SOMMAIRE La Chine : menace, mirage ou
eldorado ?
Par Loïc Tassé Depuis des siècles, la Chine étonne, séduit, inquiète. Son accession à l'OMC, son taux de croissance de près de 8% par année depuis 1980, l'augmentation de ses exportations, qui atteignent 6% du commerce mondial, la vitesse de son développement, sa puissance militaire, sont autant de facteurs qui font croire à certains que la Chine pourrait bien, d'ici quinze ans, non seulement devenir la plus grande économie, mais peut-être bien aussi remplacer les États-Unis comme principale puissance du monde. L'économie de la Chine présente l'image d'un système hybride, à mi-chemin entre le capitalisme et le communisme. Les transactions entre les particuliers s'apparentent à celles des pays de libre marché, mais les entreprises importantes demeurent sous l'emprise du Parti communiste chinois. Ce contrôle s'opère, entre autres, par le biais d'entreprises nationales, de holdings financiers, de participations financières du gouvernement ou encore grâce au pouvoir des membres du Parti qui occupent des positions clefs aussi bien dans les entreprises que dans l'administration publique. Le paysage économique de la Chine est très varié. Les provinces côtières sont les plus riches. Parmi celle-ci, sept, qui n'occupent que 14% du territoire, regroupent 41% de la population, reçoivent 85% des investissements directs étrangers, fournissent 89% des exportations, sont responsables de 92% des importations et comptent pour 58% du PNB. Standad & Poor's Il est possible de distinguer quatre grandes régions économiques en Chine. Chaque région compte environ 300 millions de personnes. La première de région est constituée des villes côtières riches. Le niveau de vie de la population y est semblable à celui des villes des pays industrialisés. La seconde région est celle des zones entourant les villes riches ainsi que celle des grandes villes de intérieur du pays. Le niveau de vie y est plus bas et les entreprises polluantes ou à forte intensité de main d'œuvre commencent déjà à y relocaliser une partie de leur production. La troisième région est celle des petites villes et des zones entourant les grandes villes intérieures. Le niveau de vie y est bas et le gouvernement chinois tente de développer ces régions grâce à des politiques d'investissement massif dans les infrastructures. Enfin, les populations des campagnes qui entourent les petites villes affrontent des conditions de vie pénibles qui s'apparentent à celles de pays sous-développés. Cette répartition de la richesse découle de la stratégie de développement économique empruntée par la Chine depuis vingt-cinq ans. À la fin des années soixante-dix, le gouvernement chinois a libéralisé le marché des produits agricoles, ce qui a entraîné le développement de diverses industries rurales. La Chine a aussi progressivement ouvert son marché intérieur et elle a augmenté ses exportations, notamment grâce à la création de zones économiques spéciales et de villes ouvertes au commerce. Ces zones économiques spéciales et ces villes ouvertes étaient toutes situées sur la côte, ce qui a donné à ces régions un avantage concurrentiel important par rapport aux régions intérieures. Cet avantage a contribué à creuser les écarts entre les provinces et entre les villes. Dans un contexte de rareté des ressources, il a forcé le gouvernement central à des arbitrages difficiles entre les différents pouvoirs locaux. Certaines régions de la Chine, comme celles du Nord Est, sont demeurées plus longtemps sous le monopole des entreprises d'État, avec peu d'investissements privés, et ont stagné. À l'inverse, des provinces comme celle du Fujian ou du Guangdong, fouettées par les investissements massifs qui provenaient de la diaspora chinoise, ont prospéré. La stagnation et la prospérité des diverses régions ont toutes deux accentué le problème de la corruption. Dans le premier cas, les dirigeants des entreprises d'État en faillite se sont servis de leurs relations dans les banques et dans le Parti communiste pour ré-échelonner leur dette. Dans le second cas, des entreprises qui parfois se concurrençaient les unes les autres sur les mêmes marchés avec les mêmes produits, ont réussi à obtenir des prêts pour moderniser et agrandir leurs infrastructures sans véritable étude de rentabilité. Ce type de mauvais prêts est devenu à ce point grave que la firme Standard & Poor's les évaluait récemment à environ 850 milliards $US, soit environ un ratio d'environ 45%. Les dirigeants chinois doivent aussi affronter d'autres graves problèmes. La détérioration de l'environnement, les pénuries d'eau, les besoins grandissants en énergie, le vieillissement de la population, le taux de chômage élevé, sont autant d'éléments qui assombrissent l'avenir de la Chine. Le marché de la Chine serait-il un mirage ? Comment les dirigeants chinois parviendront-ils à surmonter toutes ces difficultés ? En fait, en dépit de certains chiffres alarmants, il semble que la Chine continuera à progresser assez bien dans les prochaines années. La mainmise du Parti communiste chinois sur la politique et l'économie du pays atténue les dangers de dérive. Si des problèmes doivent survenir, ils proviendront plus de la réaction négative de marchés extérieurs que de l'évolution du marché intérieur chinois. Pourtant, il se pourrait que le marché chinois devienne plus incertain après 2010, alors qu'une nouvelle génération de dirigeants chinois parviendra au pouvoir. |
Commerce Monde #39 |