ACCÈS INCERTAIN :
LES CONSÉQUENCES DES MESURES PRISES
PAR LES ÉTATS-UNIS TOUCHANT LA SÉCURITÉ ET LE COMMERCE POUR LA POLITIQUE
COMMERCIALE CANADIENNE
Rapport du Comité sénatorial
permanent des affaires étrangères
Président: L'honorable Peter Stollery
Vice-présidente: L'honorable Consiglio Di Nino
Quatrième rapport
Juin 2003
--------------------------
MEMBRES
L'honorable Peter Stollery,
Président
L'honorable Consiglio Di Nino,
Vice-président
et
Les honorables sénateurs:
Raynell Andreychuk
Jack Austin, C.P.
Roch Bolduc
Pat Carney, C.P.
*Sharon Carstairs, C.P. (ou Fernand Robichaud, C.P.)
Eymard G. Corbin
Pierre De Bané, C.P.
Jerahmiel Grafstein
Alasdair Graham, C.P.
Rose-Marie Losier-Cool
*John Lynch-Staunton (ou Noël Kinsella)
Raymond Setlakwe
* Membres d'office
En plus des sénateurs indiqués ci-dessus, les
honorables sénateurs Maria Chaput, Joseph Day, Edward M. Lawson, Frank W.
Mahovlich, Pana Merchant, Gerard A. Phalen, David P. Smith et Terry
Stratton étaient membres du Comité à différents moments au cours de cette
étude ou y ont participé au cours de la deuxième session de la
trente-septième législature.
Personnel de la Direction de la recherche
parlementaire de la Bibliothèque du Parlement:
Peter Berg, analyste de recherche
Michael Holden, analyste de recherche
Janna Jessee, stagiaire, Norman Paterson School of International Affairs
Le greffier du Comité
François Michaud
------------------------------------------------------------------------
ORDRE DE RENVOI
Extrait des Journaux du Sénat du jeudi 21
novembre 2002 :
L'honorable sénateur Stollery propose, appuyé par
l'honorable sénateur Adams,
QUE le Comité
sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à étudier et à
faire rapport sur les relations commerciales entre le Canada et les
États-Unis d'Amérique et entre le Canada et le Mexique, portant une
attention particulière à : a) l'Accord de libre-échange de 1988; b)
l'Accord de libre-échange nord-américain de 1992; c) un accès sûr pour les
produits et services canadiens aux États-Unis d'Amérique et au Mexique; et
d) le développement de mécanismes efficaces de règlement des différends,
tous dans le contexte des relations économiques du Canada avec les pays
des Amériques et du cycle de Doha des négociations commerciales de
l'Organisation mondiale du commerce;
QUE le Comité ait
le pouvoir de recourir aux services de conseillers, de spécialistes,
d'employés de bureau et de tout personnel qu'il jugera nécessaire pour
effectuer les travaux définis dans l'ordre de renvoi;
QUE le Comité soit
autorisé à se transporter d'un lieu à l'autre au Canada et à l'étranger
aux fins de son enquête;
QUE le Comité
présente son rapport final au plus tard le 19 décembre 2003; et que le
Comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion des résultats de
son étude contenu dans son rapport final et ce jusqu'au 31 janvier 2004.
Après débat,
Avec la permission du Sénat et conformément à
l'article 30 du Règlement, la motion est modifiée et se lit comme suit :
QUE le Comité
sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à étudier et à
faire rapport sur les relations commerciales entre le Canada et les
États-Unis d'Amérique et entre le Canada et le Mexique, portant une
attention particulière à : a) l'Accord de libre-échange de 1988; b)
l'Accord de libre-échange nord-américain de 1992; c) un accès sûr pour les
produits et services canadiens aux États-Unis d'Amérique et au Mexique; et
d) le développement de mécanismes efficaces de règlement des différends,
tous dans le contexte des relations économiques du Canada avec les pays
des Amériques et du cycle de Doha des négociations commerciales de
l'Organisation mondiale du commerce;
QUE le Comité
présente son rapport final au plus tard le 19 décembre 2003; et que le
Comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion des résultats de
son étude contenu dans son rapport final et ce jusqu'au 31 janvier 2004.
