en 1972, en passant par Rio en 1992, Doha en 2001 et Johannesbourg en 2002, le sujet de lénergie comme développement durable prend de plus en plus de place dans les discussions. Toutefois, il reste encore bien du chemin à parcourir. « Le Sommet de Rio de 1992 nous a permis de fonder de grands espoirs grâce à une prise de conscience importante, affirme M. Benessahraoui. Malheureusement, dix ans plus tard, nous avons les mêmes habitudes de consommation ; linégalité entre les pays et même à lintérieur des pays riches augmente, la qualité de lenvironnement se détériore avec une hausse, entre autre, de la désertification, et laide publique est insuffisante. » Le conférencier a par la suite dressé un portrait plus précis de cette situation à laide de quelques statistiques révélatrices. Deux des six milliards de personnes formant la population mondiale sont sans accès à des formes modernes dénergie ; et cet accès est extrêmement limité à légard dun milliard de Terriens de plus. Cest donc dire que la moitié de la population du globe ne peut pas compter sur une énergie suffisante à ses besoins primaires. De plus, 20 % de la population mondiale consomme 80% de lénergie non renouvelable et la consommation mondiale dénergie dépend à 80 % de combustibles fossiles. Afin de compléter ce sombre tableau, il y a plusieurs risques daggravation à considérer, tels que la croissance démographique, lurbanisation (particulièrement au Sud) et la poursuite des modes de consommation non viables. MALGRÉ TOUT, DU POSITIF ! Mais M. Benessahraoui nest pas du genre à se décourager. Il préfère préconiser de nouvelles approches dans le but de renverser la situation. Une responsabilité des individus et de lÉtat savère incontournable. Une prise de conscience face à la situation est la première étape vers un changement graduel des habitudes ancrées dans les esprits depuis si longtemps, particulièrement au Nord de léquateur. Également, la recherche de léquité est évidemment nécessaire, en plus dune gestion attentive des différentes ressources à notre disposition. Le conférencier a finalement souligné limportance dune mobilisation à tous les plans, soit aux niveaux financier, organisationnel et technologique. Où en sommes-nous, au niveau de la communauté internationale, dans les discussions sur le sujet ? Le Directeur exécutif de lIEPF a ici tenu à rappeler que malgré quelques avancées récentes telles que les « Objectifs du millénaire » de lONU et linitiative de mise en place du NÉPAD prise par le G8 en faveur du développement de lAfrique, il faut noter la panne du protocole de Kyoto, qui a fait couler beaucoup dencre, surtout en raison du retrait des États-Unis. LES ALTERNATIVES : lACCESSIBILITÉ ET LA SOBRIÉTÉ ÉNERGÉTIQUE Que peut on faire de plus? Les alternatives sont peu nombreuses, mais incontournables. El Habib Benessahraoui met donc laccent sur deux termes en particulier : laccessibilité et la sobriété énergétique. En ce qui concerne laccessibilité, il admet que le problème est profond et que la solution du problème ne surviendra pas à court terme. « Il faut penser à toutes les possibilités, estime-t-il. Comme par exemple la mobilisation de la biomasse, une réglementation sur le coût de lénergie, une substitution graduelle des combustibles liquides et gazeux mais dans tous les cas, une coopération Nord-Sud est primordiale. » Pour ce qui est de la sobriété, il estime quune hausse de production de lénergie ne fait quapprofondir linégalité et que focaliser uniquement sur la production nest donc pas une voie à suivre. Plutôt, le problème doit être abordé sur des termes plus généraux tels que lurbanisation, les politiques daménagement du territoire, le transport et lhabitat. De plus, le Nord doit sefforcer de donner lexemple tandis que le Sud doit accorder une grande importance à la situation tout en étant appuyé adéquatement dans ses démarches. Les pistes de solutions proposées par M. Benessahraoui, sarticulant sur les thèmes de laccessibilité et la sobriété, se résument donc ainsi : Une prise de conscience citoyenne ; Les effets positifs dun partenariat global et volontariste pour une énergie durable sont nombreux. Lhumanisation de la mondialisation, la contribution au renforcement des solidarités et léloignement à terme des périls des changements climatiques en sont les principaux. « Nous devons agir en personnes responsables », estime-t-il. « De toute façon, existe-t-il une autre alternative ? », sinterroge encore le directeur exécutif du IEPF. Autre raison de demeurer positif, une certaine modification des attitudes est peut-être déjà commencée, selon le conférencier, qui observe quun nombre croissant de personnes conteste la situation actuelle, abordant le problème directement : « De plus en plus de voix sélèvent au sein de divers groupes. Parmi la population générale, mais aussi parmi les parlementaires et même les industriels. Kyoto est à lorigine de ces changements. Cest pourquoi jentrevois des avancées malgré le sérieux de ces problèmes. » En définitive, beaucoup de chemin à parcourir mais une lumière à lhorizon ! Lénergie pour le développement durable continuera dêtre un enjeu majeur, qui risque même de sintensifier au cours des prochaines décennies. Et à linstar du spécialiste de ce secteur quest M. El Habib Benessahraoui, espérons seulement que lhumanité saura prendre des décisions éclairées ! Fait à Québec le 15 avril 2004. |
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