SOMMAIRE Québec à l'avant-garde par Daniel Allard La ville de Québec sera mise à l'avant-garde des débats sur les grands enjeux environnementaux, particulièrement celui des carburants « verts ». Le Comité international de la Coalition des gouverneurs pour l'utilisation de l'éthanol a décidé d'y tenir le premier Sommet mondial sur l'éthanol-carburant, du 2 au 4 novembre 2003, à l'Hôtel Fairmont Le Château Frontenac. On y présentera les perspectives mondiales de développement du marché de l'éthanol comme carburant. Les quelque 350 participants attendus auront l'occasion de discuter des enjeux politiques et des stratégies de croissance de l'éthanol-carburant dans leurs pays respectifs. L'éthanol-carburant offre de superbes possibilités économiques et environnementales, et peut permettre à des pays d'atteindre la sécurité et l'indépendance énergétiques. Par conséquent, des programmes portant sur l'éthanol sont en cours d'élaboration dans le monde entier. Les représentants du Comité international de la Coalition des gouverneurs pour l'utilisation de l'éthanol se sont d'ailleurs engagés à faire de l'éthanol un produit international et à édifier un marché de l'éthanol mondial viable à titre de carburant. Cette coalition existe depuis 1991 et regroupe actuellement 29 États des États-Unis. Y ont adhéré également le Brésil, le Mexique, la Suède, ainsi que le Québec (en 1999), via le comité des membres internationaux de la coalition. Ce regroupement tient normalement des réunions techniques et n'avait encore jamais organisé de sommet d'envergure sur le sujet. Ce premier sommet international constituera donc une excellente occasion pour les participants d'échanger des points de vue, des idées et des stratégies avec des intervenants clés provenant de tous les secteurs de cette industrie innovatrice. Des hauts fonctionnaires, des cadres supérieurs d'entreprises et des représentants influents sur le marché seront du rendez-vous, à Québec, pour concevoir l'avenir de l'éthanol-carburant dans le monde. Habituellement produit à partir du maïs - ce dont le Québec ne manque pas - précisons que l'éthanol sert comme additif rendant la combustion de l'essence plus écologique. D'où son nom de carburant « vert ». C'est en fait un alcool qui provient de la fermentation du sucre des biomasses. Outre le maïs, on le fabrique aussi beaucoup à partir de la canne à sucre. Comme cet alcool est le fruit d'une culture, on questionne parfois son réel bénéfice « vert », arguant qu'il faut pratiquement brûler un litre de pétrole en raffinage et en machinerie dans la culture du grain pour produire un litre d'éthanol. Une problématique qui sera sûrement parmi les sujets débattus lors du sommet de Québec, qui aura tout d'un événement hautement international avec un programme qui promet déjà des panélistes des quatre coins du monde (Canada, United States, Brazil, European Union, Mexico, India, Thailand, China and South America). LE QUÉBEC TRÈS EN RETARD Aux États-Unis, les producteurs de ce carburant de l'avenir ne cessent de battre des records. Avec 178 000 barrils/jour en juillet 2003, la production était en croissance de 39% comparé aux 128 000 de juillet 2002. Les chiffres de la Renewable Fuels Association affirment aussi que la production totale dans ce pays devrait atteindre plus de 2,7 milliards de gallons en 2003, dépassant largement la production record de 2,13 milliards de gallons en 2002 (plus de 8 milliards de litres). Actuellement, les 73 usines d'éthanol opérant aux États-Unis totalisent une capacité de production de 2,9 milliards de gallons annuellement et 13 usines supplémentaires sont en construction. Un état de situation qui contraste totalement avec celle du Québec, qui compte pour l'instant aucune usine de production d'éthanol, outre une usine de Tembec qui utilise toute sa production pour ses propres besoins. Le Québec est encore à l'étape des projets. Et c'est celui de Varennes (qui vise 120 millions/litres/an), près de Montréal, qui semble de plus en plus proche de la phase de concrétisation. Le Québec est donc très en retard à titre de producteur de ce carburant «vert». Et pas seulement vis-à-vis le voisin du sud. Il se produit actuellement 240 millions/litres/an d'éthanol dans six usines au Canada, principalement en Ontario, grâce à l'usine de Commercial Alcohols et ses 150 millions/litres/an. Des chiffres imposants, qui demeurent pourtant marginaux, devant le principal producteur au monde qu'est le Brésil, avec 318 usines et une production annuelle de 14 milliards de litres! (Quelque 20 millions de véhicules, utilisant un carburant contenant entre 20% et 24% d'éthanol, roulent sur les routes brésiliennes.) POURQUOI À QUÉBEC? Alors pourquoi ce sommet se tient-il à Québec? « Parce que le Québec est la seule province au Canada à s'être jointe à la Coalition des gouverneurs des États-Unis pour l'utilisation de l'éthanol, et qu'elle cherche à se tailler une place dans ce marché, bien qu'elle ne soit pas encore exportatrice. C'est aussi parce qu'au Canada nous avons moins d'expérience en la matière et que c'est pertinent d'y faire venir les experts », explique Alain Lefebvre, directeur du développement des hydrocarbures, au Ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs du Québec et à la fois président du sommet et du comité organisateur de l'événement. Ce premier sommet du genre a d'ailleurs été rendu possible grâce aux contributions du Ministère des Ressources naturelles, Faune et Parcs du Québec, de Ressources Naturelles Canada, de la Fédération des Producteurs de Cultures Commerciales du Québec, ainsi que de la Canadian Renewable Fuels Association. L'argumentation de ce fonctionnaire spécialiste des hydrocarbures augure évidemment très bien, d'abord pour les promoteurs du projet actuel d'usine de Varennes, ainsi que pour tous les autres projets sérieux. Déjà paradis de l'hydroélectricité, le Québec chercherait-il à devenir un paradis de l'éthanol-carburant? « Paradis est un bien grand mot! Disons que d'atteindre déjà ce que le gouvernement fédéral propose dans son plan d'action serait un bon début, c'est-à-dire que 35% de l'essence consommée au Canada contienne 10% d'éthanol d'ici 2010 », avance-t-il. Et à combien prévoit-il que le Québec devrait limiter sa capacité de production d'éthanol? « Le Québec consomme actuellement 8 milliards de litres d'essence par an. Avec la cible de 35%, il faudrait donc 280 millions/litres/an pour répondre à la demande. En gros, deux usines comme le projet de Varennes. Si 100% de l'essence au Québec contenait 10% d'éthanol, il faudrait alors 800 millions de litres, donc six ou sept usines comparables. Et c'est sans compter le marché à l'exportation », calcule Alain Lefebvre. L'essence avec éthanol-carburant est-elle une panacée? « Je sais qu'une étude du Département de l'Énergie des États-Unis accorde 125-150% de valeur énergétique à l'éthanol, un bilan énergétique positif qui veut dire qu'avec une unité d'énergie, on produit 1,5 unité d'énergie d'éthanol », répond-il aux sceptiques. Donnée intéressante lorsqu'on sait, en plus, que les constructeurs d'automobiles sont déjà en mesure d'offrir un « véhicule flexible » qui consomme 100% d'éthanol!
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Commerce Monde #37 |