La motion, telle que modifiée, mise aux voix, est
adoptée.
Paul Bélisle
Greffier du Sénat
------------------------------------------------------------------------
RECOMMANDATIONS
Recommandation 1
Que le Gouvernement du Canada s'assure que les
décideurs américains comprennent bien tout le sérieux qu'accorde le Canada
aux questions de sécurité. Le gouvernement devrait lancer immédiatement
une campagne dynamique pour informer ces décideurs américains de la
coopération sans précédent entre nos deux pays dans le dossier de la
sécurité de nos frontières et du fait que le Canada est un partenaire
commercial sûr.
Recommandation 2
Que, comme l'existence d'une frontière propice aux
échanges commerciaux efficients est vitale pour la prospérité économique
du pays et l'infrastructure actuelle aux principaux postes frontaliers est
terriblement insuffisante pour faire face à l'intensification considérable
du commerce bilatéral, le Gouvernement du Canada accélère la mise en œuvre
du Plan d'action en 30 points sur la création d'une frontière intelligente
:
a) en encourageant les autorités canadiennes et
américaines à accélérer la construction de nouveaux ponts et tunnels entre
les deux pays;
b) en injectant des ressources financières
beaucoup plus importantes dans la construction de nouveaux éléments
d'infrastructure à la frontière, outre les ponts et tunnels; et
c) en accélérant les efforts en vue d'établir un
système de dédouanement préalable pour les marchandises qui passent par
les postes-frontières terrestres, ce qui permettrait de procéder au
dédouanement ailleurs qu'à la frontière et donc de réduire les obstacles
au développement du commerce et des investissements qui sont liés au
passage de la frontière.
Recommandation 3
Que les gouvernements du Canada et des États-Unis
intensifient leurs efforts pour s'assurer que, lors de la mise en place de
mesures de sécurité canadiennes et américaines, les conséquences sur le
commerce bilatéral et les investissements soient prises en considération.
Recommandation 4
Que le Canada et les États-Unis entreprennent des
négociations pour limiter substantiellement l'application des recours
commerciaux (droits antidumping et compensateurs et autres mécanismes de
protection) dans les secteurs économiques (p. ex. l'acier) où les
producteurs seraient en faveur de telles négociations.
Recommandation 5
Que le Gouvernement du Canada cherche en priorité,
lors du cycle de Doha des négociations commerciales de l'OMC, à conclure
un accord afin :
a) de clarifier et améliorer les dispositions
actuelles sur les définitions des notions de subvention et de dumping;
b) de renforcer les dispositions en vigueur sur
l'utilisation des recours commerciaux (p. ex., droits antidumping et
compensateurs et autres mesures) afin d'empêcher les abus
protectionnistes; et
c) d'éviter les conflits commerciaux continentaux.
Recommandation 6
Que, durant les négociations sur la ZLEA et sur
l'établissement d'un régime efficace de règlement des différends
hémisphériques, le gouvernement fédéral tente de conserver, au minimum, la
possibilité de se prévaloir du processus de règlement des différends au
Chapitre 19 de l'ALENA pour les échanges commerciaux réalisés dans le
cadre de l'ALENA.
Recommandation 7
Que le Canada, le Mexique et les États-Unis
mettent en pratique l'Article 2002 de l'ALENA stipulant la création d'un
secrétariat permanent de l'ALENA auquel on confierait le mandat suivant :
a) examiner les moyens de résoudre, au sein de
l'ALENA plutôt qu'à l'OMC, les différends et irritants commerciaux et
contribuer à une résolution rapide de ces conflits commerciaux;
b) examiner les problèmes à moyen et long terme
liés aux politiques commerciales et produire des rapports assortis de
recommandations à l'intention des partenaires de l'ALENA; et
c) étudier les développements survenant dans le
système commercial multilatéral et leurs liens avec le cadre commercial de
l'ALENA.
