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Chronique TECHNOLOGIE ET INNOVATION | ||||||
Êtes-vous « coopétitif » ? Eh oui! « Coopétitif », pas compétitif. Traditionnellement, en affaires, on pense à la compétition, on lutte contre la compétition, on attaque le marché et la compétition. Nous devrons pourtant changer nos habitudes et paradigmes afin de faire face aux défis de la mondialisation et aux changements socio-économiques marquant notre transition dune société industrielle vers une société du savoir. Une vision étroite uniquement orientée vers la compétition ne permet pas de soutenir ces nouvelles réalités basées sur la multidisciplinarité, les entreprises réseaux et linteropérabilité des équipements. Lors dune conférence de veilleurs (Society of Competitive Intelligence Professionals) aux États-Unis, en 1996, un professeur duniversité nous incitait à développer des réflexes « coopétitifs ». Ainsi, nos organisations pourraient combiner les forces dune saine compétition avec les forces dune saine collaboration, et ce, sans les faiblesses dune grande organisation ou celles dune petite organisation. Dailleurs en 1996, les auteurs Adam Brandenburger et Barry Nalebuff publiaient un livre fort intéressant intitulé «Co-opetition». Selon les auteurs, les entreprises devraient envisager la notion de complémentarité de services ou de produits afin dinfluencer et de se positionner sur un marché. Une stratégie de compétition implique un gagnant et un perdant, une stratégie de « coopétition » devrait se conclure par des situations « gagnant-gagnant ». LEXEMPLE DE PALM ET LERREUR DE SONY Voici un récent exemple dune entreprise ayant compris la valeur de la « coopétition » : le fabricant dassistants personnels Palm a, dès juillet 2001, rendu disponible son système dexploitation PalmOS à des manufacturiers concurrents comme Sony, Samsung et Handspring. Par souci de transparence et dintégrité pour ses clients concurrents, Palm a mis en place une filiale autonome, Platform Solutions Group, qui concentrera ses activités au développement des solutions de systèmes dapplications PalmOS et la vente des licences aux autres manufacturiers dassistants personnels. Palm Inc. poursuivra le développement et la fabrication dassistants personnels. Par cette stratégie de « coopétition » du système dexploitation des assistants personnels, la filiale de Palm Inc. a permis que 16 millions de ces petits appareils dans le monde utilisent le logiciel PalmOS assurant ainsi des ventes accrues pour la portion «savoir» de ces équipements tout en assurant aux utilisateurs une interopérabilité entre les assistants personnels fabriqués par différents manufacturiers. Franck Gaget affirmait à la presse quil était normal quun fabricant comme Sony puisse bénéficier dune confidentialité quant aux échanges avec son fournisseur de système dexploitation. Monsieur Gaget considère lapproche par filiale comme une étape vers le démembrement des deux organisations pour en arriver à la création de deux entreprises complètement indépendantes. Ainsi, les dirigeants de Palm Inc. profitent dune situation de « coopétition » avec leurs compétiteurs et évitent le piège de la concurrence aveugle justifiant un ghetto technologique isolant leurs produits de ceux des concurrents et empêchant linteropérabilité recherchée par les utilisateurs. Le cas célèbre, mais non unique, de la bataille des standards de vidéocassettes « Beta » et « VHS » au début des années 1980 illustre bien cette notion de ghetto technologique. La transition dune société industrielle à une société du savoir a modifié plusieurs paradigmes. Tout dabord, dun marché composé de quelques utilisateurs experts, le marché des appareils technologiques a migré vers un marché composé dun grand nombre dusagers novices au plan technologique. Ce changement implique que le positionnement dun produit ne se base pas sur une logique de fonctionnement (technologie), mais plutôt une logique dutilisation (application). La grande majorité des experts en technologie saccordent pour dire que le standard « Beta » dépassait de loin en qualité et efficacité le standard « VHS ». Cependant, Sony gardait le cap sur une approche compétitive et refusait de partager son standard avec dautres manufacturiers. Convaincue de profiter dune situation monopolistique, Sony sest isolée technologiquement et le standard «VHS» utilisé par plusieurs autres fabricants rassurait un marché dusagers novices plus préoccupés par linteropérabilité des cassettes que la qualité technologique à lintérieur du magnétoscope. Vous connaissez probablement dautres histoires dhorreurs comme celle-ci. Pourtant, lhistoire se répète régulièrement : « dur dur » de changer de paradigme ! En tant que technologue en automatisation de procédés, je métonne régulièrement des sources dinspiration guidant le développement dappareils de mesure ou de méthodes de contrôle. On retrouve souvent linspiration dans la nature et dans les modes de gestion humaine. À loccasion, on devrait appliquer le processus inverse. Dans le mode de gestion et de contrôle dusines dans les années 70, on misait sur la centralisation du contrôle dans des méga ordinateurs. Les années 80 voient le balancier migrer vers la décentralisation du contrôle ne conservant que la vision globale du procédé au central. Depuis 1995, un modèle hybride sest mis en place, basé sur lautonomie des centres locaux de décisions pour les éléments de contrôle locaux et une autonomie centrale pour les éléments de contrôle ayant un impact global sur le procédé de lusine. Sans lavoir nommé ainsi, les technologues et ingénieurs en automatisation avaient développé un modèle basé sur la « coopétition » entre les centres locaux de décisions et la salle de contrôle centrale. Ce qui est vrai pour les entreprises lest aussi pour les organisations. Grossir à outrance les organisations représente une vieille solution qui a prouvé son inefficacité. Il y a peu ou pas déconomies déchelle à réaliser au-delà dune certaine taille dorganisation et, sil y en a, elles seront anéanties par la technocratie, la bureaucratie et linertie propre aux grandes administrations. Un savant dosage entre compétition et coopération permet dobtenir la force dune grande organisation et lagilité dune petite organisation. Lors dun colloque organisé par le Club Automation en France, à lautomne 2001, monsieur André-Yves Portnoff, directeur de lObservatoire de la révolution de lintelligence, affirmait sans hésiter que « le bon modèle économique de lentreprise est le modèle qui change constamment. Les structures pyramidales centralisées nont plus davenir ». Hybrides : voilà la caractéristique principale des organisations modernes de demain. Des organisations à la fois : Grandes et Petites Lintroduction dune approche de « coopétition » induit une part de chaos et dincertitude pour les « coopétiteurs » en présence. De plus, lattrait sécurisant dune méga organisation semble toujours trouver écoute dans notre société. Cependant, plusieurs exemples dentreprises autour de nous et dailleurs migrent vers cette approche hybride aussi surprenante que puissante quest la « coopétition ». Saurons-nous voir les opportunités de complémentarité entre entreprises concurrentes et entre les différents niveaux dadministration publique? Les changements de société qui nous bousculent depuis quelques années dans un contexte de mondialisation et la migration dune société industrielle vers une société du savoir nous imposent des changements de paradigmes pour survivre. Robert Lepage disait que « pour être universel, il faut être profondément local ». Jajouterai : Pour demeurer compétitif mondialement, il faut être « coopétitif » localement ! « Coopétitivement » vôtre. |
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