Recommandation 8
Que le Gouvernement du Canada, de concert avec les
provinces concernées, maintienne son objectif de conclure avec les
États-Unis un accord permanent libéralisant complètement le marché du bois
d'œuvre résineux. D'ici là, que le Canada, dans tout accord à court terme
conclu pour se donner le temps de parvenir à un accord permanent, ne
renonce pas à son droit d'obtenir les jugements des groupes spéciaux de l'OMC
et de l'ALENA ou de connaître les résultats des mesures prises en vertu du
chapitre 11 de l'ALENA et exige que :
a) les droits antidumping imposés aux producteurs
canadiens de bois d'œuvre résineux soient abolis; et
b) tous les droits antidumping et compensateurs
perçus jusqu'à maintenant soient remis au Canada.
Recommandation 9
Que le Gouvernement du Canada :
a) travaille de concert avec des pays partageant
son point de vue afin d'éliminer du document de négociation de l'OMC sur
l'agriculture toute proposition d'éliminer graduellement les entreprises
commerciales d'État ou les entreprises contrôlées par les agriculteurs
comme la Commission canadienne du blé; et
b) cherche surtout à renforcer les règles
antidumping de l'OMC afin de tenir compte des particularités du secteur
agricole, étant donné qu'il arrive souvent que les prix des denrées
subissent l'influence de facteurs extérieurs qui les font baisser
au-dessous des coûts de production (déclencheur de mesures antidumping).
Recommandation 10
Que le gouvernement fédéral :
a) augmente de façon substantielle le nombre de
consulats aux États-Unis par rapport au nombre prévu. Ces nouveaux bureaux
consulaires devraient être désignés essentiellement comme responsables du
commerce et des investissements et être dotés d'un personnel professionnel
compétent et expérimenté;
b) lance immédiatement une campagne bien ciblée
pour informer les décideurs américains de l'importance de nos relations
commerciales bilatérales;
c) accroisse les crédits qu'il consacre à la
défense des investissements et intérêts commerciaux canadiens aux É.-U. de
manière à augmenter l'efficacité de ses stratégies; et
d) renforce les relations bilatérales avec les
organes exécutif et législatif du gouvernement américain. Nous devrions
aussi formuler des stratégies pour collaborer de manière plus efficace et
régulière avec le Sénat et la Chambre des représentants dans les dossiers
et questions d'importance qui préoccupent nos deux pays, et obtenir les
ressources budgétaires appropriées. Pour ce faire, le gouvernement devrait
établir un bureau parlementaire à Washington pour aider les parlementaires
canadiens à collaborer avec les législateurs américains et les autres
décideurs clés de ce pays.
Recommandation 11
Que le Gouvernement du Canada s'abstienne
d'entreprendre des pourparlers sur une éventuelle union douanière avec les
États-Unis.
Recommandation 12
Que le Gouvernement du Canada étudie soigneusement
l'effet des différences de la réglementation américaine sur l'économie
canadienne et qu'il rende ses conclusions publiques. Le gouvernement
devrait analyser sérieusement le concept de la reconnaissance mutuelle des
normes et procédures réglementaires des deux pays, sous le régime
desquelles les normes ne seraient testées et l'inspection et
l'homologation ne se feraient qu'une fois pour le marché Canada -
États-Unis. De plus, le gouvernement devrait déterminer les secteurs dans
lesquels la réglementation américaine est semblable à la canadienne et où
il serait donc possible d'appliquer la notion de reconnaissance mutuelle.
Recommandation 13
Que, même s'il convient de favoriser la
coopération réglementaire avec l'Union européenne dans le cadre de
l'initiative de valorisation du commerce et des investissements Canada-UE,
le gouvernement fédéral conserve comme objectif de conclure un accord de
libre-échange transatlantique global.
Recommandation 14
Que le Gouvernement du Canada fasse une priorité
du libre-échange avec l'Asie et entreprenne avec le Japon, la Chine, la
Corée du Sud, l'Inde et les membres de l'Association des Nations de l'Asie
du Sud-Est (ANASE), des négociations sur la libéralisation du commerce. Le
gouvernement fédéral devrait également développer de nouvelles stratégies
pour intéresser davantage les entreprises canadiennes aux marchés
asiatiques, pour les aider à établir des partenariats durables avec des
entreprises asiatiques, et pour améliorer l'image des produits canadiens
en Asie.
Recommandation 15
Que le Gouvernement du Canada établisse un conseil
du commerce et des investissements pour mener des études analytiques
approfondies sur des questions liées au commerce extérieur et aux
investissements. |